INSEMINATION
INTRA-UTERINE : QUAND FAUT-IL PREFERER LA FIV ?
Jean
COHEN
L'insémination
intra-utérine (IIU) a été proposée en cas d'hypofertilité
masculine ou féminine lorsqu'aucune anomalie biologique ne peut être
identifiée ou modifiée. On admet alors que des stratégies
empiriques peuvent être proposées, tout en sachant qu'il n'existe
pas beaucoup d'études comparatives bien conduites, permettant de juger
de l'efficacité des rapports spontanés, de l'IIU avec ou sans
stimulation, ou de la FIV pour les mêmes patientes.
Les
études non comparatives, et les méta-analyses indiquent une supériorité
en terme de grossesses obtenues
- de l'IIU sur les rapports sexuels (même programmés),
- de l'IIU avec stimulation ovarienne sur l'IIU simple
- de l'IIU avec HMG ou FSH sur les autres inducteurs (CROSIGNANI 1997, HUGUES
1997, workshop ESHRE 1996). (1)(2)
Une
revue de la littérature indique que les taux de grossesses obtenus par
IIU + stimulation ovarienne varient de 10% à 20% par cycle avec une moyenne
autour de 14%, alors qu'en l'absence de stimulation les taux sont voisins de
7 à 9%.
Si
on décide de proposer une IIU à un couple, il faut donc proposer
une stimulation associée afin d'augmenter les chances de succès.
Mais en même temps, le couple doit être informé des risques
inhérents à toute stimulation ovarienne, essentiellement : hyperstimulation
et grossesses multiples.
Or le taux de succès de l'IIU sont liés au nombre des follicules
> 15 mm le jour de l'HCG (SEVRES 1999) ainsi qu'au taux d'E2 le même
jour (SEVRES 1999) (3). Pour > 1500 pcg E2 le taux de grossesses cliniques
est de 22,1 versus 16,5 en dessous de ce taux. Mais en même temps le taux
de grossesses gémellaires est doublé et celui de grossesses triples
passe de 0 à 11% (4).
On doit ajouter que selon GUZICK (1999) le taux d'annulation des cycles d'IIU
en raison des risques divers est de 22%.
Les risques de syndrome d'hyperstimulation sévère sont évalués
par GRATTON (1993) à 1,89% et par FANCHIN (1994) à 2% (après
8% d'annulation des cycles). On ne dispose pas vraiment de statistiques sérieuses
dans ce domaine.
Les grossesses multiples évolutives sont évaluées de 6,5%
pour CHAFFKIN à 39,3% pour GAGLIARDI avec une moyenne de 20% ce qui est
considérable. GLEICHER (5) en 2000 a publié une série de
441 IIU avec 20% de jumeaux, 5% de triplés, 2,3% de quadruplés,
1,1% de quintuplés et 0,5% de sextuplés.
L'IIU n'est donc par une technique sans risque. Le clinicien est partagé
entre les risques d'en faire trop ou pas assez… et les réductions
embryonnaires sont une solution douloureuse et inadaptée.
A l'inverse, la FIV permet au moins d'éviter les grossesses multiples
par le choix du nombre d'embryons transférés. Dans les bons cas,
avec transfert électif d'un seul embryon SUTTER obtient 42% de grossesses
sans grossesses multiples et le transfert de 2 embryons permet les mêmes
taux de succès avec 10-15% de jumeaux sans triplés. L'utilisation
des antagonistes a réduit le risque d'HSO. La congélation des
embryons surnuméraires ajoute jusqu'à 18% de grossesses supplémentaires.
Le taux de grossesses après IIU (7 à 17%) n'a pas évolué
alors que celui après FIV est aujourd'hui compris entre 25 et 35% sans
compter les embryons congelés.
Bien sûr les coûts sont différents : la FIV coûte 4
à 7 fois plus cher qu'une IIU. Toutefois le coût de la FIV sera
réduit si l'on tient compte d'une efficacité double et d'un moindre
coût des soins donnés aux enfants nés de grossesses multiples.
Le calcul n'a jamais été fait, et ne tient pas compte du coût
social et psychologique.
En définitive, je crois que le choix en faveur de la FIV peut se faire
dans 3 circonstances :
1) d'emblée dans les hypofertilités masculines (très net
avantage de la FIV) et dans l'endométriose (mauvais score de l'IIU) ou
encore chez les femmes de plus de 39 ans (mauvais score de l'IIU).
2) Après 3 cycles d'IIU dans les stérilités cervicales
ou inexpliquées ou dans les PCO (cette dernière indication peut
aussi se discuter si la patiente a présenté une HSO).
3) En cours de stimulation pour IIU (n'importe quel cycle) ne pas hésiter
à passer en FIV s'il y a plus de 4 follicules de > 15 mm ou > 1500
pcg d'E2 plutôt que de perdre le bénéfice de la stimulation
ou de prendre le risque d'une grossesse multiple.
Le couple doit, bien entendu, être informé dès le début
de cette possible stratégie et donner son consentement.
Je propose ainsi l'algorythme suivant :
REFERENCES
1)
JN HUGUES, H. BRY-GAVILLARD et coll. Inseminations intra-uterines : faut-il
stimuler l'ovulation ? Réalités en gynécologie-obstétrique
2000, 49, 24-27.
2) The ESHRE Capri Workshop Group. Optimal use of infertility diagnostic tests
and treatments. Hum-Reprod, 2000, 15, 723-732.
3) J. BELAISCH ALLART, JM MAYENGA. Controverse pour ou contre l'IIA . Reprod.
Hum. Horm. 2000, 13, 491-6.
4) D.S. GUZICK, S.A. CARSON et coll. Efficacy of super-ovulation and IUI in
the treatment of infertilities. New Engl. J. Med. 1999, 340, 177-183.
5) N. GLEICHER, D.M. OLESKE et coll. Reducing the risk of High order multiple
pregnancy after ovarian stimulation with gonadotropins. New Engl. J. Med 2000,
343, 1-7.
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