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Titre: Le diagnostic préimplantatoire : état des lieux en 1999
Année: 1999
Auteurs: - Frydman R.
Spécialité: Infertilité
Theme: Diagnostic préimplantatoire

Le Diagnostic Génétique Pré-Implantatoire (DPI)

Pr. René Frydman

Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Antoine Béclère, 92140 Clamart

Le Diagnostic Génétique Pré-Implantatoire (DPI) s'adresse aux couples dont la descendance à un risque important de maladie génétique grave. Il a pour but de différencier les embryons atteints d'une maladie génétique de ceux porteurs sains ou indemnes avant même qu'ils ne soient transférés dans l'utérus. Le DPI est réalisé sur les embryons obtenus par fécondation in vitro après 3 ou à 6 jours de culture. Sur chaque embryon, au moins une cellule est prélevée, et son matériel génétique étudié.

Jusqu'à présent pour ces couples, le diagnostic était affirmé ou infirmé au cours de l'évolution de la grossesse par une ponction de trophoblaste ou par une amniocentèse dans le cadre du diagnostic anténatal (DAN). Le couple avait alors éventuellement la possibilité de demander une interruption médicale de grossesse (IMG) en cas d'atteinte du foetus. Lors d'une nouvelle grossesse, à nouveau leurs étaient proposé un diagnostic anténatal etc...

Le DPI devrait permettre pour ces couples déchirés et meurtris par ces interruptions de grossesse d'envisager une grossesse sereine en sachant que l'enfant qu'ils attendent est indemne de l'affection.

QUELLES SONT LES INDICATIONS DU DPI ?

Les couples à risques génétiques :

Il s’agit parfois de couples dont les anomalies génétiques sont connues dans la famille ou plus fréquemment parce qu’un premier voire un deuxième enfant a révélé l’existence d’une transmission génétique d’une maladie.

Les affections liées au chromosome X

Les femmes sont porteuses de la maladie et la transmette à la moitié de la descendance masculine.

Les plus fréquentes de ces maladies sont : la dystrophie musculaire (myopathie de Duchêne) et l’hémophilie. Lorsque l’on ne connaît pas le gène responsable ou que techniquement le diagnostic est impossible à faire, on peut proposer le sexage des embryons qui permet de ne transférer que des embryons de sexe féminin sains ou porteurs hétérozygotes et de ne pas transférer les embryons masculins qui risquent d’être atteints. La connaissance du gène permet une analyse plus fine et évite de ne pas réimplanter des embryons de sexe masculin qui serait indemne de l’affection.

Les couples affectés de maladie autosomique monogénique dominante telle la polypose familiale, l’achondroplasie, la maladie de Recklinghausen

Les couples affectés de maladie monogénique récessive pour laquelle les deux membres sont porteurs de la maladie, c’est le cas de la mucoviscidose, la maladie de Tay Sachs, de l’Hémophilie A, du syndrome de Marfan, de l’ostéogénésis imperfecta etc….

Les couples affectés d’anomalies chromosomiques de structure telles que des translocations (réciproque ou Robertsonienne) ou des inversions ; anomalies de nombre, homogène ou en mosaïque (Syndrome de Klinefelter, trisomie X, double Y).

Les couples inscrits en FIV dont la femme est âgée de plus de 38 ans comportent un risque élevé d’anomalies chromosomiques embryonnaires en relation avec son âge.

Cependant, cette indication si elle proposée par certaines équipes internationales, n’est pas autorisée en France par la loi de Bioéthique de 1994.

La Loi de juillet 1994, définit le caractère grave et incurable des affections recherchées qui de plus doivent être identifiées chez le couple, ainsi sont exclus toute forme de diagnostic de convenance.

Les questions posées par le DPI sont elles différentes de celles générées par le DAN ?

L'âge auquel on étudie l'embryon modifie-t-il notre réflexion éthique ? Je ne le crois pas.

L'objectif des médecins confrontés aux demandes de diagnostic anténatal est d'éviter la naissance d'un enfant gravement malade. Pour le couple, pour la femme, il est moins douloureux de demander un transfert sélectif de certains embryons que de demander une interruption médicale d'une grossesse en cours. Je ne crois pas à la vertu rédemptrice de la douleur.

Mais nombreux sont ceux qui ne l'entendaient pas ainsi : en 1986, le Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE) demandait un moratoire de trois ans sur toutes expérimentations visant à permettre la réalisation du diagnostic génétique sur l'embryon avant sa réimplantation.

A la fin du moratoire, aucun enseignement n'est tiré de cette pause réflexive. Au contraire, il est prolongé par l'avis numéro 19 du 18 juillet 1990 qui rejette la pratique du DPI sur trois arguments : la rareté des indications, l'existence d'un diagnostic anténatal relativement fiable, les risques de dérives des indications de la fécondation in vitro (FIV). Nos sages ont été particulièrement conservateurs, en effet, ces arguments sont discutables. Cinq cents deux diagnostics prénatals utilisant les procédés de biologie moléculaire ont été réalisés en France en 1994. La rareté permet de mieux maîtriser une situation. Seuls quelques centres seront autorisés en France ce qui rendra la transparence plus facile.

La crainte de la dérive des indications spécifiques au DPI n'est pas un argument bien solide. La véritable dérive résiderait dans un recours au DAN pour des raisons de convenance : demande d'un enfant sur mesure, quête de l'enfant parfait. Cette dérive hypothétique reste plus valable pour le DAN que pour le DPI car la loi limite les indications de ce dernier. Aujourd’hui, seule la recherche d'une maladie grave et incurable est autorisée, préalablement identifiée chez l'un des parents.

L'article 162-17 de la loi de juillet 1994, reconnaît le DPI mais sa réalisation dépend de la promulgation de décrets. Or, ces décrets se font toujours attendre. L’embryon humain, personne possible, virtuelle, n’est-il pas survalorisé, telle une valeur éthique refuge ?

Pendant ce temps, chez nos voisins Européens les choses avancent. L'Angleterre salut en mars 1992 la première naissance après DPI d'une fillette indemne de mucoviscidose.

Le Professeur Alan Handyside, initiateur de la technique, fait des émules en Belgique, en Espagne et en Italie, sans oublier aux U.S.A.. La France reste dans le " ni, ni " : ni interdiction ni autorisation. Si bien que nous sommes réduits à adresser des couples financièrement aisés à nos confrères Européens et à demander aux autres d'attendre que le DPI soit réalisé en France. Plusieurs laboratoires fonctionnent aujourd’hui au Moyen-Orient, en Asie du sud-est et au Brésil.

De plus en plus de maladies gravissimes peuvent être diagnostiquées par la biologie moléculaire sur une cellule. Des publications paraissent concernant le DPI pour la myopathie de Duchesne, la Drépanocytose, l'hémophilie, la maladie de Tay Sachs, le syndrome de Lesch Nyhan etc.... Le DPI n'a plus comme seule indication la mucoviscidose. Près de 200 enfants sont nés de part le monde après DPI (Congrès de Chicago, Septembre 1997), 29 équipes sont alors répertoriées. Aujourd’hui, sûrement plus.

Les activités du Diagnostic Pré-Implantatoire comportent deux étapes : le prélèvement d'une ou plusieurs cellules embryonnaires et l'analyse génétique de cette ou de ces cellule(s).

Fait important, la cellule une fois prélevée peut être fixée et être acheminée jusqu'au laboratoire de Biologie Moléculaire et/ou de cytogénétique qui fera le diagnostic. Certaines cellules françaises on fait ainsi le voyage Outre-Manche le matin, pour que le diagnostic parvienne par téléphone le soir même et permette de décider quels embryons allaient être transférés. Selon le type d'affection à diagnostiquer, tel ou tel laboratoire sera sollicité selon sa spécialisation. La distinction entre centres de prélèvements et entre centres de diagnostic devra moduler la volonté -justifiée- de limiter le nombre de centres où le DPI sera pratiqué en France.

Est-ce le tri d'embryons qui fait du DPI l'objet d'une telle crispation des esprits ?

Tri : le mot à des relents eugéniques et rappelle des pratiques de sinistre mémoire. L'embryon est parfois imaginé comme un petit homme, et non comme un grumeau de cellule contenant une potentialité d'homme. Et le profane d'imaginer le médecin traquant les quelques milliers de maladies génétiques ce qui est techniquement impossible dont l'embryon peut être porteur. En fait ce " choix sélectif des embryons pré-implantatoire ", (terme sémantiquement plus correct) s'inscrit dans les limites du diagnostic anténatal. Ce n'est pas le tri qui pourrait être condamnable, c’est éventuellement l’indication à l’origine du tri.

Alors qu'elles sont les raisons de ces réticences ? Un retard technique, disent certains, un manque de moyens de la Commission Nationale de Biologie de la Reproduction. N'y a-t-il pas un lobby anti DPI qui rejoint le lobby anti IVG pour tenter de freiner consciencieusement son application ?

Car dès que l’on parle embryon se pose inévitablement la nécessaire clarification quant à la recherche sur l'embryon. Or, dans ce domaine, la situation législative est particulièrement clair-obscur : l'article 152-8 emploie tour à tour, sans les définir, les substantifs expérimentations, recherches, études. Les études sont permises à titre exceptionnel : les expérimentations qui impliquent la destruction des embryons ne le sont pas, la recherche non plus. La finalité de ces études doit être médicale précise le texte de loi. Finalité médicale ou thérapeutique ? Ce n'est pas la même chose. Cependant, un peu plus loin, la même loi autorise la destruction des embryons congelés depuis plus de cinq ans : les embryons peuvent donc légalement être détruits mais non faire l’objet de recherche au cours de cette même destruction.

Toutes les recherches sur l’embryon ne sont pas bonnes à faire mais certaines restent un passage obligé même après le pré-requis animal, il n'y aurait pas eu de fécondation in vitro, de congélation embryonnaire, sans une certaine recherche préalable sur l'embryon humain. Certes, il faut définir le pourquoi, le comment de chaque recherche et être parfaitement transparent quant aux modalités éthiques de celle-ci.

Si demain toute possibilité de recherche sur l'embryon est interdite, les éventuels effets délétères de nos pratiques nouvelles seront non pas observées sur des embryons-pré-implantatoires mais constatées sur des foetus, voire plus tard sur des enfants.

Décidément ceux qui pensaient faire l'économie d'une poursuite du débat éthique se sont lourdement trompés.

Demain, il faudra se préparer à modifier certains termes de la Loi de Bioéthique dont la révision est prévue au plus tard en juillet 1999. Aujourd'hui la parution des décrets permettraient de répondre à la demande des couples qui souhaitent recourir à un DPI. En France, il existe une médecine et une recherche de qualité, on finirait par l’oublier.

Ainsi, quatre ans après la loi de Bioéthique, il aurait fallu vaincre beaucoup d’oppositions, affronter beaucoup de lenteurs administratives mais surtout une certaine paralysie de la pensée qui bute essentiellement sur la définition de l’embryon humain. Celui-ci entre " chose " et " personne " déchaîne les passions idéologiques qui montrent bien que la séparation de l’église et de l’Etat ou plutôt du religieux et de l’Etat n’est pas tout à fait achevée dans notre pays.

Cette année, nous avons déjà plus d’une cinquantaine de couples qui ont demandé de venir en consultation pour un éventuel DPI. D’autres équipes médicales sont confrontées à ces couples en souffrance et nous sommes toujours dans l’incapacité de les aider.

Seuls, les plus fortunés font du tourisme médical. La situation reste donc très insatisfaisante et ce, d’autant que l’autorisation accordée, il faudrait encore s’assurer de la fiabilité et de la reproductibilité des techniques.

REFERENCES

BENKHALIFA M, VEIGA A, SANDALINAS M, QUMSIYEH M, MENEZO Y: Co-culture, blastocyst biopsy and molecular techniques applications in preimplantation diagnosis. Second international symposium on preimplantation genstics, Chicago, September 1997.

GINSBERG N: Personal communication at the second International Symposium on Preimplantation Genetics, Chicago, Septembre 18-21, 1997.

MUNNE S, DAILEY T, SULTAN KM, GRIFO J and COHEN J: The use of the first polar bodies for pre-implantation diagnosis of aneuploidiy. Mol. Reprod., 10 (4), 1014-1020, 1995.

VEIGA A, SANDALINAS M, BENKHALIFA M, BOADA M, SANTALO J, BARRI PN, MENEZO Y: Laser blastocyst for preimplantation genetic diagnosis in the human. Zygote, 1997.

VERLINSKY Y, GINSBERG N, LIFCHEZ et al. : Analysis of the first polar body, preconception genetic diagnosis. Hum. Reprod., 5, 826-829, 1990.