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Titre: La prévention des cancers du sein par le Tamoxifène : réalités et limites
Année: 2003
Auteurs: - Lesur A.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Cancer du sein

La prévention des cancers
du sein par le Tamoxifène :
réalités et limites

Anne LESUR

1. Introduction

On entend par intervention de prévention d'une maladie une action visant à agir sur les facteurs d'apparition de celle-ci afin d'éviter qu'elle ne voie le jour, induisant ainsi qu'une réduction du risque de survenue de celle-ci. de cette sorte, les maladies infectieuses ont reçu une excellente prévention grâce aux vaccins, les infarctus, dans une moindre proportion, par le traitement des facteurs de risque athéromateux... La prévention a donc pour but de diminuer (voire de supprimer) l'incidence d'une maladie dans une population donnée. Ceci est d'autant plus important que la maladie est fréquente, grave, dans une population identifiable (à haut risque) et pour laquelle il existe des moyens thérapeutiques efficaces. Ces critères sont ceux également appliqués à toute action de dépistage, celui du dépistage du cancer du sein par la mammographie en est un des meilleurs exemples. Celui-ci n'a de sens que si la maladie détectée plus tôt se guérit mieux. De façon artificielle, nous l'avons vu, le dépistage augmente l'incidence par la mise en évidence de cas infracliniques. La diminution de la mortalité espérée par un dépistage correctement effectué et évalué ne coïncide donc pas avec une diminution de l'incidence contrairement à ce qui est espéré par une prévention qui, de façon optimum, pourrait éradiquer la maladie.

La prévention du cancer du sein pourrait se concevoir de façon idéale par une intervention directe au niveau du gène en cause, elle peut également viser à faire disparaître les facteurs de risque, ce qui nécessiterait de les connaître parfaitement et d'avoir une action efficace à leur niveau. Enfin les moyens chimiques pouvant agir au niveau des différentes étapes de la cancérogenèse pour

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raient être utilisés. C'est le cas du Tamoxifène dont l'efficacité est validée en thérapeutique courante depuis plus de trente ans, nécessitant en tout état de cause une connaissance de l'histoire naturelle de la maladie et de ses déterminismes L'autre alternative drastique consiste à faire disparaître la cible, c'est-à-dire pratiquer l'ablation des seins.

La notion de prévention par le Tamoxifène n'est pas une idée nouvelle. Elle préoccupe les thérapeutes aux prises avec la maladie depuis fort longtemps, et si on reprend l'historique des essais actuellement publiés, on retrouve ce concept exprimé à travers la littérature dès les années 1985-1986. Le temps est une notion non compressive en cancérologie, notamment les oncologues et l'industrie pharmaceutique le savent bien : il faut au moins une dizaine d'années entre la conception d'un procédé ou d'une molécule (essai thérapeutique) avant de pouvoir en tirer des conclusions fiables et utilisables au quotidien. Ceci est particulièrement vrai dans le cancer du sein qui est une maladie longue et rémanente, dont on ne peut facilement affirmer la guérison (récidives 10 à 15 ans plus tard possible). Avant d'analyser, en ce qui concerne la prévention par le Tamoxifène du cancer du sein, les résultats des essais thérapeutiques publiés récemment, il est instructif d'en faire l'historique, de détailler les motivations et les bases scientifiques d'une telle démarche.

Nous tenterons ensuite de faire l'inventaire des arguments favorables à la prescription du Tamoxifène en préventif, ceux qui sont opposés et d'en faire une synthèse pour l'avenir.

2. Historique

Avant même la publication des résultats des trois essais de prévention du cancer du sein par le Tamoxifène [19, 46,5 7] la question de l'action préventive par cette molécule avait déjà fait couler beaucoup d'encre et soulevé controverses et interrogations.

•   Dès 1986, J. CUZICK [8] écrivait dans le Lancet un article documenté sur les bases scientifiques d'une intervention de prévention par le Tamoxifène. : « Il existe actuellement des arguments substantiels pour affirmer que les œstrogènes ont un rôle majeur dans l'étiologie des cancers du sein et que bloquer leur activité biologique pourrait diminuer notoirement l'incidence du cancer du sein. Pour l'heure le Tamoxifène apparaît comme étant l'agent de foi. L'identification d'un groupe de femmes à haut risque offre la possibilité d'un essai de prophylaxie par le

   LA PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE : RéALITéS ET LIMITES   145

Tamoxifène et nous pensons que cette approche peut être actuellement proposée ».

   Cette idée est reformulée à plusieurs reprises dans les années 1989 et 1990 : Il est particulièrement intéressant de relire à ce propos l'article d'Acta Oncologica de T.J. POWLES [43] dans lequel l'auteur définit parfaitement les conditions d'un essai visant à démontrer cette prévention : « Pour avoir une chance raisonnable de détecter une prévention efficace du cancer du sein par un antiœstrogène, il faudrait 5 000 femmes traitées et 5 000 femmes contrôle dans une population à haut risque, suivie 15 à 20 ans » (ceci pour obtenir une différence de 25 % de réduction). Et T.J.POWLES d'ajouter « il faudrait un agent antiœstrogénique peu coûteux, facile à administrer et bien toléré », d'où la réalisation d'un essai de faisabilité sur 200 patientes de 35 à 65 ans, avec au moins un antécédent familial de premier degré, réalisé d'octobre 86 à février 88. L'étude sur 100 femmes est particulièrement détaillée dans le British Journal of Cancer de la même année, et les conclusions semblent favorables [44]•

•   En 1991, S.G. NAYFIELD s'intéresse aussi au rôle préventif potentiel du Tamoxifène, dans le JNCI [35]. Tout comme l'a fait B. FISHER dans un éditorial du même journal quelques semaines au préalable [17], l'auteur s'appuie sur les données des essais cliniques randomisés en situation adjuvante [18] faisant porter son argumentation sur la réduction de l'incidence du cancer du sein controlatéral de 35 % chez les patientes ayant pris du Tamoxifène, « suggérant ainsi un rôle potentiel du Tamoxifène en chimioprévention du cancer du sein chez la femme à haut risque de présenter la maladie ». Si l'on prend dans leur ensemble les résultats des essais randomisés concernant la survenue du cancer du sein controlatéral, la différence est certes significative (1,6 % dans le bras Tamoxifène pour 2,4 % dans le bras placebo). Cependant tous les essais ne sont pas concordants (NATO, Scottisch, Essai Canadien, Essai Danois Copenhague : [3, 40, 41, 49] (non significatifs), mettant en cause possiblement l'importance de la durée de la prise du Tamoxifène. A travers ces études, la toxicité et les effets secondaires potentiellement favorables sont détaillés et estimés acceptables.

   La notion de femmes à haut risque, en dehors d'une prédisposition génétique, est identifiée à partir de l'algorithme de GAIL [23] qui servira aux critères d'inclusion de l'essai du NSABP P1.[19]. Il tient compte des facteurs hormonaux (âge de la

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puberté, de la ménopause, âge à la première naissance, nulliparité, maladie bénigne du sein, ...). Dans ce même éditorial, FISHER annonce le NSABP P1.

•   À peine proposé, l'essai suscite des réactions diverses : A. FUGH BERMAN et S. EPSTEIN expriment en 92 de nombreuses réserves dans leur article du Lancet : « Tam : disease prevention or disease substitution ? » [22]. Les auteurs pensent qu'il n'existe aucune base scientifique permettant d'identifier le sein controlatéral d'une femme atteinte d'un cancer du sein aux seins d'une femme à risque n'ayant pas présenté la maladie. Ils mettent également en doute la compliance d'un tel essai en raison des effets secondaires qui apparaissent conséquents dans une opération à visée préventive. Dans le NEJM de 1992, ces mêmes auteurs s'inquiètent de la présentation, déloyale à leurs yeux, de l'essai exagérant les bénéfices cardiovasculaires et sur l'ostéoporose et minimisant les risques réels afin de convaincre les femmes de entrer dans l'essai : « prevents breast cancer, reduces the risk of bone fractures, and of myocardial infarction ». Ils rappellent à cette occasion l'existence d'études bien menées, ne montrant aucun bénéfice ni cardiaque ni sur l'ostéoporose.

   La même année, la troisième analyse d'Oxford conduite par R.PETO confirme la diminution du risque de cancer controlatéral de 54 % après deux ans de traitement par Tamoxifène.

•   Les essais anglais et italiens sont proposés à la France en 1993 et suscitent de nombreuses réunions, suivies de prises de position officielles des sociétés savantes en 1994 (FNCLCC et Société Française de Sénologie et de Pathologie Mammaire). Essentiellement sous l'égide des endocrinologues et des épidémiologistes, les Français restent très réticents, en raison des risques cancérologiques utérins et thrombo-emboliques, et de l'action stimulante clomid-like du Tamoxifène sur les ovaires fonctionnels d'une femme non ménopausée [13, 53, 56].

•   Dans un numéro du Bulletin du Cancer entièrement consacré à la prévention des cancers, M. NAMER [38] se livre à une analyse très précise des essais concernant la survenue des cancers du sein controlatéraux. Il dresse également une revue exhaustive des effets secondaires délétères et bénéfiques observés dans les essais thérapeutiques existants en situation adjuvante.

•   En 1994, T.J. POWLES actualise son essai pilote dans un article concis et exhaustif [45]. Le « Tamoplac » est détaillé d'octobre 86 à juin 93, il concerne 2012 femmes de 30 à 70 ans,

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avec un risque élevé de cancer du sein, le plus souvent en raison d'antécédents familiaux. Ces patientes ont été randomisées entre un bras Tamoxifène et un bras placebo, 20 mg par jour pendant huit ans. Durant 5 ans, la compliance a été satisfaisante. Les effets secondaires gynécologiques ont été particulièrement bien étudiés. On note une différence significative dans la fréquence des bouffées de chaleur : 34 % contre 20 % chez les femmes non ménopausées (p < 0,005) et dans les pertes vaginales (16 % contre 4 % p < 0,005) ainsi que dans les irrégularités menstruelles (14 % contre 9 %). Le traitement hormonal était permis et équitablement réparti entre les deux groupes (l'étude de la toxicité s'est faite sur le groupe sans traitement hormonal substitutif, c'est-à-dire sur 663 femmes prenant du Tamoxifène et 673 femmes prenant du placebo). Le taux de patientes jeunes est élevé puisque 590 femmes prenant du Tamoxifène contre 920 prenant du placebo ont moins de 50 ans. Dans le groupe des femmes ménopausées, 257 femmes sous Tamoxifène et 415 sous placebo prennent un traitement œstrogénique. T.J.POWLES redéfinit à cette occasion la nécessité d'un nombre important de participantes à de tels essais. Le nombre dépend du niveau de risque de cancer du sein des femmes, de la compliance et du degré de protection offerts par le Tamoxifène.

   Ces résultats encouragent la mise en place des deux essais italiens, rapportés par VERONESI [57]) et anglais (IBIS) encore actuellement en cours [9].

•   En 1994, l'annonce par le CIRC du classement du Tamoxifène comme agent cancérogène dans la monographie 253 est responsable d'une désaffection dans les différents essais, et particulièrement dans l'essai italien.

   En 1995, dans les nombreux articles qui ont suivi au cours de l'année sur ce débat, on note l'article de G. AUCLERC dans les Cahiers d'Oncologie [1], rappelant l'utilisation hors AMM du Tamoxifène chez des patientes non ménopausées pour des mastoses résistantes aux progestatifs sur des courtes périodes. Le coût financier d'une opération de prévention est mentionné. D'après ses calculs, la prévention de décès par an du cancer du sein revient dix fois plus cher avec le Tamoxifène qu'avec la mammographie de dépistage dans un système organisé !...

   Enfin, et sans être exhaustif, on admirera l'article de V.C. JORDAN en 1997 [29]), qui avant les résultats attendus des essais de prévention, rappelle que la majorité des femmes est à risque de cancer du sein et qu'une nouvelle stratégie serait souhai

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table pour l'ensemble de la population féminine ménopausée. Dès 1989, JORDAN et coll. imaginent qu'une nouvelle voie de prévention pourrait venir de la recherche d'agents agissant sur l'ostéoporose et les maladies cardiaques, puisqu'il est vrai que le Tamoxifène a des actions favorables à ce niveau. L'essai ultérieur MORE étudiant le Raloxifène illustrera parfaitement ce propos [7].

•   En avril 1998, seuls pendant quelques mois sont disponibles les articles de la grande presse [15]pour documenter l'arrêt impromptu de l'essai américain NSABP-P1. On retrouve cependant un abstract publié à l'ASCO 1998 et l'éditorial du British Medical Journal écrit par BRUZZI [4]), plutôt inquiétant et en faveur d'une poursuite des essais existants. Suivent quelques mois plus tard les parutions des trois essais [19, 46, 57] suivis de nombreuses synthèses et interrogations [27, 37, 50]. M. NAMER trace une première estimation des résultats dans le Bulletin du Cancer 1998 [38] et rapidement les sociétés savantes dont la FNCLCC en juillet 1998 [14] donnent leur opinion sur le sujet.

   En 1999, le sujet ne perd rien de son actualité : deux publications françaises tirent un certain nombre de conclusions et formulent de nouvelles interrogations [30, 54]. Aux Etats-Unis, FISHER, mis en cause par la publication des résultats discordants des essais européens, publie des commentaires sur la validité de son étude, ainsi qu'une étude de qualité de vie des patientes incluses dans l'étude P1 [11] [20]. Enfin, il n'est pas anodin de noter l'existence de trois pages de publicité pour le Nolvadex en prévention chez les femmes à risque dans le Home Beautiful du mois d'août [42], illustrant, s'il en était besoin, les différences culturelles entre pays : « If you care bord breast cancer, came more about being a 1.7 than E 36 B. ? ».

3. Les essais

3.1. NSABP-P1 : National Surgical Adjuvant Breast Project P1-Study. [19]

Cet essai ouvert d'avril 1992 à mai 1997 a randomisé 13388 femmes selon les critères ci-dessous :

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Randomisation

13 388 femmes*

•   Femmes > 60 ans avec ou sans facteur de risque

•   Femmes 35 à 59 ans avec facteurs de risque (GAIL)

   CLIS, antécédent familial premier degré, biopsie mammaire antérieure, hyperplasie atypique, >25 ans à la première naissance, nullipare, puberté avant 12 ans.   

   Placebo (P) (6707 femmes) / Tamoxifène (T) 20 mg/ pendant 5 ans (6681 femmes)

•   *Analyse sur 13 175 femmes (212 perdues de vue)

   46,1 % de la population est âgé de moins de 50 ans - 31 % a de 50 à 59 ans et 30 % a plus de 60 ans. Cela revient à dire que 61 % de la population était post-ménopausée. Le traitement hormonal substitutif est interdit. 24 % de la population est vierge de tout antécédent familial et 57 % n'a qu'un seul antécédent familial de premier degré. Le suivi médian est de 54,6 mois avec un suivi supérieur à 36 mois dans 73,9 % des cas, de 48 mois dans 67 % et de 60 mois dans 36,8 %.

Les résultats sont significatifs tant en terme de survenue de cancer invasif que de carcinome in situ : 368 cancers ‡ 244 dans le bras placebo - 124 dans le bras Tamoxifène (68 dans le bras placebo < 50 ans, 38 dans le bras Tamoxifène < 50 ans). Cela correspond à une diminution de 49 % pour les cancers invasifs (175 pour 89, p<0,00001, et de 50 % pour les carcinomes in situ (69 contre 35, p<0,002). On note une réduction de 69 % du nombre des cancers RE+, sans différence significative d'incidence pour les RE -. Cette réduction est surtout nette dans la population des femmes plus âgées.

Caractéristiques des tumeurs survenant pendant l'essai

En terme de toxicité ou d'effets secondaires, on note 15 cancers de l'endomètre sous placebo, pour 36 sous Tamoxifène, de type I de la FIGO, correspondant à une incidence annuelle multipliée par 2,53. ( surtout enregistré chez des patientes 50 > ans).Les manifestations thromboemboliques sont plus fréquentes dans le bras Tamoxifène (110 T, 77 P), entraînant trois cas mortels d'embolie pulmonaire dans le bras Tamoxifène (18 T - 6 P), toutes les manifestations sont plus fréquentes chez les femmes au-delà de 50 ans.

On note en ce qui concerne les effets bénéfiques une différence en taux de survenue des fractures au niveau du radius et du rachis

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(111 T - 137 P). On note également un taux de décès par cancer du sein et autre supérieur dans le bras placebo (42/23). Par contre 15 décès sont dénombrés dans le bras placebo et 22 dans le bras Tamoxifène pour des causes vasculaires. Aucun effet au niveau de la pathologie ischémique cardiaque n'est enregistré.

On note une compliance globale de 78,4 % avec 21,6 % d'arrêt. Il existe une différence significative en terme de qualité de vie en ce qui concerne les effets gynécologiques, 45,7 % de femmes contre 28,4 sous placebo) et en terme de leucorrhées (de modérées à majeures) : 29 % T et 13 % P. Globalement dans les abandons, 19,7 % ont abandonné dans le bras placebo contre 23,7 % dans le bras Tamoxifène. Enfin 1,6 % des patientes est perdu de vue.

3.2. Essai italien [57]

Un essai réalisé en double aveugle par Tamoxifène à 20 mg par jour pendant 5 sans est proposé à des patientes ayant eu une hystérectomie pour éliminer le risque inhérent à la pathologie endométrial, 48 % de femmes ayant eu une ovariectomie bilatérale. Une première analyse intermédiaire de l'essai a été publiée en 1996 dans un ouvrage consacré aux bases scientifiques de la chimioprévention [5].

L'essai a été clos en juillet 1997 en raison du nombre de femmes ayant arrêté en cours de traitement ou à cause des effets secondaires du Tamoxifène. 13419 femmes ont été recrutées pour rentrer dans l'essai, mais seules 5408 ont été randomisées. Réellement analysées dans l'essai, on dénombre 3837 femmes dont 1966 dans le bras placebo et 1871 dans le bras Tamoxifène. La médiane de suivi est de 46 mois, c'est-à-dire environ 4 ans, et seules 149 femmes ont effectué 5 ans de prise. (72 P / 71T). Les femmes sont âgées de 35 à 70 ans (38 % < 49 ans ; 62 % Ž 50-60 ans). Deux notions sont importantes : le traitement hormonal substitutif est autorisé et utilisé chez 14 % des femmes, soit 752 patientes ; 422 femmes sont sorties de l'essai, correspondant à 26 % d'abandon.

Randomisation

5 408 femmes dans essai*

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•   5 408 femmes randomisées, mais 3 837 réellement dans essai.

   35 à 70 ans (38 % 49 ans ; 62 % Ž 50 à 60 ans)

   Hystérectomie (48 % ovariectomie)

   THS autorisé (14 %) - 26 % abandon.

   Tam 20 mg / Placebo pendant 5 ans

   1966 P / 1871 T

Résultats : 41 cancers (19 T / 22 P). Si on individualise le sous-groupe des femmes traitées pendant un an, on trouve 11 cancers sous Tamofixène pour 19 sous placebo.

La notion mise en exergue par les auteurs est celle de l'existence de 9 cancers survenus chez des femmes sous traitement hormonal substitutif sous forme de patch aux œstrogènes, avec une différence significative entre les sous-groupes (1/362 T - 8/390 P). Dans l'état actuel des résultats, on peut conclure qu'il n'existe pas de différence d'incidence de survenue du cancer entre les bras Tamoxifène et placebo, la répartition des récepteurs hormonaux est la même, il n'existe bien évidemment aucun cancer de l'utérus. En ce qui concerne les manifestations thromboemboliques, la différence est significative (46 T : 18 P - p = 0,005). On note curieusement une hypertriglycéridémie (15 T / 2 P - p = 0,0013).

3.3. Essai anglais [46]

POWLES a écrit, nous l'avons vu à diverses reprises au sujet de son étude de faisabilité, puis de son étude pilote. A noter que cette étude pilote a servi de référence pour la mise en place de l'essai UK, encore actuellement en cours (essai IBIS [9]), coordonné par CUZICK.

Il s'agit donc d'une étude pilote réalisée d'octobre 1986 à avril 1996, avec 2 471 inclusions.

Randomisation

2 471 femmes

•   30 à 70 ans (33 % Ž 50 ans ; 66 % préménopausées)

   THS autorisé (42 %)

   Tam 20 mg / placebo

   8 ans

Toutes les patientes ont une histoire familiale, elles sont âgées de 30 à 70 ans. Le Tamoxifène est randomisé contre le placebo à 20 mg par jour pendant 8 ans. Le suivi médian (DMS) est de 70 mois. 66 % des patientes sont non ménopausées, 33 % ont 50 ans et plus. Le traitement hormonal substitutif est autorisé dans 42 % des

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cas, ce qui correspond à 187 + 336 patientes sous Tamoxifène, 305 + 202 sous placebo.

Sur 70 cancers du sein, on ne note pas de différence entre les deux bras : 34 T : 32 P (4 carcinomes in situ dans chaque groupe), RR = 1,06.

A noter que dans cet essai, sur les 2 471 patientes randomisées, actuellement 1033 patientes ne prennent plus de traitement soit par ce qu'elles ont atteint 8 ans de traitement (il s'agit de 156 femmes, 79,77 %). 877 ont arrêté précocement, ce qui correspond à 35,5 % d'arrêt. (497 T/ 380 P). La différence est significative entre les deux bras : p< 0,005 (les causes d'arrêt gynécologique avec bouffées de chaleur et problèmes gynécologiques sont de 320 T / 176 P). On note 141 femmes perdues de vue dans le bras Tamoxifène, 139 dans le bras Placebo.

A noter qu'il n'existe aucune interaction entre le traitement hormonal substitutif et l'effet du Tamoxifène dans cet essai : 12 cancers chez les patientes sous Tamoxifène puis traitement hormonal substitutif, ce qui fait 523 femmes, 13 cancers chez les femmes sous placebo et traitement substitutif, ce qui fait 507 patientes.

Enfin la toxicité enregistrée dans cet essai retrouve 5 cancers de l'endomètre (4 T / 1P). Les manifestations thromboemboliques sont un peu plus importantes dans le bras Tamoxifène : 4 thromboses veineuses profondes pour 2 dans le bras placebo et 3 embolies pour 2 dans le bras placebo. En ce qui concerne les fractures, on note seulement un avantage en post-ménopause.

4. Conclusion

On retrouve davantage de précisions sur un certain nombre de points dans les publications princeps de ces trois essais, mais on note d'une façon générale qu'il manque un certain nombre de données, notamment sur les caractéristiques des carcinomes enregistrés, tant au niveau de leurs caractéristiques histologiques qu'en terme d'âge chez les patientes de profil hormonal. Il est également difficile de préciser la prise exacte du traitement par chaque sous-groupe en terme d'années.

5. Discussion

La publication des résultats des trois essais a laissé perplexe pendant plusieurs mois. Il est indéniable que les résultats négatifs des

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essais européens ont jeté un doute sur l'essai de FISHER, même si aux Etats-Unis la FDA a approuvé l'utilisation préventive de la molécule en octobre 1998. Les femmes américaines seraient-elles différentes des femmes européennes ? [49] Depuis, de nombreux articles sont venus faire le point sur les différences qui peuvent expliquer les résultats, en apparence non concordants, d'essais a priori de méthodologie identique. Ces différences portent sur un certain nombre de points [10, 50] :

•   La taille des essais a été mise en cause : l'essai P1 comprend deux fois plus de femmes et trois fois plus d'événements que les deux autres. En cancérologie, les métaanalyses nous ont appris depuis longtemps que certains essais, de méthodologie correcte, ne deviennent significatifs qu'après le regroupement avec d'autres ; ce n'est pas nouveau que des essais au protocole identique, montrent des résultats discordants, à commencer par ceux concernant la prévention du cancer du sein controlatéral [36]. La puissance est donc possiblement en cause, surtout si l'on se souvient des prédictions de CUZIK en 1986.

•   L'essai italien a été très critiqué pour sa non compliance. COSTA s'en est expliqué, mettant en avant l'inquiétude générée en 1994 par l'annonce du caractère cancérigène de la molécule (pourtant les femmes italiennes étaient toutes hystérectomisées). Dans tous les essais, notamment dans l'essai P1, un ralentissement des inclusions a été enregistré à cette annonce, mais celui-ci est d'autant plus marqué que le nombre total est plus faible. N'oublions pas la compliance de l'essai P1 est de 78,4 %, soit 21,6 % d'arrêt contre 26 % dans l'essai italien, taux encore plus élevé, dans l'essai anglais. La tolérance excellente constatée dans les essais adjuvants (moins de 5 % de sorties des essais) n'est pas observée de façon identique entre population malade et population saine à risque (« therapy she can live with », publicité du NOLVADEX dans les années 75).

•   L'âge, les facteurs de risque et le contexte hormonal sont autant de différences pouvant expliquer en partie les discordances. En effet, l'âge moyen dans l'essai anglais est plus jeune que celui de l'essai P1 : 62 % des femmes ont moins de 50 ans dans l'essai anglais (RMH) contre 40 % dans l'essai P1. De surcroît, le pourcentage de patientes sous traitement hormonal substitutif (THS) est important, alors que celui-ci est interdit dans l'essai P1, ce qui revient à dire que le nombre de femmes sous influence œstrogénique est largement supérieur dans l'essai anglais. Le niveau de risque de l'essai italien est plus faible que

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dans les deux autres (femmes hystérectomisées, pour moitié ovariectomisées), le nombre d'événements est donc plus faible.

•   Dans l'essai anglais, la sélection s'est faite essentiellement sur le critère familial, ce qui a sélectionné une population probablement porteuse de gêne de mutation BRCA1 et BRCA2, dont on sait actuellement que les tumeurs sont majoritairement RH -. Dans l'analyse de POWLES, l'auteur souligne non sans amertume que « c'est une ironie que de constater que l'action préventive s'avère être moins efficace sur la seule population suffisamment à risque, justifiant dans les années 88-90 l'utilisation d'une molécule à visée thérapeutique » [47].

   Cependant pour POWLES, ni la puissance statistique, ni la compliance, ni le THS ne peuvent expliquer les différences.

•   Enfin la durée du suivi est différente en fonction des différents essais, la durée la plus longue étant celle de l'essai anglais.

6. Synthèse générale

Bien que la FDA ait donné son aval un an après la publication des résultats du P1, une résistance persiste, même aux USA, pour utiliser le Tamoxifène en préventif. Pour tenter de faire une synthèse de cette difficile question, reprenons les arguments «pour» et les arguments «contre» [21]

Arguments « pour »

La concordance absolue des résultats des essais du NSABP, de la métaanalyse réactualisée et du P1 est impressionnante et fait dire à NC WILCKEN [58] : « Y a-t-il quelque chose que le Tamoxifène ne puisse pas faire ? ». FISHER rappelle dans son argumentaire [21] la logique qui l'a mené des situations métastatiques à la prévention au cours de ces dernières décennies 1978 à 1999. Ayant fait l'objet de nombreuses critiques, FISHER n'a cessé de rappeler l'harmonie de ses résultats considérant que le rapport bénéfices/risques est largement favorable, tout particulièrement chez les femmes jeunes. Les résultats du P1 sont difficilement contestables [30]. Il s'agit de la plus large étude incluant 13 000 femmes, avec la méthodologie éprouvée des essais NSABP (participation du NCI, vérifications nombreuses). Elle répond parfaitement aux exigences de chimioprévention rappelées par LIPPMANN [32] : évaluation de l'incidence, comparaison de deux populations, ran

   LA PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE : RéALITéS ET LIMITES   155

domisation contre placebo, population supérieure à 1 000 personnes.

Les risques et les bénéfices ont été largement étudiés et la balance entre les deux controversée. Les risques inhérents à la prise de Tamoxifène acceptés et acceptables en situation adjuvante deviennent pour beaucoup excessifs dans une démarche de prévention touchant une population saine. « L'attente incantatoire pour le risque 0 hypothèque l'utilisation par une très large population saine d'une molécule classée dans les cancérogènes du groupe I de la monographie 253 du CIRC. » [51].

Concernant cette critique, GAIL a présenté un algorithme modifié tenant compte du risque individuel pondéré (1999). Ainsi peut-on définir les populations plus ciblées dont le bénéfice serait plus marqué. Il est cependant possible de faire deux remarques : FISHER souligne qu'il n'est pas licite de mettre au même niveau deux risques comme la cataracte et l'embolie pulmonaire mortelle. Il existe des effets bénéfiques du Tamoxifène métabolique et osseux, même si leur impact au long cours est incertain. Par ailleurs l'article de RAGAZ et coll. met en évidence en terme de survie des bénéfices supérieurs aux effets adverses, avec une réelle diminution de la mortalité chez les femmes traitées entre 50 et 80 ans [52].

En ce qui concerne les cancers de l'utérus survenus dans l'essai P1, sous Tamoxifène, FISHER précise qu'ils étaient tous du stade I de la FIGO, contrairement aux craintes que l'on pourrait avoir à la lecture de l'article récent de BERGMAN [2].

En ce qui concerne l'arrêt souvent jugé prématuré de l'essai P1, FISHER rappelle la conformité aux règles des essais cliniques et le difficile équilibre entre « la nécessité de savoir » et celle « d'en savoir plus ».

« Tant que des millions de femmes meurent du cancer du sein chaque année, il n'est pas licite de refuser la prévention. » [21].

Cette conclusion de FISHER reste critiquable car rien ne permet d'affirmer que les patientes qui n'ont pas présenté de cancer du sein sous Tamoxifène n'en mourront pas en différé et il est abusif de considérer que toute femme atteinte d'un cancer du sein en meure.

Dans un autre article de « Correspondance » de FISHER, les auteurs font espérer une prévention de 700 000 cancers du sein, notion contestée par ROCKHIL en s'appuyant sur la cohorte connue des NURSES. De cette bataille de chiffre ressort une idée importante : tous les cancers ne surviennent pas sur les femmes répondant aux critères de l'essai P1 (actuellement ceux de la

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FPA). Cette notion clinique quotidienne avait été soulevée par LIPPMANN précédemment : l'algorithme de GAIL n'est pas en pratique quotidienne infaillible et légion sont les femmes atteintes n'ayant pas un risque supérieur à 1,6.

Par ailleurs FISHER rétorque qu'il ne faut pas confondre fréquence des cas réellement diagnostiqués chaque année et le nombre de femmes potentiellement à risque de faire un jour un cancer du sein dans leur vie.

Enfin, en conclusion, à la critique « on élimine les bons cancers et ils apparaîtront peut-être plus tard », la réponse triviale mais pleine de bon sens peut être celle-ci : « Si l'on doit être malade, que ce soit le plus tard possible et il vaut mieux éviter une maladie, même si on en guérit. »

Arguments « contre »

FISHER déplore avoir fait l'objet dès 92, de harcèlement quant à cette idée nouvelle de prévention. Les arguments « contre » se sont effectivement exprimés très tôt et persistent, même si chaque critique a donné lieu à des échanges épistolaires dans la rubrique « correspondance » du JNCI [47]. Chacun s'accorde à admettre les résultats non contestables sur la diminution de l'incidence et ainsi que le dit J. PRITCHARD, si le double aveugle n'avait pas été levé, on ne pourrait pas progresser sur la question de la prévention. Un certain nombre de critiques formulées en 92 deviennent donc caduques eu égard aux résultats. Les résultats de la métaanalyse actualisée de Bruxelles rassurent quant à la pérennité de l'acquis conféré par le Tamoxifène, donné quelques années, à un moment donné de l'existence.

Certes la compliance n'est pas celle des essais adjuvants et nécessite de par son existence un nombre considérable de patientes dans les essais. Hors essais, les effets secondaires peuvent peser au long cours lourdement dans l'abandon du traitement. Pour preuve, l'abandon fréquent par lassitude du THS qui apporte un bénéfice chiffré en terme de protection osseuse et cardiovasculaire et de qualité de vie, alors que les effets secondaires sont très faibles.

Le principal reproche énoncé par POWLES est la très probable inefficacité du traitement chez les femmes génétiquement prédisposées qui sont celles qui sont généralement le plus demandeuses, ayant vécu plusieurs histoires familiales douloureuses, les sensibilisant au risque. Pour POWLES, les femmes présentant des antécédents familiaux dans l'essai P1 ne sont probablement

   LA PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE : RéALITéS ET LIMITES   157

pas de vrais cas génétiquement prédisposés et ne sont probablement pas porteuses du gêne muté. L'arrêt précoce de l'essai ne permettant pas d'extrapolation entre la baisse de l'incidence et la baisse de la mortalité est une critique de fond souvent retrouvée. Également retrouvé est le risque de sélectionner des tumeurs de mauvais pronostic RH-, déjà évoqué en 91 et 92 ; pour certains, cela revient à dire que le Tamoxifène préviendrait ce qui aurait guéri (la clinique quotidienne est pourtant là pour rappeler que les tumeurs RH- n'ont pas toutes un pronostic désastreux et que les tumeurs RH+ finissent par mourir de leur tumeur).

Les effets secondaires ont été largement étudiés, notamment par ceux là mêmes qui ont publié sur l'effet cancérigène du Tamoxifène en 95. POWLES constate que curieusement on ne note aucun effet favorable dans l'essai P1 sur la pathologie coronaire, VERONESI trouve une hypercholestérolémie étonnante. Les bénéfices osseux existent mais ne concernent pas la fracture du col du fémur, cause la plus fréquente de la morbidité en matière d'ostéoporose, et l'effet apparaît même délétère avant la ménopause. Le taux de cataracte, même s'il doit être considéré à un autre niveau que l'embolie pulmonaire, est très élevé (19 % dans l'essai P1).

En somme, deux types d'objection sont généralement formulés :

•   l'avenir du cancer du sein prévenu : différé, éradiqué, transformé RH+ devenant RH- ? [27] ;

•   l'excès d'effets secondaires, notamment en terme de qualité de vie, posant la question du gain global de santé à l'échelon d'une population [33]. Dans les effets secondaires, le doute sur l'effet cancérigène au niveau de certains organes comme le foie et la réalité sur l'utérus ne peut être oublié. Enfin il est encore difficile de connaître les effets secondaires réels du Tamoxifène donné chez des patientes à gonadotropes conservés ;

•   la critique de ROCKHIL met en cause l'aspect publicitaire de la campagne du Laboratoire ZENECA qui, nous l'avons vu plus haut, n'hésite pas à inciter les femmes à se traiter à travers des publicités dans les magazines grand public. LOVE souligne également la difficile adéquation des outils de calcul de risque individuel pour définir la population à risque « rien moins qu'idéale » ; même A. TAYLOR [55] souligne la difficulté de calcul de probabilité de GAIL modifiée tenant compte des risques encourus « décourageants ». Le risque réel d'une patiente individuellement reste donc difficile à appréhender ;

•   enfin on a souvent parlé des effets délétères du dépistage qui profite à peu de femmes. Il faut probablement aussi tenir

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compte des effets délétères des interventions de prévention qui ne protègent pas les femmes qui ne seront jamais malades. [16]

Synthèse

En 1993, H. SANCHO-GARNIER définissait la démarche préventive comme une préservation du capital santé, physique et mental, devant diminuer le recours à la médecine curative. Grâce à l'essai P1 de FISHER, en l'an 2000 une certitude est acquise : une prévention chimique par le Tamoxifène du cancer du sein est possible. La difficulté réside dans les suites à donner à cette affirmation. D'autres exemples en médecine ont mis en évidence l'utilisation de molécules à risque chez des patientes non malades. La contraception orale et à un moindre degré le THS, ne sont pas dénué de risque. La question revient donc essentiellement à l'équilibre bénéfices escomptés / risques encourus. LIPPMANN, en 99, constate la réticence aux USA un an après l'autorisation de la FDA d'utiliser la molécule en prévention, réticence aussi bien des patientes que des médecins à recourir à cette démarche. Il serait à ce titre intéressant de savoir combien de femmes dans l'essai P1 rendu ouvert ont pris du Tamoxifène volontairement à la place du placebo.

Le choix d'une population susceptible de profiter au mieux de la molécule est un problème non résolu. Que faire des patientes à faible risque qui feront cependant un cancer du sein un jour ? Que dire des minorités non testées ? [32]

Alors que le Raloxifène n'avait pas fait ses preuves en adjuvant, il obtient sur une population non ciblée de meilleurs résultats que le Tamoxifène.

La réalité quotidienne bien appréhendée par se heurte aux demandes des femmes.

•   quelle information objective donner ?

•   comment concilier la demande croissante des patientes pour le THS ?

•   comment ne pas tenir compte des résultats sur les lésions frontières et les néoplasies lobulaires in situ du THS ?

L'aspect anthropologique des populations intervient certainement dans les modes de prescription : culture différente, mode de raisonnement, observance différente, lobbing différent...). L'avenir dont la direction nous est montrée par le «Fingerpost» est encore plein de questions non résolues et repose sur les résultats des essais en cours et futurs : IBIS, STAR, l'utilisation de nouvelles molécules telles les SERM, utilisation des analogues de la LH-RH

   LA PRéVENTION DES CANCERS DU SEIN PAR LE TAMOXIFèNE : RéALITéS ET LIMITES   159

plus ou moins associés aux SERM, la mise en place de nouveaux essais de type antiaromatase, Tamoxifène placebo [9, 10]. L'observation au long cours des essais italiens et du Royal Mardson Hospital, dont l'anonymat n'a pas été levé, nous permettra également de nouvelles conclusions si, comme le pense CUZIK, toutes les tumeurs passent par des récepteurs hormonaux positifs pour devenir hormono-résistantes et ce à un stade très précoce. Le bénéfice dans l'essai anglais se verra plus tard. Même s'il persiste de nombreuses questions, le parallélisme de FISHER avec la situation de la chimiothérapie en 70 est à retenir. Avant de voir une amélioration sur la survie globale, la chimiothérapie montrait une augmentation de l'intervalle libre sans récidive. Ce n'est qu'avec les métaanalyses, grâce à des échantillons beaucoup plus grands, que les certitudes sont arrivées. Le temps est donc venu probablement d'attendre encore si on veut une certitude en terme de mortalité. Toute donnée évaluable est utile, et cela incite les Européens à penser qu'il faut poursuivre dans la voie des essais thérapeutiques.

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