Les nouveaux traitements du diabète
: quand les utiliser ?
S. CHRISTIN-MAITRE*
Depuis quelques années de nouveaux
traitements du diabète sont disponibles afin de faciliter la prise en
charge des patients diabétiques et d'améliorer leur taux moyen d'hémoglobine
glycosylée (HbA1C). En effet, ce taux, reflet de la moyenne de la glycémie
des trois derniers mois, doit idéalement se situer en dessous de 7 % voire
6,5 % chez une femme diabétique qui souhaite une grossesse. Plusieurs grandes
études épidémiologiques, en particulier l'étude DCCT (Diabetes
Control and Complications Trial) [1] et UKPDS (UK Prospective Diabetes Study ) [2]
ont montré autant dans le diabète de type 1 que dans le diabète de
type 2, que l'objectif thérapeutique afin d'éviter les complications du
diabète est un taux d'HbA1C inférieur à 7 %. Parmi les différents
traitements, il est nécessaire de distinguer les traitements par insuline
et les nouveaux types de traitements oraux. Il faut souligner que la distinction
entre le diabète insulino-dépendant et le diabète non insulino-dépendant
ne doit plus être retenue. En effet, la majorité des patients qui présentent
un diabète anciennement appelé non insulino-dépendant, sont placés
sous traitement par insuline, à un stade de leur vie. Parmi les différents
types de diabète, la majorité (90 %) est représentée par les
diabètes de type 2. Ce type de diabète survient classiquement chez un
sujet de plus de 50 ans, avec un poids de naissance d'un enfant supérieur à
4 kilogrammes, des antécédents familiaux de diabète et une surcharge
pondérale. Il atteint 5 à 7 % de la population française.
Les traitements par insuline
Les traitements par insuline disponibles à
l'heure actuelle utilisent uniquement des insulines recombinantes humaines. Les
insulines d'origine animale ont été toutes retirées du marché
depuis quelques années. L'insulinothérapie est bien sûr utilisée
chez les patients diabétiques de type 1 mais aussi chez les patients diabétiques
de type 2 chez qui l'association des traitements oraux ne permet plus d'obtenir
une normoglycémie. Trois principales avancées sont survenues ces dernières
années dans le cadre des traitements discontinus par insuline. Les traitements
par pompe à insuline externe qui représentent une avancée chez certains
patients diabétiques de type 1 ne seront pas traités dans ce chapitre.
La première avancée dans
le traitement par insuline injectable, qui date de quelques années, est l'obtention
de systèmes d'injection grâce à des stylos injecteurs, qui permettent
d'administrer de l'insuline de 1 unité par 1 unité. Ces stylos sont plus
maniables que les systèmes utilisant les seringues, ou les flacons. La fiabilité
de ces systèmes d'injection est bonne. De plus, il n'est pas nécessaire
de garder le stylo en cours d'utilisation, au réfrigérateur. Seule la
réserve de stylos doit être conservée dans le réfrigérateur.
Il existe d'autre part des mélanges tout préparés d'insuline semi-lente
(12 heures) et d'insuline rapide.
La deuxième avancée est l'obtention
de nouvelles insulines, dites « ultra-rapides » qui sont des analogues
de l'insuline. Une de ces deux insulines se nomme insuline Asp [3] ou Novorapid®
du laboratoire Novo. Dans cet analogue, l'acide aminé proline de la chaîne
B de l'insuline en 28 est remplacé par de l'acide aspartique. Le deuxième
type d'analogue est l'insuline Lys Pro ou deux acides aminés de la chaîne
B, en C terminal, ont été intervertis [4]. Cette insuline nommée
Humalog® est commercialisée par le laboratoire Lilly. Ces modifications
induisent une absorption plus rapide. Ces analogues ne s'agrégent pas car ils
ne forment pas d'héxamères sous la peau. Ils sont ainsi absorbés
plus rapidement. L'intérêt de ce type d'insuline est ainsi sa cinétique.
Son délai d'action est très court, inférieur à 10 minutes, avec
un pic à 1 heure. Il est donc possible d'injecter les analogues de l'insuline
très peu de temps avant un repas, voire même à la fin du repas. Il
n'est ainsi plus nécessaire de respecter un délai de 15 à 20 minutes
entre l'injection d'insuline et la prise alimentaire. De plus, la durée d'action
est de 2 heures environ et non 4 à 6, comme l'insuline ordinaire classique,
ce qui permet d'éviter les hypoglycémies en fin de matinée ou dans
la nuit. La cinétique des deux types d'analogues est très proche. Ces
insulines ultrarapides sont disponibles sous forme de stylo injectables soit seules
soit associées à de l'insuline semi-lente, dans des mélanges fixes
de 25,30 ou 50 % d'insuline ultrarapide. Il est à noter que pour l'instant
ce type d'insuline ne possède pas d'AMM chez la femme enceinte. Cette restriction
est dommage car le déséquilibre des glycémies lors de la grossesse,
surtout en cas de diabète gestationnel concerne les glycémies postprandiales.
Quelques petites séries de patientes sous analogues pendant la grossesse ont
été rapportées sans incident particulier. Une étude multicentrique
européenne randomisée plus large vient de se terminer et n'a pas montré
d'effets indésirables des analogues au moment de l'embryogénèse.
Elle n'est pas encore publiée.
La troisième avancée date
de 2003. Un nouveau type d'analogue de l'insuline est disponible en France. Il s'agit
d'une insuline lente, d'une durée de 20 à 24 heures, appelée glargine.
Il en existe un deuxième type appelé détimir qui n'est pas encore
disponible. La glargine ou Lantus® [5] est commercialisée par le laboratoire
Aventis. Elle est une insuline dont la séquence en acides aminés a été
modifiée. Elle résulte d'une part de la substitution d'un acide aminé
de la chaîne A de l'insuline et d'autre part de l'ajout d'une extension en
C terminal de la chaîne B. Elle est disponible soit sous forme de cartouche
dans un système de stylo non jetable, soit dans un système de stylo jetable.
Il est à noter que l'insuline glargine est en solution limpide, à pH acide.
Il n'est plus nécessaire d'agiter les stylos, contrairement aux stylos ou cartouches
d'insuline semi-lente qui doivent être remises en suspension, avant chaque
utilisation. Ce type d'insuline est injecté dans une solution acide. Il existe
une précipitation dans le tissu sous-cutané, à pH de 7,4. Ainsi,
il existe une lente dissolution des héxamères à partir du dépôt
de glargine précipitée. Le principe est d'obtenir un débit constant
de base sur les 24 heures, cette insuline est « plate ». Ce schéma
d'insuline est appelé schéma de type basal-bolus. Ce type de traitement
doit donc être associé à des injections d'insuline rapide ou ultrarapide
à chaque repas, soit un total de quatre injections par jour. L'avancée
de ce type de traitement, malgré le nombre d'injections est d'obtenir une souplesse
dans les horaires de repas. Avec les anciens schémas d'insulinothérapie,
il était nécessaire de faire les injections de matin et du soir à
environ 12 heures d'intervalle. Les heures de repas devaient donc être respectées.
Avec le schéma utilisant de la glargine, une omission de repas peut même
être réalisée, avec omission de l'insuline rapide correspondant à
ce repas, sans risque majeur d'hypoglycémie. Avec la glargine, les études
cliniques montrent que le taux de glycémie à jeûn est plus bas que
sous traitement par injections semi-lentes. D'autre part, les études comparatives
montrent un taux d'hypoglycémies nocturnes diminué. Le taux d'HbA1C n'est
pas différent mais la tolérance de ce type de traitement est supérieure
aux schémas utilisant deux injections quotidiennes d'insuline semi-lente avec
de l'insuline rapide. Dans le diabète de type 2, il est possible d'ajouter
une injection quotidienne d'insuline glargine et de garder la prise des traitements
oraux. Ce type de traitement a été comparé au schéma d'insulinothérapie
de type bed-time classique qui consiste à ajouter une injection d'insuline
semi-lente de type NPH le soir au coucher chez un patient qui prend des traitements
oraux pendant la journée. Le but de ce type de traitement est d'obtenir une
glycémie à jeûn le matin inférieure à 1,2 g/l. Avec l'insuline
glargine, l'objectif est obtenu et le taux d'hypoglycémies est plus faible
qu'avec le traitement classique utilisant la NPH.
Les traitements oraux
Les traitements oraux du diabète sont utilisés
chez les patients diabétiques de type 2. Il existe deux modes d'action principaux
de ces traitements : l'augmentation de l'insulinosécrétion et la diminution
de l'insulinorésistance. Chez beaucoup de patients il est nécessaire d'associer
ces deux classes thérapeutiques, afin d'obtenir un taux d'HbA1C inférieur
à 7% [6]. Parmi les traitements oraux du diabète, il existe depuis quelques
années, de nouvelles classes en dehors des traitements classiques par sulfamides
et biguanides. Les nouvelles classes sont :
1) la classe des glinides
qui comprend le Novonorm®,
2) la classe des inhibiteurs
de glucosidases ou Glucor® et
3) la classe des glitazones
qui comprend deux molécules disponibles en France, la pioglitazone ou Actos®
et la rosiglitazone ou Avandia ®.
Les glinides sont des traitements d'une
classe assimilée aux sulfamides [7]. Ils sont insulinosécréteurs
et agissent surtout sur la glycémie postprandiale. Ils sont disponibles à
la dose de 0,5, 1 et 2 mg, sous le nom commercial de Novonorm®. Ils ne sont
pas contre-indiqués en cas d'insuffisance rénale.
Les inhibiteurs des glucosidases ou
acarbose ont pour but d'inhiber l'action des enzymes intestinaux responsables de
la section des glucides. Ainsi, les glucides ne sont pas absorbés. L'efficacité
de ce type de traitement est modérée et doit rester un traitement d'appoint.
Un des effets secondaires principaux est la survenue de gaz intestinaux, suite à
la non-absorption des glucides et la prolifération microbiennes. Leur action
est limitée.
Les glitazones sont des agonistes des
PPAR_, récepteurs nucléaires localisés dans le tissu adipeux [8].
Elles ont comme action principale de diminuer l'insulinorésistance. Ces récepteurs
sont des « Peroxisome Proliferator Activated Receptors » de type _, contrairement
aux récepteurs de type PPARa situés au niveau du foie. Ils agissent en
induisant la différenciation des cellules adipeuses. Elles transforment les
préadipocytes en petits adipocytes insulino-sensibles et induisent l'apoptose
des gros adipocytes insulino-résistants. Il existe sous traitement des modifications
de sécrétion des adiponectines, hormones impliquées dans l'insulinorésistance.
Leur principale indication est donc un diabète avec une insulinorésistance.
Ces molécules ne pouvaient être prescrites que sur une ordonnance d'exception,
dans le cadre d'une association médicamenteuse et lors d'une intolérance
aux biguanides. Depuis octobre 2004, elles peuvent être prescrites seules,
sans ordonnance d'exception, si la metformine n'est pas bien tolérée selon
l'AMM. Ces traitements se prennent en une prise unique. En France, contrairement
aux États-Unis et à d'autres pays d'Europe, ils ne peuvent être associés
à de l'insuline. L'efficacité de ce type de traitement ne peut être
jugée qu'après au moins trois mois de traitement. Ils permettent une diminution
moyenne de 1% du taux d'HbA1C par rapport au traitement placebo. Sous glitazones,
il faut prévenir le patient qu'il existe une prise de poids de 3 à 5 kilogrammes
avec une modification de la répartition des graisses. Cette prise de poids
survient dès les premiers mois de traitement. Il existe une diminution de l'insulinorésistance
malgré l'augmentation de poids. Une des principales contre-indications des
glitazones est l'insuffisance cardiaque. En effet, il existe une rétention
possible sous traitement avec de rares cas de décompensation d'une insuffisance
cardiaque. Une étude récente, l'étude TRIPOD a même montré
une diminution de la survenue d'un diabète chez des sujets hispano-américains
présentant un risque élevé de diabète (plus de 60 % à
5 ans) [9]. Un traitement par troglitazone à la dose de 400 mg par jour diminue
le taux de diabète sur une durée de 3 ans. La troglitazone a cependant
été retirée du marché suite à des cas d'hépatites
sévères. Sous rosiglitazone et pioglitazone, des cas sévères
d'hépatite n'ont pas été rapportés. Ces molécules ont de
plus un effet sur le taux d'acides gras libres et donc de triglycérides. Elles
modifient peu le taux de HDL cholestérol. Leur effet à long terme sur
le risque cardiovasculaire est en cours d'étude. Des études in vitro
suggèrent des effets protecteurs sur le plan cardiovasculaire.
Parmi les avancées dans les traitements
hypoglycémiants oraux, plusieurs compagnies pharmaceutiques ont essayé
d'améliorer la prise des traitements en mettant au point des traitements avec
une prise unique par 24 heures, et non 3 prises par jour. Dans quelques semaines,
des associations sulfamide-biguanide au sein d'un même comprimé vont être
disponibles en France, sous le nom de Glucovance®, qui associe le glibenclamide
et la metformine. De plus, des associations fixes comprenant des glitazones et de
la metformine sont disponibles depuis quelques semaines, en France. Cette association
est appelée Avandamet®.
Le problème du diabète de
type 2 est un problème de plus en plus fréquent, même chez les femmes
jeunes. Ainsi, lorsqu'une patiente diabétique souhaite une grossesse, cette
grossesse doit être programmée, afin de vérifier que le taux d'HbA1C
est inférieur à 6,5%. Lorsque ce taux est obtenu, le feu vert peut être
donné. En cas de diabète de type 2, un relais par injections discontinues
d'insuline est souhaitable même si quelques études ont rapporté des
grossesses suivies sous hypoglycémiants oraux, à type de sulfamides. La
metformine est une molécule prescrite largement pour induire des grossesses
chez des patientes avec un syndrome des ovaires polykystiques. Certains auteurs
préconisent même une prise de metformine tout au long de la grossesse
chez ces patientes pour diminuer le risque de fausse couche et le risque de diabète
gestationnel. Il n'existe pas à ce jour d'AMM pour ce type de molécule
et aucune étude large de pharmacovigilance n'a été publiée à
ce jour avec ce type de traitement.
Conclusion
Les nouveautés dans le traitement du diabète
de type 1 ou du diabète de type 2 nécessitant une insulinothérapie
sont essentiellement les analogues de l'insuline rapides et les analogues lents.
Pour les traitements oraux chez les patients diabétiques de type 2, la nouvelle
classe des glitazones représente une avancée importante par son action
sur l'insulinorésistance. Cette classe ne doit cependant être utilisée
chez les femmes avec syndrome des ovaires polykystiques désirant une grossesse
à cause d'un risque tératogène en théorie élevé.
D'autres nouveaux types de traitements
sont en cours d'évaluation dans le diabète, comme le GLP1 (glucagon-like
peptide 1) ou le GLP2 qui sont des molécules susceptibles d'augmenter l'insulinosécrétion.
Ces peptides sont secrétés par les cellules endocrines intestinales en
réponse à l'ingestion alimentaire. De plus, l'administration de l'insuline
par voie nasale est en train de se perfectionner. Il est nécessaire de rappeler
que la diététique et l'activité physique doivent toujours faire partie
de la prise en charge des patients diabétiques. En effet, la perte de poids
doit être un objectif constant chez les patients diabétiques de type 2.
Bibliographie
[1] DCCT : Retinopathy and nephropathy
in patients with type 1 diabetes four years after a trial of intensive therapy.
The Diabetes Control and Complications Trial/Epidemiology of diabetes Interventions
and complications research group. N Engl J Med, 2000. 342: p. 381-9.
[2] Turner, R, Cull
CA, Frighi V, Holman RR : Glycemic control with diet, sulfonylurea, metformin, or
insulin in patients with type 2 diabetes mellitus : progressive requirement for
multiple therapies UK prospective Diabetes Study group. JAMA, 1999. 281: p. 2005-12.
[3] Reynolds, N, Wagstaff
AJ : Insulin aspart: a review of its use in the management of type 1 or 2 diabetes
mellitus. Drugs, 2004. 64: p. 1987-74.
[4] Koivisto V : The
human insulin analogue insulin lispro. Ann Med, 1998. 30: p. 260-6.
[5] Wang, F, carabino
JM, Vergara CM : Insulin glargine: a systematic review of a long-actin insulin.
Clin Ther, 2003. 25: p. 1541-77.
[6] Strategies for
care of the type 2 diabetic patient excluding care of complications. Recommandations
of ANAES. Diabetes Metab, 2000. 26: p. 10-96.
[7] Proks, P, Reimann
F, Green N, Gribble F, Ashcroft F : Sulfonylurea stimulation of insulin secretion.
Diabetes, 2002. 51: p. 368.
[8] Yki-Jarvinen H
: Thiazolidinediones. N Engl J Med, 2004. 351: p. 1106-18.
[9] Snitker, S, Watanabe
RM, Ani I, Xiang AH, Marroquin A, Ochoa C, Goico J, Shuldiner AR, Buchanan TA :
Changes in insulin sensitivity in response to troglitazone do not differ between
subjects with and without the common, functional Pro12Ala peroxisome proliferator-activated
receptor-gamma2 gene variant: results from the troglitazone in prevention of diabetes
(TRIPOD) study. Diabetes Care, 2004. 27: p. 1365-8.
* Service d'endocrinologie
Hôpital Saint-Antoine, Université Paris VI, Paris.
LES NOUVEAUX TRAITEMENTS
DU DIABèTE : QUAND LES UTILISER ? 335
336 S.
CHRISTIN-MAITRE LES
NOUVEAUX TRAITEMENTS DU DIABèTE : QUAND LES
UTILISER ? 337
338 S.
CHRISTIN-MAITRE LES
NOUVEAUX TRAITEMENTS DU DIABèTE : QUAND LES
UTILISER ? 339 |