INTOLERANCE
AUX PROTEINES DU LAIT DE VACHE :
ASPECTS CLINIQUES
Dr
J.J. RIVES
Pédiatre libéral - 28, rue des Paradoux - 31000 - Toulouse
Attaché des Hôpitaux - Département de Pédiatrie -
Unité de Gastro Entérologie et Nutrition Pédiatrique -
CHU Toulouse - J.T.A 2002
L'intolérance
aux protéines du lait de vache (I.P.L.V.) est relativement imprécise
à définir , puisque cette entité recouvre l'ensemble des
manifestations indésirables induites chez le nourrisson, par le lait
de vache(1-2). La notion d' "intolérance" implique la coexistence
de mécanismes physiopathologiques différents aboutissants à
des expressions cliniques et biologiques variées.
On
s'accorde actuellement, comme cela est proposé par le Comité de
Nutrition de la Société Française de Pédiatrie,
à ce que l'élimination d'une protéine et l'épreuve
de réintroduction permettent d'établir une relation de cause à
effet entre l'ingestion de l'aliment (ou de la protéine) et une réaction
clinique, qu'il s'agisse de manifestations digestives, cutanées ou respiratoires.
Le Comité de Nutrition accepte donc formellement la notion d'allergie,
c'est-à-dire impliquant des phénomènes de nature immunitaire.
Quelques
DATES marquantes pour l'allergie aux P.L.V. (3)
-
1882 - description par Quincke de l'dème angioneurotique
- 1902 - identification par Richer et Portier de l'anaphylaxie
- 1903 - Maurice Arthus décrit le phénomène éponyme,
en utilisant le lait
- 1906 - Von Pirquet introduit le terme d'allergie
- 1907 - Besredka - désensibilisation
- 1923 - Coca et Cooke : atopie
- 1967 - Isolement des IgE
plus spécifiquement :
- 1905 - Finkelstein = choc anaphylactique au lait de vache
- 1910 - accidents au 1° biberon
PARTICULARITES
de l'A.P.L.V.
1
- substances nécessaires à la survie
2 - Diagnostic par épreuve d'exclusion - réintroduction
3 - Obligation de disposer d'un substitut nutritionnel
4 - Tableaux cliniques disparates
5 - Tests cutanés ou humoraux discordants
6 - discordance clinique / histologie
7 - pas de désensibilisation
8 - résolution spontanée
9 - n'existerait que chez le nourrisson
LES
ASPECTS CLINIQUES :
A
- DELAI D'APPARITION
1 - formes aiguës hyper-réagéniques - délai <1h
2 - formes intermédiaires - delai 1 à 2h
3 - formes retardées - delai > 24h
En
fait ces différents types peuvent coexister ou se succéder chez
le même enfant.
B
- LES SYMPTOMES
a)
digestifs :
1 - diarrhée
2 - vomissements
3 - Hématémèse
4 - déshydratation
5 - anorexie
6 - douleurs abdominales - coliques
7 - météorisme
8 - érythème péri-buccal
9 - érythème péri-anal
10 - dème et prurit oro pharyngés
11 - aphtes
b)
Regroupements syndromiques :
1 -
formes aiguës :
-
vomissements + diarrhée
- état de choc Décès
- ± fébrile
2 -
formes chroniques
-
entéropathie |
-
diarrhée ± chronique
- cassure Courbe de poids
Diarrhée
" intraitable " |
-
constipation
- entéropathie exsudative
- entéropathie hémorragique - anémie ferriprive
- (M.S.I.N)
3 -
formes coliques
-
colite - rectite - proctite
- hyperplasie lymphoïde
- entérocolite ± ulcéro nécrosante
- colon irritable
- coliques du nourrisson
c)
formes cutanées
- dermatite atopique
- eczéma
- urticaire
- dermatite herpétiforme
d)
formes respiratoires
- asthme
- rhinite
- otite
- pneumopathie ( de Heiner - (AJDC - 1960)
e)
formes neurologiques
- migraines
- troubles du sommeil
- troubles du comportement
f)
(discuté)
- infarctus du myocarde
- syndrome néphrotique
- thrombopénie
- + aplasie radiale
A
ce polymorphisme clinique correspond un polymorphisme physiopathologique.
>
pour Navarro :
l'APLV aiguë emprunte la voie humorale (IgE)
L'APLV chronique emprunte la voie cellulaire (muqueuse)
>
Il n'y a pas de mécanisme commun aux autres allergies alimentaires comme
les allergies aux protéines
- de Soja
- de riz
- gluten : maladie cliaque
>
Cette dernière a un caractère permanent ,définitif, alors
que l'IPLV est transitoire.
>
La fréquence de l'atopie familiale dans l'APLV a été estimée
de 70 à 10% !
>
La phase de sensibilisation elle-même n'est pas très explicite
:
- in utéro ? quelle voie ?
- par le lait de mère - certitude. [ explique les réactions /
1° biberon]
>
Les anticorps anti PLV (chez le nourrisson au lait de vache) sont des IgE
-> IgA [très peu d'IgE]
Sur
ces bases que peut nous apporter la biologie pour le diagnostic de l'IPLV ?
Eléments
biologiques du diagnostic . ( hors bilan nutritionnel)
- IgE totales
- IgE spécifiques
- TTL
- tests cutanés et TPO
Modalités
de sensibilisation [classification de GELL et COOMBS]
TYPE
|
I
|
II
|
IV
|
|
INTERMEDIAIRE
|
ARTHUS
|
LYMPHOCYTES
T
|
DELAI
|
quelques
heures
|
4
à 12h
|
1 à 3 js
|
FREQUENCE
|
30%
|
50%
|
20%
|
SIGNES
|
diarrhées
aigues
Anaphylaxie <5%
|
hémorragie
dig. entéropathie Exudative
|
Diarrhées
chronique <10%
malabsorption
eczéma
Asthme
|
IgE
|
+
|
-
|
-
|
Qui
plus est, ces différents types sont souvent intriqués.
Le dosage des IgE spécifiques a-t-il la moindre utilité pratique
pour le diagnostic ?
J.
Navarro : " Les RASTS sont d'autant plus positifs que le diagnostic
est évident ! " (4)
Les tests cutanés interrogent les IgE fixés sur les mastocytes
cutanés.
On sait depuis longtemps que l'exploration de l'immunité cellulaire par
le TTL n'est pas spécifique.
On sait depuis peu que les tests de perméabilité intestinale ne
sont pas plus !
- aucun
examen biologique ne nous est utile.
Que
reste-t-il pour le diagnostic ?
LA
CLINIQUE
1°
- nous devrons évoquer l'IPLV devant :
- une forme digestive : aiguë (diarrhées - vomissements)
: prolongée (malabsorption)
- une forme allergique d'expression générale ( ex : urticaire
généralisée)
Ici
le " SENS PEDIATRIQUE " du médecin apparaît irremplaçable.
2°-
Compte tenu des tableaux cliniques rencontrés le diagnostic d'APLV est
très peu probable au-delà de l'âge de six mois.
3°
- Le 2° élément du diagnostic : constatation des effets bénéfiques
rapides du régime d'exclusion, c'est-à-dire : prescription d'un
hydrolysat.
4°
- Le régime d'exclusion doit avoir un effet " spectaculaire ",
c'est à dire rapide et incontestable, sur la disparition des symptômes.
5°
- Le 3° élément du diagnostic : la constatation d'une rechute
à la réintroduction est un vrai test de provocation, avec risque
de choc. On déconseille donc formellement ce test à l'étape
du diagnostic qui sera, de facto, réalisé lors des tentatives
de réintroduction… plus tard !
6°
- Il est donc très important, pour nous, de ne pas poser le diagnostic
d'APLV à la légère et en particulier devant des présentations
cliniques discutables.
La
dernière étape du diagnostic clinique c'est donc la RE-INTRODUCTION
Celle-ci
va permettre un diagnostic, à peu prés formel, mais tardif, s'il
y a rechute.
Par contre l'absence de toute rechute immédiate ou différée
laisse un diagnostic inachevé, mais qui, puisque l'enfant va bien, n'intéresse
plus personne- (mais autorise toutes les suppositions).
Les
modalités :
- varient d'une équipe à l'autre la logique échappant souvent
au lecteur :
les études montrent que :
-50% sont " guéris " à 9 mois
-85% sont " guéris " à 18 mois
il existe des formes chroniques : 1 à 2 ans
des formes prolongées : 5 ou 6 ans !
Les
préconisations :
- au plus tôt après 2 à 3 mois de régime d'exclusion
- en principe avant l'âge de1 an
- si rechute :
plus de 6 mois après.
puis de 6 mois en 6 mois
- en service spécialisé
- Pas de consensus sur les protocoles.
En
guise de CONCLUSION :
Beaucoup
de questions restent non résolues.
-
l'IPLV est-elle une seule et même maladie ?
- l'IPLV est-elle une APLV ?
- Y a-t-il de fausses APLV ?
- Existe-t-il une limite de tolérance clinique ou allergique ?
- Comment s'acquiert la tolérance ?
- Pourquoi une affection est-elle de durée variable ?
- Qu'en est-il des formes de l'adulte ?
- Qu'en est-il de l'effet éventuellement protecteur ou suspensif du lait
maternel ? (ou des laits HA ou des hydrolats poussés ?)
BIBLIOGRAPHIE
1-
OLIVES J.P. BRETON A. Allergies et intolérances alimentaires de l'enfant.
La revue du Praticien 1998 ;48, 389-393
2- FERGUSON A. Definitions and diagnosis of food intolerance and food allergy:
consensus and controversy. J. Pediatr. 1992 ; 121: 507-511
3- NAVARRO J. SCHMITZ J. Allergies alimentaires. in Progrès en pédiatrie
10. 1993 Doin Ed. Paris.
4- NAVARRO J. SCHMITZ J. Allergies alimentaires. in Gastro-entérologie
Pédiatrique 2° édition. 2000 Flammarion Ed. Paris
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