Effets
des androgènes sur l'appareil cardio-vasculaire masculin
Jean BELAISCH
Ce thème a fait l'objet, depuis
le premier congrès mondial d'andrologie de l'ISA, de constatations surprises
et désenchantées d'orateurs prestigieux. En effet malgré l'importance
du sujet les connaissances dans ce domaine demeuraient bien fragmentaires et ne
permettaient pas d'adopter une attitude thérapeutique satisfaisante pour les
sujets souffrant de troubles liés à une carence en androgènes.
L'idée qui avait prévalu
pendant des années était que les androgènes étaient plutôt
défavorables à l'état artériel des sujets de sexe masculin puisque
les hommes souffrent plus tôt et plus souvent que la femme d'accidents vasculaires.
Mais les travaux publiés dès les débuts de la deuxième moitié
du XXe siècle contredisent cette façon de penser.
Est-il aujourd'hui possible d'avoir
une opinion plus précise et fondée sur des informations plus solides ?
D'autre part la façon de considérer
ce sujet a été bouleversée par les résultats des études
HERS et WHI. Ces études randomisées, concernant le THS des femmes ménopausées
sont en effet venues contredire (au moins partiellement) les données des études
de cohortes et d'observation et elles relativisent tous les espoirs que l'on pouvait
avoir sur les bénéfices éventuels (aussi bien d'ailleurs que sur
les effets néfastes que l'on pouvait craindre) de l'androgénothérapie
dans le sexe masculin.
En voulant être trop précautionneux
n'est-on pas en train de faire perdre de réels bénéfices de santé
aux hommes présentant une carence androgénique, qu'il s'agisse de sujets
jeunes hypoandres ou de sujets âgés dont la déficience androgénique
est moins bien définie ?
C'est le sujet de cette revue de la
littérature. 210 JEAN
BELAISCH 1.
Deux aspects de cette question
Sont à considérer en premier
1.1. Le polymorphisme génétique et la biodisponibilité
des androgènes
• Le polymorphisme génétique
des récepteurs des hormones sexuelles conduit à des réponses différentes
selon les sujets. Ce fait, couplé à la grande variabilité de la biodisponibilité
des hormones sexuelles conduit à exclure toute possibilité que l'ensemble
des hommes répondent de la même façon à une administration hormonale.
Et surtout, il explique que, selon les populations étudiées, des résultats
contradictoires aient pu être observés.
Cette variabilité de la biodisponibilité
était déjà bien connue et démontrée pour les strogènes,
quelle que soit leur voie d'administration. Elle a été confirmée
également pour les androgènes au moins chez la femme (FLÖTER (10)).
1.2. L'assimilation de l'androgéno et strogénothérapie
• Les dangers potentiels
de l'strogénothérapie révélés par HERS et WHI sont-ils
à craindre pour l'androgénothérapie masculine ?
Il faut d'abord dire que l'interruption
prématurée de la vaste étude prévue aux USA sur les effets des
androgènes chez l'homme âgé, à la suite des résultats de
l'étude WHI, a fait perdre tout espoir de disposer à une échéance
relativement brève de données chiffrées et fiables sur les effets
principalement vasculaires de l'androgénothérapie dans une vaste population
d'hommes âgés. Or la question se pose principalement pour l'homme âgé.
D'un autre côté il est clair
que les résultats obtenus chez le sujet jeune en état de carence androgénique
chez lequel la substitution hormonale ramène le taux de testostérone à
la normale, ne sont pas applicables à des hommes plus vieux dont le taux de
testostérone est certes abaissé par rapport à celui de jeunes adultes,
mais se situe dans les limites physiologiques des hommes du même âge !
Enfin, comme on l'a vu, on peut seulement
aujourd'hui espérer réunir des informations utiles mais en sachant qu'elles
ne seront EFFETS
DES ANDROGèNES SUR L'APPAREIL CARDIO-VASCULAIRE
MASCULIN 211
valables que pour des groupes limités
et homogènes de sujets dont il faudra préalablement déterminer les
particularités.
Quoi qu'il en soit les résultats décevants
obtenus sur l'strogénothérapie après la ménopause, ne sont
pas applicables aux hommes parce que les androgènes ne sont pas assimilables
aux strogènes et parce que les hommes ne réagissent apparemment pas de
la même façon que les femmes.
a) Différences entre androgènes
et strogènes
Une première observation peut
être faite sur ce point. Certes, il existe très peu d'études explorant
les effets à long terme des androgènes. Mais aucune n'a rapporté
une augmentation de fréquence des phlébites ou des accidents artériels
dans les mois faisant suite au début de l'administration de la testostérone.
Ce stéroïde se distingue donc des strogènes, qui, aussi bien pour
l'ethinyl estradiol contenu dans ces pilules que pour les strogènes Conjugués
Equins ou l'stradiol provoquent surtout pendant les premiers mois, des accidents
apparemment liés à une modification des facteurs de coagulation. Et cette
absence de complications a été observée aussi bien avec la testostérone
intramusculaire que lors de l'administration par voie cutanée. Il se pourrait
cependant que cette complication ne se révèle qu'ultérieurement si
la pratique de l'androgénothérapie se généralisait.
b) Différences entre hommes
et femmes
Physiologiquement le taux des androgènes
circulants est très différent chez l'homme et la femme et la fonction
de la testostérone n'est pas identique dans les deux sexes.
Les modifications des lipides et des
facteurs de coagulation ont été considérées chez les femmes
avec une très grande attention par les endocrinologues et les gynécologues
du fait de leur relation possible avec les accidents vasculaires de toute sorte.
Une des raisons de cet intérêt tient à la très grande proportion
de femmes sous hormonothérapie, qu'il s'agisse de contraception ou de ménopause.
Des publications que l'on peut qualifier d'innombrables leur ont été consacrées
et il en ressort généralement que plus une hormonothérapie, par exemple
la prise de pilules contraceptives, a d'effets androgéniques et plus elle est
susceptible de provoquer des altérations nuisibles des lipides plasmatiques
et même des événements cardio-vasculaires.
212 JEAN
BELAISCH Or
lorsque des substances à effet androgénique sont administrées à
la femme, elles peuvent très rapidement sortir des limites relativement étroites
de la physiologie. L'observation d'une nocivité des androgènes chez le
sujet féminin ne peut donc être généralisée à l'homme.
On verra plus loin l'importance de cette notion de physiologie.
Dans le sexe masculin, s'il n'existe pas de concordance
absolue entre les publications, ce sont plutôt des effets bénéfiques
que néfastes qui ont été observés après androgénothérapie.
Cependant ceux-ci sont généralement modestes, et leur conséquences
cliniques sont inconnues. Quels sont les effets des androgènes sur les marqueurs
conventionnels de l'athérosclérose ?
2. Les effets de l'androgénothérapie
sur les paramètres biologiques chez le sujet hypogonadique ou chez
l'homme âgé
2.1. Le cholestérol et ses fractions
a) Les corrélations observées en
dehors de toute intervention
On a toujours attribué une signification
à la baisse du HDL-cholestérol chez les garçons qui deviennent pubères
en considérant qu'elle était une preuve indirecte des effets potentiellement
néfastes des androgènes. Cependant chez les adultes la majorité des
études a montré que les taux élevés (mais dans les limites normales)
de testostérone étaient associés à des valeurs élevées
du cholestérol-HDL chez la plupart des hommes (KHAW et BARRET CONNOR 1992 (16)).En
outre les taux bas de testostérone s'accompagnent d'une plus forte concentration
en particules
|
˙N |
˙Mois |
˙Total chol |
˙HDL-chol |
˙LDL chol |
| |
˙ |
˙20 |
˙9 |
˙‚ |
˙11,7% |
˙NC |
˙- |
˙ |
˙8 |
˙3 |
˙‚ |
˙9,0% |
˙NC |
˙- |
˙ |
˙13 |
˙3 |
˙‚ |
˙11,0% |
˙NC |
˙11,2 |
˙ |
˙10 |
˙12 |
˙‚ |
˙* |
˙NC |
˙* |
(NC, pas de changement ; *, absence de précisions)
EFFETS
DES ANDROGèNES SUR L'APPAREIL CARDIO-VASCULAIRE
MASCULIN 213
denses de c-LDL considérés comme
favorisant le développement de l'athérosclérose.
b) les effets de l'administration d'androgènes
La majorité des auteurs a observé
une absence de modification du c-HDL ou une baisse modeste après administration
de testostérone à des hommes âgés en particulier MORLEY et SNYDER
(voir B et B).
S. TENOVER a confirmé par ses
résultats personnels et une étude de la littérature la baisse du
cholestérol total, la stabilité du HDL-c et la tendance à la réduction
du LDL obtenus par la testostérone.
Effets de la testostéronothérapie
sur les taux sériques de cholestérol chez les sujets âgés.
Mais deux remarques très importantes
doivent compléter ces données :
• ces résultats
s'opposent à ceux observés de façon concordante après administration
d'anabolisants par voie orale, et habituellement à doses supra physiologiques,
car ceux-ci, qui ne sont généralement pas aromatisables, diminuent le
HDL-c et accroissent la résistance à l'insuline (THOMPSON et al.,
1989 (27)).
• dès que
l'on sort des valeurs physiologiques de la testostéronémie les résultats
s'inversent. BAGATELL et BREMNER ont montré que le HDL-c s'abaisse et le LDL-c
s'élève lorsque des quantités supra-physiologiques d'androgènes
étaient administrées (5). De même dans l'évolution vers le bas
l'administration d'agonistes de la LH-Rh conduit à une chute de la testostérone
avec élévation du cholestérol total et HDL.
Ce rôle des doses physiologiques
paraît donc essentiel et doit être gardé en mémoire.
2.2. Les relations entre la testostérone circulante,
la répartition des graisses et le métabolisme hydrocarboné
a) Testostérone et répartition des
graisses
Les excès de graisse abdominale
sont inversement liés au taux de T libre (VERMEULEN A. 1999) (28) et SEIDELL
1990 (23) et cela indépendamment de l'âge qui accroît cette localisation
des graisses. Or la graisse viscérale est corrélée au risque vasculaire
et au risque de diabète non insulino dépendant. Le sens de la relation
entre l'abaissement de la T libre et l'obésité n'est pas tout à fait
214 JEAN
BELAISCH clair.
Cependant, TENOVER (1998) a montré que l'administration de T réduisait
la masse graisse chez le sujet âgé androgénodéficient.
Les résultats des expérimentations animales
sont très intéressantes car elles montrent que le niveau de la sécrétion
de testostérone est d'une extrême importance pour la sensibilité
à l'insuline qu'elle commande très finement. Chez le rat castré la
sensibilité se réduit. Elle est aussi altérée lorsque des doses
supra-physiologiques lui sont administrées. En revanche la substitution équilibrée
supprime l'insulino-résistance HOLMAN et BJORNTORP (15)).
Chez les humains les faits sont analogues.
Chez la femme, la majorité des
travaux a donc montré que lorsque la testostérone libre est élevée
(c'est-à-dire hors des limites physiologiques) et la SHBG basse, on observe
une augmentation de fréquence de l'insulino résistance et de diabète
non insulino dépendant et une augmentation de fréquence des facteurs de
risque cardiovasculaires, mais non d'accidents cardiovasculaires ! Ces corrélations
étant plus fortes pour l'abaissement de la SHBG que pour l'élévation
de la testostérone (HAFFNER (12)).
Chez l'homme, MARIN et coll.(17) comme
REBUFFÉ SCRIVE (20) ont montré que l'administration de testostérone
par voie IM à des hommes présentant une adiposité centrale et un
taux bas d'androgènes, diminuait l'adiposité viscerale et la résistance
à l'insuline, probablement en inhibant la lipoprotéine lipase ce qui favorise
la lipolyse et la mobilisation des triglycérides. Et cette amélioration
était d'autant plus marquée que le taux de testostérone était
plus bas au départ, ce qui suggère que cet effet bénéfique pourrait
ne pas être observé dans une population normale. SIMON a également
observé une amélioration de la sensibilité à l'insuline chez
l'homme à testostérone basse traité par les androgènes (24).
Dans les études colligées
par TENOVER on a pu observer de façon consistante après administration
par voie intramusculaire ou cutanée (scrotale par patchs ou par application
de gel) une réduction de la masse grasse, une augmentation de la masse maigre
et une augmentation du poids total -sauf chez les obèses-(26).
On doit donc prendre en compte de façon
très stricte ces trois paramètres : voie d'administration, degré
de transformation possible en strogènes, et niveau de la déficience androgénique
pour juger de l'effet d'un produit sue les paramètres lipidiques.
b) Testostérone et diabète
EFFETS
DES ANDROGèNES SUR L'APPAREIL CARDIO-VASCULAIRE
MASCULIN 215
Les taux de testostérone sont plus bas
chez les patients souffrant d'un diabète de type II que chez les sujets temoins
(STELLATO 2000) (25° et des concentrations de testostérone libre et totale
abaissées sont associées à un plus grand risque de l'apparition de
ce type de diabète (ENDRE 1996) (9).
2.3. Les facteurs vasculaires et les facteurs de coagulation
GOOREN et GILTAY ont insisté sur l'effet
possible de l'administration de testostérone sur les endothélines. Les
résultats qu'ils ont eux-mêmes enregistré sur des transexuels (femme
vers homme) montraient une élevation des valeurs de l'endothéline plasmatique
sous testostérone et une baisse sous acétate de cyprotérone (11).
Il apparaissait que cet effet était confirmé par les travaux de ADAMS
réalisés chez les cynomulgus de sexe femelle (1). Mais ces travaux ne
concernent pas les sujets XY. Néanmoins, dans les années à venir
cet aspect possible de l'action de la testostérone chez le sujet âgé
méritera, selon ces auteurs, un contrôle attentif.
En ce qui concerne les phénomènes
de coagulation, il faut noter la rareté des accidents vasculaires rapportés
par rapport à ceux provoqués par les strogènes puisqu'ils ne citent
que deux accidents liés à la testostérone et un aux anabolisants
stéroïdiens.
Il est possible que cette absence d'effets
néfastes soit à rapprocher de l'accroissement de l'activité fibrinolytique
des androgènes 17 alpha-alkylés et de l'augmentation des protéines
C, S et de l'antithrombine III observé lors de leur administration.
2.4. Les autres effets des androgènes sur l'appareil
cardio-vasculaire
À côté du cholestérol la Lp(a)
prend une place grandissante ; il a été prouvé que l'orchidectomie
l'élève. Mais peu de travaux ont été consacrés à ces
corrélations dans la population générale.
De même la T libre est négativement
corrélée au fibrinogène et à l'inhibiteur 1 du plasminogène
activateur et ce sont là des éléments favorables. Cependant TENOVER
insiste sur le fait que la testostérone peut provoquer une rétention d'eau.
Celle-ci est susceptible de favoriser la survenue d'une hypertension artérielle.
Néanmoins, mis à part une prise de poids qui pourrait relever partiellement
d'une telle rétention, aucun signe n'en a été retrouvé dans
les publications qu'elle a analysées et qui réunissaient 41 sujets.
216 JEAN
BELAISCH D'autres
aspects bénéfiques sur le plan vasculaire ont été observés:
• la baisse de la pression
artérielle (SIMON ( )) ;
• l'augmentation
du flux artériel intra-coronarien chez les patients atteints de coronarite,lors
de l'infusion dans les coronaires de doses physiologiques de testostérone (WEBB)
(30) et ROSANO (22).
• l'existence
d'effets bénéfiques sur la fonction endothéliale (ONG et al. (18).
• des effets
favorables en cas d'ischémie myocardique (WEBB (31)) ;
• néanmoins
l'action sur l'agrégation plaquettaire, la fibrinolyse et les facteurs de coagulation
est complexe (BONITHON -KOPP 1998 ((7). De même, outre son action sur
les endothélines, la T a des effets directs sur plusieurs facteurs vasoactifs
tels que prostacyclines et thromboxane A2. Et le résultat global de cette action
des androgènes ne peut être facilement prévu (VERMEULEN) (29).
En somme, les observations vont pratiquement
toutes dans le sens d'une réduction des facteurs de risque. Mais qu'en est-il
des observations spécifiques ?
3. Relations directes entre androgènes et
athérosclérose
La publication le plus souvent citée est
celle de PHILLIPS et al (19) qui ont observé une corrélation inverse entre
les niveaux de T et la sévérité de la maladie coronarienne.
L'expérimentation animale montre
que chez certaines souris (LDL-récepteur déficientes) la castration chirurgicale
accélère la progression de l'athérosclérose; tandis que l'administration
de T la freine. L'effet bénéfique n'existe plus quand on administre concomitamment
une inhibiteur de l'aromatase. Comme si l'effet bénéfique passait par
la conversion de la T en strogènes dans les paroi des vaisseaux ( B.B.)
Un effet bénéfique de la
testostérone sur le développement de plaque après dénudation
d'un anneau aortique a été mis en évidence chez le lapin par l'équipe
de HANKE (14). Associé à cet effet inhibiteur sur les dimensions des plaques
elle a noté une augmentation de 50 % des mRNA des recepteurs des androgènes
dans les segments d'artères traitées par la testostérone. Ces faits
EFFETS
DES ANDROGèNES SUR L'APPAREIL CARDIO-VASCULAIRE
MASCULIN 217
soulignent, au moins dans le sexe masculin,
le rôle important des androgènes dans le système vasculaire.
Dans l'ensemble il n'est pas possible de dire
que des variations de testostérone dans les limites de la normale soient associées
à un risque de maladie coronarienne. Comme le rapportent ALEXANDERSEN et al,(1996)
(2), parmi les publications concernant cette relation ils en ont trouvé 18
qui rapportaient des taux de testostérone abaissés, 11 qui avaient trouvé
des taux analogues chez les témoins et chez les malades atteints de maladie
coronarienne et une qui avait trouvé un taux élevé de SDHEA. Et dans
une étude prospective de cet auteur, aucune association entre le taux de testostérone
totale et le début de la maladie coronarienne n'a été mise en évidence.
Toutefois une publication des plus
récentes, rapportant les résultats d'une étude menée à
Rotterdam, vient confirmer directement le probable rôle bénéfique
des androgènes quand ils sont à des taux physiologiques. Le degré
d'athérosclérose était mesuré par radiographies de l'aorte abdominale
-dont il a été montré qu'elle était un reflet de l'athérosclérose
de l'intima. Les hommes situés dans le plus haut tertile de T etb de Tlibre
avait par rapport à ceux appartenant au tertile le plus bas un risque de 0,4
(CI à 95% 0.2-0.9) tandis que pour les femmes il était de 3,7 (CI : 1.2-11.6)
; mais cette association devenait moins fra&nche chez la femme après prise
en compte d'autres facteurs de risques cardio-vasculaires. Chez l'homme un effet
protecteur des taux élevés de SDHEA était aussi suggéré
(HAK (13)).
En somme
Si l'on limite l'androgénothérapie
à une administration de testostérone aromatisable -peut-être en évitant
la voie orale- si l'on ne vise que l'obtention d'une valeur physiologique de testostérone,
c'est à dire la valeur moyenne normale d'un adulte jeune, il est plus que probable
que l'on ne doit craindre aucun effet nocif sur le plan cardiovasculaire et même
que l'on puisse espérer créer alors les conditions d'un risque cardio-vasculaire
optimal. En revanche toute administration provoquant des taux supra physiologiques
pourrait être nocive. Néanmoins, le THS féminin nous a enseigné
une prudence dont il serait risqué de se départir. Et d'autre part, l'étude
de la bibliographie montre qu'on ne dispose pas de données sur les points les
plus importants que sont la mortalité cardiovasculaire ou l'incidence
des infarctus du myocarde. Mais 218 JEAN
BELAISCH cette
carence pourrait résulter de l'absence d'études d'envergure assez grande
pour permettre d'en tirer d'utiles conclusions
4. Les androgènes surrénaliens
On ne peut entièrement éluder la question
de la DHEA et de ses relations avec l'état de l'appareil cardio-vasculaire.
De premiers travaux (BARRETT-CONNOR
et al. 1986 ( ) BERR 1996 () avaient rapporté que les valeurs basses de SDHEA
étaient associées à une plus forte mortalité dans les 2 années
suivantes. D'autres publications ont donné des résultats opposés.
En ce qui concerne les effets de l'administartion
de DHEA sur la circulation pénienne, la controverse existe aussi. Comme le
Massachussetts Male Aging Study avait montré que les hommes dont les taux de
SDHEA étaient très bas, étaient souvent atteints de dysfonction érectile,
REITER et al. ont observé que l'administration de DHEA améliorait franchement
certaines catégories de ces patients(21). A l'inverse ARLT et al.(4) n'ont
pas observé de tels effets ( ). Selon la formule consacrée, seules de
plus vastes études pourront aider à reconnaître les hommes susceptibles
de bénéficier de cette supplémentation et ceux chez qui une réponse
positive est improbable. C'est d'ailleurs la voie suivie par REITER.
5. Les associations de médicaments
Les études effectuées chez les femmes
à la ménopause, en particulier l'étude HERS, ont montré qu'il
n'y avait pas (ou peu ) à attendre de bénéfices de l'strogénothérapie
chez les femmes sous statines. Il n'en est peut-être pas de même pour
les hommes recevant des androgènes étant donné que les statines exercent
outre leur action sur le cholestérol, un effet anti-inflammatoire puissant
et qu'ils agissent sur l'endothélium vasculaire et sur la vascularisation de
la plaque. D'autres substances, comme les ezetemibes en inhibant l'absorption du
cholestérol sont susceptibles d'améliorer plus avant le profil lipidique
des hommes âgés.
L'association de testostérone
à ces produits pourrait aboutir à une synergie des effets favorables sur
l'état artériel ou au moins à réduire les effets nocifs potentiels
des androgènes au moins dans certaines populations. La testostérone pourrait
alors exercer ses effet bénéfiques principalement sur la force musculaire,
l'humeur, les fonctions cognitives et au moins chez certains sur l'activité
EFFETS
DES ANDROGèNES SUR L'APPAREIL CARDIO-VASCULAIRE
MASCULIN 219
sexuelle, augmentant le mieux être général.
Quant à la forme galénique et à la voie d'administration les meilleures
c'est là une tout autre question.
6. La décision d'androgénothérapie
Deux questions incontournables se posent alors.
Quels sont les critères de la
carence androgénique ?
Lorsqu'existent des manifestations
cliniques classiques, susceptibles de répondre aux androgènes, il n'est
pas douteux qu'une administration de testostérone mérite d'être tentée
et suivie attentivement.
Mais lorsque la découverte est
purement biochimique, par exemple une concentration plasmatique au dessous de 12,5
nmol/l -selon un consensus (3) le seuil serait encore plus bas à 2ng/ml- est-il
licite de proposer une androgénothérapie ?
Il n'existe pas de réponse généralisée
à cette question et l'opinion du sujet (malade ou en apparente bonne santé)
doit être le premier élément à prendre en considération.
Mais selon nous la réponse est le plus souvent plutôt positive.
Avant la mise en uvre de l'androgénothérapie,
il est désormais indispensable de rechercher attentivement d'éventuels
antécédents personnels et familiaux ( par exemple ceux de thrombose veineuse
ou de cancer de la prostate) et d'éviter cette sorte de traitement chez les
sujets prédisposés, alors qu'aujourd'hui on ne peut pas considérer
que les bénéfices à en attendre sont indiscutables.
Si la décision est prise, on ne
dépassera pas les doses physiologiques et le suivi doit être très
rigoureux : contrôle du poids, de la pression artérielle, de l'existence
d'apnées du sommeil, du taux de testostérone (certains prônent celui
de la testostérone libre plus incertain car difficile à doser) des lipides
et peut-être de l'épaisseur des parois des carotides, de la prostate par
la clinique et le dosage des PSA, enfin par l'évaluation de l'hématocrite.
Et on n'hésitera pas à interrompre temporairement ou définitivement
le traitement devant toute anomalie. A propos de prostate, il n'est pas exclu, comme
F. COMHAIRE l'a évoqué, que le risque de cancer de la prostate suive la
même courbe en U que le risque d'athérosclérose et que des taux physiologiques
de testostérone plasmatiques n'aient un effet protecteur(8).
220 JEAN
BELAISCH 7.
Conclusion
Avant les résultats de la WHI, BHASIN et
BUCKWALTER, en 2001, croyaient pouvoir insister sur l'intérêt de très
vastes études cliniques, placebo contrôlées ; ils cherchaient à
obtenir chez 5 000 à 10 000 hommes traités pendant 5 à 7 ans, une
concentration plasmatique normale, moyenne à haute, de la testostérone.
Ce qui aurait permis, écrivaient-ils, de confirmer les avantages de l'androgénothérapie,
et en même temps de répondre aux inquiétudes concernant la prostate
(6).
De telles études paraissent dorénavant
ne pas correspondre aux besoins des médecins et de la population, et il est
probable qu'elles ne seront jamais entreprises.
Aujourd'hui en se fondant sur les données
qui viennent d'être exposées, la décision de traiter ou non les hommes
âgés dont les concentrations de testostérone sont faibles, ne peut
être généralisée et elle ne pourra être prise que sur un
plan individuel et après un long dialogue sur les avantages et les inconvénients
des hormones males.
C'est précisément cette sorte
d'étude qu'il faudrait pouvoir réaliser !
Il est indispensable de comprendre
que l'on ne doit chercher à traiter que les hommes qui en éprouvent le
besoin. Car ils ont plus de chances que les autres d'adhérer à cette forme
de thérapeutique. Mieux vaut aussi qu'ils ne craignent pas d'affronter les
risques d'une augmentation de fréquence du cancer de la prostate, peu probable
mais qui ne peut être écartée. Ce seront donc des hommes cultivés
qui ayant appris les avantages potentiels, en particulier sur l'arbre vasculaire,
souhaitent adopter une attitude préventive même si sa réalité
n'est pas encore entièrement démontrée. Le suivi de ces patients
qui, a priori, devraient être des volontaires très coopérants
fournira les meilleurs outils pour la gestion de la prévention artérielle
des générations futures.
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