Erreurs en pédiatrie : les recommandations
de pratique clinique en pédiatrie
Marc SZNAJDER
« Quoi ? quand
je dis : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de
nuit », c'est de la prose ? »
L'opposition Evidence Based Medicine
(EBM) versus Experience Based Medicine a probablement quelque chose de factice.
Tel Mr Jourdain, nous exerçons, à des degrés divers et parfois à
notre insu, une médecine basée sur des preuves, tout en faisant fonctionner
« bon sens » clinique basé sur notre propre expérience, et avis
de nos aînés : « Mon maître en Médecine, je le mettrai
au même rang que mes parents » (Serment d'Hippocrate).
Mais songeons à certains dogmes,
au poids des us et coutumes, aux « mandats » intergénérationnels
: « la PL ?, on y a pensé, on la fait » !
« Le patron aime bien ceci ou
cela », « dans le service on fait ceci ou cela ». L'avis de nos aînés,
même considérés comme des experts, ne représente qu'un avis
isolé, à supposer même qu'il soit au faîte de la connaissance
sur un sujet donné. D'autre part l'exercice de la pédiatrie se prête
mal à un rigorisme méthodologique désincarné, compte tenu de
sa forte composante relationnelle et émotionnelle.
Dès lors quel est l'intérêt
et quelles sont les limites des RPC en pédiatrie ? Quelle peut être leur
contribution par rapport aux erreurs médicales, survenant en milieu hospitalier
ou libéral ?
Analyse des déterminants de la décision
en pédiatrie libérale : une démarche dialectique
Tout praticien doit aussi louvoyer entre deux
écueils :
• « l'intensité
de l'émotion risque de combler l'ignorance des faits voire le mépris du
raisonnement ;
• l'alibi de
la rigueur scientifique conduit à un transfert des responsabilités et
des compétences vers la technologie voire aux décisions informatisées
» (Janicek M. Epidémiologie clinique 1985).
De plus deux contraintes majeures régissent
la pratique pédiatrique :
• le souci de
rassurer la famille et de garantir le confort de l'enfant, en lui évitant autant
que possible des investigations inutiles et fastidieuses ;
• et celui de
minimiser le risque d'erreur, de « ne pas passer à côté de...
», problème médical et éthique classique, et problème juridique
émergent s'il en est.
Au cours des JTA 2002, J. Ghisolfi
(Toulouse) avait déjà abordé cette question (« Médecine
basée sur les preuves et médecine basée sur le bon sens : s'agit-il
de deux notions antinomiques ? Regard sur la pédiatrie »), et la résumait
avec clarté :
« Le bon sens conduit à l'évidence
à ne proposer qu'une médecine basée sur les preuves. Encore faut-il
que ces preuves existent, que les recommandations qu'elles amènent soient applicables
et que, lorsqu'elles sont encore insuffisantes, elles ne soient pas un frein au
progrès médical. Ce n'est pas de la rigueur médicale, mais du bon
sens de considérer que les preuves sont évolutives en fonction du progrès
des connaissances et que la vérité d'hier n'est pas toujours celle d'aujourd'hui
et de demain. »
Pédiatrie fondée sur les meilleures preuves...
disponibles
Pourtant on peut admettre que notre « art
médical » doit tendre vers un optimum théorique basé justement
sur « l'état de l'art », et que le choix des meilleures options permettant
d'y parvenir doit être constamment éclairé.
W. Feldman [1] se donne comme objectif
théorique de « pratiquer la pédiatrie suivant les principes de l'EBM,
qui consiste à prodiguer aux enfants des soins basés sur les meilleures
preuves disponibles, indiquant que ces soins sont plus utiles que nuisibles. »
La référence au classique
primum non nocere, à la base de toute démarche médicale, est
fondamentale : « Dans toute maison où je serai appelé, je n'entrerai
que pour le bien des malades. Je m'interdirai d'être volontairement une cause
de tort ou de corruption.... » (Hippocrate).
Il évoque par exemple les problèmes
psychologiques et pratiques liés à l'étiquetage « souffle cardiaque
», infligé à des enfants ayant presque toujours un souffle infraclinique
[2]. Ou encore la détermination systématique de la cholestérolémie
chez des enfants en bonne santé: rien ne prouve actuellement que ce dépistage
réduise la morbidité et la mortalité d'origine cardiaque chez l'adulte
; reste à préciser les implications physiques, psychologiques, voire économiques
d'un tel programme de dépistage.
L' « offre » d'examens complémentaires
dans l'évaluation des pathologies de l'enfant conduit parfois à leur usage
excessif. Un déluge d'examens était courant chez les enfants présentant
une énurésie nocturne primaire - analyse d'urine, uroculture, échographie,
voire cystographie- afin d'éliminer une éventuelle néphropathie.
La plupart de ces examens ne sont plus pratiqués parce que certains sont coûteux
et d'autres pénibles, et qu'aucun d'entre eux n'a fait la preuve de son utilité
[3].
L'inutilité de l'échographie
dans les douleurs abdominales récurrentes de l'enfant constitue un autre exemple
de l'absence d'intérêt de bilans de routine face à des problèmes
pédiatriques courants. Une étude descriptive déjà ancienne a
montré qu'aucun enfant n'a tiré bénéfice de cet examen ; dans
un certain nombre de cas ses résultats avaient été jugés anormaux,
ce qui avait amené à entreprendre d'autres investigations et consultations
[4]. Le suivi ultérieur de ces enfants n'a conduit chez aucun d'entre eux à
réviser le diagnostic ou à identifier un problème curable.
Ces exemples illustrent la question
des faux positifs, qui, un peu comme avec la radiographie « systématique
» du bassin pratiquée au 4e mois, peuvent entraîner une
surconsommation médicale importante.
C'est dans la catégorie de soins
pédiatriques qu'a été accumulé le plus grand nombre de données
prouvant qu'ils sont plus utiles que nuisibles. L'existence de preuves solides de
l'efficacité et de la tolérance de certains traitements en pédiatrie
a été permise par des études d'évaluation thérapeutique
incontestables au plan méthodologique. Ainsi, dans la maladie chronique la
plus fréquente de l'enfant, l'asthme, l'administration prophylactique de corticoïdes
inhalés est indiscutablement plus utile que nuisible [5].
La pédiatrie fondée sur les
preuves apparaît ainsi comme une nécessité, à la fois scientifique
et éthique (offrir les meilleures chances de résultats) et médico-légale
(réduire le risque d'erreur).
Quelques notions de base sur les RPC
Les méthodes propres à faire émerger
des référentiels permettant de « soigner en conformité avec
l'état de l'art » peuvent être informelles ou standardisées.
1. Méthodes informelles
Elles concernent un avis d'expert, pris isolément,
ou un consensus entre experts, obtenu de manière intuitive (jugement global
subjectif). Ces méthodes traditionnelles se sont progressivement effacées
au profit de méthodes issues du continent nord-américain, se voulant plus
rigoureuses.
2. Méthodes standardisées
Elles cherchent à modéliser ou à
quantifier l'avis des experts. Deux voies peuvent être choisies : la conférence
de consensus ou les recommandations de pratique clinique. Toutes deux ont en commun
de devoir distinguer entre ce qui relève de la preuve scientifique, de la présomption
et de standards justifiés par la pratique.
La conférence de consensus
[6] vise à définir une position consensuelle dans une controverse portant
sur une procédure médicale. Suite à un agencement proche du modèle
judiciaire, notamment grâce son caractère publique, la conférence
délègue à un jury la mission de rédiger « à chaud
» des recommandations.
Les recommandations pour la pratique
clinique (RPC) (guidelines en anglais) [7] sont des « propositions développées
méthodiquement pour aider le praticien et le patient à rechercher les
soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données ».
Leur but est « d'établir des recommandations explicites avec l'intention
délibérée d'influencer la pratique médicale ». Elles reposent
sur la sélection, la synthèse et l'analyse objectives d'une littérature
abondante par un groupe de travail multidisciplinaire et multiprofessionnel, chargé
d'élaborer les recommandations au terme d'une prise en compte de l'avis d'experts
également multiprofessionnels et multidisciplinaires.
Les références médicales
opposables (RMO) ont été établies selon cette méthodologie.
Les points importants sont bien entendu
la diffusion et l'impact de ces recommandations, dont le projet d'évaluation
est théoriquement consubstantiel à leur élaboration. La diffusion
des connaissances est aujourd'hui facilitée par les nombreux media disponibles
: sites Internet, brochures, symposia,...). La mesure de leur impact est plus délicate,
et peut s'opérer à différents niveaux : connaissances, attitudes,
comportements, état de santé de la population cible.
Analyse critique des RCP en pédiatrie :
des réunions d'experts au terrain
Impact des recommandations
De nombreuses publications s'intéressent
à l'impact sur le terrain des RCP, ainsi qu'aux freins éventuels à
leur mise en œuvre.
L'impact d'une conférence de consensus
sur l'usage des antibiotiques au cours de la rhinopharyngite aiguë a été
évalué sur un panel de 56 pédiatres libéraux franciliens, à
la fois en terme de connaissances et en terme de prescriptions [8].
Soixante pour cent d'entre eux déclaraient
connaître les conclusions de cette conférence de consensus, 54 %
déclaraient y adhérer ; mais seulement 7 % estimait que leur pratique
quotidienne en avait été modifiée. Les autres indiquaient soit qu'ils
appliquaient ces recommandations « avant la lettre », soit qu'elles n'étaient
pas adaptées à la pratique.
Quarante cinq pour cent des pédiatres
interrogés pensaient que certains antibiotiques (surtout amoxicilline et josamycine)
avaient une AMM pour la rhinopharyngite aiguë (ce qui est inexact). Aucun facteur
socioprofessionnel ne modifiait significativement le taux de connaissance de la
conférence de consensus. Plus de la moitié des enfants traités au
cours de la période d'étude a reçu des antibiotiques, de manière
non conforme aux recommandations.
Les auteurs soulignent un certains
nombres de points : l'impact modeste de la diffusion de la conférence de consensus
auprès des pédiatres libéraux, notamment dans leurs supports d'information
habituels, pédiatres pourtant sélectionnés par leur appartenance
à un réseau de FMC ; a fortiori l'impact tout aussi faible sur leurs prescriptions
; et quelques problèmes méthodologiques concernant notamment la rédaction
des recommandations issues de cette conférence. Ils proposent, à juste
titre, de tester sur le terrain de telles recommandations avant leur diffusion.
Une autre conférence de consensus,
consacrée à la bronchiolite aiguë du nourrisson, semble avoir été
mieux couverte; plusieurs enquêtes d'évaluation réalisées trois
ans plus tard ont montré que parmi les 80 % de pédiatres ayant été
informés de ses conclusions, 80 % l'avaient été par la presse
médicale (pour le reste : 5 % par l'ANAES, 15 % par voie de FMC)
[9]. Pour la majorité des médecins sondés, les critères diagnostiques
de bronchiolite, les indications d'examens complémentaires et les critères
de recours à l'hôpital étaient en conformité avec les recommandations
des experts. En revanche les traitements médicamenteux prescrits (notamment
inhalés) en étaient souvent éloignés, les praticiens invoquant
leur propre expérience de terrain, avec toutefois une certaine confusion entre
bronchiolite et asthme du nourrisson, et la pression des familles vis-à-vis
des antibiotiques. Avec une pointe d'ironie, les auteurs concluent sur l'adhésion
quasi-unanime à la kinésithérapie respiratoire, que la conférence
a validé dans cette indication en dépit de l'absence d'évaluation
scientifique... mais la présence en grand nombre de kinésithérapeutes
dans le public était sans doute une coïncidence !
D'autres questions sont pointées
dans la littérature, comme une connaissance parfois superficielle par les praticiens
de RCP dont la complexité peut freiner l'appropriation, ainsi que d'éventuels
freins d'ordre économique dans leur application. Ainsi Rushton et coll. [10]
ont évalué l'adhésion aux guidelines relatives aux troubles déficitaires
de l'attention avec hyperactivité (TDAH) établis par l'Académie Américaine
de Pédiatrie (AAP). Plus d'un milliers de praticiens du Michigan ont été
interrogés par courrier. Ce travail est intéressant à plusieurs titres
:
• si 60 % des
généralistes déclaraient connaître les guidelines, c'était
le cas pour plus de 90 % des pédiatres interrogés ;
• mais il s'avérait
que seuls 26 % des cliniciens utilisaient en routine les quatre arguments diagnostiques
définis par l'AAP, et qu'un certain nombre pratiquait des examens de biologie
et d'imagerie non recommandés ;
• si 6 7% déclaraient
suivre les recommandations en matière de traitement pharmacologique et de dosage
de médicament au cours du premier mois de traitement, seule la moitié
des praticiens assurait un suivi régulier des enfants (3-4 fois/an) ;
• les deux tiers
des praticiens se plaignaient d'un manque de ressources en matière de santé
mentale dans leur région, et la moitié soulignait un défaut de compliance
au traitement liée à une accessibilité financière limitée
de certains de leurs patients par manque de couverture sociale.
Analysant le faible impact des recommandations
(issues de sociétés savantes) concernant l'usage des solutés de réhydratation
orale (SRO) au cours des diarrhées aiguës, une équipe lilloise rappelle
que « la probabilité que des recommandations soient suivies est d'autant
plus grande qu'elles ont été développées en interne (localement
par les médecins qui vont les utiliser), sont diffusées comme un élément
d'un programme de formation, et peuvent être rappelées au moment même
de la consultation. » [11]. De plus les incitations financières (les SRO
n'étaient pas encore remboursées par l'Assurance Maladie au moment de
l'étude) jouent sans doute un rôle non négligeable.
Des recommandations, pas des obligations
Le caractère de recommandation et non d'obligation
doit aussi être souligné, avec l'idée implicite que la vérité
du moment peut naturellement évoluer et se trouver rapidement battue en brèche.
UN exemplaire très spectaculaire de ces dernières années, tant dans
sa conception diamétralement opposée aux recommandations précédentes
que dans ses résultats, est celui de la position de sommeil ventrale des nourrissons
en prévention de la mort subite inexpliquée.
A propos de guidelines nord-américaines
concernant l'otite séreuse, les auteurs fixent le cadre [12] : « Ces recommandations
sont destinées à l'usage de tous les « soignants » intervenant
auprès de l'enfant (généralistes, pédiatres, ORL, neurologues,
infirmières, orthophonistes...) »... « Elles ne doivent pas être
considérées comme l'unique source méthodologique d'évaluation
de l'otite séreuse de l'enfant, mais sont plutôt conçues pour aider
tous les soignants et cliniciens en leur fournissant un canevas d'aide à
la décision basé sur les preuves. Elles ne sont pas destinées
à se substituer au jugement clinique ou à établir un protocole pour
tous les enfants dans cette situation, et peuvent ne pas constituer la seule approche
pertinente pour diagnostiquer et prendre en charge ce problème. »
Les RPC, même établies de
façon rigoureuse, peuvent s'avérer discutables à l'épreuve...
d'autres épreuves. C'est par exemple ce qu'ont pu démontrer Chalumeau
et coll. [13]. Cette équipe pédiatrique parisienne a testé la validité
de diverses guidelines américaines, sur le risque de tumeur cérébrale
au cours des pubertés précoces chez la fille, et la sensibilité d'une
règle de décision basée sur l'âge d'installation des troubles
et le taux d'oestradiol. A partir d'une enquête rétrospective européenne,
ces auteurs montrent que, outre le fait que les précédentes recommandations
US « laissent passer » des lésions cérébrales, leur propre
règle de décision, établie par régression logistique, identifie
comme facteur de risque indépendant l'âge inférieur à 6 ans
et un taux d'oestradiol supérieur au 45e percentile, et accordent
à cette méthode de détection une sensibilité de 100 %, permettant
de poser l'indication d'une imagerie cérébrale à bon escient.
Quelques pistes... à recommander
pour la prise en compte des RCP
« Par ma foi! il y a plus de quarante ans
que je dis de la prose sans que j'en susse rien, et je vous suis le plus obligé
du monde de m'avoir appris cela. » (Toujours le même !)
Il paraît fondamental que les
RCP puissent être prises en main sur le terrain, par les principaux intéressés
eux-mêmes, et être discutées par des groupes de pairs avant leur
diffusion. Par exemple le guide d'aide à l'orientation téléphonique,
rédigée par le Groupe de Pédiatrie Générale de la SFP,
a connu de nombreuses rotations entre groupes de pairs et paires d'experts (hospitalier
et libéral) (merci Internet !), et a été testé sur le terrain
par des associations de FMC avant sa publication.
L'épidémiologie clinique
(Jenicek 1985), qui introduit dans le raisonnement médical les instruments
d'aide à la décision dérivés de l 'épidémiologie,
y compris les méthodes de lecture critique (atelier à proposer pour de
futures JTA), est une forme de réponse à l'incertitude de la pratique
médicale. La connaissance et l'appropriation de ces instruments (sensibilité,
spécificité, rapport de vraisemblance, valeurs prédictives, analyse
coût-avantage, ...) devraient être encouragées au cours de sessions
de FMC.
Par exemple il n'est pas inutile de
comprendre que si, en cas de fièvre isolée chez un nourrisson, la négativité
de la bandelette urinaire dispense de pratiquer un ECBU, ou celle du strepto-test
en cas d'angine permet d'éviter les antibiotiques, la valeur prédictive
négative de ces tests (c'est-à-dire la probabilité de ne pas avoir
la maladie quand le test est négatif) est proche de 100%. On comprendra aussi
que la présence d'une hyperleucocytose au cours de l'appendicite aiguë,
chère aux chirurgiens, est un signe qui manque de sensibilité (probabilité
d'avoir le signe quand la maladie est présente), de même que la radiographie
standard du crâne après traumatisme crânien pour dépister une
complication cérébrale (Conférence de Consensus de 1990).
La notion de spécificité
peut être illustrée par son complément : le taux de faux positifs,
élevé pour la radiographie « systématique » du bassin au
4e mois, surtout du temps où le traçage des lignes de Putti
masquait la concavité des cotyles !
Les méthodes de lecture critique
ont aussi leur importance. Il existe en particulier une grille dite AGREE (Appraisal
of Guidelines Research and Evaluation) qui se propose d'évaluer la qualité
des RPC [14,15], vérifiant notamment que les biais potentiels lors de leur
élaboration ont été pris en compte de façon adéquate, que
leur validité interne et externe est assurée et qu'elles sont applicables
en pratique. Cela nécessite de prendre en compte les bénéfices, les
risques, les coûts et les conséquences des recommandations. L'évaluation
inclut aussi un jugement sur les méthodes utilisées pour l'élaboration
des RPC, leur contenu final et les facteurs liés à leur appropriation.
UN point important est d'identifier
le niveau de preuve et le grade de recommandation définis par l'ANAES
(tableau II), qui transparaît d'une publication, et de manière générale,
de s'astreindre à lire un article comme si l'on était soi-même «
reviewer », devant donner un avis argumenté avant sa publication.
Tableau II. Niveaux de preuve et grades
de recommandations (grille du groupe de Sackett adapté d'après l'ANAES)
Grade des recommandations [extrait
de la partie méthodologique des recommandations de l'ANAES].
Selon le niveau de preuve des études
sur lesquelles elles sont fondées, les recommandations proposées sont
classées en grade A, B ou C selon les modalités suivantes :
• une recommandation
de grade A est fondée sur une preuve scientifique établie par des études
de fort niveau de preuve, par exemple des essais comparatifs randomisés de
forte puissance et sans biais majeur et/ou méta-analyse d'essais contrôlés
randomisés, analyse de décision basée sur des études bien menées
;
• une recommandation
de grade B est fondée sur une présomption scientifique fournie par des
études de niveau intermédiaire de preuve, par exemple essais comparatifs
randomisés de faible puissance, études comparatives non randomisées
bien menées, études de cohortes ;
• une recommandation
de grade C est fondée sur des études de moindre niveau de preuve, par
exemple études cas-témoins, séries de cas.
Savoir raison garder
Evoquons le dogme de l'allaitement maternel exclusif,
supposé prévenir- ou suspendre- la survenue de phénomènes allergiques
[16]. Faut-il culpabiliser les mères qui « négocient » de pouvoir
donner un biberon de temps en temps pour pouvoir « souffler » un peu ?
La récente publication de Zutavern [17] sur l'inutilité d'une diversification
alimentaire retardée en prévention des allergies, a semé le trouble
dans le microcosme allergo-pédiatrique. De plus qu'est-ce qu'un « terrain
allergique » : un parent, deux parents, un grand parent ? Les recommandations
varient selon les sociétés savantes.
Et les parents dans tout cela ?
Leur rôle est essentiel dans l'acceptation
et la mise en œuvre des recommandations du médecin. Leur niveau croissant d'information
n'est pas un frein, mais plutôt une composante incontournable obligeant le
praticien à argumenter ses choix, ce qui n'est pas en soi un mauvais exercice.
Par ailleurs l'existence de RCP permet au médecin de s'y adosser face à
des parents exigeants, voire en cas de litige d'ordre médico-légal.
En guise de conclusion, je ferai
appel - malgré tout !- à deux de mes maîtres :
B. Grenier. Evaluation de la décision
médicale (Masson ed.) :
« Le clinicien doit revendiquer
et assumer la responsabilité ultime de la décision : cette responsabilité
exige qu'il soit familier des méthodes contemporaines d'analyse, de l'évaluation
des bénéfices et des coûts dans leurs dimensions objectives et subjectives,
et du choix d'une décision qui soit à la fois rationnelle et raisonnable.
»
M. Maïmonide, médecin
de Cordoue (1135-1204). La prière médicale :
« Fais que je ne vois que l'Homme
dans celui qui souffre...Eloigne de moi l'idée que je peux tout. Donne moi
la force, la volonté et l'occasion d'élargir de plus en plus mes connaissances
».
Bibliographie
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[2] BERGMAN
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[13] CHALUMEAU
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M, PARTSCH CJ, THEODORIDIS C, DIDI M, CACCIARI E, OOSTDIJK
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girls with precocious puberty for brain imaging: validation of European evidence-based
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[14] http://www.agreecollaboration.org/
[15] http://www.spc.univ-lyon1.fr/lecture-critique/
[16] Allaitement maternel
- Mise en œuvre et poursuite dans les 6 premiers mois de vie de l'enfant -
Rapport et Recommandations pour la pratique clinique de l'ANAES - mai 2002.
[17] ZUTAVERN
A, VON MUTIUS E, HARRIS J, MILLS P, MOFFATT S, WHITE
C, CULLINAN P. The introduction of solids in relation to asthma and eczema.
Arch Dis Child. 2004 ;89:303-8. ERREURS
EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE
CLINIQUE EN PéDIATRIE 665
666 M.
SZNAJDER ERREURS
EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE
CLINIQUE EN PéDIATRIE 667
668 M.
SZNAJDER Tableau
I. Quelques recommandations récentes en pédiatrie site ANAES www.anaes.fr,
rubrique publications en pédiatrie Conférence
de consensus année RPC année
Prise en charge de la dermatite 2004 Suivi
médical des patients asthmatiques 2004 atopique de l'enfant adultes
et adolescents
Sortie précoce après
accouchement. 2004 Conditions
pour proposer un retour précoce à
domicile
Conduite à tenir lors
de la découverte 2004 anténatale
d'une ventriculomégalie cérébrale
Intoxication par le plomb de 2003 Évaluation
des systèmes d'alarme dans 2003 l'enfant et de la femme
enceinte le traitement de l'énurésie
nocturne Prévention et prise en charge primaire
monosymptomatique médico-sociale
Indications de l'adénoïdectomie
chez 2003 l'enfant Indications
de l'amygdalectomie chez 2003 l'enfant
Allaitement maternel - Mise
en oeuvre 2002 et poursuite
dans les 6 premiers mois de vie de l'enfant
Modalités, indications, limites 2001 Diagnostic
et traitement curatif de 2002 de la rééducation
dans les l'infection bactérienne précoce
du pathologies neuromusculaires nouveau-né non
acquises
Prise en charge de la bronchiolite 2000 Évaluation
et stratégies de prise en charge 2000 du nourrisson de
la douleur aiguë en ambulatoire chez l'enfant
de 1 mois à 15 ans ERREURS
EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE
CLINIQUE EN PéDIATRIE 669
670 M.
SZNAJDER ERREURS
EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE
CLINIQUE EN PéDIATRIE 671
672 M.
SZNAJDER Niveau
Grade de de preuve Description recommandation
1 Grands essais randomisés
avec résultats positifs et faible A taux
d'erreurs alpha et beta (puissance forte)
2 Petites études randomisées
avec résultats incertains (risque B élevé
d'erreur et/ou faible puissance). Susceptibles d'être transformées
en niveau 1 par méta-analyse
3 Suivi de cohortes C
4 Comparaison de cohortes d'époques
ou de lieux différents C
5 Séries de cas sans contrôle C
ERREURS
EN PéDIATRIE : LES RECOMMANDATIONS DE PRATIQUE
CLINIQUE EN PéDIATRIE 673
674 M.
SZNAJDER |