CHOIX
DU BILAN AVANT UNE PRESCRIPTION DE THS : ENTRE LES IMPERATIFS LIES AUX ENJEUX
SECURITAIRES, MEDICO-LEGAUX, AUX RMO ET L'INTERET DES PATIENTES
Florence
TREMOLLIERES
Unité
Ménopause et Maladies Osseuses Métaboliques
Service d'Endocrinologie
CHU Rangueil
31403 Toulouse Cedex 4
La prescription du traitement hormonal de la ménopause (THS) est une
éventualité de plus en plus fréquente. Le THS a fait la
preuve de son efficacité pour la correction des signes du climatère,
des troubles cutanéo-muqueux induits par la carence estrogénique,
tout comme dans la prévention de l'ostéoporose post-ménopausique,
voire du risque cardio-vasculaire (1). L'information et la sensibilisation croissante
de nos patientes ainsi que de leurs médecins vis-à-vis des conséquences
potentielles de la ménopause est à l'origine d'une demande croissante
de traitement. Or, comme pour tout traitement, il existe des règles de
prescription à connaître et à respecter d'autant que dans
la plupart des cas, il va s'adresser à des femmes en bonne santé.
Faut-il de ce fait, prévoir un bilan sytématique avant tout traitement
? Quelles sont les interrogations que le médecin doit se poser avant
de le proposer à sa patiente ?
On peut individualiser trois grandes questions qui vont permettre d'adapter
la conduite à tenir et de juger de la nécessité d'examens
complémentaires, en sachant que dans tous les cas, ils vont rester très
limités.
1
- Le THS peut-il être prescrit ?
Il
est évident que, comme pour tout traitement mais peut-être de manière
encore plus aigüe avec le THS, il est nécessaire d'éliminer
toutes les contre-indications. Elles ont actuellement tendance à devenir
de moins en moins nombreuses, du fait notamment, de la très bonne tolérance
métabolique des thérapeutiques actuellement disponibles (voies
non orales pour les estrogènes, progestatifs sans effets androgéniques).
Il persiste cependant, un certain nombre de contre-indications absolues qui
sont représentées essentiellement par les cancers hormono-dépendants
et la pathologie thrombo-embolique veineuse (2).
.
En dehors d'un antécédent pré-existant de cancer du sein,
qui reste une contre-indication absolue, ne serait-ce que pour des raisons médico-légales
et qui est dans la plupart des cas facile à identifier sur la base de
l'interrogatoire, le médecin devra toujours s'attacher à éliminer
une telle pathologie. Cette recherche est basée sur l'examen clinique,
complétée de la réalisation systématique d'une mammographie
qui doit dater de moins d'1 année avant la mise en route d'un THS. Un
dépistage systématique ne se justifie pas par contre, pour le
cancer de l'endomètre. La pertinence de l'échographie pelvienne
dans le dépistage des lésions utéro-ovariennes de la femme
ménopausée asymptomatique est en effet trop faible pour être
proposée. Elle s'impose uniquement en cas de symptômes anormaux,
métrorragies, saignement vaginal ou antécédent de pathologie
utéro-ovarienne antérieurement connue (fibrome, kystes, polypes....).
De même, la réalisation préalable d'un frottis cervico-vaginal
n'est pas un pré-requis à la prescription d'un THS notamment,
du fait de la non hormono-dépendance des cancers du col de l'utérus.
Il n'en demeure pas moins, que la surveillance préconisée chez
toute femme sur la base d'un examen tous les 3 ans s'applique également
à la femme ménopausée qu'elle prenne ou non un THS.
. En ce
qui concerne la pathologie thrombo-embolique veineuse, la réalisation
d'un bilan d'hémostase pré-thérapeutique ne doit pas être
proposée à une femme ne présentant aucun antécédent
personnel de thrombose veineuse profonde (ou d'embolie pulmonaire).
La réalisation d'une étude de la coagulation peut être réalisée,
pour la recherche d'une thrombophilie familiale chez une femme ayant déjà
présenté un tel accident (surtout s'il est survenu lors d'une
grossesse ou au cours de la contraception oestro-progestative) ou chez celles
ayant plusieurs antécédents familiaux du 1er degré de thrombose
veineuse profonde survenue avant l'âge de 50 ans (3).
Les explorations doivent alors comporter :
- le dosage de l'antithrombine III, de la protéine C et S;
- le test de résistance à la protéine C activée
permettant de suspecter une mutation du facteur V Leiden;
- la recherche de la mutation 20210 A de la prothrombine.
. Un bilan biologique minimum comportant un dosage de la glycémie
à jeûn, du cholestérol total et des triglycérides,
s'il n'apparaît pas obligatoire chez les femmes n'ayant aucun antécédent
personnel d'accident cardio-vasculaire et/ou de troubles métaboliques
peut cependant se justifier. Il permet le dépistage et la prise en charge
d'un certain nombre de troubles métaboliques à cette période
charnière de la vie de la femme qu'est la ménopause, et d'autant
que souvent, elle n'a pas bénéficié de tels contrôles
depuis de nombreuses années. Les contraintes imposées par les
RMO pour le dosage du cholestérol, des triglycérides et du HDL-cholestérol
ne s'applique pas à la femme ménopausée, même en
l'absence de tout facteur de risque cardio-vasculaire. Par contre, leur répétition
chez une femme dont un 1er contrôle n'aura pas permis de mettre en évidence
de dyslipémie n'est pas autorisé avant 3 ans.
L'avantage d'une telle évaluation est également de pouvoir orienter
la voie d'administration des estrogènes et de contre-indiquer la voie
orale en cas de troubles métaboliques et notamment en cas d'hypertriglycérdémie,
(mais également, en cas de diabète, d'HTA....).
2
- La prescription du THS est-elle nécessaire ?
Répondre
à cette question revient avant tout à s'interroger sur les bénéfices
potentiels que la femme est susceptible de tirer d'une telle prescription. La
mise en route d'un THS doit prendre en compte la balance risque/bénéfice
qui doit être la plus individualisée possible pour chaque femme.
On peut schématiquement distinguer deux grandes situations cliniques
:
- celle
de la patiente symptomatique : dans ce cas, la demande émane le plus
souvent de la femme elle-même et la conduite du THS sera sous-tendue
par la correction des symptômes gênants et le schéma adapté
au meilleur confort de la femme.
- celle où le traitement est envisagé pour la prévention
des conséquences tissulaires à long terme de la carence estrogénique.
Ces conséquences sont représentées essentiellement par
le risque d'ostéoporose et de maladie cardio-vasculaire. En pratique,
c'est le dépistage du risque d'ostéoporose qui constitue en
France la principale raison à la mise en route et à la poursuite
d'un THS chez une femme asymptomatique.
Classiquement,
il n'est pas nécessaire de demander une ostéodensitométrie
(cf. tableau 2 : les indications de l'ostéodensitométrie à
la ménopause) chez une femme qui va recevoir un THS, dans la mesure où
on considère à priori qu'un traitement fait à dose efficace
et de manière satisfaisante va assurer la prévention de la perte
osseuse (4). En pratique cependant, cette recommandation ne prend pas en compte
la possibilité que la femme puisse déjà présenter
une ostéopénie, voire une ostéoporose, même en l'absence
de facteurs de risque particuliers. Il est évident que la conduite du
THS sera alors totalement différente (en terme de surveillance, de posologie,
et de durée) selon qu'il s'adressera à une femme sans risque osseux
ou au contraire avec un risque fracturaire élevé. De plus, la
démonstration d'une déminéralisation préalable va
souvent constituer un argument du choix thérapeutique, la prévention
de l'ostéoporose représentant le motif essentiel en France à
un traitement de longue durée.
Cet examen doit être obligatoirement réalisé par une méthode
de mesure validée (absorptiométrie biphotonique à rayons
X), par un opérateur entraîné et sur un appareil faisant
l'objet d'un contrôle de qualité régulier (5).
Tableau
2 : Indications de l'ostéodensitométrie à la ménopause
Lorsque
la décision de prescription d'un THS est sous-tendue par la prise
en charge du risque osseux |
Chez
les femmes ne souhaitant pas ou ne pouvant pas recevoir un THS |
Chez
les femmes présentant un ou plusieurs facteurs de risque tels
qu'ils ont été définies par la Task Force for Osteoporosis
(1999) (6)
|
3 - La
prescription du THS est-elle souhaitée par la femme ?
L'information
de la patiente constitue de plus en plus une des étapes essentielles
avant la mise en route d'un THS. Elle doit à la fois comporter des informations
pratique concernant les modalités du traitement, mais surtout apporter
une information détaillée des risques et des bénéfices
du THS en prenant en compte la balance risque/bénéfice propre
à chaque femme.
Au
total, les examens complémentaires qui doivent être actuellement
recommandés avant la mise en route d'un THS sont relativement limités.
Ils sont dominés par la mammographie, notamment pour des raisons médico-légales.
La réalisation d'un bilan sanguin minimum est également justifiée
pour orienter les modalités du THS. Quant à l'examen d'ostéodensitométrie,
si son intérêt scientifique ne se discute plus, sa réalisation
en pratique reste confrontée au problème persistant de son non
remboursement.
Références
:
1
- Lopes P, Trémollieres F. Guide pratique de la ménopause. Collection
Médiguides. MMI édition, Paris 2001.
2 - Ribot C. Que reste-t-il des contre-indications au traitement hormonal substitutif
? Rev Prat Médecine Générale 1999 ; 472 :1489-94.
3 - Conard J, Plu-Bureau G. THS et risque thrombo-embolique veineux : comment
l'apprécier, quelle prise en charge ? Ref Gyn Obstet 2000 ; 7 :45-51.
4 - Trémollieres F, Ribot C. Traitement hormonal substitutif pour la
prévention de l'ostéoporose. Evolution des schémas thérapeutiques.
Presse Med 1999 ; 28 :1188-94.
5 - Pouillès JM, Ribot C. Pratique des mesures de densité osseuse.
Rev Rhum 1997; 64: 15SP-26SP.
6 - Genant HK, Cooper C, Poor G et al. Interim report and recommndations of
the World Health Organization task force for osteoporosis. Osteoporosis Int
1999; 10: 259-64.
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