Chapitre 2
puberté et début de la fertilité
CH. SULTAN
Les observations anatomiques, histologiques et échographiques
ont clairement démontré que, pendant l'enfance,
l'ovaire n'était jamais au repos : les processus dynamiques
intra-ovariens de maturation / atrésie des follicules se
poursuivent certes à un rythme ralenti. La croissance folliculaire
est continue mais asynchrone.
Avec PETERS, on reconnaît néanmoins
2 étapes distinctes dans l'activité de l'ovaire
pré-pubère :
- l'ovaire en début de développement
qui contient
de petits follicules
quelques follicules pré-antraux
quelques follicules antraux de diamètre
inférieur à 0.5 mm
- l'ovaire en phase de développement
(à partir de 6-7 ans) au sein duquel on reconnaît
des follicules pré-antraux
des follicules antraux qui augmentent en volume
et en nombre
Ainsi, pendant l'enfance, la croissance de l'ovaire
(taille + poids) résulte de 3 processus distincts (2) :
- l'accumulation dans le stroma de résidus
atrétiques
- la transformation de cellules thécales
en stroma
- l'augmentation de volume des follicules antraux
avant leur atrésie
u En début de puberté, l'augmentation
des taux de FSH provoque la formation de recepteurs pour FSH dans
les cellules de la granulosa ainsi que la synthèse d'aromatase,
enzyme nécessaire à la biosynthèse d'estrogènes.
Sous l'influence des estrogènes et de FSH, les cellules
de la thèque et du stroma ovarien développent des
récepteurs pour LH. L'élévation des taux
de LH induit pour sa part la biosynthèse d'androgènes
par le stroma et la thèque interne qui seront aromatisés
en estrogènes par les cellules de la granulosa. Dans les
follicules pré-ovulatoires, les cellules de la thèque
comme celles de la granulosa synthétisent des récepteurs
à LH permettant à la granulosa de produire la progesterone.
Au démarrage de la puberté (P1-P2),
on observe une augmentation significative de développement
des follicules. Les premiers signes d'imprégnation estrogéniques
se manifestent par la présence de cellules superficielles
sur le frottis vaginal (tombé en disgrâce) mais surtout
par la sécrétion de glaire cervicale.
A mi-puberté (P2-P3), la croissance ovarienne
s'accélère : avant la ménarche, les
ovaires mesurent en moyenne 3 cm de long, 2 cm de large et 1 cm
d'épaisseur.
L'apparition des premières règles (stade
P4) ne représente qu'une étape de la lente maturation
de l'axe hypothalamo-hypophyso-ovarien ; elle ne signe pas
l'accomplissement de la maturité endocrinienne : elle
est, au plus, l'indication d'un degré de stimulation de
l'endomètre et suggère que les taux d'estradiol
est supérieur à 50 pg.ml.
L'image échographique de l'ovaire devient
alors théoriquement moins hétérogène
avec le développement d'un follicule dominant.
L'analyse précise des données échographiques
à cette période montre, en réalité,
qu'il existe 3 tableaux différents :
- ovaire de petit volume, contenant quelques
zones kystiques
- ovaire multifolliculaire, de volume subnormal
- ovaire multikystique (4 kystes de diamètre >
10 mm), augmenté de volume, contenant de nombreux follicules
dans le cortex assorti d'un épaississement du stroma.
u Lors de la ménarche, les ovaires
ont atteint leur taille définitive : ils mesurent
4cm de long, 3 cm de large et 1 cm d'épaisseur. Ils contiennent
environ 400 000 follicules dont 400 arriveront à l'ovulation
tandis que les autres sont condamnés à la dégénérescence
(atrésie). A cette période, plusieurs follicules
évoluent vers des stades antraux avancés: aussi,
les kystes fonctionnels de l'ovaire sont ils présents à
cette période.
La maturation du potentiel ovulatoire est un processus
qui s'étend sur plusieurs années. L'étude
des profils hormonaux (Tableau 1) a en effet montré que
les premiers cycles étaient irréguliers et anovulatoires
pendant plusieurs mois. Dès la deuxième année
qui suit la ménarche, alternent des cycles réguliers
et des phases de dysovulations provoquées par des pics
de FSH et LH de faible amplitude, souvent irréguliers et
suivis du corps jaune insuffisant.
Plusieurs études ont montré que la
longueur des cycles diminuait progressivement de 51jours à
32 jours du 13ème au 18ème cycle, pour se stabiliser
à 30 jours au 19ème24ème cycle (7).
Une enquête de l'OMS (6) révèle
que 19% des adolescentes présentent des cycles réguliers
dans les 3 mois qui suivent la ménarche, et 52% dans les
six premiers mois.
Il faut préciser qu'un cycle irrégulier
ne traduit pas pour autant une anovulation : dans cette étude
de l'OMS, 37% des adolescentes ont une ovulation en dépit
de spanioménorrhée.
Le cycle ovulatoire traduit, pour sa part, le mise
en place du retro-controle négatif exercé sur la
sécrétion de FSH par les estrogènes et la
progestérone à la fin du cyle précèdent.
L'intégrité du développement folliculaire
repose sur l'interaction des cellules de la thèque avec
celles de la granulosa. Cette interaction est le résultat
de l'intégration de la sécrétion des gonadotrophines
et de l'action locale de facteurs ovariens.
Le déroulement des cycles menstruels de l'adolescente,
comme le développement de l'ovaire en période pubertaire
impose un profil de sécrétion de FSH et LH, de fréquence
et d'amplitude bien définies. Il s'inscrit dans un phénomène
de maturation et d'intégration de signaux caractéristiques
de la puberté.
Les spanioménorrhées représentent
le trouble d'installation des règles le plus fréquent
chez l'adolescente (3) : sa persistance au-delà des
2-3 années qui suivent la ménarche impose une prise
en charge clinique, échographique et thérapeutique.
50% des cycles irréguliers sont associés en effet
àà des ovaires multifolliculaires ou polykystiques :
l'élévation simultanée de la pulsatilité
de la LH plasmatique et des androgènes ovariens pose le
problème d'une anomalie spécifique de la maturation
pubertaire (5). L'étude longitudinale montre que seule
25% des adolescentes vont développer un cycle régulier
(4) et une normalisation de la fréquence et de la l'amplitude
des pulses de LH plasmatique.
u L'activation du générateur
de pulses de LHRH représente l'élément essentiel
du déclenchement de la puberté qui s'inscrit dans
un processus de maturation sexuelle continue qui s'achève,
pour la fille, par l'acquisition de cycles ovulatoires.
Trois mécanismes différents peuvent
être à l'origine du déclenchement de la puberté (1) :
1/ la disparition d'un signal inhibiteur prépubertaire
2/ l'apparition ou augmentation d'activité
d'un signal stimulateur
3/ une modification d'un même signal qui d'inhibiteur
en pré-puberté deviendrait activateur en début
de puberté.
Parmi les nombreux facteurs (stéroïdes,
neurotransmetteurs, peptides) agissant sur l'activité du
générateur de pulses de GnRH, on peut considérer
les substances inhibitrices, les substances activatrices, et les
substances à effet inhibiteur ou stimulateur selon les
conditions (Tableau 2).
Parmi celles-ci, le glutamate, chef de file des acides
aminés dits excitateurs et son récepteur de type
NMDA (N.méthyl-D.-Aspartate) sont particulièrement
intéressants. En effet, le glutamate exerce, via son récepteur
NMDA, un effet activateur de la sécrétion de GnRH
chez l'animal adulte ou castré et un effet inhibiteur chez
l'animal immature. Le début de la puberté serait
lié à la diminution importante du composant inhibiteur.
Ce générateur est prêt à fonctionner
très tôt dans la vie : dès l'âge
de 67 ans, la sécrétion de LH apparaît
à l'endormissement. Ultérieurement, c'est l'augmentation
du nombre de pulses de LH et de leuramplitude qui caractérisent
l'initiation de la puberté. Ce phénomène
est capital pour le développement de l'ovaire et le déroulement
normal des cycles de l'adolescente.
Tableau 1Ê: Sécrétion
des gonadotropines et des stéroïdes sexuels
chez la fille normale en fonction de l'âge
| enfance | pubarche
| stades pubertaires | ménarche
|
| |
| 1 | 2,0 |
3-4 | |
FSH (mU/ml) | 1,3
| 1,3 | 1,6 | 2,0
| 3,1 | 3,5 |
LH (mU/ml) | 0,6
| 0,9 | 0,9 | 0,9
| 1,8 | 2,4 |
Prolactine (ng/ml) |
5 | 6 | 6 | 7
| 7 | 9 |
Estrone (pg/ml) | 9
| 15 | 16 | 25
| 36 | 55 |
Estradiol (pg/ml) | 7
| 10 | 15 | 23
| 49 | 90 |
Progesterone (ng/ml) |
Ind | Ind | Ind |
0,15 | 0,06 |
>5 |
S-DHA (ng/ml) | 60
| 130 | 350 | 350
| 420 | 1200 |
Tableau 2 : Neuromodulateurs de
l'activité du générateur
de pulses de GnRH
inhibiteurs | inhibiteurs/stimulateurs
| stimulateur |
| |
glucocorticoïdes
| P4 | histamine
| | |
mélatonine | E2
| PGE2 | |
|
SRIF | T
| | bombesine
| |
VIP | DA
| | galanine
| |
CRF | NE
| | endothéline
| |
ACTH (1-24) | a MSH
| | E
| |
PRL | 5HT
| | insuline
| |
OXY | GABA
| | neurotensine
| |
AVP | glutamate
| | EGF
| |
ANF | substance P
| | TGF a
| |
PAF | peptides opiacés
| | |
|
| neuropeptide Y
| | |
|
| angiotensine II
| | |
|
| IL-1
| | |
|
| IGF-1
| | | |
BIBLIOGRAPHIE
1. BOURGUIGNON JP, GÉRARD A, ALVAREZ
GONZALEZ ML, FRANCHIMONT P, Neuroendocrine mechanism of onset
of puberty : sequential reduction in activity of inhibitory
and facilitatory N-Methyl-D-Aspartate receptors. J. Clin.
Invest. 1992, 90 : 1736-1744
2. SULTAN CH, Développement et maturation
de l'appareil génital féminin : de la conception
à la période pré-pubertaire. Rev. Int.
Ped.1988, n°178, 7-9
3. SULTAN CH, Troubles de l'installation des
règles chez l'adolescente. Euromédecine 1994,
Montpellier.
4. VENTUROLI S, PARADISI R, PORCU E. PALLOTTI
G, FABBRI R, GAMMI L. et al, Postmenarchal evolution of endocrine
pattern and ovarian aspects in adolescents with menstrual irregularities.
Fertil. Steril. 1987, 48 : 78-85
5. VENTUROLI S, PORCU E, FABBRI R, PARADISI
R, GAMMI L, PASSARINI M, ORSINI L.F. and FLAMIGNI, Ovarian multifollicularity
high LH and androgen plasma levels, and anovulation are frequent
and strongly linked in adolescent irregular cycles. Acta Endocrinol.
1986, 11 : 368
6. WHO Task Force on Adolescent Reproductive
Health : WHO multicenter study on menstrual and ovulatory
patterns in adolescents girls, I. A multicenter cross-sectional
study of menarche. J. Adolesc. Health Care 1986, 7 :
229-35
7. WHO Task Force on Adolescent Reproductive
Health : WHO multicenter study on menstrual and ovulatory
patterns in adolescents girls, II. Longitudinal study of menstrual
patterns in the early postmenarchal period, duration of bleeding
episodes and menstrual cycles. J. Adolesc. Health Care
1986, 7 : 236-244
Charles SULTAN
Endocrinologie et Gynécologie Pédiatrique, Service
de Pédiatrie 1, Hôpital Arnaud de Villeneuve, Unité
de Biochimie Endocrinienne du Développement et de la Reproduction
et Centre de Recherche INSERM, Lapeyronie
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995
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