Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Réflexion sur les recommandations en pédiatrie
Année: 2002
Auteurs: - Rives J.-J.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Les conférences de consensus

Réflexion sur les recommandations en pédiatrie

Dr J.J. RIVES

INTRODUCTION

L'exercice de la médecine suppose une formation initiale conduisant à une qualification. Une fois le diplôme obtenu plus rien ne s'oppose à l'exercice de toute une carrière de médecin - même sans contact avec le patient.
Avant d'être une exigence du Code de Déontologie (1), l'actualisation de connaissances est une exigence personnelle.
Mais il s'agit exclusivement de compétences de nature scientifique. La pratique, notion différente, de la médecine, introduit, particulièrement dans le secteur ambulatoire, une relation soignant-soigné qui fait intervenir la relation personnelle et des éléments humains et sociaux qui peuvent influencer la démarche scientifique. (famille, école, travail, loisirs, etc.…)
Il existe donc une situation où alors que les bases scientifiques du raisonnement médical apparaissent bien établies tout un chacun peut constater des comportements médicaux variés, quelquefois contradictoires, voire saugrenus.
Devant ces faits différents organisateurs, dans différents pays, ont élaboré des recommandations dans des domaines apparemment bien établis, pouvant être acceptées par une importante majorité d'entre nous, répondant à une démarche communément admise comme conforme aux données les plus récentes de la science, et conduisant à la meilleure qualité possible dans la plus parfaite économie de moyens.
Pour élaborer ainsi une recommandation, il faut analyser la situation de départ, c'est l'évaluation de la pratique, puis réunir un comité d'experts, venant des divers modes d'exercice, chargé d'élaborer ce qu'il est convenu d'appeler un " consensus. Celui-ci devra ensuite être diffusé à l'ensemble des professionnels concernés, qui jugeront en leur âme et conscience. Enfin, il faut à échéances régulières vérifier si la diffusion d'une recommandation a effectivement eu l'effet escompté sur les pratiques et analyser les résultats pour remettre l'ouvrage sur le métier et…. tout recommencer.

Cette démarche est de fait dérivée du productivisme entreprenieurial, essentiellement d'inspiration anglo-saxonne. Si on l'accepte il faut convenir que chacune de ses étapes doit être régulière.
Que penseriez-vous d'une conférence de Consensus par exemple sur la rhinopharyngite du nourrisson, composée exclusivement d'hospitalo-universitaires, dictant une conduite à tenir inapplicable à des libéraux stupéfaits, menacés de sanctions financières édictées par un organisme d'Assurance agissant sans contrôle, pour économiser une boite d'Octofène® qui n'aurait pas un SMR suffisant, bien que remboursé à 35% ?

Plus sérieusement, le patient du début du 3° millénaire a changé sa relation au médecin. Le pédiatre est en première ligne pour savoir que depuis longtemps déjà les parents vont chercher sur Internet une information qu'ils pensent " sérieuse ". Ils veulent participer à la décision médicale.

Pendant ce temps notre administration a tenté d'imposer sa vue personnelle : l'évaluation des pratiques permettant de repérer des comportements déviants, le contrôle autorise la sanction. Pour dorer la pilule on a orienté la FMC médicale en fixant des thèmes précis et en la finançant pour l'intégrer dans la démarche d'évaluation.

Quoi qu'il en soit nous avons vu, avec retard sur ce que nous connaissions sous le nom d'Evidence Based Médicine (E.B.M.), apparaître des " référentiels ", qui ont même déjà des synonymes : Conférence de Consensus, RMO (2), BPC, RPC…. Et qui sont censés être basés sur des faits démontrés, sans équivoque.

L'E.B.M. comporte donc le risque de se limiter aux éléments quantifiables et irréfutables finalement assez éloignés des sciences du vivant.
Rapidement on glisse de la preuve irréfutable à un " niveau de preuve satisfaisant " (3) puis à un " travail rigoureux " ce qui traduit bien que, même en 2001, la médecine reste un art et pas uniquement une technique basée sur la science.

Les R.C.P et les Pédiatres

"Why don't physicians follow clinical practices guidelines ?"
(CABANA and al. - JAMA 1999.)
 
Et de répondre : 1 RCP inconnue
 
  2 RCP connue, mais non reconnue : - livre de recettes
- atteinte à la liberté de prescrire
- excès normatif
- etc.
Décret du 29 décembre 1999, N°99-1130:
" relatif à l'évaluation des pratiques professionnelles et à l'analyse de l'évolution des dépenses médicales "
- Organise l'évaluation des pratiques libérales par volontariat.

Deux " agences " nous concernant ont été installées :
ANDEM : Agence Nationale pour le Développement de l'Evaluation Médicale
ANAES : Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé

Il s'agit donc bien d'une formalisation, à la mode des pays anglo-saxons, d'un processus destiné à l'amélioration de la qualité des soins et de leurs coûts.

PRENONS DONC DES EXEMPLES :

1/ RHINOPHARYNGITE (4)
Conférence de consensus sur l'antibiothérapie / rhinopharyngite aiguë
Est connue par 60% des pédiatres, mais seulement 45% disent l'appliquer et 7% auraient modifié leur pratique.
Cependant 24% des enfants ont reçu une ABO ! (dont ½ déconseillée par la Conférence de Consensus)

2/ DIARRHEE AIGUE (5)
Référence : évaluer SRO et pratique

A l'admission :

- SRO : 35% (pédiatres 58% - Médecins généralistes 29%)
- Lait de régime 46%
- Médicaments : 94% (AB : 33%)
 
NB : Lille, 326 nourrissons - janvier 96 : 33% déshydratés
1 Décès et 2 séquelles ( pas de SRO !)

Faut-il discuter des indications d'un lait de régime.

3/ REFLUX GASTRO-OESOPHAGIEN. [R.M.O.]
Ne concerne que le secteur libéral !

4/ FLUOR
Recommandations sur l'administration du fluor en santé bucco dentaire liée à l'enfance en France. 2000 - UFSBD

préconise le fluor médicamenteux : - de 6 mois à 3 ans : 0.25mg/j.
- de 3 à 6 ans : 0.50mg/j.
- > 6 ans : 1mg/j.
 

Murray 1993 (U.K.) : "fluridation should start at birth"
Groeneveld 1990 (Netherlands): " the best effect if…. from birth"
Prescrire 1996 : référence aux recommandations canadiennes
Droz AFP, juin 2001 : "Aujourd'hui les auteurs américains et européens retardent de 6 mois la supplémentation du fluor et ne la préconisent qu'à partir de l'éruption de la première dent "
(0 à 6 mois : 0 - 6 à 36 mois 0.25mg/j.)

[Or la première molaire permanente (dent de 6 ans) débute sa minéralisation à la naissance, sa maturation est la plus courte elle est donc très exposée à la carie : 35% (73% du CAO).]

* NDLR : "la grande majorité des recommandations sont en accord avec celles de l'article de DROZ et al. à l'exception de l'âge de début de la supplémentation - en effet l'AFSSAPS le recommande dès la naissance. "

5/ BRONCHIOLITE

Conférence de Consensus septembre 2000.
" leur teneur n'engage en aucune manière la responsabilité de l'ANAES "

Base : 460 000 nourrissons par an, encombrement du système de soins, ambiguïtés diagnostiques et disparités de prises en charge.

1. L'état des connaissances sur le thème retenu est jugé insuffisant.
2. Données de la littérature parfois contradictoires
3. Pourquoi seuls 20% des nourrissons atteintes par le VRS font-ils une bronchiolite ?
4. Le diagnostic est clinique. Aucun examen complémentaire n'est indiqué.
5. La mortalité est souvent nulle dans les séries récentes.
6. L'évolution vers un asthme est essentiellement conditionnée par l'existence d'une atopie.
7. L'hospitalisation s'impose en présence d'un critère de gravité.
8. Une SaO2 < 94% est un des indicateurs de gravité - l'absence d'étude ne permet pas de conclure sur son caractère indispensable en médecine de ville.

9. Quels traitements ? Hydratation, nutrition et couchage à 30°.  
  Désobstruction nasale et exclusion du tabac.  
  Médicaments Broncho-dilatateurs inutiles et pas d'A.M.M.
    Corticoïdes efficacité non démontrée
    Antiviraux " Il n'y a pas lieu.. "
    Antibiotiques non indiqués
    Antitussifs aucune indication
    Muco-actifs aucune indication
    Oxygénothérapie à l'hôpital
10. Mention spéciale pour la Kinésithérapie. (Conférence de Consensus Lyon 1994.)
  1. Des travaux de validation doivent être poursuivis pour obtenir une base scientifique solide.
2. Sa prescription n'est pas systématique, elle dépend de l'état clinique. (sans donner aucun critère)
3. Exclusivement par kinésithérapeutes spécialement formés.
11. Comment améliorer l'organisation des soins ?
  En ville : " redonner au médecin une place centrale dans la filière de soins… "
A l'hôpital : " organiser un accueil et une orientation pertinente : retour en médecine ambulatoire.. "
12. Prévention : lavage des mains à l'eau et au savon
Décontamination des surfaces en collectivité
Entrée en crèche après l'âge de 6 mois - prolongation du congé de maternité.

CONCLUSION.

Les recommandations dites de bonne pratique clinique devraient être un élément essentiel de la décision médicale. Tout médecin confronté à un cas inhabituel recherche l'expérience de ses confrères, soit par des recherches bibliographiques (de plus en plus par Internet), soit en interrogeant des collègues faisant autorité, recherchant ainsi la conduite à tenir la plus pertinente.
Que l'Administration, nos Tutelles, organisent un système offrant la meilleure accessibilité des sources de référence en utilisant les capacités techniques offertes par le développement de l'informatique, des bases de données et d'Internet, eut été un vrai service rendu aux médecins et aux malades. Cela aurait même eu un certain panache !
Par contre que l'on utilise des arguments négatifs, culpabilisants pour les praticiens, comme le fait la CNAM par exemple, pour justifier une politique faite de contraintes, utilisant l'évaluation à des fins pseudo-économiques, conduisant à des menaces de sanctions jusqu'aux plus graves comme l'interdiction d'exercer, constitue un abus de confiance. D'autant que dans le même temps nos gestionnaires persistent à rembourser des pratiques non évaluées, et honorent certains praticiens en créant une spécialité non reconnue : les médecins à exercice particulier.
L'expérience démontre que toute action élaborée sans tenir compte de son acceptation par ceux qui sont chargés de l'appliquer est vouée à l'échec. Je souhaite simplement que, le plus rapidement possible, le bon sens reprenne le dessus. Je rêve seulement que notre Société Savante, la Société Française de Pédiatrie, qui aurait là un rôle éminent à jouer, instaure des commissions d'élaboration de références pédiatriques en impliquant les pédiatres des différents modes d'exercice et publie ses référentiels par les moyens modernes d communication, par exemple son site Internet, et que chaque pédiatre, en son âme et conscience puisse les utiliser sans arrière pensée.

BIBLIOGRAPHIE

1- SAURY R. La conférence de consensus : valeur médico-juridique. Bulletin de l'Ordre des Médecins, Mai 1994
2- PAOLAGGI J.B., COSTE J. Le raisonnement médical, de la science à la pratique clinique. pp 230-233 ; 2001 ESTEM Ed.
3- DURIEUX P. & Coll. Mise en œuvre des recommandations médicales : revue systématique des revues systématiques. Gastroenterol. Clin. Biol. 2000; 24:1018-1025
4- CHALUMEAU M. & Coll. Connaissance et application par des pédiatres de ville de la conférence de consensus sur le rhinopharyngites aiguës de l'enfant. Arch. Pédiatr. 2000 ; 7 : 481-8
5- MARTINOT A. & Coll. Evaluation du traitement ambulatoire des diarrhées aiguës du nourrisson. Arch. Pédiatr. 1997 ;4 : 832-838