SURVEILLANCE APRES TRAITEMENT D'UN CANCER DU SEIN : L'UTILE ET
L'INUTILE
D. ZARCA* 17, rue Pétrarque, 75016 Paris.
Le cancer du sein touche chaque année en France, plus de 25 000 nouvelles patientes
dont plus de la moitié sont traitées de façon conservatrice.
Le problème de leur surveillance se pose aussi bien pour le cancérologue que pour le
gynécologue qui ont vocation à la prise en charge conjointe de ces patientes.
Les raisons de leur surveillance post-thérapeutique, ne sont pas aussi limpides que
nous le souhaiterions. Nous sommes, en effet, très loin d'avoir l'assurance que le suivi
même attentif des patientes atteintes, puisse avoir un impact notable sur leur survie. Ce
qui nous amène naturellement à nous interroger sur les justifications qui motivent nos
efforts dans le suivi et sur leur efficacité réelle.
La première de ces justifications est la détection la plus précoce possible des
récidives locales et controlatérales.
La seconde est la recherche d'une évolution métastatique ou d'un second cancer.
La troisième est le dépistage des complications du traitement, relativement
fréquentes.
Enfin la quatrième, sur laquelle nous ne reviendrons pas est d'ordre psychologique.
Les patientes traitées vivent mal la possibilité d'une rechute, qu'elles savent toujours
possible, une surveillance raisonnée, leur offre généralement un certain confort
d'esprit.
Il faut bien avouer que dans certains cas, l'effet obtenu est totalement inverse et que
loin de les rassurer, la surveillance est génératrice d'une profonde angoisse.
DETECTION DES RECIDIVES
Il faut distinguer les récidives précoces, généralement situées au niveau du foyer
de la tumorectomie qui ont plutôt un mauvais pronostic, des récidives tardives
généralement à distance ou controlatérales qui ne semblent pas altérer le pronostic.
Le diagnostic de récidive est souvent clinique. L'expérience montre qu'il est
généralement fait par la patiente, plus que par le médecin qui est en charge de sa
surveillance. L'apport de l'imagerie est évidemment fondamental.
IMAGERIE DU SEIN
Mammographie
La mammographie est l'examen de référence. Elle est souvent très difficile à
interpréter. Sur des seins qui ont été traités et irradiés la glande mammaire
apparaît souvent hyperdense.
Cependant l'existence de clichés post opératoires de référence permet de déceler
une évolution péjorative. La fréquence minimale de cet examen dans le suivi post
thérapeutique est annuelle.
Echographie
Le complément échographique des clichés mammographiques est indispensable. Sa
lecture apparaît moins gênée par les remaniements post-thérapeutiques. Elle peut être
complétée par l'étude Doppler.
Nouvelle imagerie
L'expérience de l'imagerie par résonance magnétique manque même si les premiers
résultats peuvent être considérés comme encourageants.
CYTOLOGIE ET HISTOLOGIE
La cytologie simple à pratiquer (par capillarité ou par aspiration), ne donne pas
toujours des résultats très tranchés dans les suspicions de récidive.
La pratique des prélèvements histologiques est plus informative. Les biopsies peuvent
être très utilement guidées par l'échographie ou par un repérage stéréotaxique au
cours d'une mammographie. Compte tenu de la densité des tissus à prélever, il est plus
aisé pour obtenir des carottes de bonne qualité de recourir à un système utilisant un
mouvement propre (pistolet ou drill biopsie) qu'au classique Tru-cut.
Les indications des biopsies doivent être très larges, les signes de récidive locale
sont en effet rarement évidents.
DETECTION DES METASTASES
L'apparition d'une métastase est une éventualité très fréquente dans l'évolution
des cancers du sein. La détection très précoce des lésions secondaires n'est pas un
événement propre à bouleverser l'histoire naturelle de la maladie. Il est cependant
vraisemblable que certaines échéances peuvent ainsi être retardées, certaines
patientes ayant une survie dépassant de 10 ans le diagnostic de métastase. La simple
clinique trop tardive ne saurait satisfaire à cette exigence du diagnostic précoce.
Les marqueurs tumoraux
Divers marqueurs sont à notre disposition, deux sont couramment employés : les ACE et
le CA 15-3. Leur élévation peut précéder l'apparition de signes cliniques de plusieurs
mois.
Leur sensibilité n'est pas équivalente puisque le CA 15-3 est élevé dans près de
80 % des évolutions métastatiques, contre moins de 50 % pour les ACE.
Il n'est pas utile en routine, de doser ces deux marqueurs conjointement, le dosage du
CA 15-3 est suffisant même si la positivité des deux marqueurs n'est pas toujours
croisée.
Le rythme de dosage du CA 15-3 dépend évidemment du pronostic tumoral.
La scintigraphie osseuse au technétium
De tous les sites métastatiques primitivement découverts le tissus osseux est le plus
fréquemment observé. Les examens biologiques phosphatases alcaline et hydroxy prolinurie
n'ont pas de valeur prédictive.
Reste la scintigraphie osseuse élément peu spécifique mais très sensible.
Révélant moins de 1% de métastases osseuses asymptomatiques, la scintigraphie ne
saurait constituer un élément standardisé de surveillance.
L'indication doit en être portée sur des éléments d'alerte clinique (douleurs
osseuses localisées) ou para-clinique (augmentation du taux des marqueurs sériques)
Détection des métastases pleuro-pulmonaires
Les radiographies de thorax effectuées à titre systématique, détectent moins de 2 %
de métastases asymptomatiques. De plus les champs pleuro-pulmonaires sont un site
métastatique rarement unique. Bien que de faible coût, la radiographie de thorax
standard ne constitue pas un élément de surveillance systématique très rentable.
Les métastases hépatiques
Les éléments biologiques (phosphatases alcalines en particulier) sont très peu
spécifiques. L'échographie hépatique est un examen suffisamment sensible et spécifique
(et précédant la clinique de plusieurs mois) pour être proposée dans la surveillance
des patientes à haut risque.
COMPLICATIONS DU TRAITEMENT ET SECOND CANCER
Nous n'envisagerons pas ici les complications immédiates du traitement qui sont
généralement du ressort du chirurgien ou du chimiothérapeuthe.
Les complications radio-chirurgicales tardives (essentiellement les lymphoedèmes du
bras) sont moins fréquentes aujourd'hui avec l'amélioration des techniques chirurgicales
et la diminution des indications d'irradiation du creux axillaire. La surveillance et le
renouvellement des consignes de prévention, permettent aujourd'hui à la plupart de nos
patientes d'échapper à cette véritable infirmité que constitue le " gros bras
".
La mesure comparative systématique du diamètre des doigts (grâce à un baguier), du
poignet, de l'avant-bras et du bras et l'écoute des patientes doivent permettre de
déceler au plus tôt cette complication redoutable et permettre ainsi de prendre les
options thérapeutiques adaptées, sans attendre le passage des lésions à un stade
chronique et quasiment irréversible.
Le tamoxifène
Produit utilisé par de nombreuses patientes, son emploi implique une surveillance de
l'endomètre dont les modalités sont l'objet de nombreuses polémiques. Test au
progestatif, biopsie d'endomètre systématique, échographie de surveillance,
hystéroscopie diagnostique, tout est possible mais pas forcément raisonnable. Il faut
rappeler que les authentiques adénocarcinomes induits par le tamoxifène sont très
rares, classiquement peu agressifs et que les hyperplasies d'endomètre détectées par
échographie correspondent, en réalité, bien souvent à des atrophies kystiques.
L'échographie pelvienne qui devrait être effectuée tous les ans chez les patientes
sous tamoxifène, comporte un certain nombre de caractéristiques et de pièges qui
doivent être connus pour éviter les recours abusifs à des examens plus invasifs.
POUR CONCLURE
L'intérêt de la surveillance des cancers du sein, on l'aura compris, échappe en
partie à une froide logique comptable. A ce jour personne ne peut se vanter d'effectuer
un acte vraiment utile en termes de survie. Pour autant y renoncer est impossible, bonnes
et mauvaises raisons étant totalement intriquées.
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