Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Tolérance et effets secondaires de l'hormonothérapie adjuvante dans le traitement des cancers du sein
Année: 2003
Auteurs: - Lesur A.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Cancer du sein

Tolérance et effets secondaires de l'hormonothérapie adjuvante dans le traitement
des cancers du sein

Anne LESUR

Une des caractéristiques majeures de la plupart des cancers du sein est d'être hormonosensibles, hormonodépendants. Découverte datant de plus d'un siècle (ovariectomie célèbre de BEATSON en 1986 obtenant deux cas de régression temporaire de cancer mammaire métastasé), elle est à l'heure actuelle une thérapeutique active et efficace. Il est connu, depuis la découverte des récepteurs hormonaux, qu'elle n'est applicable que lorsqu'il existe des récepteurs hormonaux dans la tumeur, Ceux-ci étant dosés actuellement par méthode immunohistochimique. Partant du principe que les œstrogènes sont responsables de la prolifération du tissu mammaire tumoral, les manipulations hormonales utilisées tendent à diminuer, voire annuler le taux des œstrogènes.

Les techniques sont différentes selon le statut hormonal de la patiente :

•   avant la ménopause, la source principale étant les ovaires, les armes thérapeutiques seront l'ovariectomie chirurgicale ou radiothérapique, ou l'utilisation des analogues de la LHRH, associés ou non au Tamoxifène. Depuis quelques années, suite aux résultats de la métaanalyse d'Oxford actualisée [4], le Tamoxifène, antiœstrogène majeur peut être donné sans blocage ovarien ;

•   après la ménopause, le Tamoxifène qui agit par compétition au niveau des récepteurs hormonaux, sera très largement utilisé.

Les œstrogènes provenant essentiellement de la surrénale ou du tissu adipeux via l'aromatisation périphérique des androgènes, les antiaromatases s'avéreront de très bonnes armes. Il n'existe cependant pas encore d'AMM en adjuvant pour ce traitement.

   TOLéRANCE ET EFFETS SECONDAIRES DE L'HORMONOTHéRAPIE ADJUVANTE...   137

Ces produits ont été utilisés d'abord en phase métastatique, puis en phase adjuvante. Leur tolérance a été particulièrement étudiée. Le Tamoxifène est utilisé depuis plus d'un quart de siècle et sa prescription, plus récente en prévention, a permis une observation encore plus affinée des effets secondaires, ceux-ci prenant alors toute leur signification chez des femmes saines. Il y a peu de médicaments qui ont été autant étudiés que le Tamoxifène. Nous nous intéresserons donc à deux armes thérapeutiques : suppression ovarienne et Tamoxifène, en étudiant leur tolérance et les effets secondaires.

1. La suppression ovarienne

Vulgairement appelée « castration », elle peut être chirurgicale, radiothérapique ou médicale, et dans ce cas temporaire. Elle est également une conséquence fréquente des chimiothérapies et ce d'autant plus que la femme se rapproche de l'âge physiologique de la ménopause. Les effets secondaires et la tolérance de la suppression ovarienne sont variables en fonction de l'individu et de l'âge auquel elle survient. Tout comme le phénomène de ménopause auquel elle s'identifie, elle peut être bien tolérée comme entraîner une altération profonde de la qualité de vie. La connaissance des effets secondaires est cependant majeure car elle peut intervenir dans le choix de tel ou tel traitement : en effet, faut-il préférer dans certaines petites tumeurs un traitement par analogues pendant plusieurs années ou une chimiothérapie pendant 6 mois ?

La carence en œstrogènes entraîne le plus souvent des bouffées de chaleur, pouvant être très importantes, invalidantes, avec sueurs nocturnes et insomnies.

•   les œstrogènes ayant un rôle stimulant sur le cerveau reconnu, leur carence entraîne souvent une altération de l'humeur, une certaine agressivité, voire une tendance à une perte de confiance en soi [8] ;

•   la prise de poids est fréquente, sans être obligatoire ;

•   sécheresse cutanée, sécheresse des muqueuses et baisse de la libido sont retrouvées à des degrés variables.

A terme, les ménopauses précoces définitives peuvent entraîner une ostéoporose et une sensibilisation aux accidents cardiovasculaires. Il est difficile encore d'évaluer la toxicité à long terme des analogues prescrits pendant trois ans.

138   A. LESUR

2. Le Tamoxifène

La tolérance du Tamoxifène est globalement bonne, ce qui a permis son utilisation en prévention dans des essais thérapeutiques. Si le taux d'abandon du traitement peut atteindre 25 à 30 % dans les essais de prévention, en situation standard adjuvante, ce taux n'excède guère 7 à 8 %. Les effets secondaires sont cependant différents en fonction du statut hormonal de la patiente.

Chez la femme ménopausée

Chez qui il est prescrit de très longue date, il peut majorer les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes, il est responsable de pertes vaginales augmentées, ayant une action de type œstrogène sur l'épithélium vaginal, avec augmentation de l'index caryopycnotique par maturation des cellules. La signification de cette sécrétion étant expliquée à la patiente, elle peut avoir l'avantage d'éviter une sécheresse vaginale, entraînant une dyspareunie. Son action sur l'endomètre a été mise en évidence depuis longtemps, comme favorisant la croissance des myomes utérins. On a cru pendant quelques années à une action œstrogènique-like responsable d'une hyperplasie endométriale, pouvant expliquer les cas de cancer de l'endomètre survenus en cours de traitement. En fait, le Tamoxifène n'agit pas sur l'endomètre par hyperplasie, mais bien au contraire par atrophie kystique, qui donne lieu à des images trompeuses en échographie, concluant à tort à un épaississement de la muqueuse (atrophie de l'épithélium luminal, dilatation des placards kystiques, avec épithélium aminci et stroma épaissi œdémateux et riche en collagène). Le risque de cancer de l'endomètre est augmenté de 3 à 6 fois par le Tamoxifène [15] [ANDERSON) 1991, [FORNANDER 1993] [FISHER 1994] [MIGNOTTE 1998] [BERNSTEIN 1999]. Ce risque est a priori lié à la dose et à la durée d'exposition. Les cancers de l'endomètre sont souvent de bon pronostic, mais on a pu décrire des décès par cancer de l'utérus [MIGNOTTE, BERGMAN 2000]. Ce risque est d'autant plus fort qu'il existe un profil épidémiologique propre au cancer de l'endomètre, comme l'obésité, l'hypertension et le diabète. Depuis 1996, le Tamoxifène est inscrit au groupe 1 des cancérogènes en raison de ce risque utérin, ce qui ne l'empêche pas de réduire le risque d'un deuxième cancer du sein. En situation adjuvante d'un cancer du sein, la balance entre bénéfice - risque reste en faveur de la prescription du Tamoxifène. [12].

   TOLéRANCE ET EFFETS SECONDAIRES DE L'HORMONOTHéRAPIE ADJUVANTE...   139

Sur le plan gynécologique, il a été également décrit la croissance de certains fibromes, de polypes, qui peuvent occasionner ces saignements, mais
également le réveil de certaines endométrioses. A noter que sur le plan sexuel, on note une tendance à une altération de la sexualité signalée par
J.E. MORTIMER [11] et est retrouvée dans une étude de qualité de vie de R. DAY concernant le NSABP P1 [6]. Une revue exhaustive des conséquences du Tamoxifène a été dressée par A.J. SASCO et coll. en 1995
[14].

Les accidents thromboemboliques représentent l'effet secondaire le plus gênant, après le risque de cancer de l'utérus puisqu'on note une augmentation de la fréquence des thromboses veineuses, voire artérielles, nécessitant une information éclairée auprès des patientes [2] Cet effet secondaire est assez peu pris en compte dans les situations adjuvantes, voire métastatiques, compte tenu du bénéfice escompté par rapport à la maladie. Par contre, il a pris toute son importance à travers les essais de prévention dans lesquels le taux de cette pathologie a été constamment significativement supérieur à celui du groupe témoin. Ceci est particulièrement vrai dans l'essais IBIS 1. Cela implique avant la prescription du Tamoxifène de s'assurer qu'il n'existe pas de contre indication vasculaire à sa prescription, les phlébites pouvant donner lieu à des embolies mortelles...

Sur le plan métabolique, on peut noter un abaissement du cholestérol avec parfois une augmentation passagère des triglycérides, la baisse du LDL est rapportée, ainsi qu'en général une hausse du HDL. Globalement, il est réputé comme ayant une activité protectrice sur l'athérome. Le Tamoxifène réduit le risque de maladie coronaire [1] [17].

Sur le plan osseux, le Tamoxifène est reconnu chez la femme ménopausée comme ayant une action contre l'ostéoporose, ceci a été particulièrement démontré sur l'os spongieux [13]. Il pourrait donner lieu à une augmentation de la densité osseuse. Dans les essais de prévention, on note effectivement une réduction du taux des fractures.

On a décrit des effets oculaires du Tamoxifène, tels que neuropathies optiques, rétinopathies et kératopathie. Le taux de cataracte est également significativement augmenté dans le groupe traité dans les essais, notamment dans le NSABP P1.

Enfin, si l'on a évoqué la possibilité de stéatose hépatique sous Tamoxifène, qui est bien toléré et sans conséquence, la notion de

140   A. LESUR

cancer du foie chez la femme n'a pas été démontré. Seuls deux cas ont été publiés chez des femmes non ménopausées qui prenaient un traitement à 40 mg.

En conclusion, chez la femme ménopausée, le Tamoxifène est un traitement bien supporté, évoqué par la publicité initiale du Nolvadex « therapy with she can live ».

La surveillance d'un traitement par Tamoxifène se fait essentiellement par l'interrogatoire à la recherche de facteurs de risques thromboemboliques ou de problèmes oculaires. Bien évidemment, sur le plan gynécologique, on sera attentif à la survenue de métrorragies, mais il n'est plus conseillé, contrairement à ce qu'on a pu écrire autrefois, de surveillance systématique par biopsie d'endomètre ou échographie pelvienne.

Il est utile de prodiguer des conseils en ce qui concerne le port de bas de contention lors de longs trajets en avion, ou simplement l'arrêt du traitement pendant quelques semaines, en cas d'alitement forcé.

Lorsqu'une phlébite survient sous Tamoxifène, il est nécessaire d'interrompre définitivement le traitement.

La tolérance digestive est excellente, et s'il arrive que ce ne soit pas le cas, il suffit souvent soit de différer la prise du Tamoxifène qui en relais de la chimiothérapie survient trop tôt chez une patiente encore fragilisée par son traitement, soit de fractionner la dose en deux prises.

Chez la femme non ménopausée

La dernière métaanalyse a confirmé le bénéfice du Tamoxifène, comme l'avaient montré précédemment les résultats du NATO et de l'essai écossais [9] [16].

Si l'indication est validée, elle se heurte encore actuellement à une certaine réticence de la part des prescripteurs compte tenu des effets secondaires gynécologiques que l'on peut rencontrer [10]

Conséquences biologiques et cliniques
chez la femme non ménopausée

Le Tamoxifène a une action clomid-like stimulant l'ovulation. Il est donc à l'origine d'une augmentation des œstrogènes plasmatiques parfois très importante, en général asymptomatique, qui a pu être considérée par certains comme préoccupante sur ce terrain. Cette augmentation peut durer pendant plusieurs mois, sans aucune manifestation clinique. On retrouve concomitamment une aug

   TOLéRANCE ET EFFETS SECONDAIRES DE L'HORMONOTHéRAPIE ADJUVANTE...   141

mentation de la Sex Hormone Binding Globulin (SHBG) et des kystes de l'ovaire, asymptomatiques ou compliqués, peuvent être diagnostiqués. La plupart du temps, les kystes sont asymptomatiques, mais il a pu arriver que leur symptomatologie exige l'utilisation des analogues de la LHRH afin de poursuivre le traitement. Il est important de connaître leur existence pour éviter des investigations instrumentales de type cœlioscopie (comme on a pu voir des curetages, suite à la constatation de pseudo-épaississement endométrial en échographie pelvienne chez les femmes ménopausées).

Si l'augmentation du risque de cancer de l'utérus est reconnue, bien que faible, chez les femmes ménopausées, cette pathologie ne semble pas toucher les femmes jeunes, notamment à travers les résultats des essais de prévention [5] [6] [7]. Cependant, certains auteurs attirent l'attention sur cette éventualité dans l'avenir.

Les conséquences gynécologiques de type bouffées de chaleur, pertes vaginales, métrorragies, troubles de la sexualité ont été fréquemment décrites dans les diverses études. Signalées dans les essais en phase métastatique dans lesquels l'enjeu vital en minimise l'importance, mentionnées dans certains essais adjuvants lorsque le nombre de patientes jeunes est suffisant (NSABP B14) (5]), elles sont plus étudiées soit dans l'essai du NSABP B24 [7] consacré à l'intérêt de la prescription du tamoxifène chez des patientes traitées pour un CCIS, soit dans les essais de prévention, dans lesquels, pour des raisons évidentes, le moindre effet secondaire prend une autre résonance.

L'effet du Tamoxifène a également été étudié sur le fonctionnement sexuel, la tolérance chez les femmes non ménopausées en serait moins bonne que chez les patientes post-ménopausées.

Ces différentes constatations incitent à un certain nombre de règles de prescription :

•   prévenir la patiente réglée régulièrement de la possibilité d'anomalies de cycles et l'informer de la nécessité d'une contraception fiable, la molécule étant tératogène chez l'animal ;

•   prévenir la patiente des possibles effets secondaires détaillés plus haut, sans oublier les conseils habituels en ce qui concerne le risque thromboembolique ;

•   si la patiente est en aménorrhée, l'informer d'une possible reprise des cycles, variable en fonction de sa susceptibilité individuelle, son âge, et les drogues utilisées. Cela impose une certaine vigilance face à des saignements inattendus.

142   A. LESUR

3. Conclusion

Le Tamoxifène, prescrit depuis plus de 25 ans, est probablement la thérapeutique la mieux tolérée dans l'arsenal des thérapeutiques adjuvantes des cancers du sein.

4. Bibliographie

[1]   COSTANTINO JP, KULLER LH, IVES DG, et coll. Coronary heart disease mortality and adjuvant tamoxifen therapy. J Natl Cancer Inst 1997;89(11):776-82

[2]   CUTULI B, PETIT JC, FRICKER JP, et coll. Accidents thromboemboliques chez les patientes ménopausées sous traitement adjuvant par tamoxifène : fréquence, facteurs de risque et possibilités de prévention. Bul Cancer 1995;82(1):51-6 .

[3]   DAY R, GANZ PA, COSTANTINO P, et coll. Health-related quality of life and Tamoxifen in breast cancer prevention : a report from the National Surgical Adjuvant Breast and Bowel-Project P-1 Study. J Clin Oncol 1999;17(9):2659-66.

[4]   Early Breast Cancer Trialist's Collaborative Group. Tamoxifen for early breast cancer. An overview of the randomised trials. Lancet 1998;351:1451-67.

[5]   FISHER B, COSTANTINO JP, REDMOND CK, et coll. Endometrial cancer in tamoxifen-treated breast cancer patients : findings from the National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP) B-14. J Natl Cancer Inst 1994;86(7)527-37.

[6]   FISHER B, COSTANTINO JP, WICKERHAM DL, et coll. Tamoxifen for prevention of breast cancer : report of the National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project P-1 Study. J Nat Cancer Inst 1998(sept);90:1371-88.

[7]   FISHER B, DIGNAM J, WOLMARK N. Tamoxifen in treatment of DCIS : NSABP B-24 randomised controlled trial. Lancet 1999 353:1993-2000.

[8]   GANZ PA. OSTROGEN Tamoxifen and the brain. J Clin Oncol 2002;94(8): 547-49.

[9]   KERBRAT P. Que penser de l'essai américain de chimioprévention du cancer du sein par le tamoxifène ? Haro sur l'étude P1 du groupe américain NSABP ?. La Lettre du Sénologue 1999 ; 5 : 33-35..

[10]   LESUR A. Modalités de prescriptions du Tamoxifène chez la femme pré-ménopausée et traitée pour cancer du sein en situation adjuvante. Oncol 2002 (janvier) ;4(n°1):46-48..

[11]   MORTIMER JE, BOUCHER L , BATY J. Effect of tamoxifen on sexual functioning in patients with breast cancer. J Clin Oncol 1999 ;17 :1488-92.

[12]   RAGAZ J, GOLDMAN A. Survival impact of adjuvant tamoxifen on competing causes of mortality in breast cancer survivors, with analysis of mortality from contralateral breast cancer, cardiovascular events, endometrial cancer, and thromboembolic episodes. J Clin Oncol 1998 ; 16 (6) : 2018-24..

[13]   RESCH A, BIBER E, SEIFERT M, et coll. Evidence that tamoxifen preserves bone density in late postmenopausal women with breast cancer. Acta Onologica 1998;37(7-8):661-4.

[14]   SASCO AJ, AH-SONG R, SAEZ S, KUTTENN F. Effets secondaires médicaux d'une intervention de chimioprévention: l'exemple du tamoxifène. Bull Cancer 1995:82(suppl3): 186s-206s.

   TOLéRANCE ET EFFETS SECONDAIRES DE L'HORMONOTHéRAPIE ADJUVANTE...   143

[15]   Standards Options Recommandations et Cancer du Sein. Hormonothérapie. 2001 (octobre); 12:183-205.

[16]   Scottish Cancer Trials Breast Group and ICRF Breast Unit. Adjuvant ovarian ablation versus CMF chemotherapy in premenopausal women with pathological stage II breast carcinoma : the scottish trial. Lancet 1993;341(8856):1293-8.

[17]   VRBANEC D, REINER Z, BELEV B et coll. Changes in serum lipid and lipoprotein levels in postmenopausal patients with node-positive breast cancer treated with tamoxifen. Tumori 1998;84(6):687-90.