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Titre: Le traitement hormonal substitutif - contre indications et precautions d'emploi
Année: 2000
Auteurs: - Sedbon E.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

J.TA 2000 2

Le traitement hormonal substitutif - contre indications et précautions d'emploi

Dr Eric SEDBON

I. INTRODUCTION

S'il est clair que le traitement hormonal substitutif de la ménopause a considérablement amélioré la qualité de vie des femmes de cette tranche d'age comme en témoigne l'augmentation croissante des femmes traitées, il n'en reste pas moins que sa prescription amène une certaine prudence et impose une information complète de l'état actuel de nos connaissances en la matière. Le médecin prescripteur doit toujours apprécier les bénéfices, alternatives et risques du traitement et ce en fonction de chaque cas particulier car le traitement hormonal, loins d'être standardisé, doit être adapté individuellement. Périodiquement, un bilan global des avantages et inconvénients du traitement doit être reconsidéré, les premiers s'évaluant en terme de réduction de risques et d'amélioration de la qualité de vie, les seconds en termes d'augmentation de risques : cancer de l'endomètre ou du sein, complications vasculaires. L'appréciation du bénéfice-risque s'appuie sur de multiples études et en particulier certaines études prospectives multicentriques développées ces dernières années. Malheureusement, ces études, souvent anglo-saxonnes, sont difficilement transposables à la population française car, en tout état de cause, il existe de fortes variations socio environnementales d'une population à une autre ainsi que des variations génétiques individuelles qui rendent l'interprétation des études de la transposition de leurs résultats très aléatoire.

Les bénéfices du traitement sont aujourd'hui parfaitement bien documentés et l'on peut distinguer les bénéfices à court terme et à plus long terme.

A court terme, il s'agit essentiellement de lutter contre les symptômes dits climatériques de la période de péri-ménopause et ménopausique : irrégularité menstruelle, tension mammaire, variation de poids, variation d'humeur, fatigue, dépression, sécheresse vaginale, bouffées de chaleur, dysfonction sexuelle, troubles cutanés et phanériens ....

A plus long terme, le bénéfice porte essentiellement sur la prévention de l'ostéoporose et des fractures mais également sur la prévention de certaines maladies cardiovasculaires, de la maladie d'Alzheimer, de l'amélioration de certaines fonctions cognitives ainsi que d'une légère augmentation de l'espérance de vie.

II. CONTRE INDICATIONS ET PRECAUTIONS D'EMPLOI DU T.H.S

La notion de risque en épidémiologie se définit comme la probabilité qu'un sujet développe une maladie donnée pendant une période déterminée. Ce risque varie en fonction de la période d'étude, du sexe, de l'age et de l'origine géographique de cette personne ainsi que d'autres facteurs. Le THS prescrit au long court est accusé d'avoir un impact négatif et délétère sur les deux organes cibles que sont l'endomètre et le sein. En ce qui concerne l'endomètre, le problème semble actuellement résolu par l'association aux estrogènes de progestatif pendant une durée d'un minimum de douze jours. Une telle association semble protéger l'endomètre contre la survenue d'un éventuel cancer.

Il n'en est pas de même pour le sein car de nombreuses études semblent converger pour dire que la prescription d'un THS au-delà d'une dizaine d'années pourrait augmenter, d'une part, la fréquence de survenue du cancer du sein, d'autre part, la mortalité par cancer du sein. L'étude de l'incidence de la mortalité féminine après 55 ans montre très clairement que les femmes meurent beaucoup plus de maladies cardiaques et coronariennes (30%) que de fractures de hanche ou de cancer du sein (3%). Or, la plupart des études récentes montrent bien que les femmes sous THS ont un risque de maladie cardiovasculaire diminué de moitié. La survenue chez ces femmes de maladies ischémiques cardiaques est retardée d'une dizaine d'années par rapport aux femmes non traitées.

L'analyse de ces données et constatations pousse une première conclusion :

Toute femme atteignant l'age de la ménopause devrait se voir proposer à titre préventif un THS en l'absence de contre-indications formelles et nous y reviendrons. Or, passé cette première réaction, l'analyse plus fine des différents facteurs en cause amène à une deuxième conclusion qui est celle de la nécessité d'une adaptation individuelle du traitement.

1) POURQUOI INDIVIDUALISER LE THS ?

Il existe trois arguments principaux qui amènent à adapter individuellement le traitement de façon systématique :

- L'inégalité de chaque femme face au risque cardiovasculaire, au risque d'ostéoporose ou de cancer du sein.

- Le climat estrogènique différent pour chacune.

- Un abord psychologique personnel face à la ménopause, ses conséquences, ses risques, avec des désirs et des craintes différents pour chaque patiente.

Cette évidence impose l'obligation avant chaque prescription de THS d'évaluer l'ensemble des facteurs de risque pour chaque pathologie et pour chaque patiente. De cette évaluation précise dépendra la pertinence de la prescription du traitement.

- Le risque cardiovasculaire est évalué sur :

hypertension artérielle, dyslipidémie, hypertrophie ventriculaire gauche à l'électrocardiogramme, diabète, tabagisme, antécédents familiaux cardiaques. -- Le risque de fracture osseuse est évalué sur :

antécédents maternels de fracture du col fémoral, antécédents personnels d'hyperthyroïdie, utilisation à long terme des benzodiazépines, difficulté à se lever d'une chaise, rythme cardiaque au repos supérieur à 80 battements/minute, taille supérieure à 1,65 à l'age de 25 ans, capacité à auto-entretenir son corps et sa santé, chute de poids depuis l'age de 25 ans, altération de la densitométrie osseuse.

- Le risque de survenue d'un cancer du sein est évalué sur :

age de la ménarche et la ménopause, antécédents de pathologies bénignes du sein, age du premier accouchement et nombre d'enfants, antécédents familiaux proches de cancer du sein.

L'évaluation précise du risque une fois faite peut aboutir à la mise en place d'un "score" et certains sont disponibles dans la littérature mais, en général trop complexes pour être utilisés en pratique courante. Il est néanmoins tout à fait possible d'envisager un score simplifié utilisable en routine dont nous reparlerons par la suite. A côté de ces facteurs de risque classiques, il faut également considérer le "statut gynécologique" à un temps donné, pour une femme donnée. Il faudra ainsi apprécier pour chacune : l'importance de l'imprégnation estrogènique persistante (celle-ci existe quelques mois à quelques années après la ménopause confirmée), l'importance des troubles dits climatériques et d'hypoestrogénie, les antécédents personnels de mastose et de mastodynie ainsi que la sensibilité aux différents traitements hormonaux déjà subis tout au cours de la vie, l'existence ou non d'un utérus polyfibromateux, les antécédents de polypes endométriaux, d'adénomyose, d'endométriose, les antécédents de règles hémorragiques ou d'hémorragies génitales, l'existence d'un kyste fonctionnel ovarien.

Très rapidement, en général au décours de la deuxième consultation, le praticien, bilan en main aura apprécié les contre-indications au traitement, cerné la perception pour chacune du traitement hormonal et son désir d'y adhérer. Il aura élaboré avec chacune une stratégie et un rythme de surveillance.

Le bilan complet de départ :Examen gynécologique pelvien et mammaire, tension artérielle, poids, et taille, bilan lipidique et glucidique, échographie pelvienne, d'une mammographie avec échographie mammaire, densitométrie osseuse, frottis cervico vaginal et endométrial, servira de base comparative aux examens de surveillance ultérieurs obligatoires : analyse métabolique et glucidique tous les ans, mammographie tous les deux ans ou annuelle si risque personnel ou familial, échographie pelvienne tous les deux ans ou annuelle voire bi-annuelle si risque personnel (kyste ovarien fonctionnel, fibrome), frottis tous les ans, ostéodensitométrie fonction du niveau de base tous les trois à quatre ans ou plus rapprochée en cas d'ostéopénie.

2) LES CONTRE-INDICATIONS AU THS :

Ces contre-indications au THS évoluent rapidement en fonction des connaissances. En effet, les effets réels sur les organes-cibles, des estrogènes naturels, et des progestatifs restent encore très mal connus. L'appréciation du bénéfice et du risque du THS repose sur la bonne connaissance des mécanismes physiologiques de ces hormones. De cette connaissance dérive également la possibilité de mise au point de molécules spécifiques qui n'auraient que les avantages du traitement sans les inconvénients (SERM).

L'hormonothérapie substitutive de la ménopause actuelle utilise le 17 Béta estradiol ou des estrogènes conjugués équins associés à différents progestatifs. Historiquement, les contre-indications du TSH ont été calquées arbitrairement sur celles des contraceptifs oraux . De plus en plus d'éléments semblent indiquer que cette analogie est incorrecte car l'éthinyl estradiol ou les autres estrogènes de synthèse utilisés dans ces pilules ont des effets métaboliques différents des estrogènes naturels ou estrogènes conjugués équins utilisés dans le cadre du traitement de la ménopause. Certaines contre-indications classiques du THS se sont même transformées en réelles indications. L'un des exemples caractéristiques est celui des femmes à risque coronarien chez qui traditionnellement le traitement hormonal post-ménopausique était une contre-indication. Aujourd'hui, nous savons que si ces patientes ne doivent pas utiliser de contraceptifs oraux, elles peuvent tirer avantage d'une hormono-thérapie substitutive post-ménopausique. Un grand travail reste à faire concernant la validation des contre-indications admises au THS et du réel bénéfice apporté par ce traitement.

La liste des contre-indications actuelle au THS (« susceptible d'être révisée ») est la suivante:

Contre indications absolues :

-Tumeurs malignes du sein et de l'utérus

- Hémorragies génitales non diagnostiquées

- Tumeurs hypophysaires

- Lupus

- Porphyries

- Otospongiose

- Maladies thrombo emboliques artérielles ou veineuses

- Antécédents thrombo emboliques

- Affections cardiovasculaires : HTA, coronaropathies, valvulopathies, troubles du rythme thrombogènes

- Atteintes cérébro-vasculaires

- Insuffisance rénale

- Pathologie oculaire d'origine vasculaire

- Affections hépatiques sévères ou récentes

- Cholestase récurrente ou prurit récidivant lors d'une grossesse

- Galactorrhées et/ou aménorrhées avec hyperprolactinémie

Contre indications relatives :

- Tumeurs bénignes du sein et dystrophies utérines : hyperplasie - fibromes

- Endométriose

- Tabac

- Par mesure de prudence, la suspicion d'une complication thrombo embolique ou cardiaque doit faire arrêter le traitement : céphalées importantes et inhabituelles, troubles oculaires, HTA, maladie hépatique. Une surveillance attentive doit être exercée chez les patientes présentant : épilepsie, migraines, asthme, dépression, antécédents vasculaires ou de cancer du sein familiaux. La survenue de métrorragies doit faire rechercher une cause avant la poursuite du traitement. La prise d'inducteur enzymatiques hépatiques (barbituriques, anticonvulsivants, rifampicine, griséofulvine) peut altérer l'efficacité du traitement.

En conclusion, la classique analogie entre pilule contraceptive et hormonothérapie substitutive post-ménopausique semble erronée. L’identification des réelles contre-indications au THS passe par la mise en place d'études sérieuses randomisées prospectives et la meilleure connaissance du mode d’action des estrogènes et des progestatifs.

LES PRECAUTIONS D'EMPLOI :

Une fois instauré le THS, la surveillance de l'axe génital et mammaire doit être stricte et individualisée, garant d’une bonne compliance.

La surveillance porte sur ovaires, myomètre, endomètre, col, vagin, vulve et seins. Les moyens en sont : échographie-doppler couleur, scanner, IRM, l’hystérographie, les marqueurs plasmatiques, voire la coelioscopie. Les frottis et biopsies réalisés au moindre doute. L'hystéroscopie ambulatoire de réalisation aisée doit être un examen facilement demandé car très informatif, en particulier en cas de métrorragies sous traitement. L'échosonographie semble également se développer et représente une variante de l'échographie intéressante. Il est impératif de stopper un THS devant la moindre anomalie : image suspecte à la mammographie, métrorragies ou saignements inexpliqués, apparition d'une image inexistante auparavant. La reprise du traitement doit pouvoir se faire en toute sécurité. La survenue d'une symptômatologie thrombotique vasculaire ou de l'apparition d'un risque augmenté de thrombose doit faire arrêter le traitement.

QUI, QUAND, COMBIEN DE TEMPS ?

QUI TRAITER ? De façon très didactique et afin de pouvoir utiliser cette stratégie simplement en consultation de routine, nous considérons deux types de population féminine :

- Celle qui présente un risque cardiovasculaire important ou d'ostéoporose importante.

- Celle qui ne présente pas de risque de maladie cardiovasculaire ou d'ostéoporose.

1) Risque important de maladie cardiovasculaire ou d'ostéoporose :

Dans cette catégorie de patientes, deux cas de figures se présentent selon qu'il existe ou non des contre-indications au THS.

a) THS contre-indiqué : Pas de traitement hormonal. Choisir plutot les thérapeutiques spécifiques non hormonales adaptées à chaque risque.

b) THS non contre-indiqué : Dans ce cas précis, on peut considérer deux extrêmes : risque majeur du cancer du sein pour lequel le traitement hormonal sera contre-indiqué et un traitement spécifique non hormonal sera prescrit ; faible risque de cancer du sein pour lequel le THS pourra être prescrit. Entre ces deux extrêmes une multitude de cas de figures peut se présenter mettant en balance le plus ou moins grand risque de cancer avec le plus ou moins grand risque de maladie cardiovasculaire ou d'ostéoporose à long terme. L'appréciation de chaque cas sera laissé à la sagacité du thérapeute qui choisira le traitement qui lui parait le mieux adapté.

 

2) Pas de risque d'ostéoporose ou de maladie cardiovasculaire :

a) THS contre-indiqué : pas de traitement hormonal.

b) THS non contre-indiqué : là encore, deux cas extrêmes peuvent être individualisés : risque important de cancer du sein pour lequel le THS est contre-indiqué ; faible risque de cancer du sein pour lequel on prescrira un THS ou non selon le désir de la patiente.

La durée du traitement hormonal lorsqu'il est prescrit n'est, pour l'instant, pas défini sachant qu'il semblerait qu'au-delà de dix ans le risque au niveau du sein augmente.

QUAND TRAITER ? : Compte tenu d'une augmentation du risque avec le temps, il est vraisemblablement préférable de commencer le traitement le plus tard possible.

Au total, la survenue de la ménopause est un tournant majeur dans l'existence d'une femme. C'est souvent une période de conflits familiaux ou professionnels au cours de laquelle coexiste également souvent un ensemble de problèmes médicaux associés à une symptomatologie spécifique. La moyenne de vie de 32 ans après l'age de 50 ans explique et impose la notion de THS de la ménopause. Celui-ci doit se faire dans le respect des contre-indications et avec les précautions d'emploi qui définissent la bonne pratique médicale. Le but du traitement est d'améliorer la qualité de vie et de prévenir les effets secondaires de l'hypoestrogénie ainsi que de retarder les maladies secondaires au déficit de la sécrétion hormonale. Cependant et en tout état de cause, le THS n'est pas obligatoire. Son succès dépendra essentiellement du fait qu'il sera bien expliqué, bien accepté, bien toléré, bien adapté et bien monitoré. Le traitement doit être le résultat d'une réflexion ayant bien pesé bénéfices, alternatives et risques afin de n'apporter à la patiente que bien-être et bienfaits en s'abstenant de tout effet secondaire délétère voire dangereux ou irrémédiable.

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