JTA 1996
Endométriose et clioscopie
endométriose minime et stérilité
:y a-t-il une place pour le traitement clioscopique ?
J. COHEN*
Qu'est-ce que l'endométriose minime ?
Selon la classification de l'AFS, l'endométriose minime
est définie par des lésions de stade I dont le score
AFS ne dépasse pas 5. Les lésions correspondent
à des aspects de nombre et de coloration différents,
mais elles ont en commun leur petitesse. on peut associer à
ces lésions, les endométrioses modérées
dont le score est inférieur ou égal à 5.
Il peut s'agir de lésions péritonéales, ovariennes,
superficielles, associées ou non à des adhérences
vélamenteuses de lésions péritonéales
profondes de moins de 3 cm ou des adhérences péri-aanexielles
denses, mais limitées en surface.
La classification AFS toutefois ne permet pas de différencier
les divers types d'atteintes endométriosiques (péritonéale,
ovarienne, tubaire, facteur inflammatoire, etc.).Tous les types
de lésions sont possibles. Il peut s'agir de lésions
noires ou bleu nuit, entourées d'une rétraction
stellaire, pathognomoniques de l'endométriose, mais de
nombreux autres aspects macroscopiques dits " atypiques "î
existent :
- des opacifications blanches au contour irrégulier, voire
stellaire ;
- des lésions glandulaires ayant l'aspect et la couleur
de l'endomètre ;
- des vésicules rouges en raison du stroma richement vascularisé
(" red flame like " ou lésion en flammèches
rouges) ;
- des lésions brunes qui peuvent revêtir plusieurs
aspects allant de vésicules à des kystes bruns,
souvent très sombres, situés à la surface
du péritoine ;
- des vésicules claires visibles sous le jour frisant d'une
lumière faible ;
- des défects péritonéaux ;
- des adhérences sous-ovariennes, au sein desquelles l'examen
histologique identifie des glandes endométriales ;
- des zones pétéchiales ou hypervasculaires.
Fréquence de l'endométriose minime
Chez les femmes fertiles à qui on fait une coelioscopie
pour stérilisation on retrouve des lésions d'endométriose
dans 2 à 43 % [7]. Chez les femmes traitées pour
stérilité les chiffres évoluent entre 6 et
50 % [7].Koninckx (1994) [5] a même suggéré
que l'endométriose puisse survenir de manière intermittente
chez toutes les femmes.
Le fait que l'on trouve tant d'endométrioses asymptomatiques
chez des femmes fertiles pour lesquelles on pratique par exemple
une stérilisation tubaire jette un trouble sur la relation
causale entre endométriose et infertilité et fait
penser que l'endométriose pourrait être un signe
d'une période plus ou moins longue d'infertilité,
involontaire ou même volontaire.
L'endométriose minime peut-elle entraîner la
stérilité ?
Si l'endométriose, d'une manière générale,
est associée à la stérilité ou à
l'hypofertilité, il y a peu de travaux concernant l'endométriose
minime.
Les quelques publications existantes ne vont pas dans le sens
d'une relation étroite :Wheeler 1988 [10] ne retrouve pas
de relation causale. Guzick 1989 [3] suggère qu'il existe
un état d'hypofertilité qui diminue les chances
de fécondation par rapport à une population normale.
D'ailleurs, on sait que en l'absence de traitement le taux de
grossesses peut atteindre 90 % en 5 ans.
Le tableau (page suivante) indique qu'il n'y a aucune preuve actuelle
d'un effet thérapeutique quelconque médical ou chirurgical
dans les stérilités avec endométriose minime.
Janssen [4] a fait une étude prospective sur des femmes
qui devaient avoir une IAD. Les femmes avaient subi une clioscopie
préalable. Le groupe des femmes normales (380 IAD et 16
grossesses) a eu 3 fois plus de résultats positifs que
le groupe des endométrioses minimes (56 IAD et 2 grossesses).
L'auteur conclut au rôle négatif de l'endométriose
minime et à la nécessité de traiter.
A l'inverse Thomas et Cooke [9] ont fait une étude prospective
double aveugle comparant deux groupes d'endométriose minime
traitée ou pas, par la gestrimone. Il n'y a aucune différence
entre les deux groupes (taux cumulé de conception à
12 mois = 25 %) et il n'y a pas non plus de différence
avec le groupe de stérilités inexpliquées
(23 %).De minime à sévère = occasion ou nécessité
?
Il s'agit là d'une question fondamentale dont il faut bien
admettre qu'elle n'est pas résolue : toutes les lésions
microscopiques ont-elles la capacité de progresser et d'entraîner
la constitution de lésions macroscopiques ?Thomas et Cooke
[9] ont traité 17 patientes par un placebo. 6 mois après
la première laparoscopie, une autre observation endoscopique
a permis de juger l'état inchangé dans4 cas, amélioré
spontanément dans 5 (avec disparition dans 4 cas) et aggravé
dans 8 cas.
Thelimaa et Coll [8] a étudié 20 patientes dans
les mêmes conditions = 3 sont devenues enceintes, 10 n'avaient
pas évolué, 3 avaient régressé et
4 empiré.
On peut ainsi estimer qu'à 6 mois, 1/3 des cas s'améliore,
1/3 se détériore, 1/3 n'évolue pas. Un traitement
actif ne serait donc utile qu'à un tiers des patientes.
Le traitement laparoscopique
On a suggéré un traitement de destruction des lésions
endométriosiques :
- électrocoagulation unipolaire ou bipolaire permettant
d'obtenir la fulguration des lésions de surface ;
- vaporisation des mêmes lésions au laser CO2 ;ñ
excision de ces lésions ou bien un traitement de section
des adhérences endométriosiques qui expliquent parfois
à elles seules la stérilité ;
- adhésiolyse aux ciseaux de dissection endoscopique ;
- coagulation des moindres saignements ;ñ restauration
d'une dynamique infundibulaire normale.
On doit faire attention :
- à la proximité de l'uretère ;
- au risque de brûlures digestives.
Les résultats publiés des traitements clioscopiques
figurent ci-après. M.A. Bruhat [2] propose le schéma
ci-dessous :
Avantages du traitement laparoscopique
- facile à réaliser durant une clio de bilan
;
- rétablit la mobilité des trompes et des ovaires
en cas d'adhésiolyse ;
- destruction d'éventuelles lésions évolutives
;
- évite un traitement médical ;
- peut parfois réduire les douleurs de certaines localisations.
Inconvénients
- efficacité très incertaine ;
- danger de lésions urétérales ou digestives
;
- éventuelles séquelles à plus long terme
mal connues.
CONCLUSION
L'endométriose minime est une lésion relativement
fréquente dont on peut penser qu'elle n'est pas directement
responsable de la stérilité féminine.
Il n'existe aucune preuve de l'efficacité des traitements
chirurgicaux laparoscopiques sur le plan des grossesses obtenues.
Toutefois, on peut penser que pratiqués avec prudence au
cours d'une coelio de bilan les gestes coelioscopiques ne sont
pas nocifs et peuvent corriger des désordres anatomiques
ou empêcher une évolution plus sévère.
Ceci ne justifie évidemment pas de pratiquer une clioscopie
dont la seule indication serait la cure chirurgicale de l'endométriose.
Bibliographie
[1] Audebert A. : Les endometrioses. Ed. Takeda, Bordeaux 1994.
[2] Bruhat M.A. : Glowaczower E, et Coll. L'endométriose
minime. Contracept. Fertil. Sex. 1994, 22, 12 Suppl.; 824-825.
[3] Guzick D.S. : Clinical epidemiology of endomatriosis and infertility.
Clin. Obstet. Gynecol. North Americ. 1989, 16 ; 43-59.
[4] Jansen R.PS. : Minimal endometriosis and reduced fecondability.
Fertil. Steril 1986, 46 ; 141-143.
[5] Koninckx P.R. : Is mild endometriosis a disease ? Hum. Reprod
9, 1994, 2202-2205.
[6] Mage G., Canis M. et Coll. : Traitement cúlioscopique
de líendomÈtriose. Contracept. Fertil. Sex. 1989,
17, 4 ; 347-352.
[7] Maouris P. : Asymptomatic mild endometriosis in fertile women.
Obstet. Gynec. Survey. 1991, 46, 8 ; 458-551.[
8] Telimaas et Coll. : Placebo controlled comparaison of danazol.
Gynecol. Endocr. 1987, 1 ; 13.
[9] Thomas E.J., Cooke I.D. : Successful treatment of asymptomtic
endometriosis. Br. Med. J. 1987, 294 ; 1117.
[10] Wheeler J., Malinak R. : Ds mild endometriosis cause
infertility ? Seminars in Reprod. Endocr. 1988, 6, 3 ; 239-249.
* Dr Jean Cohen, 8, rue Marignan, 75008 Paris.
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996
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