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Titre: Erreurs en pédiatrie : les recommandations de pratique clinique en pédiatrie
Année: 2005
Auteurs: - Snadjer M.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: evidence base medecine

Erreurs en pédiatrie : les recommandations de pratique clinique en pédiatrie

Marc SZNAJDER

« Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit », c'est de la prose ? »

L'opposition Evidence Based Medicine (EBM) versus Experience Based Medicine a probablement quelque chose de factice. Tel Mr Jourdain, nous exerçons, à des degrés divers et parfois à notre insu, une médecine basée sur des preuves, tout en faisant fonctionner « bon sens » clinique basé sur notre propre expérience, et avis de nos aînés : « Mon maître en Médecine, je le mettrai au même rang que mes parents » (Serment d'Hippocrate).

Mais songeons à certains dogmes, au poids des us et coutumes, aux « mandats » intergénérationnels : « la PL ?, on y a pensé, on la fait » !

« Le patron aime bien ceci ou cela », « dans le service on fait ceci ou cela ». L'avis de nos aînés, même considérés comme des experts, ne représente qu'un avis isolé, à supposer même qu'il soit au faîte de la connaissance sur un sujet donné. D'autre part l'exercice de la pédiatrie se prête mal à un rigorisme méthodologique désincarné, compte tenu de sa forte composante relationnelle et émotionnelle.

Dès lors quel est l'intérêt et quelles sont les limites des RPC en pédiatrie ? Quelle peut être leur contribution par rapport aux erreurs médicales, survenant en milieu hospitalier ou libéral ?

Analyse des déterminants de la décision

en pédiatrie libérale : une démarche dialectique

Tout praticien doit aussi louvoyer entre deux écueils :

•   « l'intensité de l'émotion risque de combler l'ignorance des faits voire le mépris du raisonnement ;

•   l'alibi de la rigueur scientifique conduit à un transfert des responsabilités et des compétences vers la technologie voire aux décisions informatisées » (Janicek M. Epidémiologie clinique 1985).

De plus deux contraintes majeures régissent la pratique pédiatrique :

•   le souci de rassurer la famille et de garantir le confort de l'enfant, en lui évitant autant que possible des investigations inutiles et fastidieuses ;

•   et celui de minimiser le risque d'erreur, de « ne pas passer à côté de... », problème médical et éthique classique, et problème juridique émergent s'il en est.

Au cours des JTA 2002, J. Ghisolfi (Toulouse) avait déjà abordé cette question (« Médecine basée sur les preuves et médecine basée sur le bon sens : s'agit-il de deux notions antinomiques ? Regard sur la pédiatrie »), et la résumait avec clarté :

« Le bon sens conduit à l'évidence à ne proposer qu'une médecine basée sur les preuves. Encore faut-il que ces preuves existent, que les recommandations qu'elles amènent soient applicables et que, lorsqu'elles sont encore insuffisantes, elles ne soient pas un frein au progrès médical. Ce n'est pas de la rigueur médicale, mais du bon sens de considérer que les preuves sont évolutives en fonction du progrès des connaissances et que la vérité d'hier n'est pas toujours celle d'aujourd'hui et de demain. »

Pédiatrie fondée sur les meilleures preuves... disponibles

Pourtant on peut admettre que notre « art médical » doit tendre vers un optimum théorique basé justement sur « l'état de l'art », et que le choix des meilleures options permettant d'y parvenir doit être constamment éclairé.

W. Feldman [1] se donne comme objectif théorique de « pratiquer la pédiatrie suivant les principes de l'EBM, qui consiste à prodiguer aux enfants des soins basés sur les meilleures preuves disponibles, indiquant que ces soins sont plus utiles que nuisibles. »

La référence au classique primum non nocere, à la base de toute démarche médicale, est fondamentale : « Dans toute maison où je serai appelé, je n'entrerai que pour le bien des malades. Je m'interdirai d'être volontairement une cause de tort ou de corruption.... » (Hippocrate).

Il évoque par exemple les problèmes psychologiques et pratiques liés à l'étiquetage « souffle cardiaque », infligé à des enfants ayant presque toujours un souffle infraclinique [2]. Ou encore la détermination systématique de la cholestérolémie chez des enfants en bonne santé: rien ne prouve actuellement que ce dépistage réduise la morbidité et la mortalité d'origine cardiaque chez l'adulte ; reste à préciser les implications physiques, psychologiques, voire économiques d'un tel programme de dépistage.

L' « offre » d'examens complémentaires dans l'évaluation des pathologies de l'enfant conduit parfois à leur usage excessif. Un déluge d'examens était courant chez les enfants présentant une énurésie nocturne primaire - analyse d'urine, uroculture, échographie, voire cystographie- afin d'éliminer une éventuelle néphropathie. La plupart de ces examens ne sont plus pratiqués parce que certains sont coûteux et d'autres pénibles, et qu'aucun d'entre eux n'a fait la preuve de son utilité [3].

L'inutilité de l'échographie dans les douleurs abdominales récurrentes de l'enfant constitue un autre exemple de l'absence d'intérêt de bilans de routine face à des problèmes pédiatriques courants. Une étude descriptive déjà ancienne a montré qu'aucun enfant n'a tiré bénéfice de cet examen ; dans un certain nombre de cas ses résultats avaient été jugés anormaux, ce qui avait amené à entreprendre d'autres investigations et consultations [4]. Le suivi ultérieur de ces enfants n'a conduit chez aucun d'entre eux à réviser le diagnostic ou à identifier un problème curable.

Ces exemples illustrent la question des faux positifs, qui, un peu comme avec la radiographie « systématique » du bassin pratiquée au 4e mois, peuvent entraîner une surconsommation médicale importante.

C'est dans la catégorie de soins pédiatriques qu'a été accumulé le plus grand nombre de données prouvant qu'ils sont plus utiles que nuisibles. L'existence de preuves solides de l'efficacité et de la tolérance de certains traitements en pédiatrie a été permise par des études d'évaluation thérapeutique incontestables au plan méthodologique. Ainsi, dans la maladie chronique la plus fréquente de l'enfant, l'asthme, l'administration prophylactique de corticoïdes inhalés est indiscutablement plus utile que nuisible [5].

La pédiatrie fondée sur les preuves apparaît ainsi comme une nécessité, à la fois scientifique et éthique (offrir les meilleures chances de résultats) et médico-légale (réduire le risque d'erreur).

Quelques notions de base sur les RPC

Les méthodes propres à faire émerger des référentiels permettant de « soigner en conformité avec l'état de l'art » peuvent être informelles ou standardisées.

1. Méthodes informelles

Elles concernent un avis d'expert, pris isolément, ou un consensus entre experts, obtenu de manière intuitive (jugement global subjectif). Ces méthodes traditionnelles se sont progressivement effacées au profit de méthodes issues du continent nord-américain, se voulant plus rigoureuses.

2. Méthodes standardisées

Elles cherchent à modéliser ou à quantifier l'avis des experts. Deux voies peuvent être choisies : la conférence de consensus ou les recommandations de pratique clinique. Toutes deux ont en commun de devoir distinguer entre ce qui relève de la preuve scientifique, de la présomption et de standards justifiés par la pratique.

La conférence de consensus [6] vise à définir une position consensuelle dans une controverse portant sur une procédure médicale. Suite à un agencement proche du modèle judiciaire, notamment grâce son caractère publique, la conférence délègue à un jury la mission de rédiger « à chaud » des recommandations.

Les recommandations pour la pratique clinique (RPC) (guidelines en anglais) [7] sont des « propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données ». Leur but est « d'établir des recommandations explicites avec l'intention délibérée d'influencer la pratique médicale ». Elles reposent sur la sélection, la synthèse et l'analyse objectives d'une littérature abondante par un groupe de travail multidisciplinaire et multiprofessionnel, chargé d'élaborer les recommandations au terme d'une prise en compte de l'avis d'experts également multiprofessionnels et multidisciplinaires.

Les références médicales opposables (RMO) ont été établies selon cette méthodologie.

Les points importants sont bien entendu la diffusion et l'impact de ces recommandations, dont le projet d'évaluation est théoriquement consubstantiel à leur élaboration. La diffusion des connaissances est aujourd'hui facilitée par les nombreux media disponibles : sites Internet, brochures, symposia,...). La mesure de leur impact est plus délicate, et peut s'opérer à différents niveaux : connaissances, attitudes, comportements, état de santé de la population cible.

Analyse critique des RCP en pédiatrie :

des réunions d'experts au terrain

Impact des recommandations

De nombreuses publications s'intéressent à l'impact sur le terrain des RCP, ainsi qu'aux freins éventuels à leur mise en œuvre.

L'impact d'une conférence de consensus sur l'usage des antibiotiques au cours de la rhinopharyngite aiguë a été évalué sur un panel de 56 pédiatres libéraux franciliens, à la fois en terme de connaissances et en terme de prescriptions [8].

Soixante pour cent d'entre eux déclaraient connaître les conclusions de cette conférence de consensus, 54 % déclaraient y adhérer ; mais seulement 7 % estimait que leur pratique quotidienne en avait été modifiée. Les autres indiquaient soit qu'ils appliquaient ces recommandations « avant la lettre », soit qu'elles n'étaient pas adaptées à la pratique.

Quarante cinq pour cent des pédiatres interrogés pensaient que certains antibiotiques (surtout amoxicilline et josamycine) avaient une AMM pour la rhinopharyngite aiguë (ce qui est inexact). Aucun facteur socioprofessionnel ne modifiait significativement le taux de connaissance de la conférence de consensus. Plus de la moitié des enfants traités au cours de la période d'étude a reçu des antibiotiques, de manière non conforme aux recommandations.

Les auteurs soulignent un certains nombres de points : l'impact modeste de la diffusion de la conférence de consensus auprès des pédiatres libéraux, notamment dans leurs supports d'information habituels, pédiatres pourtant sélectionnés par leur appartenance à un réseau de FMC ; a fortiori l'impact tout aussi faible sur leurs prescriptions ; et quelques problèmes méthodologiques concernant notamment la rédaction des recommandations issues de cette conférence. Ils proposent, à juste titre, de tester sur le terrain de telles recommandations avant leur diffusion.

Une autre conférence de consensus, consacrée à la bronchiolite aiguë du nourrisson, semble avoir été mieux couverte; plusieurs enquêtes d'évaluation réalisées trois ans plus tard ont montré que parmi les 80 % de pédiatres ayant été informés de ses conclusions, 80 % l'avaient été par la presse médicale (pour le reste : 5 % par l'ANAES, 15 % par voie de FMC) [9]. Pour la majorité des médecins sondés, les critères diagnostiques de bronchiolite, les indications d'examens complémentaires et les critères de recours à l'hôpital étaient en conformité avec les recommandations des experts. En revanche les traitements médicamenteux prescrits (notamment inhalés) en étaient souvent éloignés, les praticiens invoquant leur propre expérience de terrain, avec toutefois une certaine confusion entre bronchiolite et asthme du nourrisson, et la pression des familles vis-à-vis des antibiotiques. Avec une pointe d'ironie, les auteurs concluent sur l'adhésion quasi-unanime à la kinésithérapie respiratoire, que la conférence a validé dans cette indication en dépit de l'absence d'évaluation scientifique... mais la présence en grand nombre de kinésithérapeutes dans le public était sans doute une coïncidence !

D'autres questions sont pointées dans la littérature, comme une connaissance parfois superficielle par les praticiens de RCP dont la complexité peut freiner l'appropriation, ainsi que d'éventuels freins d'ordre économique dans leur application. Ainsi Rushton et coll. [10] ont évalué l'adhésion aux guidelines relatives aux troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité (TDAH) établis par l'Académie Américaine de Pédiatrie (AAP). Plus d'un milliers de praticiens du Michigan ont été interrogés par courrier. Ce travail est intéressant à plusieurs titres :

•   si 60 % des généralistes déclaraient connaître les guidelines, c'était le cas pour plus de 90 % des pédiatres interrogés ;

•   mais il s'avérait que seuls 26 % des cliniciens utilisaient en routine les quatre arguments diagnostiques définis par l'AAP, et qu'un certain nombre pratiquait des examens de biologie et d'imagerie non recommandés ;

•   si 6 7% déclaraient suivre les recommandations en matière de traitement pharmacologique et de dosage de médicament au cours du premier mois de traitement, seule la moitié des praticiens assurait un suivi régulier des enfants (3-4 fois/an) ;

•   les deux tiers des praticiens se plaignaient d'un manque de ressources en matière de santé mentale dans leur région, et la moitié soulignait un défaut de compliance au traitement liée à une accessibilité financière limitée de certains de leurs patients par manque de couverture sociale.

Analysant le faible impact des recommandations (issues de sociétés savantes) concernant l'usage des solutés de réhydratation orale (SRO) au cours des diarrhées aiguës, une équipe lilloise rappelle que « la probabilité que des recommandations soient suivies est d'autant plus grande qu'elles ont été développées en interne (localement par les médecins qui vont les utiliser), sont diffusées comme un élément d'un programme de formation, et peuvent être rappelées au moment même de la consultation. » [11]. De plus les incitations financières (les SRO n'étaient pas encore remboursées par l'Assurance Maladie au moment de l'étude) jouent sans doute un rôle non négligeable.

Des recommandations, pas des obligations

Le caractère de recommandation et non d'obligation doit aussi être souligné, avec l'idée implicite que la vérité du moment peut naturellement évoluer et se trouver rapidement battue en brèche. UN exemplaire très spectaculaire de ces dernières années, tant dans sa conception diamétralement opposée aux recommandations précédentes que dans ses résultats, est celui de la position de sommeil ventrale des nourrissons en prévention de la mort subite inexpliquée.

A propos de guidelines nord-américaines concernant l'otite séreuse, les auteurs fixent le cadre [12] : « Ces recommandations sont destinées à l'usage de tous les « soignants » intervenant auprès de l'enfant (généralistes, pédiatres, ORL, neurologues, infirmières, orthophonistes...) »... « Elles ne doivent pas être considérées comme l'unique source méthodologique d'évaluation de l'otite séreuse de l'enfant, mais sont plutôt conçues pour aider tous les soignants et cliniciens en leur fournissant un canevas d'aide à la décision basé sur les preuves. Elles ne sont pas destinées à se substituer au jugement clinique ou à établir un protocole pour tous les enfants dans cette situation, et peuvent ne pas constituer la seule approche pertinente pour diagnostiquer et prendre en charge ce problème. »

Les RPC, même établies de façon rigoureuse, peuvent s'avérer discutables à l'épreuve... d'autres épreuves. C'est par exemple ce qu'ont pu démontrer Chalumeau et coll. [13]. Cette équipe pédiatrique parisienne a testé la validité de diverses guidelines américaines, sur le risque de tumeur cérébrale au cours des pubertés précoces chez la fille, et la sensibilité d'une règle de décision basée sur l'âge d'installation des troubles et le taux d'oestradiol. A partir d'une enquête rétrospective européenne, ces auteurs montrent que, outre le fait que les précédentes recommandations US « laissent passer » des lésions cérébrales, leur propre règle de décision, établie par régression logistique, identifie comme facteur de risque indépendant l'âge inférieur à 6 ans et un taux d'oestradiol supérieur au 45e percentile, et accordent à cette méthode de détection une sensibilité de 100 %, permettant de poser l'indication d'une imagerie cérébrale à bon escient.

Quelques pistes... à recommander

pour la prise en compte des RCP

« Par ma foi! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j'en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m'avoir appris cela. » (Toujours le même !)

Il paraît fondamental que les RCP puissent être prises en main sur le terrain, par les principaux intéressés eux-mêmes, et être discutées par des groupes de pairs avant leur diffusion. Par exemple le guide d'aide à l'orientation téléphonique, rédigée par le Groupe de Pédiatrie Générale de la SFP, a connu de nombreuses rotations entre groupes de pairs et paires d'experts (hospitalier et libéral) (merci Internet !), et a été testé sur le terrain par des associations de FMC avant sa publication.

L'épidémiologie clinique (Jenicek 1985), qui introduit dans le raisonnement médical les instruments d'aide à la décision dérivés de l 'épidémiologie, y compris les méthodes de lecture critique (atelier à proposer pour de futures JTA), est une forme de réponse à l'incertitude de la pratique médicale. La connaissance et l'appropriation de ces instruments (sensibilité, spécificité, rapport de vraisemblance, valeurs prédictives, analyse coût-avantage, ...) devraient être encouragées au cours de sessions de FMC.

Par exemple il n'est pas inutile de comprendre que si, en cas de fièvre isolée chez un nourrisson, la négativité de la bandelette urinaire dispense de pratiquer un ECBU, ou celle du strepto-test en cas d'angine permet d'éviter les antibiotiques, la valeur prédictive négative de ces tests (c'est-à-dire la probabilité de ne pas avoir la maladie quand le test est négatif) est proche de 100%. On comprendra aussi que la présence d'une hyperleucocytose au cours de l'appendicite aiguë, chère aux chirurgiens, est un signe qui manque de sensibilité (probabilité d'avoir le signe quand la maladie est présente), de même que la radiographie standard du crâne après traumatisme crânien pour dépister une complication cérébrale (Conférence de Consensus de 1990).

La notion de spécificité peut être illustrée par son complément : le taux de faux positifs, élevé pour la radiographie « systématique » du bassin au 4e mois, surtout du temps où le traçage des lignes de Putti masquait la concavité des cotyles !

Les méthodes de lecture critique ont aussi leur importance. Il existe en particulier une grille dite AGREE (Appraisal of Guidelines Research and Evaluation) qui se propose d'évaluer la qualité des RPC [14,15], vérifiant notamment que les biais potentiels lors de leur élaboration ont été pris en compte de façon adéquate, que leur validité interne et externe est assurée et qu'elles sont applicables en pratique. Cela nécessite de prendre en compte les bénéfices, les risques, les coûts et les conséquences des recommandations. L'évaluation inclut aussi un jugement sur les méthodes utilisées pour l'élaboration des RPC, leur contenu final et les facteurs liés à leur appropriation.

UN point important est d'identifier le niveau de preuve et le grade de recommandation définis par l'ANAES (tableau II), qui transparaît d'une publication, et de manière générale, de s'astreindre à lire un article comme si l'on était soi-même « reviewer », devant donner un avis argumenté avant sa publication.

Tableau II. Niveaux de preuve et grades de recommandations
(grille du groupe de Sackett adapté d'après l'ANAES)

Grade des recommandations [extrait de la partie méthodologique des recommandations de l'ANAES].

Selon le niveau de preuve des études sur lesquelles elles sont fondées, les recommandations proposées sont classées en grade A, B ou C selon les modalités suivantes :

•   une recommandation de grade A est fondée sur une preuve scientifique établie par des études de fort niveau de preuve, par exemple des essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur et/ou méta-analyse d'essais contrôlés randomisés, analyse de décision basée sur des études bien menées ;

•   une recommandation de grade B est fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve, par exemple essais comparatifs randomisés de faible puissance, études comparatives non randomisées bien menées, études de cohortes ;

•   une recommandation de grade C est fondée sur des études de moindre niveau de preuve, par exemple études cas-témoins, séries de cas.

Savoir raison garder

Evoquons le dogme de l'allaitement maternel exclusif, supposé prévenir- ou suspendre- la survenue de phénomènes allergiques [16]. Faut-il culpabiliser les mères qui « négocient » de pouvoir donner un biberon de temps en temps pour pouvoir « souffler » un peu ? La récente publication de Zutavern [17] sur l'inutilité d'une diversification alimentaire retardée en prévention des allergies, a semé le trouble dans le microcosme allergo-pédiatrique. De plus qu'est-ce qu'un « terrain allergique » : un parent, deux parents, un grand parent ? Les recommandations varient selon les sociétés savantes.

Et les parents dans tout cela ?

Leur rôle est essentiel dans l'acceptation et la mise en œuvre des recommandations du médecin. Leur niveau croissant d'information n'est pas un frein, mais plutôt une composante incontournable obligeant le praticien à argumenter ses choix, ce qui n'est pas en soi un mauvais exercice. Par ailleurs l'existence de RCP permet au médecin de s'y adosser face à des parents exigeants, voire en cas de litige d'ordre médico-légal.

En guise de conclusion, je ferai appel - malgré tout !- à deux de mes maîtres :

B. Grenier. Evaluation de la décision médicale (Masson ed.) :

« Le clinicien doit revendiquer et assumer la responsabilité ultime de la décision : cette responsabilité exige qu'il soit familier des méthodes contemporaines d'analyse, de l'évaluation des bénéfices et des coûts dans leurs dimensions objectives et subjectives, et du choix d'une décision qui soit à la fois rationnelle et raisonnable. »

M. Maïmonide, médecin de Cordoue (1135-1204). La prière médicale :

« Fais que je ne vois que l'Homme dans celui qui souffre...Eloigne de moi l'idée que je peux tout. Donne moi la force, la volonté et l'occasion d'élargir de plus en plus mes connaissances ».

Bibliographie

[1]   FELDMAN W. EBM Journal (édition française) 1999 ; N°18:7-8

[2]   BERGMAN AB, STAMM SJ. The morbidity of cardiac nondisease in schoolchildren. N Engl J Med 1967;276:1008-13.

[3]   FITZPATRICK K, PAISLEY M, TALLETT S, FELDMAN W. The value of urinalysis and urine culture in the evaluation of primary nocturnal enuresis [Abstract]. Paediatrics and Child Health 1997;2(Suppl A):58A.

[4]   SHANON A, MARTIN DJ, FELDMAN W. Ultrasonographic studies in the management of recurrent abdominal pain. Pediatrics 1990;86:35-8.

[5]   CALPIN C, MACARTHUR C, STEPHENS D, et al. Effectiveness of prophylactic inhaled steroids in childhood asthma: a systematic review of the literature. J Allergy Clin Immunol 1997;100:452-7.

[6]   ANAES. Conférences de consensus ; base méthodologique pour leur réalisation en France. 1999 Paris.

[7]   ANAES. Les recommandations pour la pratique clinique ; base méthodologique pour leur réalisation en France. 2000 Paris.

[8]   CHALUMEAU M, SALANAVE B, ASSATHIANY R, KEMENY J, BREART G. Office-based pediatricians' knowledge and adherence to a consensus statement on acute rhinopharyngitis in the child. Arch Pediatr. 2000 ;7:481-8

[9]   BOURRILLON A, DAVID S, VANHUXEM CL, DUBUS JC, CHABROL B. Management of acute bronchiolitis in infants. Arch Pediatr. 2004 ;11:709-1

[10]   RUSHTON JL, FANT KE, CLARK SJ. Use of practice guidelines in the primary care of children with attention-deficit/hyperactivity disorder. Pediatrics. 2004;114(1):e23-8.

[11]   MARTINOT A, HALNA-TAMINE M, GUIMBER D, HUE V. Limitation for the use of guidelines: an example of oral rehydratation solutions. Arch Pediatr. 2004 ;11:712-3.

[12]   ROSENFELD RM, CULPEPPER L, DOYLE KJ, GRUNDFAST KM, HOBERMAN A, KENNA MA, LIEBERTHAL AS, MAHONEY M, WAHL RA, WOODS CR JR, YAWN B. Clinical practice guideline: Otitis media with effusion. Otolaryngol Head Neck Surg. 2004;130(5 Suppl):S95-118.

[13]   CHALUMEAU M, HADJIATHANASIOU CG, NG SM, CASSIO A, MUL D, CISTERNINO M, PARTSCH CJ, THEODORIDIS C, DIDI M, CACCIARI E, OOSTDIJK W, BORGHESI A, SIPPELL WG, BREART G, BRAUNER R. Selecting girls with precocious puberty for brain imaging: validation of European evidence-based diagnosis rule. J Pediatr. 2003;143(4):445-50.

[14]   http://www.agreecollaboration.org/

[15]   http://www.spc.univ-lyon1.fr/lecture-critique/

[16]   Allaitement maternel - Mise en œuvre et poursuite dans les 6 premiers mois de vie de l'enfant - Rapport et Recommandations pour la pratique clinique de l'ANAES - mai 2002.

[17]   ZUTAVERN A, VON MUTIUS E, HARRIS J, MILLS P, MOFFATT S, WHITE C, CULLINAN P. The introduction of solids in relation to asthma and eczema. Arch Dis Child. 2004 ;89:303-8.

   ERREURS EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE CLINIQUE EN PéDIATRIE   665

666   M. SZNAJDER

   ERREURS EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE CLINIQUE EN PéDIATRIE   667

668   M. SZNAJDER

Tableau I. Quelques recommandations récentes en pédiatrie
site ANAES www.anaes.fr, rubrique publications en pédiatrie

   Conférence de consensus   année   RPC   année

Prise en charge de la dermatite    2004   Suivi médical des patients asthmatiques    2004
atopique de l'enfant      adultes et adolescents

      Sortie précoce après accouchement.    2004
      Conditions pour proposer un retour
      précoce à domicile

      Conduite à tenir lors de la découverte   2004
      anténatale d'une ventriculomégalie
      cérébrale

Intoxication par le plomb de    2003   Évaluation des systèmes d'alarme dans    2003
l'enfant et de la femme enceinte      le traitement de l'énurésie nocturne
Prévention et prise en charge      primaire monosymptomatique
médico-sociale

      Indications de l'adénoïdectomie chez    2003
      l'enfant
      Indications de l'amygdalectomie chez    2003
      l'enfant

      Allaitement maternel - Mise en oeuvre    2002
      et poursuite dans les 6 premiers mois de
      vie de l'enfant

Modalités, indications, limites    2001   Diagnostic et traitement curatif de    2002
de la rééducation dans les       l'infection bactérienne précoce du
pathologies neuromusculaires       nouveau-né
non acquises

Prise en charge de la bronchiolite    2000   Évaluation et stratégies de prise en charge   2000
du nourrisson      de la douleur aiguë en ambulatoire chez
      l'enfant de 1 mois à 15 ans

   ERREURS EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE CLINIQUE EN PéDIATRIE   669

670   M. SZNAJDER

   ERREURS EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE CLINIQUE EN PéDIATRIE   671

672   M. SZNAJDER

   Niveau       Grade de
   de preuve   Description   recommandation

   1   Grands essais randomisés avec résultats positifs et faible    A
      taux d'erreurs alpha et beta (puissance forte)

   2   Petites études randomisées avec résultats incertains (risque    B
      élevé d'erreur et/ou faible puissance). Susceptibles d'être
      transformées en niveau 1 par méta-analyse

   3   Suivi de cohortes   C

   4   Comparaison de cohortes d'époques ou de lieux différents   C

   5   Séries de cas sans contrôle   C

   ERREURS EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE CLINIQUE EN PéDIATRIE   673

674   M. SZNAJDER