Que faire et ne pas faire devant un
retard pubertaire ?
S. CHRISTIN-MAITRE
Le retard pubertaire se définit chez
la fille, par une absence de développement mammaire avant l'âge de 13
ans et chez le garçon par une absence d'augmentation de volume testiculaire
avant l'âge de 14 ans. Le retard pubertaire est plus fréquent chez le
garçon que chez la fille. La principale difficulté est de distinguer un
retard pubertaire simple d'un hypogonadisme vrai. En effet, la difficulté est
de savoir s'il est nécessaire de débuter un traitement ou d'attendre la
survenue de la puberté spontanée. Les étiologies peuvent schématiquement
se diviser en 4 : le retard pubertaire simple, l'hypogonadisme fonctionnel, l'hypogonadisme
hypogonadotrophique et l'hypogonadisme hypergonadotrophique. Dans le cadre de l'hypogonadisme
fonctionnel se situent les troubles de la sélection alimentaire mais aussi
les retards pubertaires dus à une maladie aigüe ou chronique sous-jacente.
Le diagnostic de retard pubertaire simple est un diagnostic d'élimination
Que faire devant un retard pubertaire ?
1 - Ne pas trop attendre pour débuter
les explorations. En effet, l'âge du début de puberté avance au fil
des années. L'âge de la ménarche était en moyenne à 16
ans au début du siècle, il est actuellement à 13 ans. Les explorations
doivent donc être menées dès 12 ans chez la fille et dès 13
ans chez le garçon.
2 - Il est nécessaire de
doser FSH et LH avec l'estradiol ou la testostérone. Le test à la LHRH
peut être utile mais n'est pas nécessaire. Il ne permet pas de distinguer
une atteinte hypothalamique d'une atteinte hypophysaire de manière fiable.
Plusieurs tests ont été établis pour distinguer un retard pubertaire
simple d'un hypogonadisme hypogonadotrophique. La pulsatilité nocturne de
la LH, en particulier lors de l'endormissement est utile mais difficile à réaliser
en pratique. Aucun test ne possède une valeur prédictive parfaite. Parmi
ces tests, les injections aigues d'agonistes de la GnRH et la réponse sur le
LH et la FSH peuvent être étudiées.
3 - Dans le bilan l'âge
osseux est très utile pour évaluer le décalage avec l'âge chronologique.
4 - L'interrogatoire est crucial
sur les antécédents familiaux. Dans les retards simples, il existe souvent
un contexte familial de retard pubertaire. D'autre part, dans les hypogonadismes
hypogonadotrophiques vrais, les frères et sœurs peuvent être atteints.
5 - Il est nécessaire de
demander d'emblée si le ou la patiente sent bien les odeurs. Une hyposmie ou
une anosmie va orienter d'emblée vers le diagnostic de syndrome de Kallmann
de Morsier.
6 - Devant une petite taille
chez la fille, il est nécessaire de penser au syndrome de Turner. Un caryotype
doit donc être réalisé. En effet, les formes mosaïques de syndrome
de Turner ne sont pas toujours diagnostiquées à la naissance ou dans l'enfance.
Une prise en charge est nécessaire pour le bilan cardiovasculaire, rénal.
7 - Devant un hypogonadisme hypogonadotrophique,
un bilan antéhypophysaire doit être réalisé : les dosages de
prolactine et de T4 libre doivent être réalisés. Une IRM sera faite
en cas d'anomalie des dosages.
8 - En cas d'IRM normale, le
diagnostic retenu est celui d'hypogonadisme hypogonadotrophique. Ces dernières
années, des progrès ont été réalisés dans les étiologies
potentielles. Il est actuellement nécessaire de distinguer les syndromes de
Kallmann liés à l'X dont le gène KAL1 est connu depuis 1993. Ce gène
code pour une protéine appelée anosmine qui joue un rôle important
dans la migration des neurones. Dans la forme de syndrome de Kallmann à transmission
autosomique dominante, le gène KAL2 a été identifié en avril
2003. Il code pour le récepteur du FGF ou FGFR1. Dans les formes d'HHypo lié
à des autosomes, un autre acteur est le gène du récepteur de la GnRH
(Gonadotropin Releasing Hormone). Il a été incriminé pour la première
fois en 1997. Depuis la description initiale, de nombreuses mutations inactivatrices
du gène codant pour le récepteur de la GnRH ont été identifées.
Très récemment, au cours de l'été 2003 des mutations du gène
GPR54 (G coupled Protein receptor) ont été identifées, pour la première
fois par le groupe de N de Roux. Depuis, l'équipe de WF Crowley a publié
deux autres mutations de GPR54. Ce récepteur fait partie de la famille des
récepteurs couplés aux protéines G. Il possède comme ligand
le peptide Kisspeptine. Le rôle de ce peptide et de son récepteur sont
en cours d'évaluation. Ces quelques cas de patients porteurs d'hypogonadisme
hypogonadotrophique permettent de mieux comprendre les facteurs impliqués dans
la mise en place de l'axe gonadotrope. Dans la prise en charge de ces patients,
une analyse génétique doit toujours être proposée afin de mieux
connaître les facteurs impliqués dans la régulation de l'axe gonadotrope.
9 - Chez les filles, dans le
bilan d'un retard pubertaire, il est nécessaire de distinguer au sein des retards
pubertaires, les retards avec développement mammaire et absence de règles.
Dans ces cas, une sécrétion estrogénique a eu lieu puisque le développement
mammaire est présent. Un test aux progestatifs est utile pour apprécier
s'il existe encore une sécrétion d'estrogènes. Ce test peut être
plus fiable qu'un dosage d'estradiol. De plus, une échographie pelvienne est
fort utile pour authentifier la présence d'un utérus. Le syndrome de Rokitanski,
même s'il est très rare doit être éliminé.
10 - Ne pas attendre avant de
traiter.
Ne pas faire devant un retard pubertaire
1 - Rassurer systématiquement les parents
et attendre avant de faire des investigations. 576 S.
CHRISTIN-MAITRE QUE
FAIRE ET NE PAS FAIRE DEVANT UN RETARD PUBERTAIRE
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