La prévention des cancers du
sein par le Tamoxifène : réalités et limites
Anne LESUR
1. Introduction
On entend par intervention de prévention
d'une maladie une action visant à agir sur les facteurs d'apparition de celle-ci
afin d'éviter qu'elle ne voie le jour, induisant ainsi qu'une réduction
du risque de survenue de celle-ci. de cette sorte, les maladies infectieuses ont
reçu une excellente prévention grâce aux vaccins, les infarctus,
dans une moindre proportion, par le traitement des facteurs de risque athéromateux...
La prévention a donc pour but de diminuer (voire de supprimer) l'incidence
d'une maladie dans une population donnée. Ceci est d'autant plus important
que la maladie est fréquente, grave, dans une population identifiable (à
haut risque) et pour laquelle il existe des moyens thérapeutiques efficaces.
Ces critères sont ceux également appliqués à toute action de
dépistage, celui du dépistage du cancer du sein par la mammographie en
est un des meilleurs exemples. Celui-ci n'a de sens que si la maladie détectée
plus tôt se guérit mieux. De façon artificielle, nous l'avons vu,
le dépistage augmente l'incidence par la mise en évidence de cas infracliniques.
La diminution de la mortalité espérée par un dépistage correctement
effectué et évalué ne coïncide donc pas avec une diminution
de l'incidence contrairement à ce qui est espéré par une prévention
qui, de façon optimum, pourrait éradiquer la maladie.
La prévention du cancer du sein
pourrait se concevoir de façon idéale par une intervention directe au
niveau du gène en cause, elle peut également viser à faire disparaître
les facteurs de risque, ce qui nécessiterait de les connaître parfaitement
et d'avoir une action efficace à leur niveau. Enfin les moyens chimiques pouvant
agir au niveau des différentes étapes de la cancérogenèse pour
144 A. LESUR
raient être utilisés. C'est le cas
du Tamoxifène dont l'efficacité est validée en thérapeutique
courante depuis plus de trente ans, nécessitant en tout état de cause
une connaissance de l'histoire naturelle de la maladie et de ses déterminismes
L'autre alternative drastique consiste à faire disparaître la cible, c'est-à-dire
pratiquer l'ablation des seins.
La notion de prévention par le Tamoxifène
n'est pas une idée nouvelle. Elle préoccupe les thérapeutes aux prises
avec la maladie depuis fort longtemps, et si on reprend l'historique des essais
actuellement publiés, on retrouve ce concept exprimé à travers la
littérature dès les années 1985-1986. Le temps est une notion non
compressive en cancérologie, notamment les oncologues et l'industrie pharmaceutique
le savent bien : il faut au moins une dizaine d'années entre la conception
d'un procédé ou d'une molécule (essai thérapeutique) avant de
pouvoir en tirer des conclusions fiables et utilisables au quotidien. Ceci est particulièrement
vrai dans le cancer du sein qui est une maladie longue et rémanente, dont on
ne peut facilement affirmer la guérison (récidives 10 à 15 ans plus
tard possible). Avant d'analyser, en ce qui concerne la prévention par le Tamoxifène
du cancer du sein, les résultats des essais thérapeutiques publiés
récemment, il est instructif d'en faire l'historique, de détailler les
motivations et les bases scientifiques d'une telle démarche.
Nous tenterons ensuite de faire l'inventaire
des arguments favorables à la prescription du Tamoxifène en préventif,
ceux qui sont opposés et d'en faire une synthèse pour l'avenir.
2. Historique
Avant même la publication des résultats
des trois essais de prévention du cancer du sein par le Tamoxifène [19,
46,5 7] la question de l'action préventive par cette molécule avait déjà
fait couler beaucoup d'encre et soulevé controverses et interrogations.
• Dès 1986,
J. CUZICK [8] écrivait dans le Lancet un article documenté sur les bases
scientifiques d'une intervention de prévention par le Tamoxifène. : « Il
existe actuellement des arguments substantiels pour affirmer que les œstrogènes
ont un rôle majeur dans l'étiologie des cancers du sein et que bloquer
leur activité biologique pourrait diminuer notoirement l'incidence du cancer
du sein. Pour l'heure le Tamoxifène apparaît comme étant l'agent
de foi. L'identification d'un groupe de femmes à haut risque offre la possibilité
d'un essai de prophylaxie par le LA
PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE
: RéALITéS ET LIMITES 145
Tamoxifène et nous pensons que cette approche
peut être actuellement proposée ».
Cette idée est reformulée
à plusieurs reprises dans les années 1989 et 1990 : Il est particulièrement
intéressant de relire à ce propos l'article d'Acta Oncologica de T.J.
POWLES [43] dans lequel l'auteur définit parfaitement les conditions d'un essai
visant à démontrer cette prévention : « Pour avoir
une chance raisonnable de détecter une prévention efficace du cancer du
sein par un antiœstrogène, il faudrait 5 000 femmes traitées et 5 000
femmes contrôle dans une population à haut risque, suivie 15 à 20
ans » (ceci pour obtenir une différence de 25 % de réduction).
Et T.J.POWLES d'ajouter « il faudrait un agent antiœstrogénique peu
coûteux, facile à administrer et bien toléré », d'où
la réalisation d'un essai de faisabilité sur 200 patientes de 35 à
65 ans, avec au moins un antécédent familial de premier degré, réalisé
d'octobre 86 à février 88. L'étude sur 100 femmes est particulièrement
détaillée dans le British Journal of Cancer de la même année,
et les conclusions semblent favorables [44]•
• En 1991, S.G.
NAYFIELD s'intéresse aussi au rôle préventif potentiel du Tamoxifène,
dans le JNCI [35]. Tout comme l'a fait B. FISHER dans un éditorial du même
journal quelques semaines au préalable [17], l'auteur s'appuie sur les données
des essais cliniques randomisés en situation adjuvante [18] faisant porter
son argumentation sur la réduction de l'incidence du cancer du sein controlatéral
de 35 % chez les patientes ayant pris du Tamoxifène, « suggérant
ainsi un rôle potentiel du Tamoxifène en chimioprévention du cancer
du sein chez la femme à haut risque de présenter la maladie ».
Si l'on prend dans leur ensemble les résultats des essais randomisés concernant
la survenue du cancer du sein controlatéral, la différence est certes
significative (1,6 % dans le bras Tamoxifène pour 2,4 % dans le bras placebo).
Cependant tous les essais ne sont pas concordants (NATO, Scottisch, Essai Canadien,
Essai Danois Copenhague : [3, 40, 41, 49] (non significatifs), mettant en cause
possiblement l'importance de la durée de la prise du Tamoxifène. A travers
ces études, la toxicité et les effets secondaires potentiellement favorables
sont détaillés et estimés acceptables.
La notion de femmes
à haut risque, en dehors d'une prédisposition génétique, est
identifiée à partir de l'algorithme de GAIL [23] qui servira aux critères
d'inclusion de l'essai du NSABP P1.[19]. Il tient compte des facteurs hormonaux
(âge de la 146 A. LESUR
puberté, de la ménopause, âge
à la première naissance, nulliparité, maladie bénigne du sein,
...). Dans ce même éditorial, FISHER annonce le NSABP P1.
• À peine proposé,
l'essai suscite des réactions diverses : A. FUGH BERMAN et S. EPSTEIN expriment
en 92 de nombreuses réserves dans leur article du Lancet : « Tam : disease
prevention or disease substitution ? » [22]. Les auteurs pensent qu'il
n'existe aucune base scientifique permettant d'identifier le sein controlatéral
d'une femme atteinte d'un cancer du sein aux seins d'une femme à risque n'ayant
pas présenté la maladie. Ils mettent également en doute la compliance
d'un tel essai en raison des effets secondaires qui apparaissent conséquents
dans une opération à visée préventive. Dans le NEJM de 1992,
ces mêmes auteurs s'inquiètent de la présentation, déloyale
à leurs yeux, de l'essai exagérant les bénéfices cardiovasculaires
et sur l'ostéoporose et minimisant les risques réels afin de convaincre
les femmes de entrer dans l'essai : « prevents breast cancer, reduces the risk
of bone fractures, and of myocardial infarction ». Ils rappellent à cette
occasion l'existence d'études bien menées, ne montrant aucun bénéfice
ni cardiaque ni sur l'ostéoporose.
La même année,
la troisième analyse d'Oxford conduite par R.PETO confirme la diminution du
risque de cancer controlatéral de 54 % après deux ans de traitement par
Tamoxifène.
• Les essais
anglais et italiens sont proposés à la France en 1993 et suscitent de
nombreuses réunions, suivies de prises de position officielles des sociétés
savantes en 1994 (FNCLCC et Société Française de Sénologie et
de Pathologie Mammaire). Essentiellement sous l'égide des endocrinologues et
des épidémiologistes, les Français restent très réticents,
en raison des risques cancérologiques utérins et thrombo-emboliques, et
de l'action stimulante clomid-like du Tamoxifène sur les ovaires fonctionnels
d'une femme non ménopausée [13, 53, 56].
• Dans un numéro
du Bulletin du Cancer entièrement consacré à la prévention des
cancers, M. NAMER [38] se livre à une analyse très précise des essais
concernant la survenue des cancers du sein controlatéraux. Il dresse également
une revue exhaustive des effets secondaires délétères et bénéfiques
observés dans les essais thérapeutiques existants en situation adjuvante.
• En 1994, T.J.
POWLES actualise son essai pilote dans un article concis et exhaustif [45]. Le «
Tamoplac » est détaillé d'octobre 86 à juin 93, il concerne
2012 femmes de 30 à 70 ans, LA
PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE
: RéALITéS ET LIMITES 147
avec un risque élevé de cancer du
sein, le plus souvent en raison d'antécédents familiaux. Ces patientes
ont été randomisées entre un bras Tamoxifène et un bras placebo,
20 mg par jour pendant huit ans. Durant 5 ans, la compliance a été satisfaisante.
Les effets secondaires gynécologiques ont été particulièrement
bien étudiés. On note une différence significative dans la fréquence
des bouffées de chaleur : 34 % contre 20 % chez les femmes non ménopausées
(p < 0,005) et dans les pertes vaginales (16 % contre 4 % p < 0,005)
ainsi que dans les irrégularités menstruelles (14 % contre 9 %). Le traitement
hormonal était permis et équitablement réparti entre les deux groupes
(l'étude de la toxicité s'est faite sur le groupe sans traitement hormonal
substitutif, c'est-à-dire sur 663 femmes prenant du Tamoxifène et 673
femmes prenant du placebo). Le taux de patientes jeunes est élevé puisque
590 femmes prenant du Tamoxifène contre 920 prenant du placebo ont moins de
50 ans. Dans le groupe des femmes ménopausées, 257 femmes sous Tamoxifène
et 415 sous placebo prennent un traitement œstrogénique. T.J.POWLES redéfinit
à cette occasion la nécessité d'un nombre important de participantes
à de tels essais. Le nombre dépend du niveau de risque de cancer du sein
des femmes, de la compliance et du degré de protection offerts par le Tamoxifène.
Ces résultats encouragent
la mise en place des deux essais italiens, rapportés par VERONESI [57]) et
anglais (IBIS) encore actuellement en cours [9].
• En 1994, l'annonce
par le CIRC du classement du Tamoxifène comme agent cancérogène dans
la monographie 253 est responsable d'une désaffection dans les différents
essais, et particulièrement dans l'essai italien.
En 1995, dans les
nombreux articles qui ont suivi au cours de l'année sur ce débat, on note
l'article de G. AUCLERC dans les Cahiers d'Oncologie [1], rappelant l'utilisation
hors AMM du Tamoxifène chez des patientes non ménopausées pour des
mastoses résistantes aux progestatifs sur des courtes périodes. Le coût
financier d'une opération de prévention est mentionné. D'après
ses calculs, la prévention de décès par an du cancer du sein revient
dix fois plus cher avec le Tamoxifène qu'avec la mammographie de dépistage
dans un système organisé !...
Enfin, et sans être
exhaustif, on admirera l'article de V.C. JORDAN en 1997 [29]), qui avant les résultats
attendus des essais de prévention, rappelle que la majorité des femmes
est à risque de cancer du sein et qu'une nouvelle stratégie serait souhai
148 A. LESUR
table pour l'ensemble de la population féminine
ménopausée. Dès 1989, JORDAN et coll. imaginent qu'une nouvelle voie
de prévention pourrait venir de la recherche d'agents agissant sur l'ostéoporose
et les maladies cardiaques, puisqu'il est vrai que le Tamoxifène a des actions
favorables à ce niveau. L'essai ultérieur MORE étudiant le Raloxifène
illustrera parfaitement ce propos [7].
• En avril 1998, seuls
pendant quelques mois sont disponibles les articles de la grande presse [15]pour
documenter l'arrêt impromptu de l'essai américain NSABP-P1. On retrouve
cependant un abstract publié à l'ASCO 1998 et l'éditorial du British
Medical Journal écrit par BRUZZI [4]), plutôt inquiétant et en faveur
d'une poursuite des essais existants. Suivent quelques mois plus tard les parutions
des trois essais [19, 46, 57] suivis de nombreuses synthèses et interrogations
[27, 37, 50]. M. NAMER trace une première estimation des résultats dans
le Bulletin du Cancer 1998 [38] et rapidement les sociétés savantes dont
la FNCLCC en juillet 1998 [14] donnent leur opinion sur le sujet.
En 1999, le sujet
ne perd rien de son actualité : deux publications françaises tirent un
certain nombre de conclusions et formulent de nouvelles interrogations [30, 54].
Aux Etats-Unis, FISHER, mis en cause par la publication des résultats discordants
des essais européens, publie des commentaires sur la validité de son étude,
ainsi qu'une étude de qualité de vie des patientes incluses dans l'étude
P1 [11] [20]. Enfin, il n'est pas anodin de noter l'existence de trois pages de
publicité pour le Nolvadex en prévention chez les femmes à risque
dans le Home Beautiful du mois d'août [42], illustrant, s'il en était
besoin, les différences culturelles entre pays : « If you care bord
breast cancer, came more about being a 1.7 than E 36 B. ? ».
3. Les essais
3.1. NSABP-P1 : National Surgical Adjuvant Breast Project P1-Study.
[19]
Cet essai ouvert d'avril 1992 à mai 1997
a randomisé 13388 femmes selon les critères ci-dessous :
LA
PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE
: RéALITéS ET LIMITES 149
Randomisation
13 388 femmes*
• Femmes >
60 ans avec ou sans facteur de risque
• Femmes 35
à 59 ans avec facteurs de risque (GAIL)
CLIS, antécédent
familial premier degré, biopsie mammaire antérieure, hyperplasie atypique,
>25 ans à la première naissance, nullipare, puberté avant 12 ans.
Placebo (P) (6707
femmes) / Tamoxifène (T) 20 mg/ pendant 5 ans (6681 femmes)
• *Analyse sur
13 175 femmes (212 perdues de vue)
46,1 % de la population
est âgé de moins de 50 ans - 31 % a de 50 à 59 ans et 30 % a plus
de 60 ans. Cela revient à dire que 61 % de la population était post-ménopausée.
Le traitement hormonal substitutif est interdit. 24 % de la population est vierge
de tout antécédent familial et 57 % n'a qu'un seul antécédent
familial de premier degré. Le suivi médian est de 54,6 mois avec un suivi
supérieur à 36 mois dans 73,9 % des cas, de 48 mois dans 67 % et de 60
mois dans 36,8 %.
Les résultats sont significatifs
tant en terme de survenue de cancer invasif que de carcinome in situ : 368 cancers
‡ 244 dans le bras placebo - 124 dans le bras Tamoxifène (68 dans le bras placebo
< 50 ans, 38 dans le bras Tamoxifène < 50 ans). Cela correspond à
une diminution de 49 % pour les cancers invasifs (175 pour 89, p<0,00001, et
de 50 % pour les carcinomes in situ (69 contre 35, p<0,002). On note une réduction
de 69 % du nombre des cancers RE+, sans différence significative d'incidence
pour les RE -. Cette réduction est surtout nette dans la population des femmes
plus âgées.
Caractéristiques des tumeurs
survenant pendant l'essai
En terme de toxicité ou d'effets
secondaires, on note 15 cancers de l'endomètre sous placebo, pour 36 sous Tamoxifène,
de type I de la FIGO, correspondant à une incidence annuelle multipliée
par 2,53. ( surtout enregistré chez des patientes 50 > ans).Les manifestations
thromboemboliques sont plus fréquentes dans le bras Tamoxifène (110 T,
77 P), entraînant trois cas mortels d'embolie pulmonaire dans le bras Tamoxifène
(18 T - 6 P), toutes les manifestations sont plus fréquentes chez les femmes
au-delà de 50 ans.
On note en ce qui concerne les effets
bénéfiques une différence en taux de survenue des fractures au niveau
du radius et du rachis 150 A. LESUR
(111 T - 137 P). On note également un
taux de décès par cancer du sein et autre supérieur dans le bras
placebo (42/23). Par contre 15 décès sont dénombrés dans le
bras placebo et 22 dans le bras Tamoxifène pour des causes vasculaires. Aucun
effet au niveau de la pathologie ischémique cardiaque n'est enregistré.
On note une compliance globale de 78,4 % avec
21,6 % d'arrêt. Il existe une différence significative en terme de qualité
de vie en ce qui concerne les effets gynécologiques, 45,7 % de femmes contre
28,4 sous placebo) et en terme de leucorrhées (de modérées à
majeures) : 29 % T et 13 % P. Globalement dans les abandons, 19,7 % ont abandonné
dans le bras placebo contre 23,7 % dans le bras Tamoxifène. Enfin 1,6 % des
patientes est perdu de vue.
3.2. Essai italien [57]
Un essai réalisé en double aveugle par
Tamoxifène à 20 mg par jour pendant 5 sans est proposé à des
patientes ayant eu une hystérectomie pour éliminer le risque inhérent
à la pathologie endométrial, 48 % de femmes ayant eu une ovariectomie
bilatérale. Une première analyse intermédiaire de l'essai a été
publiée en 1996 dans un ouvrage consacré aux bases scientifiques de la
chimioprévention [5].
L'essai a été clos en juillet
1997 en raison du nombre de femmes ayant arrêté en cours de traitement
ou à cause des effets secondaires du Tamoxifène. 13419 femmes ont été
recrutées pour rentrer dans l'essai, mais seules 5408 ont été randomisées.
Réellement analysées dans l'essai, on dénombre 3837 femmes dont 1966
dans le bras placebo et 1871 dans le bras Tamoxifène. La médiane de suivi
est de 46 mois, c'est-à-dire environ 4 ans, et seules 149 femmes ont effectué
5 ans de prise. (72 P / 71T). Les femmes sont âgées de 35 à 70 ans
(38 % < 49 ans ; 62 % Ž 50-60 ans). Deux notions sont importantes : le traitement
hormonal substitutif est autorisé et utilisé chez 14 % des femmes, soit
752 patientes ; 422 femmes sont sorties de l'essai, correspondant à 26 % d'abandon.
Randomisation
5 408 femmes dans essai*
LA
PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE
: RéALITéS ET LIMITES 151
• 5 408 femmes randomisées,
mais 3 837 réellement dans essai.
35 à 70 ans (38 % 49
ans ; 62 % Ž 50 à 60 ans)
Hystérectomie
(48 % ovariectomie)
THS autorisé
(14 %) - 26 % abandon.
Tam 20 mg / Placebo
pendant 5 ans
1966 P / 1871 T
Résultats : 41 cancers (19 T /
22 P). Si on individualise le sous-groupe des femmes traitées pendant un an,
on trouve 11 cancers sous Tamofixène pour 19 sous placebo.
La notion mise en exergue par les auteurs
est celle de l'existence de 9 cancers survenus chez des femmes sous traitement hormonal
substitutif sous forme de patch aux œstrogènes, avec une différence significative
entre les sous-groupes (1/362 T - 8/390 P). Dans l'état actuel des résultats,
on peut conclure qu'il n'existe pas de différence d'incidence de survenue du
cancer entre les bras Tamoxifène et placebo, la répartition des récepteurs
hormonaux est la même, il n'existe bien évidemment aucun cancer de l'utérus.
En ce qui concerne les manifestations thromboemboliques, la différence est
significative (46 T : 18 P - p = 0,005). On note curieusement une hypertriglycéridémie
(15 T / 2 P - p = 0,0013).
3.3. Essai anglais [46]
POWLES a écrit, nous l'avons vu à diverses
reprises au sujet de son étude de faisabilité, puis de son étude
pilote. A noter que cette étude pilote a servi de référence pour
la mise en place de l'essai UK, encore actuellement en cours (essai IBIS [9]), coordonné
par CUZICK.
Il s'agit donc d'une étude pilote
réalisée d'octobre 1986 à avril 1996, avec 2 471 inclusions.
Randomisation
2 471 femmes
• 30 à
70 ans (33 % Ž 50 ans ; 66 % préménopausées)
THS autorisé
(42 %)
Tam 20 mg / placebo
8 ans
Toutes les patientes ont une histoire
familiale, elles sont âgées de 30 à 70 ans. Le Tamoxifène est
randomisé contre le placebo à 20 mg par jour pendant 8 ans. Le suivi médian
(DMS) est de 70 mois. 66 % des patientes sont non ménopausées, 33 % ont
50 ans et plus. Le traitement hormonal substitutif est autorisé dans 42 % des
152 A. LESUR
cas, ce qui correspond à 187 + 336 patientes
sous Tamoxifène, 305 + 202 sous placebo.
Sur 70 cancers du sein, on ne note pas de différence
entre les deux bras : 34 T : 32 P (4 carcinomes in situ dans chaque groupe), RR
= 1,06.
A noter que dans cet essai, sur les
2 471 patientes randomisées, actuellement 1033 patientes ne prennent plus
de traitement soit par ce qu'elles ont atteint 8 ans de traitement (il s'agit de
156 femmes, 79,77 %). 877 ont arrêté précocement, ce qui correspond
à 35,5 % d'arrêt. (497 T/ 380 P). La différence est significative
entre les deux bras : p< 0,005 (les causes d'arrêt gynécologique avec
bouffées de chaleur et problèmes gynécologiques sont de 320 T / 176
P). On note 141 femmes perdues de vue dans le bras Tamoxifène, 139 dans le
bras Placebo.
A noter qu'il n'existe aucune interaction
entre le traitement hormonal substitutif et l'effet du Tamoxifène dans cet
essai : 12 cancers chez les patientes sous Tamoxifène puis traitement hormonal
substitutif, ce qui fait 523 femmes, 13 cancers chez les femmes sous placebo et
traitement substitutif, ce qui fait 507 patientes.
Enfin la toxicité enregistrée
dans cet essai retrouve 5 cancers de l'endomètre (4 T / 1P). Les manifestations
thromboemboliques sont un peu plus importantes dans le bras Tamoxifène : 4
thromboses veineuses profondes pour 2 dans le bras placebo et 3 embolies pour 2
dans le bras placebo. En ce qui concerne les fractures, on note seulement un avantage
en post-ménopause.
4. Conclusion
On retrouve davantage de précisions sur un
certain nombre de points dans les publications princeps de ces trois essais, mais
on note d'une façon générale qu'il manque un certain nombre de données,
notamment sur les caractéristiques des carcinomes enregistrés, tant au
niveau de leurs caractéristiques histologiques qu'en terme d'âge chez
les patientes de profil hormonal. Il est également difficile de préciser
la prise exacte du traitement par chaque sous-groupe en terme d'années.
5. Discussion
La publication des résultats des trois essais
a laissé perplexe pendant plusieurs mois. Il est indéniable que les résultats
négatifs des LA
PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE
: RéALITéS ET LIMITES 153
essais européens ont jeté un doute
sur l'essai de FISHER, même si aux Etats-Unis la FDA a approuvé l'utilisation
préventive de la molécule en octobre 1998. Les femmes américaines
seraient-elles différentes des femmes européennes ? [49] Depuis, de nombreux
articles sont venus faire le point sur les différences qui peuvent expliquer
les résultats, en apparence non concordants, d'essais a priori de méthodologie
identique. Ces différences portent sur un certain nombre de points [10, 50]
:
• La taille des essais
a été mise en cause : l'essai P1 comprend deux fois plus de femmes et
trois fois plus d'événements que les deux autres. En cancérologie,
les métaanalyses nous ont appris depuis longtemps que certains essais, de méthodologie
correcte, ne deviennent significatifs qu'après le regroupement avec d'autres
; ce n'est pas nouveau que des essais au protocole identique, montrent des résultats
discordants, à commencer par ceux concernant la prévention du cancer du
sein controlatéral [36]. La puissance est donc possiblement en cause, surtout
si l'on se souvient des prédictions de CUZIK en 1986.
• L'essai italien
a été très critiqué pour sa non compliance. COSTA s'en est expliqué,
mettant en avant l'inquiétude générée en 1994 par l'annonce
du caractère cancérigène de la molécule (pourtant les femmes
italiennes étaient toutes hystérectomisées). Dans tous les essais,
notamment dans l'essai P1, un ralentissement des inclusions a été enregistré
à cette annonce, mais celui-ci est d'autant plus marqué que le nombre
total est plus faible. N'oublions pas la compliance de l'essai P1 est de 78,4 %,
soit 21,6 % d'arrêt contre 26 % dans l'essai italien, taux encore plus élevé,
dans l'essai anglais. La tolérance excellente constatée dans les essais
adjuvants (moins de 5 % de sorties des essais) n'est pas observée de façon
identique entre population malade et population saine à risque (« therapy
she can live with », publicité du NOLVADEX dans les années 75).
• L'âge,
les facteurs de risque et le contexte hormonal sont autant de différences pouvant
expliquer en partie les discordances. En effet, l'âge moyen dans l'essai anglais
est plus jeune que celui de l'essai P1 : 62 % des femmes ont moins de 50 ans dans
l'essai anglais (RMH) contre 40 % dans l'essai P1. De surcroît, le pourcentage
de patientes sous traitement hormonal substitutif (THS) est important, alors que
celui-ci est interdit dans l'essai P1, ce qui revient à dire que le nombre
de femmes sous influence œstrogénique est largement supérieur dans l'essai
anglais. Le niveau de risque de l'essai italien est plus faible que
154 A. LESUR
dans les deux autres (femmes hystérectomisées,
pour moitié ovariectomisées), le nombre d'événements est donc
plus faible.
• Dans l'essai anglais,
la sélection s'est faite essentiellement sur le critère familial, ce qui
a sélectionné une population probablement porteuse de gêne de mutation
BRCA1 et BRCA2, dont on sait actuellement que les tumeurs sont majoritairement RH
-. Dans l'analyse de POWLES, l'auteur souligne non sans amertume que « c'est
une ironie que de constater que l'action préventive s'avère être
moins efficace sur la seule population suffisamment à risque, justifiant dans
les années 88-90 l'utilisation d'une molécule à visée thérapeutique
» [47].
Cependant pour POWLES,
ni la puissance statistique, ni la compliance, ni le THS ne peuvent expliquer les
différences.
• Enfin la durée
du suivi est différente en fonction des différents essais, la durée
la plus longue étant celle de l'essai anglais.
6. Synthèse générale
Bien que la FDA ait donné son aval un an
après la publication des résultats du P1, une résistance persiste,
même aux USA, pour utiliser le Tamoxifène en préventif. Pour tenter
de faire une synthèse de cette difficile question, reprenons les arguments
«pour» et les arguments «contre» [21]
Arguments « pour »
La concordance absolue des résultats des
essais du NSABP, de la métaanalyse réactualisée et du P1 est impressionnante
et fait dire à NC WILCKEN [58] : « Y a-t-il quelque chose que le
Tamoxifène ne puisse pas faire ? ». FISHER rappelle dans son argumentaire
[21] la logique qui l'a mené des situations métastatiques à la prévention
au cours de ces dernières décennies 1978 à 1999. Ayant fait l'objet
de nombreuses critiques, FISHER n'a cessé de rappeler l'harmonie de ses résultats
considérant que le rapport bénéfices/risques est largement favorable,
tout particulièrement chez les femmes jeunes. Les résultats du P1 sont
difficilement contestables [30]. Il s'agit de la plus large étude incluant
13 000 femmes, avec la méthodologie éprouvée des essais NSABP
(participation du NCI, vérifications nombreuses). Elle répond parfaitement
aux exigences de chimioprévention rappelées par LIPPMANN [32] : évaluation
de l'incidence, comparaison de deux populations, ran
LA
PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE
: RéALITéS ET LIMITES 155
domisation contre placebo, population supérieure
à 1 000 personnes.
Les risques et les bénéfices ont été
largement étudiés et la balance entre les deux controversée. Les
risques inhérents à la prise de Tamoxifène acceptés et acceptables
en situation adjuvante deviennent pour beaucoup excessifs dans une démarche
de prévention touchant une population saine. « L'attente incantatoire
pour le risque 0 hypothèque l'utilisation par une très large population
saine d'une molécule classée dans les cancérogènes du groupe
I de la monographie 253 du CIRC. » [51].
Concernant cette critique, GAIL a présenté
un algorithme modifié tenant compte du risque individuel pondéré
(1999). Ainsi peut-on définir les populations plus ciblées dont le bénéfice
serait plus marqué. Il est cependant possible de faire deux remarques : FISHER
souligne qu'il n'est pas licite de mettre au même niveau deux risques comme
la cataracte et l'embolie pulmonaire mortelle. Il existe des effets bénéfiques
du Tamoxifène métabolique et osseux, même si leur impact au long
cours est incertain. Par ailleurs l'article de RAGAZ et coll. met en évidence
en terme de survie des bénéfices supérieurs aux effets adverses,
avec une réelle diminution de la mortalité chez les femmes traitées
entre 50 et 80 ans [52].
En ce qui concerne les cancers de l'utérus
survenus dans l'essai P1, sous Tamoxifène, FISHER précise qu'ils étaient
tous du stade I de la FIGO, contrairement aux craintes que l'on pourrait avoir à
la lecture de l'article récent de BERGMAN [2].
En ce qui concerne l'arrêt souvent
jugé prématuré de l'essai P1, FISHER rappelle la conformité
aux règles des essais cliniques et le difficile équilibre entre «
la nécessité de savoir » et celle « d'en savoir plus ».
« Tant que des millions de femmes
meurent du cancer du sein chaque année, il n'est pas licite de refuser la prévention.
» [21].
Cette conclusion de FISHER reste critiquable
car rien ne permet d'affirmer que les patientes qui n'ont pas présenté
de cancer du sein sous Tamoxifène n'en mourront pas en différé et
il est abusif de considérer que toute femme atteinte d'un cancer du sein en
meure.
Dans un autre article de « Correspondance
» de FISHER, les auteurs font espérer une prévention de 700 000 cancers
du sein, notion contestée par ROCKHIL en s'appuyant sur la cohorte connue des
NURSES. De cette bataille de chiffre ressort une idée importante : tous les
cancers ne surviennent pas sur les femmes répondant aux critères de l'essai
P1 (actuellement ceux de la 156 A. LESUR
FPA). Cette notion clinique quotidienne avait
été soulevée par LIPPMANN précédemment : l'algorithme de
GAIL n'est pas en pratique quotidienne infaillible et légion sont les femmes
atteintes n'ayant pas un risque supérieur à 1,6.
Par ailleurs FISHER rétorque qu'il ne faut
pas confondre fréquence des cas réellement diagnostiqués chaque année
et le nombre de femmes potentiellement à risque de faire un jour un cancer
du sein dans leur vie.
Enfin, en conclusion, à la critique
« on élimine les bons cancers et ils apparaîtront peut-être
plus tard », la réponse triviale mais pleine de bon sens peut être
celle-ci : « Si l'on doit être malade, que ce soit le plus tard possible
et il vaut mieux éviter une maladie, même si on en guérit. »
Arguments « contre »
FISHER déplore avoir fait l'objet dès
92, de harcèlement quant à cette idée nouvelle de prévention.
Les arguments « contre » se sont effectivement exprimés très
tôt et persistent, même si chaque critique a donné lieu à des
échanges épistolaires dans la rubrique « correspondance » du
JNCI [47]. Chacun s'accorde à admettre les résultats non contestables
sur la diminution de l'incidence et ainsi que le dit J. PRITCHARD, si le double
aveugle n'avait pas été levé, on ne pourrait pas progresser sur la
question de la prévention. Un certain nombre de critiques formulées en
92 deviennent donc caduques eu égard aux résultats. Les résultats
de la métaanalyse actualisée de Bruxelles rassurent quant à la pérennité
de l'acquis conféré par le Tamoxifène, donné quelques années,
à un moment donné de l'existence.
Certes la compliance n'est pas celle
des essais adjuvants et nécessite de par son existence un nombre considérable
de patientes dans les essais. Hors essais, les effets secondaires peuvent peser
au long cours lourdement dans l'abandon du traitement. Pour preuve, l'abandon fréquent
par lassitude du THS qui apporte un bénéfice chiffré en terme de
protection osseuse et cardiovasculaire et de qualité de vie, alors que les
effets secondaires sont très faibles.
Le principal reproche énoncé
par POWLES est la très probable inefficacité du traitement chez les femmes
génétiquement prédisposées qui sont celles qui sont généralement
le plus demandeuses, ayant vécu plusieurs histoires familiales douloureuses,
les sensibilisant au risque. Pour POWLES, les femmes présentant des antécédents
familiaux dans l'essai P1 ne sont probablement LA
PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE
: RéALITéS ET LIMITES 157
pas de vrais cas génétiquement prédisposés
et ne sont probablement pas porteuses du gêne muté. L'arrêt précoce
de l'essai ne permettant pas d'extrapolation entre la baisse de l'incidence et la
baisse de la mortalité est une critique de fond souvent retrouvée. Également
retrouvé est le risque de sélectionner des tumeurs de mauvais pronostic
RH-, déjà évoqué en 91 et 92 ; pour certains, cela revient à
dire que le Tamoxifène préviendrait ce qui aurait guéri (la clinique
quotidienne est pourtant là pour rappeler que les tumeurs RH- n'ont pas toutes
un pronostic désastreux et que les tumeurs RH+ finissent par mourir de leur
tumeur).
Les effets secondaires ont été largement
étudiés, notamment par ceux là mêmes qui ont publié sur
l'effet cancérigène du Tamoxifène en 95. POWLES constate que curieusement
on ne note aucun effet favorable dans l'essai P1 sur la pathologie coronaire, VERONESI
trouve une hypercholestérolémie étonnante. Les bénéfices
osseux existent mais ne concernent pas la fracture du col du fémur, cause la
plus fréquente de la morbidité en matière d'ostéoporose, et
l'effet apparaît même délétère avant la ménopause.
Le taux de cataracte, même s'il doit être considéré à un
autre niveau que l'embolie pulmonaire, est très élevé (19 % dans
l'essai P1).
En somme, deux types d'objection sont
généralement formulés :
• l'avenir du
cancer du sein prévenu : différé, éradiqué, transformé
RH+ devenant RH- ? [27] ;
• l'excès
d'effets secondaires, notamment en terme de qualité de vie, posant la question
du gain global de santé à l'échelon d'une population [33]. Dans les
effets secondaires, le doute sur l'effet cancérigène au niveau de certains
organes comme le foie et la réalité sur l'utérus ne peut être
oublié. Enfin il est encore difficile de connaître les effets secondaires
réels du Tamoxifène donné chez des patientes à gonadotropes
conservés ;
• la critique
de ROCKHIL met en cause l'aspect publicitaire de la campagne du Laboratoire ZENECA
qui, nous l'avons vu plus haut, n'hésite pas à inciter les femmes à
se traiter à travers des publicités dans les magazines grand public. LOVE
souligne également la difficile adéquation des outils de calcul de risque
individuel pour définir la population à risque « rien moins
qu'idéale » ; même A. TAYLOR [55] souligne la difficulté de
calcul de probabilité de GAIL modifiée tenant compte des risques encourus
« décourageants ». Le risque réel d'une patiente individuellement
reste donc difficile à appréhender ;
• enfin on a
souvent parlé des effets délétères du dépistage qui profite
à peu de femmes. Il faut probablement aussi tenir
158 A. LESUR
compte des effets délétères
des interventions de prévention qui ne protègent pas les femmes qui ne
seront jamais malades. [16]
Synthèse
En 1993, H. SANCHO-GARNIER définissait la
démarche préventive comme une préservation du capital santé,
physique et mental, devant diminuer le recours à la médecine curative.
Grâce à l'essai P1 de FISHER, en l'an 2000 une certitude est acquise :
une prévention chimique par le Tamoxifène du cancer du sein est possible.
La difficulté réside dans les suites à donner à cette affirmation.
D'autres exemples en médecine ont mis en évidence l'utilisation de molécules
à risque chez des patientes non malades. La contraception orale et à un
moindre degré le THS, ne sont pas dénué de risque. La question revient
donc essentiellement à l'équilibre bénéfices escomptés
/ risques encourus. LIPPMANN, en 99, constate la réticence aux USA un an après
l'autorisation de la FDA d'utiliser la molécule en prévention, réticence
aussi bien des patientes que des médecins à recourir à cette démarche.
Il serait à ce titre intéressant de savoir combien de femmes dans l'essai
P1 rendu ouvert ont pris du Tamoxifène volontairement à la place du placebo.
Le choix d'une population susceptible
de profiter au mieux de la molécule est un problème non résolu. Que
faire des patientes à faible risque qui feront cependant un cancer du sein
un jour ? Que dire des minorités non testées ? [32]
Alors que le Raloxifène n'avait
pas fait ses preuves en adjuvant, il obtient sur une population non ciblée
de meilleurs résultats que le Tamoxifène.
La réalité quotidienne bien
appréhendée par se heurte aux demandes des femmes.
• quelle information
objective donner ?
• comment concilier
la demande croissante des patientes pour le THS ?
• comment ne
pas tenir compte des résultats sur les lésions frontières et les
néoplasies lobulaires in situ du THS ?
L'aspect anthropologique des populations
intervient certainement dans les modes de prescription : culture différente,
mode de raisonnement, observance différente, lobbing différent...). L'avenir
dont la direction nous est montrée par le «Fingerpost» est encore
plein de questions non résolues et repose sur les résultats des essais
en cours et futurs : IBIS, STAR, l'utilisation de nouvelles molécules telles
les SERM, utilisation des analogues de la LH-RH LA
PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE
: RéALITéS ET LIMITES 159
plus ou moins associés aux SERM, la mise
en place de nouveaux essais de type antiaromatase, Tamoxifène placebo [9, 10].
L'observation au long cours des essais italiens et du Royal Mardson Hospital, dont
l'anonymat n'a pas été levé, nous permettra également de nouvelles
conclusions si, comme le pense CUZIK, toutes les tumeurs passent par des récepteurs
hormonaux positifs pour devenir hormono-résistantes et ce à un stade très
précoce. Le bénéfice dans l'essai anglais se verra plus tard. Même
s'il persiste de nombreuses questions, le parallélisme de FISHER avec la situation
de la chimiothérapie en 70 est à retenir. Avant de voir une amélioration
sur la survie globale, la chimiothérapie montrait une augmentation de l'intervalle
libre sans récidive. Ce n'est qu'avec les métaanalyses, grâce à
des échantillons beaucoup plus grands, que les certitudes sont arrivées.
Le temps est donc venu probablement d'attendre encore si on veut une certitude en
terme de mortalité. Toute donnée évaluable est utile, et cela incite
les Européens à penser qu'il faut poursuivre dans la voie des essais thérapeutiques.
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