A FAIRE OU NE PLUS FAIRE
DANS L’EXPLORATION
D’UN COUPLE INFERTILE
Joëlle BELAISCH-ALLART*
, Jean Marc MAYENGA*
Plan : I -
L’interrogatoire
a. La femme
b. L’homme
II - L’examen clinique
III - Les examens
de première intention
Tableau 1
Annexe 1
Bibliographie
La prise en charge des
couples infertiles a beaucoup évolué ces dernières
années. Par ailleurs la référence médicale
opposable concernant la stérilité du couple ayant été
publiée au Journal Officiel de Août 1998 est devenue effectivement
opposable aux médecins. Le groupe de travail réuni par ce
qui était alors l’ANDEM qui a élaboré cette référence
médicale opposable a réussi à se mettre d’accord
au bout d’un certain nombre de discussions sur les explorations nécessaires,
et finalement cette RMO contrairement à d’autres n’a pas été
discutée depuis sa publication (cf Annexe 1).
Il était classiquement
admis qu’il ne fallait commencer l’exploration d’un couple infertile qu’après
deux ans de rapports sexuels réguliers. Avec le recul de l’âge
du désir du premier enfant une telle attitude devenait dangereuse
pour la femme et la référence médicale opposable
a clairement autorisé à commencer l’exploration d’un couple
souhaitant un enfant après une année de rapports sexuels
sans contraception. Une exploration plus rapide peut être engagée
si : la femme a plus de 35 ans, les troubles du cycle sont patents,
une pathologie de l’appareil génital connue ou suspectée
chez l’homme ou chez la femme.
Il est donc devenu licite
de commencer les explorations dès qu’un an d’infertilité
avec rapports sexuels réguliers s’est écoulé. La
première consultation et l’interrogatoire occupent une place fondamentale
dans l’exploration d’un couple infertile.
I - L’interrogatoire
L’entretien doit occuper
la plus grande partie sinon la totalité de la première consultation,
l’interrogatoire mérite et nécessite un long moment, que
la femme soit venue seule ou en couple, l’interrogatoire doit porter sur
les deux membres du couple, quitte à reprendre côté
masculin lors d’une consultation ultérieure en présence
du conjoint.
a) La femme
L’âge de la femme
est essentiel. Le désir tardif d’enfant est devenu un réel
problème de société et l’âge de la première
maternité continue à reculer. Les explications à
ce phénomène sont multiples, meilleure maîtrise de
la contraception certes mais aussi volonté de faire carrière
des femmes, difficultés actuelles de la vie professionnelle, tout
concourt à repousser le moment où la femme se sent prête
à enfanter, sans compter les secondes unions elles aussi de plus
en plus fréquentes. La diminution de la fertilité féminine
avec l’âge est désormais bien démontrée. Le
modèle des inséminations artificielles avec sperme de donneur
a permis d’individualiser le rôle de la femme et d’éliminer
le rôle de l’âge du conjoint et de la fréquence des
rapports sexuels. Plus la femme vieillit, plus à sperme égal,
le taux de succès des IAD chute (1). En FIV, la diminution du taux
de grossesse avec l’âge de la femme est encore plus évidente
(2). Il semble donc évident que plus la femme attendra plus il
lui sera difficile de devenir mère, ce dont ni les femmes, ni leur
médecin ne semblent suffisamment conscients, ce qui amène
tant de patientes à ne vouloir un enfant que la quarantaine approchant
et à ne consulter que la quarantaine dépassée. " Mon
médecin m’avait dit d’attendre, que cela viendrait ".
Ce genre de phrase variante du " Laissez faire le temps "
que l’on nous a enseigné dans le traitement de l’infertilité
il y a une vingtaine d’années ne devrait plus exister aujourd’hui.
Les inconvénients du temps qui passe ne sont pas des moindres,
avec l’âge non seulement la fertilité chute mais augmentent
le taux de fausses couches spontanées et d’aberrations chromosomiques.
Contrairement aux idées
reçues qui veulent que les patientes soient acceptées trop
vite dans les programmes de fécondation in vitro, les données
de FIVNAT (3) montrent qu’en 1991 près de 70 % des femmes
de 40 ans avec infertilité inexpliquée avaient attendu plus
de 5 ans avant d’entrer dans un protocole FIV (et 30 % plus
de 10 ans !!) Tenir compte de l’âge de la femme ne suffit
pas à une bonne gestion de l’infertilité. La durée
d’infécondité est un facteur pronostic très important.
Schwartz (4) a démontré que si, au départ, la probabilité
de conception par cycle (fécondabilité) est de 25 %,
après 2 ans, elle n’est plus que de 16 % et après
5 ans de 4 % par cycle (tableau 1). Mais ces chiffres sont
à revoir en fonction de la fécondabilité initiale,
le taux de conception par cycle variant suivant l’âge, s’il est
de 24 % à 25 ans, il n’est plus que de 12 % à
35 ans et 6 % à 40 ans.
. L’âge de
la femme et la durée d’infécondité sont donc deux
paramètres essentiels à prendre en compte désormais.
. La profession renseigne
sur le mode de vie, la disponibilité et l’exposition éventuelle
à des produits toxiques.
. Le type de contraception
utilisée jusqu’au désir d’enfant est utile à connaître
à double titre par ses conséquences éventuelle (DIU)
ou parce qu’il s’agit si peu d’une contraception (Ogino, retrait) que
la durée réelle d’infécondité est probablement
supérieure à la durée annoncée.
. La prise de médicaments,
de toxiques, de tabac ou d’alcool est à rechercher.
. Les antécédents
médicaux ne sont pas à négliger. Il faut rechercher
des maladies susceptibles d’entraîner des troubles de l’ovulation
ou susceptibles de représenter une contre indication aux traitements
de l’infertilité ou de s’aggraver pendant la grossesse.
. Le poids et la
taille sont toujours à noter.
. Les antécédents
chirurgicaux sont tout également à noter (appendicite, péritonite).
. Les antécédents
gynécologiques. Il faut prendre en compte :
- l’âge des premières
règles
- le caractère
des cycles
- l’existence d’une période
d’aménorrhée
- l’existence de dysménorrhée
- les épisodes
infectieux
- les interventions chirurgicales
dont il faut toujours récupérer le compte rendu écrit
qui n’est pas toujours en accord avec ce que la patiente a rapporté
- les antécédents
obstétricaux, y compris avec un autre conjoint sont toujours à
préciser : FCS, GEU, accouchement (mode, déroulement de
la grossesse), IVG (type, terme).
. En fin d’interrogatoire
lorsque la femme se sentira en confiance, la fréquence des rapports
sexuels sera abordée et leur période dans le cycle
b) L’homme
Bien que l’idéal
est qu’il soit présent et réponde lui même aux questions,
l’interrogatoire indirect par le biais de la conjointe n’est pas à
négliger.
. L’âge est
désormais reconnu comme influant sur la qualité du sperme.
. Le mode de vie
la profession (déplacement, produits toxiques)
. Tabac, alcool,
médicaments.
. Les antécédents
médicaux, chirurgicaux et génitaux (infection, descente
de testicule, traumatisme...)
II - L’examen clinique
Il apporte peu de renseignements
sur la cause de l’infertilité. Il faut mieux le reporter à
la seconde consultation que d’écourter l’interrogatoire. Des signes
d’hyperandrogénie (acné, pilosité) sont à
rechercher. L’examen au spéculum peut découvrir une leucorrhée,
un nodule endométriosique, un aspect évocateur d’exposition
au distilbène. Le toucher vaginal est habituellement normal, il
peut découvrir un fibrome, une anomalie latéro-utérine
à préciser par l’échographie.
L’examen de l’homme d’emblée
en l’absence de signes particuliers ne s’impose pas, il sera fait ultérieurement
en cas d’anomalie du spermogramme, soit par le gynécologue lui
même soit par un andrologue selon la politique du praticien.
III - Les examens de
première intervention
A l’issue de la première
consultation il est logique en 1999 de se conformer à la RMO et
de demander d’emblée courbe de température, test post coïtal,
spermogramme et spermocytogramme, contrôle des sérologies,
rubéole et toxoplasmose et chlamydiae, s’ils n’ont pas encore été
faits. Ceci en l’absence de signes cliniques évocateurs d’une cause
précise de stérilité.
- La courbe de température
sur deux mois (et non sur un an ...) garde tout son intérêt
(5). Technique simple et peu coûteuse, elle reste le premier examen
à demander malgré ses limites, elle est interprétable
chez une femme sur 10, des ovulations ont été démontrées
dans 3 à 20 % des courbes monophasiques et à l’inverse
quelques cas de courbes biphasiques sans ovulation ont été
rapportées (5).
- Le test de Huhner
reste à pratiquer pour apprécier la glaire et les spermatozoïdes
mais il ne dispense en rien du spermogramme.
- Le spermogramme
et le spermocytogramme dans un laboratoire habitué à les
réaliser s’impose d’emblée même si le conjoint a déjà
fécondé ou pense avoir déjà fécondé.
En seconde intention se
discutent l’hystérographie et éventuellement l’hystéroscopie
et les explorations hormonales.
La coelioscopie doit rester
l’examen de dernière intention. La coelioscopie systématique
alors que l’HSG est strictement normale, coelioscopie qui a toutes les
chances d’être strictement normale, ne s’impose plus en 1999, voire
ne se défendra plus en cas de problème médico-légal.
En 1999, il n’y a plus
de place pour des examens coûteux ou sans intérêt pratique,
parmi ceux-ci citons le test croisé (qui n’a plus d’intérêt
si le TPC est perturbé, il faut passer à l’IIU ou à
la FIV), l’analyse du sperme en microscopie électronique (le couple
aboutira à la micro injection de façon !...). D’autres
examens ont vu leur place et leur intérêt se réduire
tel la biopsie d’endomètre qui ne connaît un regain d’intérêt
lorsqu’elle se pratique sous hystéroscopie à la recherche
d’une endométrite latente.
En conclusion, en 1999,
on peut résumer ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut plus faire
dans l’exploration d’un couple infertile de la façon suivante :
FAIRE
® Tenir
compte de l’âge de la femme
® Prendre
le temps d’interroger
® Poser
les questions
® S’enquérir
du mode de vie, de la fréquence des rapports
® Toujours
demander le spermogramme d’emblée
® Une
HSG afin de prescrire un inducteur
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NE PAS FAIRE
® Atteindre
2 ans pour commencer les explorations
® Aller
vite
® Poser
des questions à réponses fermées, du type
" vous n’avez jamais été malade, n’est
ce pas "
® Passer
directement à l’examen
® Laisser
une femme faire sa courbe de température sur plusieurs
années
® " Oublier "
le spermogramme sous prétexte que le partenaire a déjà
fécondé
® Prescrire
d’emblée du citrate de clomifène sans pratiquer
d’exploration
® Stimuler
l’ovulation sans vérifier la perméabilité
tubaire.
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Tableau 1 :