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Titre: Une ménopause précoce implique-t-elle une spécificité thérapeutique ?
Année: 1998
Auteurs: - Rozenbaum H.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

Une ménopause précoce implique-t-elle  une spécificité thérapeutique ?

 

H. ROZENBAUM

 

Une ménopause est qualifiée de précoce lorsqu'elle se manifeste avant l'âge de 40 ans, voire même de 35 ans pour certains auteurs.

Une femme ménopausée précocement est encore plus exposée aux conséquences du manque d'hormones ovariennes qu'une femme ménopausée vers la cinquantaine. Elle aura en outre à subir un handicap psychologique important.

Enfin dans certains cas, il persiste un désir de grossesse.

Si le traitement standard d'une ménopause précoce repose sur les cycles artificiels, un soutien psychologique pourra dans certains cas s'avérer utile.

L'apparition des techniques de fécondation in vitro avec don d'ovule ont, d'autre part, permis de redonner un espoir aux femmes souhaitant encore une maternité.`

 

Corriger ou prévenir le handicap psychologique d'une femme en ménopause précoce

Les bouffées de chaleur, les sudations nocturnes, les troubles du sommeil, l'altération de la peau et des muqueuses, complications habituelles de la ménopause, risquent, lorsque celle-ci survient précocement de conduire à un isolement social, la femme ressentant sa ménopause précoce non seulement comme un handicap, mais comme une injustice. Aussi, les troubles dépressifs sont-ils féquents chez les femmes atteintes de ménopause précoce, la stérilité définitive liée à celle-ci venant encore aggraver la situation.

A l'exception de la stérilité, pour laquelle existent actuellement des possibilités (cf infra), une hormonothérapie substitutive ( H.S.) permettra à une femme en ménopause précoce de se sentir tout à fait comme une femme normalement réglée ; bouffées de chaleur, sudations et troubles du sommeil disparaîtront, la peau gardera son éclat et les muqueuses resteront lubrifiées, permettant la poursuite d'une vie sexuelle régulière.

Certains auteurs ont préconisé la prise d'un contraceptif oral, pour effacer la différence entre une femme jeune prenant un contraceptif et une femme en ménopause précoce suivant une hormonothérapie substitutive.

Les multiples avantages procurés par l'utilisation d'estrogènes naturels sur le plan métabolique et particulièrement vis-à-vis des facteurs de la coagulation doivent cependant faire opter pour l'H.S.

 

 

Préserver la masse osseuse

La carence estrogénique constitue un facteur désormais reconnu de déperdition osseuse et de risque d'ostéoporose.

Mais une ménopause précoce constitue un facteur de risque supplémentaire pour deux raisons :

- espérance de vie plus prolongée que celle d'une femme ménopausée à 50 ans et par conséquent délai plus long pendant lequel le squelette aura à souffrir de la carence estrogénique ;

- perte osseuse annuelle plus importante en cas de ménopause précoce. Pouillès et Coll. (11), comparant la densité osseuse de femmes ménopausées à 36 + 4,5 ans à celle de femmes ménopausées à 46,3 + 3,8 ans constatent une densité osseuse vertébrale moyenne de 1,19 + 0,12 g / cm2 pour les premières contre 1,09 + 0,11 g / cm2 pour les secondes.

La perte osseuse annuelle extrapolée à partir de ces valeurs fut de - 1,8 % en cas de ménopause précoce contre - 1,2 % pour une ménopause normale.

Certains auteurs ont observé des pertes osseuses annuelles plus importantes : 4 % (6-10) , voire 7 à 9 % dans les deux années suivant une ovariectomie (5).

Pour Pouillès et coll. (11), il existerait, en cas de ménopause précoce, une phase prolongée d'accélération du remodelage osseux aboutissant à une perte osseuse plus prononcée qu'après une ménopause normale.

 

Prévention cardio-vasculaire

Une ménopause précoce, plus encore qu'une ménopause naturelle, est considérée comme un facteur de risque cardio-vasculaire (C.V.)

Les auteurs de l'étude des infirmières de Boston (3) avaient été parmi les premiers à souligner le rôle défavorable d'une ménopause précoce, aboutissant à un risque relatif (R.R.) de 2,2 chez les femmes ovariectomisées.

Un peu plus tard, Witteman et coll. (16), étudiant la fréquence des calcifications athéroscléreuses sur des clichés d'aorte abdominale, constataient un R.R. de 3,4 en cas de ménopause naturelle contre 5,5 en cas de ménopause par castration.

Plus récemment, Van Der Schouw et coll. (15), étudiant une cohorte de 12115 femmes ménopausées à Utrecht (Pays-Bas) observent également un risque accru d'affection C.V. en cas de ménopause précoce, ce risque diminuant de 2% par année de retard d'apparition de la ménopause. On constatera, sur la figure n° 1 que, quelle que soit la tranche d'âge considérée, le risque de décès annuel par affection C.V augmente au fur et à mesure que l'âge de survenue de la ménopause diminue.

Rappelons qu'un faisceau d'arguments épidémiologiques, biologiques, de données d'angiographie et d'expérimentations animales permettent d'établir un effet protecteur de l'hormonothérapie substitutive vis-à-vis des maladies C.V. (12).

 

 

Désir de grossesse

Un diagnostic de ménopause précoce implique, en principe, une stérilité définitive.

Quelques observations exceptionnelles de grossesse ultérieure figurent dans la littérature. Nous en avons nous-mêmes observé 4 cas.

Toutes les observations concernaient des femmes pour qui le diagnostic de ménopause précoce était établi cliniquement et biologiquement, avec le plus souvent, coelioscopie à l'appui. La majorité des grossesses observées sont survenues pendant ou au décours d'une H.S.

D'autre part, des traitements par hormones stéroïdes sexuelles, Danazol, gonadotrophines humaines, parfois associés à des agonistes de la GnRH et des glucocorticoïdes, ont pu donner lieu à quelques ovulations et grossesses, d'autant plus fréquemment qu'il s'associait à la ménopause précoce une affection auto-immune thyroïdienne et que l'insuffisance ovarienne prématurée datait de moins de deux ans.

Cependant, les essais thérapeutiques randomisés sont rares et n'ont pas permis de démontrer une amélioration significative de l'ovulation et des taux de grossesses.

 

La fécondation in vitro avec don d'ovule constitue le véritable traitement actuel d'une femme en ménopause précoce souhaitant une grossesse (7 ).

Nous n'aborderons pas ici les modalités pratiques de ces traitements. Rappelons simplement que les femmes receveuses bénéficient au préalable d'un traitement estro-progestatif préparatoire.

Soulignons simplement que, selon un travail de Lydic et coll. (9) ayant porté sur 32 femmes atteintes de défaillance ovarienne précoce et de 38 femmes âgées de plus de 40 ans mais ne souffrant pas de défaillance ovarienne précoce (tableau n°1), il n'existe pas de différence en ce qui concerne les taux de grossesse entre les deux groupes. Autrement dit , et d'autres équipes ont effectué la même constatation, c'est l'âge de l'ovocyte qui compte et non celui de l'utérus

 

Modalités thérapeutiques

Le traitement d'une ménopause précoce repose sur l'instauration de cycles artificiels.

On donnera la préférence aux estrogènes naturels, c'est-à-dire estradiol ou valérate d'estradiol, et aux progestatifs (p.s.) dénués d'effets métaboliques défavorables: progestérone micronisée, p.s. prégnanes ou norprégnanes.

 

Voie d'administration

Afin de favoriser au maximum une bonne observance du traitement, il convient de laisser le choix aux patientes, certaines préférant la voie orale, d'autres la voie cutanée.

 

Posologie

Dans l'ensemble, la posologie sera un peu plus élevée que celle souvent utilisée chez des femmes plus âgées, la clairance métabolique des médicaments diminuant avec l'âge.

En moyenne, on prescrira :

- 2 mg pour l'E2 per os,

- 50 mcg pour l'E2 en timbres,

- 1,5 mg pour l'E2 en gel.

La posologie du p.s. sera fonction de la molécule choisie, la séquence progestative ne devant pas être inférieure à 10 jours par cycle.

 

Durée

Il est évident qu'une H.S. prescrite à une femme atteinte de ménopause précoce sera de longue durée. D'où l'importance d'adopter la posologie à chaque femme afin d'éviter les signes de sur ou de sous dosage pouvant conduire à un arrêt prématuré du traitement.

Une question se pose actuellement à propos de la durée de l'H.S. : un traitement de durée supérieure à 5 à 10 ans implique-t-il une augmentation du risque de cancer du sein ?

Un certain nombre d'études récemment publiées plaident en ce sens. Discuter en détail les résultats de ces études sortirait de notre propos.

Signalons simplement quelques éléments qui nous semblent importants :

- dans l'étude de cohorte des infirmières de Boston (2), les femmmes traitées avaient plus de mammographies que les non-traitées (+ 12%), d'où un meilleur dépistage ;

- l'élévation du risque observé : R.R. = 1,5 (1,2 -1,8) après 5 à10 ans de traitement disparaissait dans les 2 années suivant l'arrêt de ce dernier.

Etant donné le temps de latence du cancer du sein, un effet initiateur de l'H.S. se serait traduit par la persistance d'un risque élevé pendant au moins 6 ans après son arrêt ;

- en revanche, on ne saurait exclure un effet promoteur, l'H.S. accélérant la croissance de tumeurs préexistantes. Ce fait a pu contribuer à induire une augmentation apparente du nombre de cancers observés dans la population traitée.

 

 

Deux études cas-témoins récentes ont abouti à des résultats opposés :

- augmentation du risque avec la durée de l'H.S. pou Tavani et coll. (14), surtout observée chez les femmes plus âgées :

1,2 (0,9 - 1,5) pour les femmes âgées de 55 à 64 ans,

1,6 (1,2 - 2,3) pour les femmes âgées de 65 à 74 ans,

le risque n'étant en revanche pas élevé :

R.R. = 0,9 chez les femmes plus jeunes ;

- pas d'augmentation de risque dans l'étude de Stanford et coll. (13), le risque apparaissant au contraire diminué chez les femmes ayant utilisé une association estro-progestative pendant plus de 8 ans : R.R. = 0,4 (0,2 - 1).

Une récente méta analyse effectuée par Grady D. (8) aboutit à un R.R. = 1,3 (1,2 - 1,5), calcul effectué à partir de 9 études cas-témoins et 3 études de cohortes.

L'adjonction d'un p.s., sauf dans l'étude pré-citée de Stanford et coll., ne diminue pas le risque de cancer dans les 3 autres études ayant pris en compte ce paramètre.

Enfin la récente méta analyse publiée dans le Lancet en octobre 1997 (4) aboutit à un R.R. = 1,35 (1,21 - 1,49) au delà de 5 ans d'H.S.

Ici encore, l'adjonction d'un p.s. n'induit pas d'effet protecteur : R.R. = 1,53 après 5 ans de prise d'estro-progestatifs ; ce fait n'a rien d'étonnant car il s'agit toujours des mêmes études analysées !

Plus intéressant apparaît dans cette étude la corrélation entre l'âge de la ménopause et le risque de cancer du sein, celui-ci augmentant de 2,9 % par année de retard d'apparition de la ménopause.

On savait de longue date qu'une ménopause tardive constituait un facteur de risque de cancer du sein et qu'une ménopause précoce induisait au contraire un effet protecteur.

On peut, dans le cas précédent, en tirer au moins une conclusion : traiter une ménopause précoce efface l'effet protecteur induit par l'affection;

En regard des bénéfices procurés par ailleurs par l'H.S. chez les femmes particulièrement à risque d'ostéoporose ou de maladie C.V. et souffrant de symptômes vaso-moteurs et psychologiques, la balance penche incontestablement pour le traitement qui améliore la qualité de vie des patientes et prolongera, en définitive, leur espérance de vie.

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

1. BRINGER J., GALTIER DEREURE F., RENARD E., LEFEBVRE P.

Les ménopauses précoces

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