Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Prendre en charge toutes les patientes ou ne selectionner que les meilleurs cas ?
Année: 1999
Auteurs: - Cohen J.
Spécialité: Infertilité
Theme: prise en charge couple en AMP

PRENDRE EN CHARGE TOUTES LES PATIENTES OU NE SELECTIONNER QUE LES MEILLEURS CAS ?

 

************

Jean COHEN*

8, Rue Marignan - 75008 PARIS

 

 

Au cours de cette controverse, nous avons décidé avec André Hazout, que j’aborderais le problème de la limite d’âge et qu’il envisagerait les autres facteurs limitant la prise en charge d’un couple infertile. 

 

 

LE ROLE DE L’AGE DE LA FEMME EN INFERTILITE

Nous savons que la fertilité chez les humains est influencée par l’âge, aussi bien celui du partenaire féminin que du partenaire masculin. Mais la diminution de la fertilité de la femme est plus marquée. Elle diminue à partir de 30-35 ans comme ceci à été montré dans des populations à fertilité naturelle (7). Toutefois les naissances ne sont pas négligeables. Selon le tableau de l’INED concernant les années 1980 à 1990, il y a même une quarantaine d’enfants nés chaque année chez les femmes de plus de 50 ans (tableau 1).

Le problème de l’âge de la femme est déterminant pour un couple infertile. Il y a, on le sait, de plus en plus de couples " âgés " qui consultent pour stérilité, soit parce que la femme a privilégié sa vie professionnelle avant sa maternité, soit parce qu’elle s’est remariée après 35 ans.

Les facteurs qui limitent la fertilité d’une femme en rapport avec l’âge sont :

  • la diminution de la " réserve ovarienne " qui peut débuter jusqu’à 10 ans avant la ménopause ;
  • les facteurs utérins (myomes, adénomyose…) ;
  • la fréquence des avortements spontanés ;
  • le vieillissement du partenaire masculin ;
  • la diminution éventuelle de la fréquence des rapports sexuels.

Le gynécologue devra également tenir compte des facteurs de risque d’une grossesse tardive (obésité, diabète, hypertension,, fibrome etc…). Les patientes devront être prévenue de la nécessité d’une surveillance particulière.

Le gynécologue devra donc :

-éviter de perdre du temps en investigations inutiles ;

- informer les couples des chances plus limitées qui sont les leurs ;

- et parfois dissuader les couples de poursuivre des traitements sans espoir de succès.

  1. AGE ET STIMULATION DE L’OVULATION EN DEHORS DE LA PMA

Quelques grands principes doivent être rappelés :

  • les protocoles avec agonistes du GnRH semblent donner de moins bons résultats à cet âge ;
  • le citrate de clomifène peut être utilisé pendant 3 à 4 cycles si la réserve ovarienne est satisfaisante ;
  • la stimulation par FSH doit débuter à fortes doses (protocole step down) ;
  • la phase folliculaire se rallonge avec l’âge (9) ;
  • le diamètre folliculaire diminue avec l’âge (9) ;
  • -l’oestradiol pré-ovulatoire diminue parfois aussi (10).

Bien entendu, la recherche de tous les facteurs d’infertilité doit être effectués avant toute stimulation (hystéroscopie systématique). On saura interrompre une stimulation avec mauvaise réponse. On saura passer rapidement à la FIV en cas de réponse correcte sans grossesse après 3 à 4 cycles.

  1. AGE ET PMA

 

Les résultats des techniques de PMA se caractérisent par un taux réduit de grossesses cliniques par cycle de traitement et par un taux plus faible de naissances d’enfants vivants (3).

Selon FIVNAT (tableau 2) (2), les taux de grossesses cliniques après FIV ou ICSI sont légèrement diminués dans la tranche des 40-41 ans par rapport à 38 - 39 ans. Au dessus de 42 ans la diminution est de 50% mais la chance de grossesse reste quand même voisine de 7%.

Bien entendu, il s’agit de grossesses cliniques et nous savons qu’il y aura en fin de compte que 50% des grossesses qui donnent naissance à un enfant vivant.

Récemment le groupe de Van Steiteghem (8) a montré par l’analyse de 576 cycles d’ICSI chez des femmes de plus de 39 ans que les taux de grossesses diminuent de 13,7% à 41 ans jusqu’à 2,2% à 44 ans. Mais les taux varient d’une femme à l’autre et certaines ont une meilleure réponse à la stimulation.

En définitive, la réduction des chances est surtout marquée après 42 ans mais n’est pas nulle.

SI J’ETAIS UNE FEMME DE 42 ANS

Une femme de 42 ans vient de se remarier. Elle veut avoir un enfant avec l’homme qu’elle aime. Elle a des cycles réguliers et a une vie sexuelle normale. Mais elle a une obturation tubaire. Elle voudrait bénéficier de la PMA. Elle refuse le principe du don d’ovocyte.

On l’informe alors des mauvais résultats de sa tranche d’âge dus au vieillissement de ses ovocytes. Peut-on vérifier si son ovaire fonctionne ? On pratique des tests de réserve ovarienne qui sont satisfaisants. On lui explique que les chances de grossesse clinique sont inférieurs à 8%, avec en plus 50% d’avortement spontané. Elle reçoit et comprend l’information. Elle sait, mais elle veut tenter sa faible chance et son compagnon aussi. Elle estime que 4 à 6% c’est le pourcentage de guérison du cancer avancé de sa cousine pour lequel on a tenté une chimiothérapie. Ici c’est pour donner la vie. Pourquoi lui refuser cette chance ?

 

L’EFFICACITE EST-ELLE UNE CONDITION DE LA PRATIQUE MEDICALE ?

Puisque la différence entre une PMA chez une femme de 30 ans et une autre chez une femme de 40 ans est essentiellement une différence de résultats, on peut poser la question de la manière suivant : " au dessous de quel taux de succès doit-on refuser à une patiente le bénéfice d’une thérapeutique ? "

Outre le fait que certains gynécologues devraient alors logiquement cesser toute activité de PMA pour insuffisance relative de résultats à tout âge, on peut extrapoler le principe à d’autres interventions :

  • chirurgie cardiaque,
  • greffe d’organes,
  • cancers avancés

D’ailleurs la loi de 1994 sur l’AMP indique que le don d’ovocyte est permis pour les femmes en âge de procréer. Pourquoi donc refuser le bénéfice d’une PMA à une femme en âge de procréer puisqu’on l’autorise à recevoir un don d’ovocyte ?

L’efficacité est d’ailleurs un critère contestable puisqu’il n’y a aucune limite à tenter une chirurgie tubaire ou une stimulation de l’ovulation chez une femme après 40 ans bien que les résultats en termes de grossesse soient aussi limités.

 

LE COUT DES PMA EST-IL UNE JUSTIFICATION ?

L’argument selon lequel il faut limiter l’âge des femmes pouvant bénéficier d’une PMA en raison du coût trop élevé d’un enfant obtenu par ces techniques ne me paraît pas raisonnable. Le coût d’une greffe cardiaque ou rénale ou d’une réanimation d’un patient comateux pendant des mois n’a jamais empêché le corps médical de tenter de guérir les malades. On argue alors que l’infertilité ne peut pas être comparée à l’insuffisance rénale.

La question est donc de savoir si la stérilité est une maladie. Outre le fait que l’impossibilité de procréer est reconnue partout comme un déficit de santé on peut répondre que si la stérilité n’est pas une maladie il ne faut plus prendre en charge aucune de ses formes cliniques. Si au contraire, elle justifie des soins elle doit être prise en charge totalement comme les autres pathologies.

Vient alors la question de l’Assurance Maladie. La Sécurité Sociale refuserait la prise en charge des femmes âgées pour des raisons d’économie. Cet argument me paraît immoral car :

  • les femmes de 41 ans ont payé leur assurance pendant toute leur vie de travail, encore plus longtemps que les plus jeunes. On leur refuse un soin en raison d’une discrimination basée sur un critère qui rend les femmes inégales ;
  • Les femmes de 41 ans riches pourront s’offrir une PMA ce qui est encore plus injuste pour les plus pauvres.

La Sécurité Sociale est une assurance… comme une autre. On paye une prime pour couvrir un risque. Le même raisonnement vaut pour les assurances privées. Certaines d’entre elles excluent le risque stérilité dans leur contrat, mais cette exclusion n’est pas fondée sur l’âge.

D’une manière générale tout refus de soins basé sur le rapport coût bénéfice est non éthique. Refusera t- on de soigner un cancer du poumon chez un malade qui continue à fumer ou un SIDA chez un malade ne prenant aucune précaution ?

UNE EXPLICATION NON MEDICALE

L’examen de la situation actuelle en France et dans le monde indique que certains centres imposent une limite d’âge à 38 ans, d’autres à 40 ans, d’autres à 42 ans et d’autres enfin n’ont aucune limite, à la condition que la femme ovule normalement.

L’explication donnée par les centres qui imposent une limite d’âge est celle de la faible efficacité des PMA chez les femmes âgées. En réalité si on analyse les motivations, on voit que les centres désireux de présenter les meilleures statistiques suppriment le groupe des femmes âgées, qui fit baisser les taux de succès. C’est la vanité et la fierté de présenter des taux de grossesses élevés qui conduit à refuser les mauvais cas, et non le désir de faire faire des économies à la Société, car il y aurait bien d’autres moyens de diminuer les coûts !

Une solution à ce besoin de gloriole serait de présenter à part les résultats des femmes âgées. Celles-ci n’entacheraient plus alors les statistiques des centres. Elles ne gêneraient plus.

  1. PROPOSITIONS :

Les grossesses après 40 ans sont donc possibles. Le taux limité des chances impose donc de tenter de déterminer probablement les cas favorables.

Ceci paraît possible aujourd’hui grâce à l’appréciation de la réserve ovarienne par :

  • le taux basal de FSH (4,5)
  • le taux d’inhibine B
  • le test de Navot éventuellement

Seules les femmes ayant :

  • une FSH < 12
  • une inhibine > 30
  • un test de Navot sans augmentation de la FSH en fin de test.

devraient bénéficier d’une tentative de ponction.

La stimulation devrait se faire sans analogues de la GnRH. La stimulation devrait éviter le clomifène (1). Elle devrait être interrompue si la croissance folliculaire n’est pas satisfaisante et s’il n’y a pas au moins 3 follicules bien développés. Silber (6) a mise en évidence le rôle du nombre d’ovocytes ponctionnés sur le taux de grossesses des femmes âgées, critère qu’il trouve supérieur à celui de la FSH basale. La croissance folliculaire demande un nombre plus important d'ampoules de FSH. La phase lutéale sera supplémentée par de la progestérone. Bien entendu la femme et le couple doivent être pleinement informés des chances et des risques. Le consentement éclairé doit prendre en compte les problèmes liés à l’âge.

BIBLIOGRAPHIE

  1. AGARWAL S.K. , BUYALOS R.P. (1996). Clomifène citrate with IUI : is it effective in women over 35 years ? Fertil. Steril 65, 759-763.
  2. FIVNAT 1997. Age et PMA. Contracept-Fertil-Sex 25, 7/8, 503-506.
  3. HEDON B, GALTIER-DEREURE F. et al. Women’s age and AMP infertility sterility. Parthenon Publ. Group. New-York - ISBN 1850.7069.98.
  4. HANSEN LH, BATZER FR et al (1996). Evaluating ovarian reserve : FSH and E2 variability during cycles days 2-5. Human Reprod. 11, 486-489.
  5. PEARLSTONE AC, FOURNET N, GAMBONE JC et al (1992). Ovulation induction in women age 40 and older. The importance of basal FSH and chronological age. Fertil. Steril 58, 674-679.
  6. SILBER S, NAGY Z et al. (1997). The effect of female age and ovarian reserve on pregnancy rate in male infertility. Human Reprod. 12, 12, 2693-2700.
  7. SPIRA A. (1988). The decline of fecundity with age. Maturistas suppl. 1, 15-22.
  8. GRIMBIZIS G, VANDERVOST M et al (1998). ICSI results in women older than 39, according to age and the number of embryons replaced in selective on non selective transferts. Human Reproduction. 13, 4, 884-889.
  9. FITZGERALD C.T., SEIF N.M. et all. Age related changes in the female reproductive cycle. Br J. Obstet. Gynec. 1994, 101, 229-233.
  10. SEGALS S., CAPSER R. The reponse to ovarian stimulation and IFV in women older than 35 years. Hum. Reprod. 1990, 3, 255-257.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les grossesses en PMA après 40 ans sont possibles. Elles sont moins fréquentes.

On doit réserver les tentatives aux femmes :

  • ayant une bonne réserve ovarienne ;
  • développant plus de 3 follicules de bon diamètre ;
  • ayant reçu une information correcte.

Mais les tentatives ne doivent pas être systématiquement refusées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Résumé :

La limite d’âge imposée à certaines femmes pour traiter une infertilité est injuste. Certes les taux de succès diminuent fortement après 40 ans et les femmes doivent en être informées. mais si la réserve ovarienne de ces femmes est normale et si elles répondent correctement à la stimulation de l’ovaire, il n’y a pas de raison de leur refuser un traitement.

 

Summary :

The age limit imposed upon women who which to undergo infertility treatment is unfair. Of course success rates decrease strongly for women over 40, and women must be informed of it. But if the ovarian reserve of these women is normal, and if they answer correctly to ovarian stimulation, there is no good reason to refuse them. Treatment (Contraception. Fertil. Sex. 1998, 26, 7-8, 506-508).

 

Most clés : PMA - Age de la femme - limites - Prise en charge.

Key words : ART - Women’s age - limits - Management.

 

 

 

 

 

Tableau 1 :

Naissances spontanées chez les femmes de plus de 50 ans.

 

Age

(ans)

1980

1982

1984

1986

1988

1990

50

22

16

21

23

12

20

51

4

8

8

11

9

6

52

4

8

1

3

7

3

53

4

0

5

8

4

3

54

1

4

4

6

5

5

50-54

35

36

39

51

37

37

(sur environ 760 000 naissances par an) Ined 1991 et 1992

 

 

 

Tableau 2 :

Taux de grossesses cliniques selon l’âge, FIVNAT 1987-1996

 

 

Age

FIV

Ponctions

n

Conventionnelle

Grossesses

n

 

%

IC

Ponctions

n

SI

Grossesses

n

 

 

%

£ 24

3406

677

19,9

474

107

22,6

25-29

38134

7923

20,8

4483

1077

24,0

30-34

74372

15322

20,6

7388

1716

23,2

35-37

39254

7361

18,8

3064

713

23,3

38-39

20267

3138

15,5

1360

239

17,6

40-41

13332

1733

13,0

831

123

14,8

³ 42

8780

694

7,9

446

31

7,0

 

 

 

 

 

 

 

TOTAL

197545

36848

18,7

18046

4068

22,2