Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: La loi de bioéthique vue du côté patiente
Année: 1996
Auteurs: - Ramogida C.
Spécialité: Infertilité
Theme: Bioéthique

la loi côté patientes

C. RAMOGIDA

Cela faisait un petit moment que nous attendions la loi sur la bio-éthique. Lors des auditions par plusieurs personnalités politiques (notamment Madame Noëlle Lenoir, le sénateur Jean Chérioux, le Professeur Jean-François Mattéi et Madame Elizabeth Hubert), nous avons pu nous exprimer sur le projet de loi qui comportait à nos yeux quelques " anomalies ".

Après avoir adressé ce projet de loi à 1 200 de nos membres, après avoir reçu près de 900 commentaires sur ce même projet, tous se reportaient à 4 points principaux.

L'exigence de faire preuve de deux années de vie commune avant tout acte d'AMP

Sans parler de FIV, il est difficile de s'immiscer dans la vie des couples et de savoir où en est un couple dans son parcours et son développement. Avec cette loi, on rentre dans le domaine du contrôle et de la limitation de la vie de couple. Il faut alors se poser la question, qu'entend-on par vie commune -une vie de couple dans le même appartement ? Dans le même immeuble ? Et si un couple harmonieux habite dans deux appartements différents ? Puis, à partir de quel âge ou de quelle date détermine-t-on que le couple a une " vie commune " ? Et qui est capable de certifier que cette vie soit commune depuis deux ans ? Comment les couples non-mariés peuvent-ils prouver leurs deux ans de vie commune ? (Il est reconnu que beaucoup de couples vivant très longtemps ensemble n'ont pas pour autant été en mairie demander une attestation de concubinage dès le premier jour où ils ont vécu ensemble.)

Doivent-ils demander une attestation à leur concierge prouvant leur vie commune depuis plus de deux ans, ou alors faut-il une quittance d'EDF ou de loyer... Et que devons-nous conseiller aux nombreux couples qui démarrent leur vie commune à l'âge de 37, 38 ans et qui devront attendre deux ans avant d'avoir une aide médicale à la procréation... Même le médecin n'a pas un rôle clair, peut-il aussi certifier que le couple justifie de deux années de vie commune ? Nous pensons que la fonction du médecin n'est pas d'être " policier ".

Filiation, l'attestation du juge ou du notaire

Nous comprenons fort bien que pour le bien-être de l'enfant à naître, la loi prévoit une assurance pour son avenir, mais sept ans d'expérience associative nous ont permis de constater que les problèmes d'infertilité les plus difficiles à assumer pour le couple sont ceux qui créent la dépendance vis-à-vis d'une tierce personne. Nous n'épiloguerons pas sur le parcours, les attentes, les déceptions, que supportent les couples pour aboutir aujourd'hui à une étape et une difficulté supplémentaire : celle du passage devant le juge.

Pour l'enfant à naître, ce texte apporte des garanties contre les contestations en filiation.

Mais pourquoi le consentement ne serait-il pas tout simplement recueilli par les médecins selon une formulation qui pourrait être rédigée juridiquement et qui pourrait être transmise au juge une fois signée par les deux partenaires.

Le couple, dont le parcours est déjà difficile, va être en effet confronté à :

- une attente pour l'obtention d'un rendez-vous avec un juge ou un notaire ;

- un nouveau renoncement à l'anonymat, devant une personne qui ne fait pas partie d'une équipe médicale et qui n'aura plus aucun rôle au-delà de faire signer un papier.

L'anonymat fait intégralement partie de la loi pour le don de gamètes. Ces démarches administratives devant un juge ne fragilisent-elles pas à nouveau le secret ? Qu'adviendra-t-il de ces couples et quels seront leurs moyens de faire réparer un préjudice si un problème apparaît ? De plus, ce passage devant un juge ou un notaire représentera certainement une dépense supplémentaire.On sait que 20000 enfants sont nés aujourd'hui après insémination ou fécondation in vitro avec sperme de donneur (IAD et FIV-D) sans que les parents aient été obligés de passer devant un juge.

A ma connaissance, il n'a jamais été constaté de problème majeur en cas de divorce.

Nous, patients désirant ardemment un enfant au point d'en arriver à accepter une tierce personne après un long chemin de réflexion, nous sommes aujourd'hui obligés de passer devant un juge.Cela nous paraît une nouvelle forme de discrimination quand on sait que, pour l'avortement, on peut se contenter d'entrer un matin dans un centre hospitalier et d'en ressortir le soir à l'abri de toute inquisition et en conservant son anonymat.

De plus, l'acte de procréation avec l'Assistance Médicale à la Procréation (AMP) n'a rien d'anti naturel. Si l'acte naturel n'est lui-même pas contrôlé juridiquement, pourquoi devrait-on contrôler juridiquement l'AMP ?

Devrons-nous un jour demander l'autorisation au juge pour concevoir sans l'AMP ? Nous en viendrions à un système dystopique semblable à une situation romanesque.

Pour être tout à fait clair, devrons-nous passer un jour devant tout un arsenal de conscience pour tout acte mettant en jeu la sexualité des personnes ?

Pour conclure, nous patients, souhaitons très clairement un contrôle et la transparence des activités de l'AMP, mais nous voulons que soient respectés l'intimité du couple et le colloque médical confidentiel qui existe aujourd'hui dans l'AMP. En dehors de la relation médicale et de l'acte médical qui doit être contrôlé, nous ne souhaitons pas l'instauration d'un contrôle juridique sur les personnes.

Nous refusons catégoriquement la création d'une " Assistance Juridique à la Procréation ".

Le don de gamètes

Le texte de loi concernant principalement le don d'ovocytes est loin d'être clair et précis. Chacune des parties l'interprète à sa façon ce qui a pour résultat aujourd'hui que le don d'ovocytes n'existe pratiquement plus en France par manque de donneuses, mais également par un processus beaucoup trop lourd à supporter par le corps médical.

Dans l'esprit du grand public, le don d'ovocytes est systématiquement associé à une population de femmes atteintes d'une défaillance ovarienne et âgées de plus de 40 ans. Or, il est indispensable de corriger cette perception. En effet, s'il existe bien des demandes d'ovocytes chez les femmes de 40 ans et plus, elles sont loin d'être majoritaires. Il y a de plus en plus de demandes pour des ménopauses précoces pour des femmes âgées de 22 à35 ans, sans compter toutes les femmes atteintes du Syndrome de Turner.

Le grand problème aujourd'hui est que les techniques actuelles ne permettent pas de congeler les ovocytes.

Si l'anonymat est totalement accepté et reconnu pour le don de sperme, c'est grâce aux banques de sperme existantes. Il ne peut pas en être de même pour le don d'ovocytes, et en tout cas pas aussi facilement. Il est vrai certes que nous préférons, et de loin, l'anonymat pour le don de gamètes en général. Il est également vrai que, dans certains cas pour le don d'ovocytes, le non-anonymat devrait être accepté.

Le don d'embryons

Aujourd'hui, on sait qu'il existe environ 6 000 embryons " orphelins " plongés à moins 173° dans l'azote liquide.

On sait aussi qu'il existe des couples qui, après un lourd et douloureux parcours, sont en attente d'un don d'embryons pour pouvoir accéder à un désir cher, celui de mettre en oeuvre une descendance.

Si le parcours destiné à se faire délivrer par le juge une autorisation permettant d'obtenir un embryon orphelin est aussi complexe que l'adoption, nous pensons très sincèrement que ces embryons resteront longtemps dans l'azote liquide. C'est pourquoi nous souhaiterions proposer une pratique de ces actes qui tenterait de minimiser l'importance du passage juridique obligatoire.

Il nous paraît en effet possible que les juristes, notaires ou juges, puissent rédiger un cahier des charges préalable à l'adoption d'embryons ; que les médecins et les patients s'accordent pour remplir ce dossier juridique, qui, s'il ne pose concrètement aucun problème, serait transmis au juge dans un cadre de demande administrative. La vérification pourrait être assurée par la juridiction notariale ou la juridiction magistrale. L'idée serait donc de confier aux médecins, en colloque singulier avec le patient, un document juridique de base qui pourrait être rempli sur le mode du consentement éclairé. Le juge pourrait avoir l'obligation de répondre dans un délai imparti, faute de quoi la procédure pourrait se dérouler.

Au cas où le médecin soulèverait une difficulté, comme il est juridiquement habilité à le faire pour d'autres raisons graves telles que celle de la mort naturelle, il pourrait à ce moment-là signaler au juge cette difficulté et s'en remettre à une procédure légale plus lourde.Le consentement éclairé dans ce cas devrait donc bien porter sur l'explication du droit de la filiation et sur la définition d'un projet d'enfant qui résulterait d'un double don.

En effet, il ne s'agit pas d'une adoption d'enfant ou même d'une adoption d'une personne humaine potentielle, car la probabilité de réussite d'une telle opération n'est elle-même que de 25 % si l'on s'en tient à la fertilité naturelle. Donc, dès le départ, 75 % des dossiers devraient se retrouver avec une absence d'effet juridique et c'est un point qu'il faut certainement souligner à ceux qui seront soucieux d'organiser les décrets d'application.

Actuellement, nous sommes des patients confrontés à une ère de technologies médicales nouvelles et nous en sommes parfaitement informés. Nous sommes, nous et nos enfants,une génération expérimentale, nous en avons conscience mais nous ne souhaitons pas rester passifs.

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996