Chapitre X
ENDOMETRE ET TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF DE LA MENOPAUSE
L. BOUBLI, C. D'ERCOLE B. BLANC, C CHARPIN, E.KONTOSTOLIS
Introduction
La pathologie endométriale sévère a été le premier risque réel de
l'hormonosubstitution de la ménopause. Trés rapidement , il est apparu que ce risque
n'existait qu'en cas d'hormonosubstitution mal conduite , sous estrogénothérapie
exclusive .
La généralisation de l'hormonosubstitution doit conduire à préciser
les conditions du risque de pathologie endométriale . Par ailleurs, les hémorragies de
privation constituent un obstacle majeur à l'observance de l'hormonosubstitution .
L'instauration de schémas sans règles est la seule solution pour faire
accepter des traitements de durée suffisante pour être efficaces. Cela suppose la
maîtrise de l'évolution endométriale sous hormonosubstitution sans desquamation .
L'ENDOMETRE A LA MENOPAUSE
Histologie
en période ménopausique , l'endomètre peut être hypotrophique ou en
prolifération persistante variable , en sécrétion irrégulière avec desquamation
massive .
En période post ménopausique , l'endomètre peut être hypotrophique ,
en état glandulo kystique ou encore prolifératif persistant (20)
D. Archer (1) a précisé les différents types histologiques retrouvés
sur des prélèvements d'endomètre réalisés avant institution d'une hormonothérapie
substitutive chez des patientes asymptomatiques .
Sur 801 patientes , 606 ont pu bénéficier de cette évaluation
les résultats étaient les suivants :
1 cancer (0,17%) , hyperplasie atypique :4(0,66%)atrophie : 373(61,55%),
endomètre prolifératif: 133 (21,95%)endomètre sécrétoire : 54(8,91%) hyperplasie
simple 41(5,2%).
Le prélèvement avait été insuffisant chez 24,5% des patientes .
Ainsi donc les patientes particulièrement exposées étaient
relativement peu nombreuses (5/606)
L'effet de l'hormonothérapie:
La partie basale de l'endomètre conserve des récepteurs aux
estrogènes expliquant la prolifération endométriale ou même une hyperplasie chez des
patientes présentant initialement une atrophie (2)
Sous l'influence d'un traitement combiné , les modifications se font
sur un mode prolifératif puis sécrétoire avec une desquamation en fin de cycle .
En traitement continu , une atrophie s'installe assez rapidement .
HORMONOTHERAPIE ET RISQUE DE CANCER
Le risque a été soupçonné du fait de la stricte coïncidence des
ventes d'estrogènes aux USA et de l'incidence du cancer de l'endomètre .
En fait , trés rapidement une étude de D.Gambrell(9) a montré que les
modalités de l'hormonosubstitution étaient déterminantes surtout en termes de
traitement progestatif avec comme incidence du cancer de l'endomètre pour 100 000 femmes:
estrogène + progestatifs de synthèse 70,8 estrogènes seuls 434,4 estrogènes par voie
vaginale 75,9, progestatifs de synthèse ou androgènes 75,9, sans traitement 242,2 (9)
Les études sont souvent entachées d'erreurs de méthodologie ou de
biais de sélection ce qui explique les grandes variation retrouvées d'une étude à
l'autre .(19)(5)
Sans tenir compte des modalité de traitement le risque relatif varie de
0,4 à 12
Daures(5) reprenant ces modalités fait apparaître les données
suivantes :
-Effet de la durée : (22 séries) le risque de cancer de l'endomètre
semble proportionnel à la durée d'utilisation des estrogènes avec un seuil à 2 ans
-Influence du temps de non utilisation (10 séries) :le risque diminue
avec la durée de non utilisation (seuil à 5 ans)
-Effet dose : (16 séries) le risque augmente au delà d'une prise de
0,625 d'estrogènes conjugués .
-Mode de prescription continue ou séquentielle (9 séries) :
les résultats sont trés nettement contradictoires et ne font pas
apparaître de facteurs de risque significativement lié au mode de prescription .
Ces réultats sont surprenants car en contradiction avec les autres
données qui semblaient démontrer un rôle promoteur des estrogènes et donc un danger
plus important d'une hormonothérapie continue .
Le role de la progestérone
d'autres études sont venues conforter celle de Gambrell . Persson (18)
montre que les risques liés à la prise estrogénique exclusive s'estompent en cas de
substitution progestative aussi bien pour les lésions prénéoplasiques que pour les
cancers .
L'étude de Voight (24) confirme l'effet protecteur si la prescription
de plus de 10 jours par séquence thérapeutique .
La question principale est donc celle de la nécessité ou non d'une
desquamation endométriale :
Une série de Leather (14) porte sur le suivi à long terme de 41
patientes ayant bénéficié d'une hormonothérapie continue :
35 d'entre elles n'ont présenté aucun phénomène hémorragique
sur les 6 patientes qui ont saigné 2 ont développé un adénocarcinome
de l'endomètre .
Les études sur la contraception , qui pourraient constituer un modèle
expérimental, ne permettent pas de porter de jugement définitif
les travaux de Kaufman (13 ) et ceux de Weiss (26)semblent montrer une
réduction du risque chez les utilisatrices de contraception orale combinée .
L'étude du centers for disease controle cancer and steroide hormone
(22)va dans le même sens avec une protection par les pilules combinées et une
augmentation du risque pour les séquentielles .
La sécurité maximale passerait probablement par un développement
sécrétoire complet , mais les doses nécessaires pour l'obtenir sont nettement
supérieures à celles nécessaires pour une hormonosubstitution
En fait , l'élément le plus important du risque est le statut
endométrial au moment de la ménopause et en particulier la présence d'atypies .
Il faut signaler par ailleurs le bon pronostic habituel du cancer de
l'endomètre "estrogéno induit" (5)Ce cancer est habituellement bien
différencié et son invasion est superficielle
LES METHODES D'ETUDES DE L'ENDOMETRE
L'échographie
et surtout l'échographie vaginale constituent la technique de choix
pour cette évaluation qui peut porter sur plusieurs points :
l'épaisseur de l'endomètre :
le seuil en post ménopause pouvant être admis à 4mm par versant
muqueux chez une femme ne bénéficiant pas d'une hormonosubstitution .
Un étude de Osmers (16) montre que ce seuil permet tous les diagnostics
d'hyperplasie adénomateuse et de cancer: ce type de pathologie ne se développant pas sur
une muqueuse d'épaisseur inférieure à 4 mm
Varner(23) retient le même seuil de 4 mm mais signale l'impossibilité
d'un diagnostic précis pour les endomètres d'épaisseur comprise entre 5 et 8 mm
Le seuil à 5 mm permettrait l'identification de 87,3% des anomalies
endométriales (10)
Bien évidemment , ce seuil ne peut plus être utilisé aussi
strictement sous hormonosubstitution mais la muqueuse n'est pas beaucoup plus épaisse (
4,3+- 1,7 vs 3,2+- 0.9 mm )(10)
Une muqueuse de plus de 9 mm doit être considérée comme pathologique
.
L'échostructure doit également être prise en compte .
Enfin , l'écho doppler couleur semble une voie de recherche
intéressante .
La substitution estrogénique s'accompagne d'une chute des résistances
vasculaires . Cette action est corrélable avec les taux hormonaux : aux basses
concentrations d'estradiol l'indice de pulsatilité est corrélable au taux circulant
d'estradiol alors qu'au delà de 65 pg/ml l'indice de pulsatilité s'aplatit
Par contre l'administration de progestatifs ne semble pas induire de
modifications spécifiques .(4) (6)
L'hystérographie
permet une visualisation directe de la muqueuse utérine
Elle peut comme tous les gestes endo utérins être moins bien
supportée chez les nullipares présentant une atrophie importante .
Elle aura pour mérite essentiel d'assurer une vision de toute la
cavité utérine permettant ainsi de retrouver des pathologies non muqueuses ou au
contraire d'objectiver des anomalies trés localisées .
Elle permet de guider le prélèvement biopsique ou tout au moins d'en
assurer la validité .
Les prélèvements endo utérins peuvent être de divers types :
La cytologie dispose de nombreux outils de recueil d'utilisation facile
,éponge , brosse , hélice. Le rendement est correct en terme de cancer(8)(17(27)
mais moins intéressant pour les hyperplasies (8) 19,5 % de faux
négatifs ,Palerno diagnostic 10 fois/32 (17),Yazigi 3/14(27)
le lavage endo utérin à pression négative donne un taux de recueil
intéressant supérieur à90% (12)
les prélèvements histologiques
peuvent également être réalisés à l'aide de divers outils : canules
, pipelle. Le recueil est suffisant dans 91 % des cas avec 81 % de précision diagnostique
dans le cancer de l'endomètre mais seulement 68 % dans les hyperplasies (11)
L'aspiration biopsie par la méthode de Vabra assure un prélèvement
satisfaisant dans 90% ($26)avec une précision diagnostique intéressante 97,5% pour le
cancer et 91,7% pour les hyperplasies (12).
Ces techniques se heurtent à un certain nombre de critiques
La population cible étant ménopausée , le franchissement du canal
cervical peut être impossible le taux de réussite étant lié à l'âge et à la parité
(seulement 54% pour les primipares âgées pour Vuopala(25)
Dans le même ordre d'idées , cette insertion peut être très
douloureuse ou suffisamment pour ne pas autoriser de contrôles ultérieurs le taux de
douleurs importantes varie de 2 à 38 %
ENDOMETRE ET SCHEMAS SANS REGLES D'HORMONOTHERAPIE DE LA MENOPAUSE
Indépendamment du risque spécifique de pathologie prénéoplasique ou
néoplasique de l'endomètre évoqué plus haut , le but de ces schémas est d'améliorer
l'observance de ces traitements substitutifs (7).
En effet , les hémorragies de privation constituent un obstacle
important à la poursuite d'une hormonothérapie pendant un intervalle suffisamment long
pour le bénéfice de la supplémentation apparaisse .
L'administration continue oestroprogestative s'accompagne très
rapidement d'une atrophie endométriale 56 % à 4 mois 92 % à 12 mois (15) (21)
L'inconvénient signalé par de nombreuses séries est la survenue de
saignements irréguliers .
MAGOS 1985
WEINSTEIN 1987
HOLST 1987
PROUGHT 1987
LUCIANO 1988
PORRONG 1988
HARGROVE 1989 70
MATTSON 1982
STALAND 1985
FELDMAN 1986
JENSEN 1987
ROZENBAUM 1990 30-80
Ces saignements se manifestant essentiellement lorsque ce type de
schéma est institué immédiatement à l'arrêt des règles ou sans transition après une
hormonothérapie séquentielle .
Ils correspondent le plus souvent à une atrophie majeure de
l'endomètre .
Au total
L'incidence de l'hormonothérapie de la ménopause semble plutôt
favorable sur l'endomètre à condition que le traitement soit estroprogestatif avec une
sécurité minimale de 12 jours de traitement progestatif par cycle de traitement .
Les schémas dits sans règles contribueront probablement à une
meilleure observance de cette hormonosubstitution mais il faut tenir compte des
saignements irréguliers fréquents en début de traitement pendant les 3 premiers mois :
l'ajustement thérapeutique progestatif doit permettre de les faire disparaître .
L'évaluation systématique de l'endomètre est probablement inutile ,
par contre , elle est impérative devant tout saignement survenant en dehors des périodes
de privation dans les prescriptions discontinues ou devant la réapparition de
phénomènes hémorragiques dans les prises continues .
La base de cette évaluation est le couple échographie vaginale -
hystéroscopie mais le prélèvement histologique est indispensable.
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