le diagnostic prénatal, l'A.M.P.
et la loi de juillet 1994
J.-F. MATTEI et C. RAUCH
L'une des plus grandes angoisses de l'homme, quelle que soit la
civilisation, est celle qui concerne sa fécondité.
Aussi n'est-il pas étonnant que les avancées techniques
rendant la maîtrise de la reproduction possible aient été
largement favorisées, même dans notre civilisation
occidentale où ce souci de se perpétuer n'est plus,
du moins apparemment, le premier objectif.
Les techniques se sont donc multipliées :
- insémination artificielle : IAC ou IAD,
- FIVETE, et plus récemment " ICSI ".
D'un autre côté, la maîtrise de la procréation
et la limitation du nombre d'enfants ont suscité le désir
de " l'enfant parfait " rendu plus probable grâce
au diagnostic prénatal.
Toutes ces techniques ont induit des dérives : modifications
dans la filiation, dérives eugéniques, dérive
normative, qui imposent que certaines limites soient posées
dans notre société pluri-culturelle ou " relativiste
" !
Il a donc bien fallu passer de l'éthique au droit avec
les risques que cela comporte, car ce qui est écrit est
souvent interprété selon la lettre et non selon
l'esprit. Par ailleurs, une certaine marge dans l'application
de la loi est aussi nécessaire tant il est vrai que l'on
a toujours assez de force pour supporter les maux d'autrui !
Si les lois dites " bioéthiques " établissent
un régime nouveau dans l'accès à - et les
modalités de - l'assistance médicale à la
procréation, elles entraînent également des
incidences sur des questions de fond comme la dignité de
la personne humaine, la " logique eugénique ",
la filiation et le droit de la famille. La dignité de l'homme
est mieux sauvegardée que dans les autres avant-projets.
La loi interdit toute attitude systématique dans les méthodes
de détection des anomalies ftales, mais elle laisse
encore une place à la liberté du médecin
et au choix individuel. Qui doit juger de la " gravité
" de l'état du ftus ou du nouveau-né,
puisqu'il n'est pas là pour se défendre ? Le médecin
? Les parents ?
Il est apparu dans la pratique que les meilleures garanties de
l'embryon, du ftus ou du nouveau-né sont au nombre
de trois :
- un dossier médical précis et documenté
;
- le consentement réel des parents ;
- une décision collégiale multidisciplinaire.
L'opinion publique refuse de plus en plus que le pouvoir dépende
du savoir et s'élève contre ce qu'elle appelle le
pouvoir médical : le savoir des médecins ne doit
pas les autoriser à décider en lieu et place des
gens. Cette attitude ne doit pas non plus ramener les médecins
à la fonction de simple prestataire de service.
Dans cette nouvelle démarche, le médecin a un rôle
privilégié puisqu'il doit accompagner les progrès
de la science par une réflexion philosophique, morale et
métaphysique tout à la fois en tant que citoyen
mais aussi dans son exercice quotidien.
Il lui faut ainsi, et au-delà même du débat
social, redéfinir les fondements de son action : le respect
de la personne dans sa dignité, de la vie et du corps humain
dans son intégrité dès la fécondation,
la nullité de tout contrat portant sur l'homme et le refus
de pratiques commerciales incompatibles avec la dignité
de la personne humaine. Il faut redevenir l'avocat de l'enfant
dans une société qui tend à lui conférer
les propriétés communes aux choses dont on décide
quand et comment on les acquiert. Il lui appartient plus qu'à
d'autres de rappeler que les différences biologiques ne
peuvent en aucune manière fonder une quelconque discrimination
entre les hommes.
Bibliographie
J.-F. MATTEI : L'enfant oublié, Ed. Albin Michel, 1993.J.-F.
MATTEI : La vie en question, La Documentation Française,
1994.
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996
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