PLACE
DES ALIMENTS FONCTIONNELS ET DES NOUVEAUX ALIMENTS EN PEDIATRIE AMBULATOIRE
Dr Jean-Jacques
RIVES
Pédiatre, Attaché
des Hôpitaux, Hôpital des Enfants, C.H.U Toulouse. & Ambulatoire : 28 Rue des
Paradoux, 31000 Toulouse. Responsable du Groupe de Gastro-entérologie et Nutrition
Infantile de l'Association Française de Pédiatre Ambulatoire (A.F.P.A.)
Face
à la dépendance absolue du nourrisson, en particulier pour son alimentation,
les familles attendent du pédiatre qu’elles consultent qu’il leur propose la
meilleure alimentation possible. Ceci sous-entend à la fois la meilleure alimentation
pour un nourrisson normal, les meilleures solutions diététiques devant un symptôme
digestif ou nutritionnel, mais aussi l’alimentation la plus sûre quant aux risques
potentiels. Notre rôle ne se limite plus au conseil diététique mais s’étend
vers la prévention nutritionnelle à court et long terme.
Cette
exigence des familles a été analysée par une enquête, effectuée par le Groupe
de Gastro-Entérologie et Nutrition de l’A.F.P.A., portant sur plus de 2000 familles
et présentée au X°Congrès de l’A.F.P.A. – juin 2000 – Paris, où le pédiatre
apparaît comme le spécialiste de la nutrition des enfants, clairement identifié
en tant que tel par les parents.
Par
ailleurs, en une génération, nous sommes passés, sur le plan industriel, de
ce qui n’était qu’un lait de vache partiellement écrémé et saccharosé, à des
produits " maternisés " puis " adaptés "
dont le but était de s’approcher de l’idéal représenté par le lait maternel.
Une seconde étape fut de modifier ce produit industriel de base pour tenter
de l’ajuster à certaines fonctions et envisager des actions à orientation préventive.
En exercice
ambulatoire, le pédiatre dispose d’une gamme de produits très complète destinée
aux nourrissons et enfants en bas âge. Certains produits sont traditionnels,
d’autres ont une composition différente ; ce sont donc des produits spécialisés
avec des indications spécifiques, par exemple :
- Modification/Protéines
–> Laits pour prématurés.
- Hydrolyse/Protéines
–> laits pour intolérance aux Protéines du Lait de Vache (I.P.L.V)
- Hydrolyse partielle
(laits HA) –> allergie familiale.
- Epaississants->
régurgitations.
Enfin,
spécifiquement, on nous propose maintenant d’agir sur des fonctions organiques
comme le transit intestinal ou l’immunité générale et une fonction préventive.
Les arguments utilisés par les publicitaires nous paraissent infinis.
Dans
ce domaine le pédiatre doit décoder deux messages, celui des attentes des familles
et celui des industriels et rapprocher l’offre de la demande.
- La
demande
est représentée par les symptômes divers ressentis par les nourrissons :
cris et pleurs, selles molles ou dures, transit rapide ou lent, ballonnements
– gaz, mauvais appétit ou apparent inconfort post-prandial – la courbe de
poids reste toujours notre " étalon-or "
D’évidence, c’est une symptomatologie fonctionnelle.
- L’offre,
c’est une série d’informations en provenance de l’industrie, soit vraie information
professionnelle- soit sous la forme d’une vulgaire réclame, parfois intellectuellement
désobligeante. Nous percevons maintenant que les nouveaux aliments fonctionnels
sont très à la mode.
D’évidence
on nous propose des indications fonctionnelles.
- Rapprocher
la demande de l’offre c’est
aboutir à une prescription diététique par adéquation aux données les plus
actuelles de la science.
Pour
cela nous interprétons la demande des familles ; c’est à quoi notre formation
et notre pratique nous rodent.
Déchiffrer les messages publicitaires des industriels est plus périlleux.
La demande de formation continue des pédiatres, et des médecins en général,
en diététique infantile, est une réalité à la mesure de la masse des informations
reçues. (Etude IPSOS pour KELLOG’S). Ce d’autant plus que les pédiatres conçoivent
les problèmes nutritionnels comme préoccupants et se sentent concernés par
l’augmentation de l’obésité infantile, des déséquilibres alimentaires, et
de mauvais comportements alimentaires : grignotage, " snacking ",
etc. Sans parler des toxiques de la chaîne alimentaire comme les dioxines.
A l’heure
de la médecine basée sur la preuve, la diététique infantile ne peut plus se
satisfaire d’allégations, d’affirmations péremptoires, de persuasions par réitération,
d’incrimination ou d’évocations donnant une illusion à la réalité.
LES
PRODUITS
La centaine
de produits proposés pour l’alimentation du jeune enfant de moins de trois ans
s’inscrivent dans deux grandes rubriques : [selon ma terminologie]
1 – LAITS TRADITIONNELS :
- Laits pour prématurés :
- Laits " maternisés " (100% lactose)
- Laits 1° âge (de 0 à 4 mois)
- Laits 2° âge (de 4 à 12 mois)
- Laits " croissance " (de 12 à 36 mois)
- lait 1° & 2° âge (de 0 à 12 mois)
2 – ALIMENTS LACTES PARTICULIERS.
[à fonction particulière]
- sans lactose
- anti-diarrhéiques
- sans protéines du lait de vache (soja, hydrolysats vrais)
- réduits en P.L.V. (H.A)
- avec modification lipidique (Acides Gras Essentiels)
- anti-constipation
- anti-régurgitations (A.R)
- avec nucléotides
- avec flore bifidogène
- avec fibres (etc. ??)
LES INDICATIONS
1 – TRADITIONNELLES
- < 4 mois = alimentation
lactée exclusive { L. pour prématurés
{ LAITS 1° age
- > 4 mois = alimentation
diversifiée {laits 2° age
{laits " croissance "
Ces indications
sont liées à l’age.
Ces produits conviennent, et suffisent, à la très grande majorité des enfants
suivis dans nos consultations.
2 – PARTICULIERES
- Régurgitations ->
lait AR (1° et 2° âges) : épaissis à l’amidon de maïs, de pomme de terre
ou de farine de graines de caroube
- Diarrhées aiguës ->
- aliments réduits en lactose :
HN25® (2.4g/100ml)
Diarigoz® (1,3g/100ml)
- aliments sans lactose :
AL 110®
O-LAC®
DIARGAL®
SOJA (s) etc.…
- Intolérance
aux P.L.V. (I.P.L.V.) :
- SOJA (s)
- hydrolysats
de porc + soja - PREGOMINE®
de PLV
Ces
3 premières catégories font quotidiennement la preuve de leur utilité dans leurs
indications thérapeutiques spécifiques, (comme les produits spéciaux
pour les maladies métaboliques (Lofénalac® ) etc.…
- Pour
nous, pédiatres libéraux, les produits pour nourrissons et enfants en bas âge
que nous considérons comme fonctionnels et/ou nouveaux se retrouvent dans les
grandes catégories d’indications suivantes :
-
Prévention des allergies :
hydrolysats partiels Laits
H.A
-
Action sur l’immunité :
nucléotides.
MODILAC 1®
A.G.P.I. MILUPAN®
-
Action contre la constipation :
magnésium MODILAC
TRANSIT®
bifidus GUIGOZ
TRANSIT®
-
Action sur les coliques du nourrisson :
flores bifidogénes PELARGON®
GALLIA
LACTOFIDUS®
-
" MISCELLANEES " [ du latin :
" miscellanea ", : choses mêlées, mélange.
(Littré.)]
- SOJA + Amidon SOJA
NUTRICIA®
- Amidon de maïs + bifidus GUIGOZ
TRANSIT®
- Amidon de maïs et de pomme de terre + bifidus
NIDAL
CONFORT bifidus BL®
GALLIA
PREMIUM®
- Hydrolysats partiels épaissis + bifidus + fibres
OMNEO®
CONFORMIL®
Nous
avons un peu de mal à nous y retrouver et malgré les efforts de délégués, tous
très bien formés et sympathiques, nous restons quelquefois sur des interrogations.
Il est essentiel pour nous et pour nos clients que les nouveaux aliments fonctionnels
proposés aux nourrissons prouvent leur effet bénéfique sur au moins une fonction
organique, qu’il soit démontré qu’ils améliorent réellement l’état de santé
ou de bien-être, ou qu’ils réduisent un risque pathologique ; comme l’adaptation
des apports sodés du lait de vache dans les laits infantiles a prouvé sa capacité
à faire régresser le risque de " toxicose ".
Par contre, il ne nous paraît pas suffisant d’affirmer que l’adjonction de flores
bifidogénes réduit tel ou tel symptôme sans le prouver par des études cliniques
portant sur des séries plus importantes qu’aujourd’hui.
CONCLUSION
Face
à des symptomatologies digestives de type fonctionnel, l’industrie agroalimentaire
propose maintenant aux pédiatres des aliments fonctionnels et nouveaux, censés
améliorer l’état de santé ou de bien-être des nourrissons, voire réduire un
risque ultérieur. La revue de ce que propose le marché actuel des laits pour
nourrissons permet au pédiatre ambulatoire, sous l’éclairage de sa pratique
quotidienne, de poser des questions nouvelles aux experts, universitaires ou
des sociétés qui les commercialisent.
|