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Titre: L'arręt de l'étude WHI et l'attitude du médecin interniste - Le THS : ŕ qui le proposer ? ŕ qui le stopper ? ŕ qui l'interdire ?
Année: 2003
Auteurs: - Naudy F.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

L'arrêt de l'étude WHI
et l'attitude
du médecin interniste -
Le THS : à qui le proposer ?
à qui le stopper ?
à qui l'interdire ?

François NAUDY

1. Introduction

L'interruption prématurée le 31 mai 2002 de l'étude randomisée américaine Women Health Initiative, sur les bénéfices et risques du traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause, a eu l'effet d'une bombe. Wulf UTIAM parlait alors d'un danger de véritable panique chez des centaines de milliers de femmes, puisque, aux États-Unis, plus de 6 millions de femmes ménopausées prennent l'association œstrogène et progestérone. De son côté, le docteur Déborah GRADY de l'Université de Californie, concluait alors que cette thérapeutique était dangereuse.

C'est dans cette atmosphère que l'onde de choc de cette information a été reçue et étudiée en France. La déception a été d'autant plus grande que de nombreux espoirs étaient fondés justement sur cette étude qui était une première étude randomisée en double aveugle, multicentrique, de longue durée, puisque devant porter sur 8 ans.

2. Où en sommes-nous en 2003 ?

Pour bien comprendre, il faut revenir 10 ans en arrière, où le THS était le seul traitement existant.

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En effet, l'action bénéfique sur le métabolisme des lipides ainsi que les résultats de nombreuses études cas témoins, d'études ouvertes longitudinales, puis de meta-analyses avaient nourri l'espoir que le THS pouvait entraîner une diminution significative de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaire, cause principale de décès. Ce large bénéfice devait entraîner une balance nettement positive malgré les pertes dues à l'augmentation de fréquence du risque relatif du cancer du sein qui paraissait dépendant de la dose et de la durée de prise du THS, jouant un rôle de promoteur et non pas d'initiateur.

Mais aucune preuve objective n'était apportée et tous les médecins, les cardiologues en premier, demandaient des essais randomisés en double aveugle, en nombre suffisant, sur de nombreuses années pour pouvoir se prononcer. Mais ces études sont lourdes financièrement à supporter, complexes à entreprendre et délicates à réaliser. En effet, les bénéfices immédiats du THS sur les troubles climatériens, avec nette amélioration de la qualité de la vie, modifications relationnelles et comportementales, rendaient l'objectivité difficile. Le maintien du confort uro-génital et l'effet anabolisant osseux avec diminution prouvée des fractures, incitaient au THS.

Enfin, l'enthousiasme médical de pouvoir enfin utiliser des hormones naturelles [17 b œstradiol (E2) et progestérone (P)] positivait les scénarios ... Et l'inquiétude du RR de cancer du sein augmentant au fil des ans pouvait être contre balancée par les perspectives d'une diminution du RR de maladie d'Alhzeimer.

C'est ainsi qu'il y a eu une véritable embellie avec, le recul de nombreuses contre-indications, telles que l'hypertension, le diabète, la dégénérescence maculaire, l'otospongiose, la maladie lupique et même dans certain cas l'antécédent de cancer du sein. Et D. GRADY disait même que l'augmentation de l'espérance de vie obtenue avec le THS semblait d'autant plus important qu'il y avait plus de facteurs de risque.

L'étude WHI devait confirmer les avantages du THS, son interruption semble remettre tout en cause.

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3. Sur quelles grandes études s'appuyer ?

Les études épidémiologiques de FRAMINGHAM

Elles sont la référence dans tous les domaines médicaux et ont montré que, ménopausée, la femme n'était plus protégée du risque cardiovasculaire, devenant dans ce domaine, en une décennie, l'égale de l'homme avec en plus une ostéoporose croissante. Et les risques sont multiples, intriqués et c'est tout le mérite de cette étude de les avoir envisagés dans leur globalité permettant l'élaboration des QUALY et de créer un outil : le risque cardiovasculaire absolu (RCVA) avec des équations mathématiques, permettant de quantifier ce risque sur des bases objectives et reproductives.

Mais elles ont des limites (anglo-saxonnes), sont imparfaites (TA et cholestérol pris sur la moyenne de 2 déterminations), incomplètes (le LDL cholestérol n'est pas pris en compte), et pas réalistes (diabète et tabagisme sont considérés comme des facteurs qualitatifs et non pas quantitatifs). Et puis il y a l'intrication et les effets des autres traitements qui ne sont jamais envisagés, pas plus que l'âge et la durée d'exposition à une maladie.

Néanmoins, elles ont le mérite d'exister et ont mis en évidence, par exemple, que la réduction de tension artérielle de 10 mm de mercure (valeur initiale supérieure à 14,9) ou la réduction du cholestérol de 20 %, (cholestérolémie initiale supérieure à 5 mmol/l) permet une réduction de 33 % du risque cardiovasculaire, et cela quelle que soit la valeur initiale du RCVA.

En 1989, Laurier, a adapté ce modèle aux données françaises et a conclu que le risque coronarien français est en moyenne de 50 % inférieur de celui des USA avec facteurs de risque identique.

Tous ces éléments mettent en valeur toutes les réserves que l'on doit prendre en recevant les résultats d'études américaines. Comme ce sont les seules existantes, on retiendra les études randomisées, en double aveugle et multicentriques, sachant qu'elles sont toutes réalisées avec un œstrogène dérivé équin (EE).

Il n'y a alors que 3 grandes études à retenir, schématiquement

1995 : étude PEPI, où 875 femmes en bonne santé, âgées de 45 à 64 ans, ont été traitées pendant 3 ans. On met en évidence,

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entre autre, une amélioration des lipides sériques, la stabilité de la TA et le peu de variation du poids chez les femmes traitées.

1998 : étude HERS, où 2 763 femmes, âge moyen 67 ans, ayant une affection cardio vasculaire, sont traitées 4 ans. Les résultats de l'étude HERS ont jeté un froid car en prévention secondaire, le THS n'entraînait aucune diminution du risque d'infarctus du myocarde ou d'angioplastie coronaire. En revanche, le groupe traité subissait une augmentation significative du risque de thrombose veineuse, bien que l'on ait observé chez ces mêmes femmes une amélioration du profil lipidique.

À la même époque, une étude ouverte sur l'évolution de l'athérosclérose coronaire, évaluée par coronarographie avait mis en évidence que si tous les médicaments abaissant fortement le LDL cholestérol ralentissaient la progression des sténoses athéroscléreuses, il n'en était rien pour les patientes qui prenaient une œstrogénothérapie.

Les conclusions des cardiologues étaient partagées : si le THS n'était pas bénéfique chez les femmes ayant une maladie coronarienne, il ne semblait pas dangereux, ne nécessitant pas l'interruption des traitements en cours, gardant les indications de confort et de protection contre l'ostéoporose. Mais on devait abandonner tout espoir qu'il ralentisse l'évolution de l'athérosclérose constituée. La question était, s'il n'y a pas de bénéfice en prévention secondaire, y en avait-il un en prévention primaire ?

2002 : étude WHI (Women's Health Initiative) C'est une vaste étude randomisée américaine qui avait pour objectif d'évaluer les risques et les bénéfices de différentes stratégies pouvant réduire l'incidence des maladies cardiovasculaires, des cancers du sein et colorectal, et des fractures chez les femmes ménopausées. Entre 1993 et 1998, dans 40 centres des États-Unis, la WHI a enrôlé 161 809 femmes ménopausées entre 50 et 79 ans dans différents essais dont 2 essais de THS. 16 608 femmes ont suivi un essai randomisé, en double aveugle, THS œstroprogestatif contre placebo. Le THS utilisé associait en protocole combiné continu, les 2 traitements les plus employés aux États-Unis : les œstrogènes conjugués (EE) à 0,625 mg + 2,5 mg d'acétate de médroxyprogestérone (MPA). C'est cet essai qui a été prématurément arrêté après 5,2 années, en raison des résultats, car les auteurs ont estimé que les risques devenaient significativement supérieurs aux bénéfices et dépassaient les limites statistiques qui étaient fixés au départ. »

Le 31 mai 2002, le National Institutes of Health (NHLBI), commanditaire de la WHI, stoppe 3 ans avant la fin, cette enquête cli

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nique majeure en raison d'une augmentation de fréquence de cancer du sein, de coronarite, d'AVC et d'embolies pulmonaires chez les femmes prenant EE plus MPA, comparée aux femmes non traitées. « Le prix à payer est trop élevé » concluait Claude LENFANT, Directeur du NHLBI et Jacques ROSSOUW, Directeur du WHI, remettait en cause le THS de longue durée.

Dans cette atmosphère de débâcle, une éclaircie : les femmes, au départ hystérectomisées (un peu plus de 10 000), ne prenant que le EE continuent cette enquête car, pour elles, la balance bénéfice/risque est encore incertaine. En particulier pas d'augmentation du RR de cancer du sein. Ce qui fait dire à Maria STEFANICK, présidente du comité WHI, que l'on pourra comparer les résultats des 2 traitements et avoir ultérieurement une meilleure idée de leur intérêt.

Pour l'instant, l'interruption de la WHI pour augmentation des risques significativement supérieure aux bénéfices, dépassant toutes les limites statistiques qui étaient fixées au départ, semble sonner le glas de l'intérêt du THS comme thérapeutique préventive cardiovasculaire, devant les résultats :

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Résultats défavorables

˙Cancer du sein ˙RR 1,26 ˙soit + 8 cas pour 10 000 années /femmes (AF)
˙• ˙Thrombose veineuse ˙RR 2,10 ˙soit + 8 cas pour 10 000 années /femmes (AF)
˙• ˙Embolie pulmonaire ˙RR 2,13 ˙soit + 8 cas pour 10 000 années /femmes (AF)
˙• ˙Coronarite ˙RR 1,29 ˙soit + 7 cas pour 10 000 années /femmes (AF)
˙• ˙AVC ˙RR 1,41 ˙soit + 8 cas pour 10 000 années /femmes (AF)

Résultats neutres

Pas de différence en ce qui concerne l'ensemble des cancers et la mortalité.

Résultats favorables

•   Cancer du colon   RR 0,63   soit - 6 cas pour 10 000 années /femmes (AF)

•   Fracture vertébral   RR 0,6   soit - 5 cas pour 10 000 années /femmes (AF)

•   Fracture du fémur   RR 0,6   soit - 5 cas pour 10 000 années /femmes (AF)

Pour les affections cardio-vasculaires, aucune interaction n'a été retrouvée avec l'âge, l'ethnie, la masse corporelle, l'usage antérieur d'hormone, du tabac, pas plus que la TA, le diabète, la prise d'aspirine ou de statine. Cela amène à une série de commentaires.

Dans l'étude WHI,

•   EE, œstrogène utilisé, est peu prescrit en France ;

•   la population concernée a des particularités non innocentes :

-   âge moyen 63 ans, dont 66,6% plus de 60 ans ;

-   surcharge pondérale pour 69,5 % (BMI > 26) ;

-   obésité pour 34,2 % ;

-   50 % avaient fumé ou fumait encore ;

-   36 % étaient traitées pour HTA (lequel ?) ;

-   20 % prenaient de l'aspirine (pourquoi ?) ;

-   6 % des statines.

Cet ensemble ne correspond pas, en France, au tableau d'une femme en bonne santé, choix désigné par cette étude et il vaut

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mieux parler d'un mélange avec des femmes à risque pour lesquelles on n'aurait jamais donné un œstrogène par voie orale et un progestatif ayant une note androgénique. Peut-on parler alors de prévention primaire ?

Ces femmes « en bonne santé » ont un profil différent de celui de la femme française ; cela correspond, peut être aux USA, au profil de la femme américaine, aux records mondiaux de taux de cancer du sein et présentant un taux de maladies cardiovasculaires bien supérieurs aux nôtres.

L'augmentation du risque absolu avec 19 événements graves pour 10 000 AF fait état d'une augmentation de fréquence du cancer du sein, confirmant les conclusions de la méta-analyse d'Oxford de 1997 (effet promoteur) et du risque veineux correspondant aux données connues.

4. Conséquences pratiques

On ne peut appliquer à la lettre les conclusions mais il est indispensable de majorer la prudence et répéter :

•   que les femmes soient bien informées et sachent que le THS est un choix et pas une obligation !

•   que le THS est indiqué pour les troubles climatériques et la prévention de l'ostéoporose, sa mise en route bonifiant la qualité de vie ;

•   que la prévention des maladies cardio-vasculaires revient essentiellement à l'hygiène de vie et à la lutte contre tabagisme, sédentarité et surpoids ;

•   qu'il est nécessaire de réévaluer, à chaque étape de la vie, bénéfices/risques ;

•   qu'il faut, selon chaque femme, adapter produits, doses, voies d'administration ;

•   que l'on veille à faciliter la communication avec les patientes.

À qui interdire le THS ?

•   respect des contre-indications classiques : antécédents de maladie thromboembolique, hémopathies, valvulopathies, troubles du rythme emboligènes ;

•   le début tardif, après 65 ans, doit être remis en cause en raison de l'augmentation du risque cardiovasculaire par la suite.

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À qui le stopper ?

-   évidemment à l'apparition d'un cancer hormono-dépendant, d'une maladie cardio-vasculaire, d'un accident neuro vasculaire, dont les AIT ;

-   si l'état de santé se modifie avec apparition de facteurs de risque (obésité, dyslipidémie, diabète insulinodépendant) ;

-   au bout de 5 ans, de 10 ans de THS, il faut le remettre et, avec chaque femme, ouvrir le débat sur sa nécessité. Heureusement, actuellement le THS n'est plus le seul traitement disponible et d'autres produits peuvent être proposés.

À qui le poursuivre ?

Aux femmes qui le veulent, acceptent contrôles et surveillance, qui le supportent bien et qui sont sans facteurs de risque. Il restera à diminuer les doses au fil du temps.

5. Conclusion

Tous les médecins sont conscients des conséquences de la ménopause et l'interniste a tout de suite apprécié la mobilisation des gynécologues et soutenu l'opothérapie substitutive de l'arrêt fonctionnel des ovaires en agissant conformément au traitement substitutif de l'hypothyroïdie.

Au début, il a fallu combattre des idées préconçues sur les hormones, attendre les produits naturels et maintenant faire la preuve de leur intérêt.

Plus que tout autre, l'interniste, dans sa vision globale de la santé, est obligé de suivre la répercussion du vieillissement et des effets du THS sur tous les appareils, sur la morbidité et sur la mortalité, d'autant plus, qu'il est amené à prendre en charge l'ensemble des affections.

Aussi, il lui faut comme tous les médecins, évaluer facteurs de risques, avantages et inconvénients thérapeutiques pour apprécier les bénéfices et les risques proposés. Mais avant de dire que rien n'est sans risque, on doit rechercher des éléments plus prédictifs qui sont des indicateurs de risque, par exemple : l'hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) ou la présence d'une micro albuminurie qui témoignent d'une exposition prolongée à un facteur de risque et qui sont associés avec une très grande fréquence à des

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lésions artérielles asymptomatiques. Par contre, ils sont très prédictifs d'évènements cliniques ultérieurs et ne sont pas encore retenus dans les études citées.

Obligé de raisonner sur des résultats obtenus dans des populations et avec des produits différents des nôtres, la médecine basée sur les preuves devient très délicate, prudente dans l'esprit de la loi BARNIER avec de nombreuses questions en suspens :

•   intérêt du choix : traitement séquentiel ou continu ?

•   usage de mini doses de E2, à la disparition des troubles climatériens ?

•   relais d'autres thérapeutiques ? Et quand ?

On ne peut que souhaiter une enquête multicentrique, randomisée, en double aveugle avec des hormones naturelles, si on ne veut pas poursuivre l'inconfort d'extrapoler sur des données absentes de notre pratique.