Tolérance et effets secondaires de
l'hormonothérapie adjuvante dans le traitement des cancers du sein
Anne LESUR
Une des caractéristiques majeures
de la plupart des cancers du sein est d'être hormonosensibles, hormonodépendants.
Découverte datant de plus d'un siècle (ovariectomie célèbre
de BEATSON en 1986 obtenant deux cas de régression temporaire de cancer mammaire
métastasé), elle est à l'heure actuelle une thérapeutique active
et efficace. Il est connu, depuis la découverte des récepteurs hormonaux,
qu'elle n'est applicable que lorsqu'il existe des récepteurs hormonaux dans
la tumeur, Ceux-ci étant dosés actuellement par méthode immunohistochimique.
Partant du principe que les œstrogènes sont responsables de la prolifération
du tissu mammaire tumoral, les manipulations hormonales utilisées tendent à
diminuer, voire annuler le taux des œstrogènes.
Les techniques sont différentes
selon le statut hormonal de la patiente :
• avant la ménopause,
la source principale étant les ovaires, les armes thérapeutiques seront
l'ovariectomie chirurgicale ou radiothérapique, ou l'utilisation des analogues
de la LHRH, associés ou non au Tamoxifène. Depuis quelques années,
suite aux résultats de la métaanalyse d'Oxford actualisée [4], le
Tamoxifène, antiœstrogène majeur peut être donné sans blocage
ovarien ;
• après
la ménopause, le Tamoxifène qui agit par compétition au niveau des
récepteurs hormonaux, sera très largement utilisé.
Les œstrogènes provenant essentiellement
de la surrénale ou du tissu adipeux via l'aromatisation périphérique
des androgènes, les antiaromatases s'avéreront de très bonnes armes.
Il n'existe cependant pas encore d'AMM en adjuvant pour ce traitement.
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ET EFFETS SECONDAIRES DE L'HORMONOTHéRAPIE
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Ces produits ont été utilisés
d'abord en phase métastatique, puis en phase adjuvante. Leur tolérance
a été particulièrement étudiée. Le Tamoxifène est
utilisé depuis plus d'un quart de siècle et sa prescription, plus récente
en prévention, a permis une observation encore plus affinée des effets
secondaires, ceux-ci prenant alors toute leur signification chez des femmes saines.
Il y a peu de médicaments qui ont été autant étudiés que
le Tamoxifène. Nous nous intéresserons donc à deux armes thérapeutiques
: suppression ovarienne et Tamoxifène, en étudiant leur tolérance
et les effets secondaires.
1. La suppression ovarienne
Vulgairement appelée « castration »,
elle peut être chirurgicale, radiothérapique ou médicale, et dans
ce cas temporaire. Elle est également une conséquence fréquente des
chimiothérapies et ce d'autant plus que la femme se rapproche de l'âge
physiologique de la ménopause. Les effets secondaires et la tolérance
de la suppression ovarienne sont variables en fonction de l'individu et de l'âge
auquel elle survient. Tout comme le phénomène de ménopause auquel
elle s'identifie, elle peut être bien tolérée comme entraîner
une altération profonde de la qualité de vie. La connaissance des effets
secondaires est cependant majeure car elle peut intervenir dans le choix de tel
ou tel traitement : en effet, faut-il préférer dans certaines petites
tumeurs un traitement par analogues pendant plusieurs années ou une chimiothérapie
pendant 6 mois ?
La carence en œstrogènes entraîne
le plus souvent des bouffées de chaleur, pouvant être très importantes,
invalidantes, avec sueurs nocturnes et insomnies.
• les œstrogènes
ayant un rôle stimulant sur le cerveau reconnu, leur carence entraîne
souvent une altération de l'humeur, une certaine agressivité, voire une
tendance à une perte de confiance en soi [8] ;
• la prise de
poids est fréquente, sans être obligatoire ;
• sécheresse
cutanée, sécheresse des muqueuses et baisse de la libido sont retrouvées
à des degrés variables.
A terme, les ménopauses précoces
définitives peuvent entraîner une ostéoporose et une sensibilisation
aux accidents cardiovasculaires. Il est difficile encore d'évaluer la toxicité
à long terme des analogues prescrits pendant trois ans.
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2. Le Tamoxifène
La tolérance du Tamoxifène est globalement
bonne, ce qui a permis son utilisation en prévention dans des essais thérapeutiques.
Si le taux d'abandon du traitement peut atteindre 25 à 30 % dans les essais
de prévention, en situation standard adjuvante, ce taux n'excède guère
7 à 8 %. Les effets secondaires sont cependant différents en fonction
du statut hormonal de la patiente.
Chez la femme ménopausée
Chez qui il est prescrit de très longue date,
il peut majorer les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes, il est responsable
de pertes vaginales augmentées, ayant une action de type œstrogène sur
l'épithélium vaginal, avec augmentation de l'index caryopycnotique par
maturation des cellules. La signification de cette sécrétion étant
expliquée à la patiente, elle peut avoir l'avantage d'éviter une
sécheresse vaginale, entraînant une dyspareunie. Son action sur l'endomètre
a été mise en évidence depuis longtemps, comme favorisant la croissance
des myomes utérins. On a cru pendant quelques années à une action
œstrogènique-like responsable d'une hyperplasie endométriale, pouvant
expliquer les cas de cancer de l'endomètre survenus en cours de traitement.
En fait, le Tamoxifène n'agit pas sur l'endomètre par hyperplasie, mais
bien au contraire par atrophie kystique, qui donne lieu à des images trompeuses
en échographie, concluant à tort à un épaississement de la muqueuse
(atrophie de l'épithélium luminal, dilatation des placards kystiques,
avec épithélium aminci et stroma épaissi œdémateux et riche
en collagène). Le risque de cancer de l'endomètre est augmenté de
3 à 6 fois par le Tamoxifène [15] [ANDERSON) 1991, [FORNANDER 1993] [FISHER
1994] [MIGNOTTE 1998] [BERNSTEIN 1999]. Ce risque est a priori lié à la
dose et à la durée d'exposition. Les cancers de l'endomètre sont
souvent de bon pronostic, mais on a pu décrire des décès par cancer
de l'utérus [MIGNOTTE, BERGMAN 2000]. Ce risque est d'autant plus fort qu'il
existe un profil épidémiologique propre au cancer de l'endomètre,
comme l'obésité, l'hypertension et le diabète. Depuis 1996, le Tamoxifène
est inscrit au groupe 1 des cancérogènes en raison de ce risque utérin,
ce qui ne l'empêche pas de réduire le risque d'un deuxième cancer
du sein. En situation adjuvante d'un cancer du sein, la balance entre bénéfice
- risque reste en faveur de la prescription du Tamoxifène. [12].
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ET EFFETS SECONDAIRES DE L'HORMONOTHéRAPIE
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Sur le plan gynécologique, il a
été également décrit la croissance de certains fibromes, de
polypes, qui peuvent occasionner ces saignements, mais également le réveil
de certaines endométrioses. A noter que sur le plan sexuel, on note une tendance
à une altération de la sexualité signalée par J.E. MORTIMER
[11] et est retrouvée dans une étude de qualité de vie de R. DAY
concernant le NSABP P1 [6]. Une revue exhaustive des conséquences du Tamoxifène
a été dressée par A.J. SASCO et coll. en 1995 [14].
Les accidents thromboemboliques représentent
l'effet secondaire le plus gênant, après le risque de cancer de l'utérus
puisqu'on note une augmentation de la fréquence des thromboses veineuses, voire
artérielles, nécessitant une information éclairée auprès
des patientes [2] Cet effet secondaire est assez peu pris en compte dans les situations
adjuvantes, voire métastatiques, compte tenu du bénéfice escompté
par rapport à la maladie. Par contre, il a pris toute son importance à
travers les essais de prévention dans lesquels le taux de cette pathologie
a été constamment significativement supérieur à celui du groupe
témoin. Ceci est particulièrement vrai dans l'essais IBIS 1. Cela implique
avant la prescription du Tamoxifène de s'assurer qu'il n'existe pas de contre
indication vasculaire à sa prescription, les phlébites pouvant donner
lieu à des embolies mortelles...
Sur le plan métabolique,
on peut noter un abaissement du cholestérol avec parfois une augmentation passagère
des triglycérides, la baisse du LDL est rapportée, ainsi qu'en général
une hausse du HDL. Globalement, il est réputé comme ayant une activité
protectrice sur l'athérome. Le Tamoxifène réduit le risque de maladie
coronaire [1] [17].
Sur le plan osseux, le Tamoxifène
est reconnu chez la femme ménopausée comme ayant une action contre l'ostéoporose,
ceci a été particulièrement démontré sur l'os spongieux
[13]. Il pourrait donner lieu à une augmentation de la densité osseuse.
Dans les essais de prévention, on note effectivement une réduction du
taux des fractures.
On a décrit des effets oculaires
du Tamoxifène, tels que neuropathies optiques, rétinopathies et kératopathie.
Le taux de cataracte est également significativement augmenté dans le
groupe traité dans les essais, notamment dans le NSABP P1.
Enfin, si l'on a évoqué la
possibilité de stéatose hépatique sous Tamoxifène, qui est bien
toléré et sans conséquence, la notion de
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cancer du foie chez la femme n'a pas été
démontré. Seuls deux cas ont été publiés chez des femmes
non ménopausées qui prenaient un traitement à 40 mg.
En conclusion, chez la femme ménopausée,
le Tamoxifène est un traitement bien supporté, évoqué par la
publicité initiale du Nolvadex « therapy with she can live ».
La surveillance d'un traitement par
Tamoxifène se fait essentiellement par l'interrogatoire à la recherche
de facteurs de risques thromboemboliques ou de problèmes oculaires. Bien évidemment,
sur le plan gynécologique, on sera attentif à la survenue de métrorragies,
mais il n'est plus conseillé, contrairement à ce qu'on a pu écrire
autrefois, de surveillance systématique par biopsie d'endomètre ou échographie
pelvienne.
Il est utile de prodiguer des conseils
en ce qui concerne le port de bas de contention lors de longs trajets en avion,
ou simplement l'arrêt du traitement pendant quelques semaines, en cas d'alitement
forcé.
Lorsqu'une phlébite survient sous
Tamoxifène, il est nécessaire d'interrompre définitivement le traitement.
La tolérance digestive est excellente,
et s'il arrive que ce ne soit pas le cas, il suffit souvent soit de différer
la prise du Tamoxifène qui en relais de la chimiothérapie survient trop
tôt chez une patiente encore fragilisée par son traitement, soit de fractionner
la dose en deux prises.
Chez la femme non ménopausée
La dernière métaanalyse a confirmé
le bénéfice du Tamoxifène, comme l'avaient montré précédemment
les résultats du NATO et de l'essai écossais [9] [16].
Si l'indication est validée, elle
se heurte encore actuellement à une certaine réticence de la part des
prescripteurs compte tenu des effets secondaires gynécologiques que l'on peut
rencontrer [10]
Conséquences biologiques et cliniques chez
la femme non ménopausée
Le Tamoxifène a une action clomid-like stimulant
l'ovulation. Il est donc à l'origine d'une augmentation des œstrogènes
plasmatiques parfois très importante, en général asymptomatique,
qui a pu être considérée par certains comme préoccupante sur
ce terrain. Cette augmentation peut durer pendant plusieurs mois, sans aucune manifestation
clinique. On retrouve concomitamment une aug TOLéRANCE
ET EFFETS SECONDAIRES DE L'HORMONOTHéRAPIE
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mentation de la Sex Hormone Binding Globulin
(SHBG) et des kystes de l'ovaire, asymptomatiques ou compliqués, peuvent être
diagnostiqués. La plupart du temps, les kystes sont asymptomatiques, mais il
a pu arriver que leur symptomatologie exige l'utilisation des analogues de la LHRH
afin de poursuivre le traitement. Il est important de connaître leur existence
pour éviter des investigations instrumentales de type cœlioscopie (comme on
a pu voir des curetages, suite à la constatation de pseudo-épaississement
endométrial en échographie pelvienne chez les femmes ménopausées).
Si l'augmentation du risque de cancer de l'utérus
est reconnue, bien que faible, chez les femmes ménopausées, cette pathologie
ne semble pas toucher les femmes jeunes, notamment à travers les résultats
des essais de prévention [5] [6] [7]. Cependant, certains auteurs attirent
l'attention sur cette éventualité dans l'avenir.
Les conséquences gynécologiques
de type bouffées de chaleur, pertes vaginales, métrorragies, troubles
de la sexualité ont été fréquemment décrites dans les diverses
études. Signalées dans les essais en phase métastatique dans lesquels
l'enjeu vital en minimise l'importance, mentionnées dans certains essais adjuvants
lorsque le nombre de patientes jeunes est suffisant (NSABP B14) (5]), elles sont
plus étudiées soit dans l'essai du NSABP B24 [7] consacré à
l'intérêt de la prescription du tamoxifène chez des patientes traitées
pour un CCIS, soit dans les essais de prévention, dans lesquels, pour des raisons
évidentes, le moindre effet secondaire prend une autre résonance.
L'effet du Tamoxifène a également
été étudié sur le fonctionnement sexuel, la tolérance chez
les femmes non ménopausées en serait moins bonne que chez les patientes
post-ménopausées.
Ces différentes constatations
incitent à un certain nombre de règles de prescription :
• prévenir
la patiente réglée régulièrement de la possibilité d'anomalies
de cycles et l'informer de la nécessité d'une contraception fiable, la
molécule étant tératogène chez l'animal ;
• prévenir
la patiente des possibles effets secondaires détaillés plus haut, sans
oublier les conseils habituels en ce qui concerne le risque thromboembolique ;
• si la patiente
est en aménorrhée, l'informer d'une possible reprise des cycles, variable
en fonction de sa susceptibilité individuelle, son âge, et les drogues
utilisées. Cela impose une certaine vigilance face à des saignements inattendus.
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3. Conclusion
Le Tamoxifène, prescrit depuis plus de 25
ans, est probablement la thérapeutique la mieux tolérée dans l'arsenal
des thérapeutiques adjuvantes des cancers du sein.
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