Existe-t-il
vraiment un tableau clinique évocateur de déficit androgénique lié
à l'âge. Quels dosages demander pour le confirmer ?
J. BELAISCH
Introduction
Une proportion non négligeable des hommes
souffre avec l'âge d'un déficit de la sécrétion de testostérone
qui s'accompagne d'un ensemble de symptômes variés. En outre des hommes
jeunes peuvent présenter une insuffisance de sécrétions de testostérone,
témoin le plus souvent d'une pathologie testiculaire ancienne soit pré
soit post pubertaire que l'interrogatoire met le plus souvent en évidence.
Les symptômes de la carence androgénique
sont, en général, facilement reconnus. Ils se situent dans plusieurs domaines
: altération de l'énergie physique, du bien être, du sommeil, mais
ils se manifestent surtout et nécessairement dans la sphère sexuelle :
baisse du désir et perte des aptitudes érectiles. L'état d'hypogonadisme
peut également se traduire par des effets sur les fonctions cognitives, la
masse maigre musculaire et la densité osseuse.
Lorsque ces troubles surviennent à
la cinquantaine on parle d'andropause, cependant la carence endocrinienne ne se
limite alors probablement pas aux sécrétions testiculaires, elle est habituellement
plus large (1 et 15) et englobe les sécrétions surrénaliennes, hypophysaires
d'hormone de croissance (VERDHUIS (14)) (LEGROS (6)), de mélatonine et peut-être
de leptine (LUUKKAA (7)). On verra plus loin que, plus l'âge avance et plus
la proportion de sujets souffrant d'une carence en androgènes s'élève.
Outre les symptômes, des signes
cliniques et surtout des stigmates biologiques complètent le tableau du déficit
androgénique. Le cadre de cette déficience biologique demeurent cependant,
controversés.
Le diagnostic de syndrome de carence
androgénique est important à porter car cette déficience est aujourd'hui
assez aisément curable. Mais on a de bonnes raisons d'insister sur la nécessité
d'une substitution physiologique et il n'est donc pas justifié -et il
est peut-être même risqué - d'administrer des androgènes
à des hommes normoandres (10).
La symptologie
La chute de l'activité sexuelle en est un
des signes majeurs. Mais le sujet peut aussi mettre au premier plan une perte d'efficacité
dans l'activité professionnelle, ou des troubles vasomoteurs rappelant ceux
de la carence en œstrogènes qui néanmoins, demeurent habituellement au
deuxième plan (voir LUNENFELD et BEREZIN (8)).
Les troubles de la sexualité
La diminution des érections nocturnes et
matinales spontanées est le signe clef de la déficience en androgènes.
La libido est réduite mais non
toujours et certains hommes -surtout parmi les plus jeunes- fortement carencés
en androgènes conservent une attitude donjuanesque qui peut sembler en décalage
sur la clinique.
La moindre qualité de l'érection,
la faiblesse de l'éjaculation, la réduction du volume de sperme éjaculé
sont d'autres signes évocateurs.
Dans l'ensemble de façon générale,
les hommes reconnaissent une réduction franche de la fréquence des rapports
sexuels et de la qualité des orgasmes. Il faut donc pour que cette réduction
de la vie sexuelle soit significative d'une carence androgénique qu'elle soit
plus marquée que celle provoquée par l'âge dans toutes les populations
et dont l'enquête déjà très ancienne de KINSEY (4) donne une
idée assez précise. Le nombre de rapports sexuels, par semaine, des hommes
mariés y avait été chiffré à :
- 4 à 8 à vingt ans,
- 1,8 à cinquante ans,
- 1,3 à soixante ans,
- 0,9 à soixante dix ans.
Et l'étude plus récente française
de SPIRA BAJOS (12) donnait les mêmes informations : 10 rapports par mois entre
25 et 45 ans.
Et 4 ou moins à 65-69 ans.
Certains autres troubles fonctionnels sont eux aussi caractéristiques
Ce sont principalement les troubles vaso-moteurs.
Outre les bouffées de chaleur et les sueurs, les troubles du sommeil et la
fatigabilité qui en découle, prennent une place notable mais non constante.
Les troubles des fonctions cognitives et de l'humeur
Ils ne sont pas spécifiques mais ils doivent
retenir l'attention même s'ils ne sont pas associés aux troubles précédents
et être pris en charge pour eux mêmes.
Baisse de la mémoire, irritabilité,
asthénie, manque de motivations, difficultés de concentration productivité
décroissante, d'où une autodépréciation et des tendances dépressives.
Devant ces symptômes on doit compléter
l'interrogatoire et pratiquer un examen complet.
Les signes somatiques
Ils sont plus ou moins apparents et ne sont pas
les mêmes pour tous les hypoandres.
Ils ont une très grande valeur
séméiologique et exigent lorsqu'ils sont présents la réalisation
d'un bilan hormonal : perte de la pilosité, diminution de fréquence du
rasage, atrophie cutanée, diminution de l'énergie et de la vigueur.
La diminution de la masse musculaire
est parfois sévère (elle peut s'élever à 40 %) et s'accompagne
le plus souvent d'une augmentation de la masse grasse abdominale (qui peut doubler
et passer de 18 à 36 %) réalisant alors un tableau désormais classique
et ce d'autant plus qu'existe une dépilation.
L'examen de l'appareil génital
- principalement des testicules - donne des résultats très
variés. La classique réduction de leur volume n'est pas du tout aussi
manifeste que cela est souvent décrit. Elle est cependant parfois découverte
et le plus souvent alors on retrouve par l'interrogatoire un antécédent
d'une pathologie génitale qui surajoute ses effets à ceux de l'âge.
J. MORLEY (9) a développé
un questionnaire destiné à sélectionner les sujets susceptibles de
souffrir d'un déficit en hormones mâles le questionnaire ADAM (Androgen
Deficiency in Aging Male) qui a été validé en Belgique par l'équipe
de JJ.LEGROS (5). 1 - Avez-vous constaté une diminution de votre libido
?
2 - Sentez-vous un manque d'énergie
?
3 - Avez-vous constaté une
diminution de force musculaire et d'endurance à l'effort ?
4 - Avez-vous remarqué que
votre taille a diminué ?
5 - Avez-vous remarqué une
diminution de votre joie de vivre ?
6 - Vous sentez-vous triste ou
grincheux ?
7 - Vos érections sont-elles
moins fortes ?
8 - Avez-vous remarqué une
diminution de votre capacité de faire du sport ?
9 - Tombez-vous endormi après
les repas ?
10 - Avez-vous remarqué
une diminution récente de votre capacité de travail ?
Le test doit être considéré
comme positif si le sujet répond oui à trois de ces questions ou uniquement
à la question 1 ou 7. On peut aussi apprécier le degré des troubles
à l'aide d'autres systèmes.
Les données récentes de la biologie
Chez l'adulte jeune et en opposition avec ce qui
était considéré comme acquis , le déclin des sécrétions
du testicule commence tôt, avec celui des performances maximales des sujets
de sexe masculin. Ce qui rend délicat le choix d'une valeur limite au dessous
de laquelle on pourrait considérer le sujet comme hypoandre.
L'étude récente de HARMAN
(3) a le grand intérêt d'être longitudinale. Elle met en évidence
une baisse progressive du taux plasmatique de la testostérone totale chez 900
hommes suivis pendant 30 ans. On peut en tirer plusieurs conclusions, mais la plus
douée de signification tient dans le caractère de la pente qui est la
plus forte entre 32 et 48 ans.
Et si l'on prend pour référence
les valeurs les plus basses de l'adulte jeune, 30 % seulement des hommes de 70 à
79 ans, peuvent être considérés comme en état d'hypogonadisme.
Ces travaux ont donc l'indispensable avantage de permettre d'approcher de la difficile
détermination de critères biologiques de carence androgénique dont
les spécialistes d'andrologie gériatrique admettent qu'elle n'est pas
encore tout à fait définie.
Les critères biologiques de la déficience partielle androgénique
de l'homme âgé. Quand est-on autorisé à parler d'andropause
?
C'est donc lorsqu'un sujet souffre d'un ensemble
de troubles caractéristiques que l'on vient de décrire et qui sont le
plus souvent une exagération des signes de vieillissement ou une accélération
de leur survenue, que l'on pense à l'existence d'un déficit androgénique,
qualifié de façon quelque peu inadéquate d'andropause.
Un bilan biologique doit alors être
pratiqué chez ces patients. Mais on doit mettre l'accent sur le fait que ce
bilan doit être complet et qu'il doit s'attacher également à l'état
général et urologique du patient afin de prendre en charge toutes les
pathologies.
Ainsi le bilan biologique double cherchant
:
- à établir qu'il existe
bien un déficit en testostérone et son mécanisme causal,
- et dans le même temps
à préciser l'existence de facteurs de risque prostatiques ( PSA libre
et total) et cardiovasculaires.
Les dosages d'androgènes
La limite au-dessous de laquelle on peut considérer
qu'il y a bien carence en androgènes, a été l'objet de multiples
discussions. Le seuil n'est certainement pas le même pour tous les hommes.
Il est probable d'ailleurs que ce seuil soit différent pour une activité
musculaire physiologique une densité osseuse normale ou une activité mentale
satisfaisante ! Néanmoins, la limite a été fixée à partir
des valeurs observées chez les hommes normaux.
La testostérone totale
On a considéré qu'au-dessous de 4 ng/ml
ou 3 ng/ml, la carence était probable. Tout récemment, la valeur de 3,25
ng a été retenue par ANAWALT et MERRIAM à partir de l'étude
d'HARMAN (3).
Ces auteurs ont calculé qu'entre
70 et 79 ans, 30 % des hommes seraient hypoandrogéniques. 20 % de la cohorte
des hommes de 60 à 69 ans et seulement 5 % des hommes de 20 à 29 ans se
situeraient au-dessous de cette limite.
Ce qui a l'intérêt de montrer
qu'entre 70 et 79 ans au maximum 30 % des hommes souffriraient d'andropause.
La testostérone biodisponible
Certains auteurs considèrent que le dosage
de la testostérone biodisponible ou de la testostérone libre, est plus
informatif que celui de la testostérone totale (13). Ceux-ci considèrent
qu'une valeur < à 0,6 ng/ml de testostérone biodisponible est révélatrice
d'une carence en androgènes.
Ces dosages de testostérone libre
ou biodisponible, complexes et source d'erreurs, l'emportent-ils réellement
sur le dosage basal de la testostérone totale ? On peut en douter compte tenu
de leurs difficultés et des discussions entre experts dans les congrès
d'andrologie.
Il est certes indispensable de doser
la SHBG qui donne un reflet de l'état d'androgènie, mais le taux de cette
protéine dépend aussi de l'obésité et de l'insulinémie.
Pour notre part nous défendons donc le dosage de Testostérone totale car
celui de SHBG est réalisé seulement dans des laboratoires très équipés
et donc fiables et l'association des deux dosages procure une information suffisante
sur le niveau d'activité des androgènes (BUVAT et LEMAIRE) (2).
Les gonadotrophines
Le dosage des gonadotrophines a également
un intérêt certain car il permet de distinguer entre l'origine testiculaire
primitive et l'origine hypothalamo-hypophysaire de l'hypogonadisme. Or contrairement
à ce qu'on attendait, l'origine haute est plus fréquente, peut-être
du fait des stress nombreux de la vie de société, de la vie de couple
et de l'interruption de l'activité professionnelle. Cette forme de déficit
en androgènes pourrait bénéficier de l'administration de gonadotrophines
chorioniques.
Le sulfate de DHEA
Selon que l'on croie ou non aux effets de
l'apport de DHEA sur l'état général et la sexualité (voir REITER
(11)) le dosage du sulfate de DHEA se justifie ou non.
Pour notre part il semble que ce dosage
peut avoir son utilité.
Normalement son taux se réduit
avec les années. Et à 75 ans, elle est en moyenne 20 % de celle de l'adulte
jeune. Les variations interindividuelles sont notables.
Seule une véritable chute des
valeurs normales justifierait une administration substitutive.
En conclusion
En plus de 30 ans, on s'est aperçu chez les
femmes, qu'il était difficile de savoir quels bénéfices elles pouvaient
tirer d'un traitement substitutif destiné à corriger leur carence avérée
en hormones sexuelles. Le problème est encore plus difficile chez l'homme dont
on ne sait pas avec certitude s'ils sont vraiment carencés en hormones mâles
lorsqu'ils présentent des manifestations trop marquées en relation avec
un vieillissement pathologique.
On manque aujourd'hui de données
objectives sur les effets de l'administration d'hormones mâles chez les sujets
âgés malgré leurs effets bénéfiques évidents chez
les hommes jeunes hypogonadiques.
Cependant, les nombreuses observations
isolées sur leur possibles actions de rejuvénation poussent à corriger
quand il existe, le déficit en hormones males. Il est donc parfaitement légitime
d'étudier de façon aussi précise que possible le niveau des sécrétions
d'androgènes chez tous les hommes quel que soit leur âge lorsqu'ils se
plaignent des multiples troubles qui pourraient être liés à cette
carence hormonale.
Bibliograhpie
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