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Titre: Les pilules : 50, 30, 20 mcg d'éthinyl-estradiol, et après ?
Année: 1995
Auteurs: - Rozenbaum H.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Contraception

Chapitre 1

Les pilules : 50, 30, 20 mcg d'éthinyl-estradiol, et après ?

H. ROZENBAUM

introduction

L'éthinyl-estradiol (e.e.) constitue à l'heure actuelle le seul estrogène contenu dans les contraceptifs oraux (c.o.).

Depuis l'apparition des premiers c.o., leur contenu en estrogène a considérablement diminué : 100 à 150 mcg/comprimé initialement, 50 mcg par la suite, 20 à 30 mcg d'e.e. dans les "minipilules" actuelles.

I pourquoi une telle évolution

1. Raisons d'ordre épidémiologique

Le risque de thrombose vasculaire pendant la prise d'un c.o. est essentiellement attribué aux estrogènes de synthèse qu'ils contiennent.

Lors de l'apparition des premiers c.o. lourdement dosés en estrogènes, la constatation de quelques cas d'accidents thrombo-emboliques suscita la mise en route d'études épidémiologiques systématiques. Celles-ci aboutirent à la constatation d'une élévation du risque de thrombose, avec ou sans embolie pulmonaire, chez les utilisatrices de contraceptifs oraux par rapport à une population témoin.

Deux phénomènes importants survinrent par la suite :

- La constatation que, faute de moyens diagnostiques perfectionnés, le Doppler n'existait pas à cette époque, le diagnostic de thrombose veineuse était souvent établi en excès dès que le médecin savait la femme sous c.o. (2);

- La nette diminution de la posologie d'estrogènes contenus dans les c.o., s'accompagnant d'une chute drastique du nombre de phénomènes thrombotiques ou thrombo-emboliques.

Ce phénomène, constaté dès la publication princeps d'Inman et coll. (9) en 1970 avec des posologies d'estrogènes de 150 à 50 mcg/cp provoqua le retrait des c.o. contenant plus de 50 mcg d'estrogènes par comprimé.

Il s'ensuivit une nette diminution de fréquence des accidents thrombo-emboliques (4) (cf. fig. 1).

Il n'existe malheureusement pas d'études épidémiologiques comparant des utilisatrices de c.o. dosés à moins de 50 mcg d'e.e./cp à des femmes-témoins : étant donné la rareté des accidents observés, un tel travail impliquerait un nombre trop important de sujets d'études pour être réalisable.

On constatera toutefois sur la fig. 1 que le nombre d'accidents vasculaires rapportés en Suède chez les utilisatrices de c.o. diminua nettement lorsqu'apparurent les c.o. minidosés en e.e.

D'autre part, lors d'une étude de cohorte portant sur 200 000 femmes, Gerstman et coll., en 1991 (6), ont pu comparer le risque relatif d'accident thrombotique veineux en fonction du contenu en e.e. des c.o. : ce dernier s'avéra plus faible chez les utilisatrices de c.o. contenant moins de 50 mcg d'e.e./cp : 1 contre 1,5 avec les produits dosés à 50 mcg et 1,7 avec ceux encore plus lourdement dosés.

2. Raisons d'ordre métabolique

L'e.e. contenu dans les c.o. induit de discrètes modifications de certains facteurs de la coagulation.

Sans entrer dans le détail des nombreuses études effectuées sur ce sujet, on peut résumer la situation ainsi :

- Les modifications observées concernent à la fois certains éléments de la cascade de la coagulation et des facteurs favorisant au contraire la fibrinolyse. Discrètes, ces modifications s'équilibrent en principe et ne retentissent pas sur le risque de thrombose;

- Ces modifications sont dose-dépendantes (5), et par conséquent beaucoup plus discrète avec les c.o. faiblement dosés en estrogènes.

Il en est de même des modifications d'autres paramètres métaboliques provoquées par l'e.e. :

- Synthèse hépatique des protéines,

- Métabolisme des glucides.

Citons à ce propos le récent travail de Basdevant et coll. (3) étudiant 58 femmes en bonne santé réparties de façon randomisée en deux groupes :

- L'un traité par l'association de 150 mcg desogestrel (Dg) + 30 mcg e.e.,

- L'autre recevant 150 mcg Dg + 20 mcg e.e.

Les auteurs n'observent aucune différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne les lipides: il se produisit une élévation des triglycérides, du HDL cholestérol et de l'apolipoprotéine A1, les taux de cholestérol total et d'Apo B demeurant inchangés.

Avec le c.o. dosé à 30 mcg d'e.e. la glycémie à jeun s'éleva légèrement au 3ème cycle, alors qu'elle ne se modifia pas avec le produit dosé à 20 mcg. Au 6ème cycle, les glycémies étaient normales dans les deux groupes.

L'insulinémie s'éleva légèrement dans les deux groupes.

L'activité anti-thrombine III et l'antigène anti-thrombine III diminuèrent légèrement mais de façon significative dans le groupe prenant 30 mcg e.e. alors qu'aucune modification ne se produisit avec 20 mcg.

Une légère augmentation du plasminogène fut observée de façon similaire dans les deux groupes.

Les taux de protéine S et de fibrinogène ne furent modifiés qu'avec 30 mcg e.e.

Les taux de SBP et de CBG s'élevèrent de façon sensiblement identique dans les deux groupes. En revanche l'élévation du substrat de la rénine fut nettement plus important avec 30 qu'avec 20 mcg e.e.

Il existe donc manifestement une différence entre les effets métaboliques observés avec 30 ou avec 20 mcg e.e.

Des préparations contenant 15 mcg d'e.e./cp sont actuellement à l'étude. Il n'est pas évident qu'une diminution de 5 mcg d'e.e. se traduise par des avantages décisifs, et il est possible que la fréquence des saignements par thérapeutique s'élève avec de tels c.o.

II utilisation du 17 ß estradiol (e2) en contraception

Diminuer la posologie de l'e.e. contenu dans les c.o. est certainement utile, ce produit étant le principal responsable du risque vasculaire encouru par les utilisatrices, et un effet-dose étant désormais admis. Toutefois le vrai progrès serait de substituer à l'e.e. du 17 §E2.

Les premières tentatives d'utilisation d'un contraceptif oral contenant du 17 ßE2 datent des années 77-80 : 4 mg de 17 ßE2 étaient alors associés à un progestatif de synthèse de 1ère génération, la norethindrone (1-12). Puis de timides essais furent tentés avec le norgestrel (7). Mais il ne s'agissait pas réellement de produits mis au point pour la contraception, mais d'une modification d'un séquentiel utilisé en hormonothérapie substitutive.

Plus prometteurs en revanche apparurent les essais menés avec une association biphasique associant 17 ßE2 et acétate de cyprotérone (8). Lors de ce travail, un certain nombre de facteurs de la coagulation modifiés par un c.o. triphasique contenant l'e.e. ne subirent pas de changement avec l'association acétate de cyprotérone + E2.

Malheureusement il n'y eut pas d'autres travaux publiés avec ces produits.

Plus récemment, un contraceptif oral associant 150 mcg de desogestrel et 1 mg de 17 ß estradiol micronisé a été expérimenté chez 20 femmes âgées de 21 à 36 ans (11). Le contrôle du cycle menstruel s'avéra médiocre : le nombre moyen de jours de saignements fut de 9,5 et de 8 aux 1er et 2ème cycles de traitement auxquels il faut ajouter 4,8 et 6,4 jours d'hémorragie de privation. 2 femmes arrêtèrent le traitement en raison des saignement jugés inacceptables lors du 1er cycle.

Ce fait provient de la posologie utilisée. Avant de commercialiser un c.o., plusieurs posologies sont testées ; seules sont retenues les formules les mieux supportées, c'est-à-dire celles induisant le minimum de saignements per thérapeutiques. On sait que pour le desogestrel, la posologie adéquate d'e.e. est de 20 ou 30 mcg. Cette posologie correspond à une dose de 17 ß E2 nettement plus élevée que celle étudiée ici.

D'autre part la 1/2 vie plasmatique de l'e.e. est nettement plus longue que celle du 17 ß E2 ; par conséquent le contrôle du cycle menstruel sera plus difficile à obtenir avec ce dernier.

La solution sera certainement d'étudier des préparations bi ou triphasiques seules capables d'assurer un contrôle satisfaisant du cycle menstruel lorsque la posologie de l'estrogène utilisé est réduite.

Rappelons enfin que dans un c.o. contenant du 17 ßE2, l'inhibition de l'ovulation est assurée par le progestatif. L'estrogène ne sert qu'à compenser l'inhibition des sécrétions ovariennes.

conclusion

Si d'importants progrès ont été accomplis en ce qui concerne les progestatifs de synthèse utilisés en contraception orale puisque trois générations se sont succédées, il est consternant que l'e.e. soit toujours l'estrogène utilisé.

La réduction des posologies prescrites a constitué un progrès, mais seule l'apparition d'un estrogène naturel pourrait permettre la mise au point d'un contraceptif oral dénué de risque vasculaire (10).

BIBLIOGRAPHIE

1. ASTEDT B., SVANBERG L., JEPPSSON S. et coll.: The natural oestrogenic hormone oestradiol as a new component of combined oral contraceptives. Br Med J. 1977, 1, 269

2. BARNES R.W., KRAPF T., HOAK J.C.: Erroneous clinical diagnostic of leg vein thrombosis in women on oral contraceptives. Obstet Gynecol 1978, 51, 556-558

3. BASDEVANT A., CONARD J., PELISSIER C. et coll.: Hemostatic and metabolic effects of lowering the ethinyl-estradiol dose from 30 mcg to 20 mcg in oral contraceptives containing desogestrel. Contraception 1993, 48, 193-204

4. BOTTIGER L.E., BOMAN G., EKLUND G. et coll. : Oral contraceptives and thromboembolic disease : effects of lowering oestrogen content. Lancet 1981, 1097­1101

5. COMP P.C., ZACUR H.A. : Contraceptive choices in women with coagulation disorders. Am J Obstet Gynecol 1993, 168, 1990-3

6. GERSTMAN R.R., PIPER J.M., TOMITA D.K. et coll. : Oral contraceptive estrogen dose and the risk of deep venous thromboembolic disease. Am J Epidemiol 1991, 138, 32-7

7. HAGSTAD A., DAMBER J.E., JANSON P.O. et coll. : Effects of two estradiol/norgestrel combinations on the ovulatory pattern and on sex hormone binding globulin in women around fourty years of age. Acta Obstet Gynecol Scand 1984, 63, 321-324

8. HIRVONEN E., STENMAN U.H., MALKONEN M. et coll. : New natural oestradiol/cyproterone acetate oral contraceptive for premenopausal women. Maturitas 1988, 10, 201-213

9. INMAN W.H. et coll. : Thromboembolic disease ant the steroidal content of contraceptive : a report to the committee on safety of drugs. Br Med J 1970, 2, 203-9

10. ROZENBAUM H. : Effet protecteur des estrogènes vis-à-vis du risque vasculaire. Reprod Hum Horm. n° special, sous presse

11. WENZL R., BENNINK H.C., VAN BEEK et coll. : Ovulation inhibition with a combined oral contraceptive containing 1 mg micronized 17 ß-estradiol. Fertil Steril 1993, 60, 616-619

12. WORLD HEALTH ORGANIZATION TASK FORCE ON ORAL CONTRACEPTIVES : A randomized double-blind study of two combined oral contraceptives containing the same progestogen, but different estrogens. Contraception 1980, 21, 445-460

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995