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Titre: Nouvelles prises en charge des pathologies endometriales benignes
Année: 2000
Auteurs: - Dargent D.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Pathologies endométriales bénignes

Nouvelles prises en charge des pathologies endométriales bénignes

Professeur Daniel DARGENT

 

L’indication « ménorragie fonctionnelle  rebelle au traitement médical » ne représente, en France, qu’une frange minoritaire parmi les indications de l’hystérectomie. Ceci explique probablement que l’incidence annuelle des hystérectomies soit, en France, trois fois plus faible qu’aux Etats Unis et au Royaume Uni. Ces bases étant posées, on peut néanmoins dire que les hystérectomies sont trop nombreuses et qu’on pourrait en faire baisser le nombre si on prenait en charge plus efficacement les ménorragies rebelles. Il faut également chercher à diminuer le nombre des opérations hystéroscopiques qui ne sont pas sans danger. Les deux nouvelles techniques conservatrices apparues récemment sur le marché, le dispositif intra utérin au Levonorgestrel (DIU-LNG) et le thermoballon, s’ajoutant aux thérapeutiques médicamenteuses plus anciennement éprouvées, devraient permettre d’arriver à un tel résultat.

Avant d’entrer dans le vif du sujet et de proposer un arbre de décision, il est nécessaire de revenir sur la définition des pathologies endométriales bénignes et de l’hyperménorrhée qui en est la conséquence. En l’absence d’une définition précise du syndrome, toutes les dérives sont en effet possibles.

1 – Qu’est-ce qu’une hyperménorrhée ?

L’hyperménorrhée se définit par l’abondance excessive des règles. La durée des règles peut être normale ou prolongée (on parle dans ce cas de polyménorrhée). La périodicité des règles peut être normale ou raccourcie (on parle en ce cas de pollakyménorrhée). La patiente sera évidemment d’autant plus gênée qu’à son hyperménorrhée s’ajoute une polyménorrhée et/ou une pollakyménorrhée. Mais sur le plan médical strict seule compte l’abondance totale de l’écoulement sanguin périodique.

Contrairement aux apparences, rien n’est plus difficile à cerner que le concept clinique d’hyperménorrhée. Telle femme qui consulte pour anémie microcytaire et/ou carence martiale sévère et déclare avoir des règles normales se révèlera objectivement avoir des saignements dont l’abondance est, par rapport à la normale, multipliée par deux, trois, quatre ou d’avantage. A l’inverse, et beaucoup plus souvent, telle femme dont les règles sont d’une abondance objectivement normale peut venir se plaindre de saigner de façon cataclysmique. Le vécu ne correspond pas toujours à la réalité et si on prend le récit des femmes pour argent comptant on risque, plus de deux fois sur trois, de s’engager dans une démarche dont le terme ultime … risque d’être l’hystérectomie !

L’évaluation objective de l’abondance de l’écoulement menstruel peut se faire en utilisant une méthode flurorimétrique ou une méthode radio-isotopique. Cette dernière est plus précise et plus simple, pour les laboratoires du moins qui sont autorisés à manipuler des radio-isotopes. On injecte quelques jours avant la date présumée des règles une petite quantité de globules rouges extraits d’un échantillon de sang prélevé au pli du coude et marqués au chrome 51. La patiente, à la fin de ses règles, apporte au laboratoire la totalité des protections qu’elle a utilisées. Ces protections sont incinérées et on mesure la radio-activité des cendres en même temps que la radio-activité d’un nouvel échantillon de sang prélevé au pli du coude. Une simple règle de trois permet ensuite de calculer au millilitre près la quantité du sang perdu pendant les règles.

L’étude transversale de longue série de sujets (1) a démontré que 90 % des femmes perdaient moins de 80 ml de sang au cours de leur période menstruelle. On considère en conséquence que tout saignement supérieur à 80 ml correspond à une hyperménorrhée. L’application de la règle du dixième percentile recoupe parfaitement la réalité clinique. On sait en effet (1) que 30° % environ des femmes adultes présentent une anémie et/ou une carence martiale (hémoglobine inférieure à 120 g/litre et fer inférieur à 80 µg pour 100 ml). Quand l’abondance des règles est supérieure à 80 ml, 70 % des femmes sont anémiques et 45 % des femmes présentent une carence martiale.

Si on veut éviter de traiter à tort des hyperménorrhées qui n’en sont pas, faut-il demander une détermination isotopique à toutes les femmes qui consultent pour ménorragies ? Non bien sûr. Le coût de l’examen est modeste ( 75 Euros environ).

Mais la collection des protections menstruelles est déplaisante et il ne faut recourir à la quantification isotopique que dans les cas où elle apparaît vraiment indispensable.

2 – Quels sont les cas où il faut demander la quantification biologique de l’écoulement menstruel ? Place des scores visuels.

Nonobstant les considérations développées plus haut, il existe un grand nombre de femmes dont l’interrogatoire est suffisamment clair pour qu’on puisse s’abstenir de recourir à la biologie. Encore faut-il savoir poser les bonnes questions. Ces questions portent sur le mode de vie pendant la période menstruelle. Certaines femmes sont, pendant cette période, obligées d’annuler un certain nombre d’activités sportives, mondaines ou autres. A l’extrème, certaines annulent toutes sorties. Beaucoup sont obligées, pendant la nuit du deuxième jour spécialement, de doubler les protections qu’elles utilisent et d’y ajouter une serviette éponge quand ce n’est pas une alèse entre le drap et le matelas. Il n’est pas douteux que ces femmes sont atteintes d’une authentique hyperménorrhée.

Quand l’interrogatoire n’est pas convaincant, les « scores visuels » peuvent rendre service (2-3). On sait que le compte des protections utilisées pendant la période menstruelle n’a, en lui-même, aucune valeur informative. Il est des femmes obsessionnelles qui se changent dès qu’elles perçoivent l’extériorisation d’un écoulement même minime. Il en est d’autres qui sont négligentes. Si on demande à la patiente de compter les protections qu’elle utilise en en évaluant le degré de souillure (figure 1), on obtient une précision dont les comparaisons avec la biologie ont démontré qu’elle était très grande. Pour un score supérieur à 100, le volume des règles est supérieur à 80 ml dans plus de 80 % des cas. Et quand l’abondance des règles est supérieure à 80 ml, le score est supérieur à 100 dans plus de 80 % des cas.

Dans la grande majorité des cas, l’interrogatoire complété ou non par le score visuel suffisent à emporter la conviction. Mais si on a un doute, il ne faut pas hésiter à demander une évaluation biologique. Ces évaluations ont un coût et représentent une contrainte. Mais ce coût et cette contrainte sont beaucoup moins importants que ceux des traitements médicaux qu’on pourrait prescrire à tort et qui ont toute chance d’échouer… ce qui risque finalement d’aboutir à une indication chirurgicale abusive.

3 – Comment, parmi les hyperménorrhées authentiques, sélectionner les hyperménorrhées fonctionnelles ?

La distinction entre hyperménorrhée organique et hyperménorrhée fonctionnelle n’est pas aussi simple qu’il y paraît à première vue. Certaines femmes porteuses de fibromes plus ou moins volumineux, facilement perçus à l’examen clinique, présentent une hyperménorrhée qui n’est pas liée aux lésions elle mêmes mais à l’hyperplasie de l’endomètre qui les accompagne. Le traitement médical peut, en pareille circonstance, être efficace. A l’inverse, certaines femmes dont l’utérus paraît normal saignent parce qu’elles sont en réalité atteintes d’une adénomyose ou d’une leiomyomatose infraclinique. Le traitement médical ne donnera aucun résultat. Les examens paracliniques, dans un cas comme dans l’autre, s’imposent. L’hystérographie était autrefois l’examen clé. Elle est remplacée aujourd’hui par l’échographie et l’hystéroscopie. La question se pose de l’ordre dans lequel il faut mettre en œuvre les deux examens.

L’échographie doit être systématique. Elle permet de détecter la plupart des lésions organiques occultes qui sont causes de saignement. Les nodules leiomyomateux ne lui échappent pas, même s’ils sont petits. L’examen permet par ailleurs d’évaluer la relation anatomique entre la lésion et la cavité utérine. En cas de doute, le contraste liquidien augmente la précision du diagnostic topographique. On sait que les polypes fibreux intra cavitaires et les myomes sous muqueux, même s’ils sont peu volumineux, sont source de saignements abondants. Ces saignements ne répondent pas aux traitements médicaux car ils sont liés à « l’effet corps étranger ». Concernant l’adénomyose, la valeur de l’échographie est moins grande. Les signes directs (micro-images anéchogènes au sein du myomètre) sont rarement mis en évidence. Mais l’épaississement du myomètre n’échappe pas à l’examen et l’adénomyose en est, à partir d’un certain âge, l’explication la plus fréquente.

L’autre rôle de l’échographie est d’évaluer la muqueuse utérine. Les polypes muqueux, surtout si on sait se servir du contraste liquidien, n’échappent pas à l’examen. On rappelle que cette pathologie est au départ une pathologie fonctionnelle. Mais l’individualisation des polypes muqueux transforme cette pathologie fonctionnelle en une pathologie organique. La correction du déséquilibre hormonal causal (alutéinies-hypoluténies) ne guérit pas les symptômes et le traitement chirurgical (endométrectomie) est indispensable. Dans les hyperplasies non polypoïdes, le traitement médical est efficace y compris dans les cas où existent des lésions organiques associées. Mais aussi précise soit-elle, l’échographie ne peut suffire. Sa valeur prédictive négative est excellente. Sa valeur positive est également très bonne. Mais il est impossible de dire, si on est en présence d’une lésion intra-cavitaire, si cette lésion est un polype fibreux ou un polype muqueux. Il est impossible également, si on est en présence d’une hyperplasie, de savoir si cette hyperplasie est une hyperplasie simple ou une hyperplasie atypique.

Les indications de l’hystéroscopie (figure 2) procèdent des insuffisances de l’échographie. Si l’ échographie est parfaitement normale (pas de leiomyomatose, pas d’adénomyose, pas d’hyperplasie de l’endomètre), on peut directement prescrire le traitement médical. Dans le cas contraire, il faut faire une hystéroscopie qui ne se conçoit que complémentée par la biopsie d’endomètre. Cette biopsie peut être une biopsie « orientée ». Il faut pour la réaliser disposer d’un canal opérateur. Ce n’est pas très commode. Nous préférons, après avoir exploré la cavité utérine avec l’endoscope, introduire une canule de Karman de calibre 3 ou 4, brancher sur cette canule une seringue de 50 ml et faire une abrasion aspirative de l’endomètre dont le résultat est contrôlé par un deuxième coup d’œil hystéroscopique.

4 – Quels sont les médicaments actifs sur les hémorragies fonctionnelles ? Comment les utiliser ?

La question posée peut apparaître puérile. Tous les gynécologues et tous les omnipraticiens savent en effet que l’hyperménorrhée se traite par les progestatifs et/ou les oestroprogestatifs. Ce réflexe conditionné téléguidé depuis des lunes par les compagnies qui distribuent des molécules en question est nocif. Les progestatifs et les oestroprogestatifs utilisés sans discernement ne sont en effet pas les médications les plus actives. C’est ce que prouve la méta-analyse pilotée par l’unité de recherche du Collège Royal des Praticiens anglais et publiée en 1995 (4).

Les experts anglais se sont basés,  pour rendre leurs conclusions, sur 30 essais publiés entre 1967 et 1995. Ces essais ne sont pas méthodologiquement uniformes (critères d’inclusion, durée des suivis). Mais tous ou presque sont basés sur une évaluation objective de l’écoulement menstruel et de son évolution sous l’effet des traitements administrés. Il apparaît (figure 3) que le Danazol est le plus efficace de tous les médicaments. La Norethisterone, en revanche, est en queue de peloton. Elle n’est pas plus efficace que les placebo. Or, elle est mal supportée. Mais le Danazol l’est encore plus. On objectera que le Danazol et les progestatifs du groupe Oestrane ne sont pas les seuls médicaments qui puissent être utilisés. Les Norpregnanes dont nous sommes si fiers de disposer en France auraient la même efficacité sans avoir d’effet délétère. Mais aucun essai prospectif et randomisé n’a jamais été publié concernant leur utilisation dans le traitement des ménorragies fonctionnelles. La pratique clinique, en fait, démontre que les progestatifs, quelle qu’en soit la nature (y compris les progestatifs du groupe Oestrane) sont presque toujours efficaces quand on utilise un protocole bloquant l’axe hypothalamo hypophyso ovarien. Mais, quand on les utilise de cette façon, ils sont, quelle qu’en soit la nature (y compris les progestatifs du groupe Norpregnane), relativement mal tolérés. Mieux vaut, en première intention en tout cas, utiliser les anti-fibrinolytiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Les anti-fibrinolytiques réduisent le processus de fibrinolyse lié à la transformation du plasminogène en plasmine sous l’effet des activateurs du plasminogène présents en grande quantité dans l’endomètre. Ils réduisent de ce fait l’importance du saignement. Le médicament le plus utilisé est l’acide tranéxamique. La méta-analyse anglaise montre que son efficacité est presque identique à celle du Danazol. Les effets secondaires sont nuls ou hypothétiques. On craignait une augmentation du risque d’accident thrombo embolique. Rybo (5) à partir d’une population de 238 000 femmes traitées à pu démontrer qu’il n’en était rien.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, en rétablissant le ratio prostaglandine E 2 – prostaglandine F 2 et le ratio prostacycline – thromboxane, corrigent un déséquilibre qui est commun chez les femmes présentant des ménométrorragies idiopathiques. On obtient en conséquence une réduction significative de l’abondance de l’écoulement menstruel. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, certes, ne peuvent pas être prescrits à tout le monde. Mais si on respecte les contre-indications et si on prescrit des cures courtes (trois à cinq jours), la tolérance est en règle générale excellente. Les douleurs qui accompagnent volontiers les hyperménorrhées sont, de plus, soulagées.

Le traitement médicamenteux des hyperménorrhées fonctionnelles doit finalement être un traitement adapté. Si la muqueuse utérine a une épaisseur normale (échographie), c’est aux anti-fibrinolytiques et aux anti-inflammatoires qu’il faut recourir en première intention. Si la muqueuse utérine est épaissie et si l’examen histologique prélevé au moment opportun démontre qu’existent des signes d’insuffisance lutéale, c’est aux progestatifs qu’il faut s’adresser. C’est seulement en cas d’échec de ce traitement spécifique qu’il faudra recourir au blocage de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien en utilisant soit le Danazol soit les progestatifs soit les oestro-progestatifs. Une telle politique devrait permettre de restreindre les indications des interventions plus complexes : insertion d’un DIU-LNG et utilisation du thermoballon.

5 - Qu’est-ce que le dispositif intra-utérin au Levonorgestrel (DIU-LNG) et comment çà marche ?

Le DIU-LNG a été mis au moins au début des années 1970 en tant qu’alternative au DIU « inerte » pour la contraception. Il s’est avéré plus efficace que le DIU inerte et aussi efficace que le DIU au cuivre (6). De plus, l’abondance de l’écoulement menstruel qui, chez les personnes porteuses d’un dispositif intra-utérin, est en moyenne multiplié par deux, se trouvait au contraire significativement diminué. On a donc immédiatement pensé à utiliser le nouvel appareil pour le traitement des ménorragies.

C’est en réduisant l’épaisseur de l’endomètre que le DIU-LNG diminue l’abondance de l’écoulement menstruel. L’appareil actuellement disponible contient 52 mg de Levonorgestrel inclus dans le bras vertical du dispositif qui est un bras creux à membrane poreuse laissant diffuser 20 µg de Levonorgestrel par 24 heures. L’efficacité de la méthode a été démontrée par dix études contrôlées publiées entre 1978 et 1998.

L’étude de Lähteenmäki (7) et collaborateurs porte sur 56 malades envoyées pour hystérectomie dans les service de gynécologie de trois hôpitaux finlandais. Ces femmes étaient âgées de 33 à 49 ans. Elles suivaient un traitement pour hyperménorrhées et l’échographie avait démontré qu’il n’y avait pas de cause organique. La population a été, par tirage au sort, séparée en deux. Pour 28 malades, on a inséré un dispositif intra-utérin. Pour 28 malades, on a poursuivi le traitement médical. Après six mois, 24 des 28 malades du « bras-contrôle » ont demandé que soit réalisée l’hystérectomie initialement programmée. Parmi les 28 malades appareillées avec un DIU-LNG, 10 seulement ont demandé à subir l’intervention. La différence (85,7 % versus 37,5 %) est hautement significative (P inférieur à 0,01). Il est intéressant de noter que l’abondance du saignement menstruel est significativement diminuée chez les femmes appareillées (échelle visuelle), mais que le nombre de jours de spotting est significativement augmenté. Les patientes doivent être averties de ce deuxième phénomène en leur indiquant qu’il s’estompe avec le temps (on passe de dix jours par mois au deuxième mois à deux jours par mois après le dixième mois).

L’essai de Crosignani (8) est basé sur le même rationnel dans le sens où les patientes incluses étaient des patientes référées à la Clinique Luigi Mangiaglli de Milan pour hystérectomie après échec d’un traitement médical prescrit pour ménorragies fonctionnelles. Le score visuel était de 100 ou davantage. L’examen clinique, l’échographie et l’hystéroscopie avec biopsie d’endomètre n’avaient montré aucune lésion organique. La randomisation a affecté 35 de ces patientes à l’insertion d’un DIU-LNG et 35 patientes à la résection hystéroscopique de l’endomètre. Les résultats ont été évalués après un an. Dans le bras DIU-LNG, on a dû faire quatre hystérectomies. Dans le bras endométrectomie, on en a fait trois. L’essai italien, après l’essai finlandais qui démontrait que le DIU-LNG pouvait être proposé comme alternative à l’hystérectomie quand le traitement médical faisait poser l’indication d’une telle opération, démontre que ce DIU-LNG est aussi efficace que l’endométrectomie chez les patientes qui sont dans la même situation.

6 – Qu’est ce que le thermoballon et comment çà marche ?

C’est en 1990 (9) qu’a été proposé de traiter les patientes atteintes d’hyperménorrhée fonctionnelle en réalisant une thermocoagulation de l’endomètre sans recourir à l’hystéroscopie. Le premier dispositif intra-utérin de ce type était un appareil à électrodes multiples qu’on stimulait alternativement (9-10). Le système proposé par Neuwirth (11) est plus simple et, de ce fait, plus populaire. Le principe en est de chauffer la surface de la cavité utérine sans créer au niveau de la séreuse une hyperthermie dangereuse. L’appareil de Neuwirth a été, selon la bonne tradition américaine, testé sur des mexicaines et sur des européennes candidates à l’hystérectomie et il a été montré qu’il était possible de détruire les tissus sur une épaisseur de 4 millimètres sans atteindre des températures critiques au niveau de la séreuse.

Le dispositif intra-utérin imaginé par Neuwirth est un ballon qu’on introduit vide et qu’on remplit de Dextrose à 5 % jusqu’à obtenir une pression de 160 à 170 millimètres de mercure. On chauffe ensuite le liquide en activant une électrode centrale permettant de hausser la température au niveau de 87°C. L’intervention dure huit minutes. Le ballon est relié à un appareil « compact » qui permet de faire l’injection et le chauffage avec un triple monitorage (pression, température et temps). Il est possible d’opérer sous analgésie para-cervicale. Mais la plupart des opérateurs préfèrent utiliser l’anesthésie péridurale ou l’anesthésie générale. Quel que soit le mode d’anesthésie choisi, il est recommandé d’administrer avant l’intervention un anti-inflammatoire non stéroïdien qui permettra de diminuer les crampes douloureuses post-opératoires.

On dispose aujourd’hui de séries importantes permettant d’évaluer l’efficacité du thermoballon. Parmi les essais contrôlés non randomisés publiés dans la littérature, on relève l’essai français de Fernandez (13) portant sur 50 patientes, l’essai canadien de Vilos (14) portant sur 122 patientes et l’essai européen de Amso (15) portant sur 300 patientes. On dispose également de quatre essais prospectifs et randomisés qui ont été présentés récemment dans des congrès et qui sont en voie de publication.

L’essai de Grainger et collaborateurs présenté au Congrès de l’American Society of Reproductive Medicine qui s’est tenu à New York en 1997 est le plus important des essais à disposition. Il s’agit d’une étude prospective et randomisée portant sur 275 patientes. Toutes étaient atteintes d’hyperménorrhée sévère (score visuel supérieur à 150). Aucune n’avait été préalablement traitée. Le tirage au sort a assigné les patientes soit au traitement par le thermoballon, soit au traitement par l’ablation endométriale sous hystéroscopie (roller ball). Les résultats ont pu être évalués à douze mois pour 105 patients. L’abondance du saignement menstruel et significativement plus faible après ablation endométriale sous hystéroscopie (19,4 contre 38,5). Mais si on définit le succès par un score visuel inférieur à 75 il n’y a aucune différence entre les deux méthodes thérapeutiques. La différence la plus marquée entre les deux séries concerne la durée de l’intervention qui est inférieure à 30 minutes dans 71 % des cas quand on utilise le thermoballon contre 28.6 % quand on fait l’ablation endométriale sous hystéroscopie.

L’essai présenté par Bongers et Brolman devant le Congrès de la Société Européenne d’Endoscopie Gynécologique en 1997 vient tempérer un peu les évaluations très optimistes faites par les auteurs précédemment cités. Dans cet essai, on a comparé l’efficacité de la technique standard avec l’efficacité d’un « double chauffage » (deux fois huit minutes). Il apparaît que le double chauffage est plus efficace. Le nombre de patientes dont les règles sont absentes diminuées ou normales trois mois après l’intervention est de 72 % après double chauffage contre 48 % après simple chauffage. On est loin des 90 % affichés par la plupart des auteurs précédemment cités. L’étude de Bongers et Brolman apporte une explication aux échecs de la technique standard. L’évaluation hystéroscopique pratiquée entre les deux chauffages successifs leur a en effet montré que la face postérieure de l’utérus était, après un chauffage unique, moins altérée que la face antérieure. Ainsi s ‘expliqueraient les échecs dont la fréquence est probablement plus grande que celle annoncée par les promoteurs.

7 – Comment insérer le DNI-LNG et le thermoballon dans la prise en charge des hyperménorrhées fonctionnelles ? Que faire en cas d’échec ?

L’objectif ultime dans le traitement des hyperménorrhées fonctionnelles est d’obtenir le meilleur résultat en terme de satisfaction de la patiente au meilleur prix en terme de coût pour la société. Dans cet optique, il est clair qu’on doit chercher à diminuer le plus possible la fréquence des opérations chirurgicales.

Le DIU-LNG et le thermoballon méritent aujourd’hui d’être utilisés comme méthodes de premier choix. Les études dont il a été fait mention précédemment prouvent que leur efficacité se situe au même niveau que celle de l’endométrectomie hystéroscopique. Le DIU-LNG coûte 120 Euros environ. Son insertion se fait en ambulatoire. Sa durée d’action est de cinq ans. Le thermoballon coûte 450 Euros environ. Il faut pour l’insérer faire une anesthésie, à tout le moins une anesthésie péricervicale. Une hospitalisation, ne serait-ce qu’une hospitalisation de jour, est indispensable. Le choix concernant l’ordre dans lequel les deux méthodes doivent être essayées apparaît assez simple : DIU-LNG d’abord et thermoballon pour les échecs du DIU-LNG seulement. C’est ce qu’illustre l’algorythme montré en figure 4.

En cas d’échec du DIU-LNG et/ou du thermoballon, l’endométrectomie sous hystéroscopie apparaît, à s’en fier à la plupart des experts, comme la solution élective. Elle dure moins longtemps que l’hystérectomie et elle coûte moins cher (16-18). Mais depuis que se sont développées les méthodes moins agressives (DIU-LNG et thermoballon), les complications per et post opératoires dont on ne parlait guère sont aujourd’hui mises en avant de même que la médiocrité du vécu des suites.

Dans la série publiée par O’Connor (19) en 1996, on relève que le taux des complications per opératoires est de 6 % pour les procédures réalisées en première intention et de 15 % pour les procédures itératives. Ces complications incluent la surcharge liquidienne, les hémorragies, les perforations utérines, les lésions des viscères et des vaisseaux pelviens. Plusieurs morts ont été signalées dans la littérature. Le « Mistletoe audit » (20) qui porte sur 10 000 opérations hystéroscopiques avec un suivi d’au moins six semaines (90 % des cas) chiffre le taux des complications per opératoires et post-opératoires immédiates à 7,2 %. L’étude prospective et randomisée publiée en 1997 par O’Connor (21) confirme toutes ces notions. L’opération dure moins longtemps que l’hystérectomie (31 minutes au lieu de 66). Mais les complications per et post opératoires sont d’une fréquence égale.

Sur le plan du vécu post-opératoire à moyen et à long terme, on pensait initialement que l’endométrectomie, parce qu’elle laissait en place l’utérus dont on sait l’importance dans le « schéma corporel féminin », serait mieux vécue à moyen et à long terme que ne l’est l’hystérectomie. Trois essais prospectifs et randomisés (16-22-23) ont montré qu’il n’en était rien, bien au contraire. L’essai de Crosignani (23) est le dernier en date. Il porte sur 85 malades adressées à la Clinique Luigi Mangiagalli de Milan pour hystérectomie. Toutes étaient des femmes de moins de 50 ans présentant une hyperménorrhée fonctionnelle. Le tirage au sort en a assigné 41 pour l’endométrectomie et 44 pour l’hystérectomie vaginale. Les taux de satisfaction ont été calculés à différentes dates des suites post opératoire. A deux ans, les scores d’anxiété et de dépression étaient significativement plus bas chez les patientes soumises à l’hystérectomie. Les scores de satisfaction sexuelle étaient les mêmes dans les deux groupes. Les scores de qualité de vie étaient significativement plus élevés chez les femmes hystérectomisées. Globalement, 95 % des femmes hystérectomisées se déclaraient satisfaites contre 87 % des femmes soumises à l’endométrectomie sous hystéroscopie. Les mêmes résultats statistiquement significatifs avaient été observés dans les deux études (22-23) publiées avant l’étude italienne.

Les données rapportées dans la littérature pourraient inciter à proposer systématiquement l’hystérectomie vaginale de préférence à l’endométrectomie. Ce serait un abus. Il faut tenir compte de la durée opératoire diminuée et du coût également diminué et privilégier l’endométrectomie dans tous les cas où elle est susceptible de donner satisfaction. La sélection doit, à notre sens, se faire sur l’existence ou non de douleurs accompagnant le syndrome d’hyperménorrhée. Il a en effet été démontré (16) que la persistance ou l’aggravation des douleurs était la cause principale de l’insatisfaction des femmes soumises à l’endométrectomie hystéroscopique. En conséquence, on peut, comme le suggère la figure 4, choisir les indications en fonction de l’interrogatoire. S’il n’existe pas de douleur pelvienne, l’endométrectomie peut être tentée. Dans le cas contraire, il vaut mieux choisir l’hystérectomie vaginale.

Les considérations sur les indications respectives de l’endométrectomie hystéroscopique et de l’hystérectomie vaginale trouvent une confirmation dans l’estimation des effets qu’ont eu la diffusion des méthodes endoscopiques au niveau de l’incidence annuelle des opérations chirurgicales (24). Contrairement à ce qu’on pouvait espérer, en même temps qu’augmentait l’incidence annuelle des opérations endoscopiques, l’incidence des hystérectomies n’a pas diminué. Le nombre d’interventions chirurgicales, en conséquence, a augmenté (figure 5). C’est la dérive qu’il faut éviter.

 

CONCLUSIONS

 

Les nouveaux systèmes de prise en charge des hémorragies utérines fonctionnelles sont extrèmement séduisants et leur utilisation est en théorie susceptible de faire baisser le nombre des interventions chirurgicales (hystérectomies et opérations conservatrices faites sous hystéroscopie). Mais il faut à tout prix éviter que se reproduisent les faits qui ont été observés après l’introduction des méthodes hystéroscopiques qui n’ont nullement fait baisser le nombre des opérations chirurgicales : aux hystérectomies dont le nombre n’a pas baissé, se sont ajoutées des opérations endoscopiques dont les coûts sont certes inférieurs à ceux de l’hystérectomie mais dont les dangers sont identiques.

Si on veut éviter les dérives, il convient en premier lieu de limiter la prise en charge thérapeutique aux patientes qui présentent d’authentiques ménorragies. Il faut recourir souvent au score visuel. Il ne faut pas hésiter, en cas de doute, à demander la quantification biologique. Il faut aussi utiliser les médicaments à bon escient. Si la lutéinie ou l’hypolutéinie sont les causes du syndrome, les progestatifs doivent être utilisés. Mais dans tous les autres cas c’est aux antifibrinolytiques et aux AINS qu’il faut recourir. D’où la nécessité de recourir largement à la biopsie d’endomètre avant de prendre la décision thérapeutique.

Le DIU-LNG et le thermoballon sont à utiliser électivement chez les patientes dont les symptomes résistent aux traitements médicamenteux. Autant était-il inacceptable de recourir au traitement hystéroscopique sans avoir fait l’essai loyal de ces traitements médicamenteux, autant peut-on tolérer que le jugement final ne soit pas repoussé trop longtemps si l’alternative est représentée par l’une ou l’autre des méthodes nouvelles. Le thermoballon étant plus cher parce que l’appareil est plus cher et qu’une hospitalisation (fut-ce de jour) s’impose, c’est par l’essai du DIU-LNG qu’il faut commencer. Le thermoballon doit être réservé aux échecs du DIU-LNG.

BIBLIOGRAPHIE

 

1 – HALLBERG L , HOGDAHL AM, NILSSON L, RYBO G. Menstrual blood loss. A population study variation at different ages and attrempts to define normality. Acta Obst. et Gynec. Scandinav. 1966 ; 45 : 320.

2 - HIGHA M J. O’BRIEN S, SHAW RW. Assessment of menstrual blood loss using a pic chart. Br.J. Obstet. Gynaecology, 1990 ; 97 : 734.

3 – JANSSEN CAH, SCHOLTEN PC, HEINTZ PM. A simple visual assessment technique to discriminate between menorrhagia and normal menstrual blood. Obstetrics & Gynécology, 1995 ; 85 : 977.

4 – Effective Health Care

The management of menorrhagia

Churchill Livingstone London – August 1995 N° 9

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