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Titre: Métrorragies prépubertaires et métrorragies pubertaires
Année: 2004
Auteurs:
Spécialité: Gynécologie
Theme: Adolescence

Métrorragies prépubertaires
et métrorragies pubertaires

J.-E. TOUBLANC

Dans la pathologie gynécologique de l'enfance et de l'adolescence, la puberté marque une frontière qui modifie l'appréhension d'une pathologie : avant l'âge de celle-ci, toute hémorragie même minime entraîne une situation de stress et une prise en charge immédiate. Alors qu'après celle-ci, en dehors d'hémorragies cataclysmiques lors de la ménarche, ce n'est que devant la répétition des saignements que la jeune fille est amenée en consultation. Alors dans l'urgence, il convient de faire à la fois le bilan des répercussions du saignement, la recherche de la cause et la mise en route d'une thérapeutique la plus polyvalente possible car le diagnostic étiologique n'est pas toujours réalisable en urgence.

Les métrorragies prépubertaires

Clinique

Ce sont des saignements anormaux du fait de leur âge de survenue, est exclue l'hémorragie contemporaine de la crise génitale néonatale, mais une hémorragie génitale apparaissant isolée sans contexte clinique ou comme le premier élément d'une puberté précoce évolutive ou d'une maladie générale. La survenue à cet âge est pathologique et impose donc un examen gynécologique car il permet de faire le diagnostic dans plus des trois quarts des cas et d'en rechercher la cause (9).

Aspect clinique

Il convient d'apprécier l'importance variable des saignements, tachant les sous-vêtements (spotting) ou les couches chez l'enfant plus jeune ou véritable hémorragie. Le saignement peut être d'origine vulvaire habituellement spotting : vulvite entraînant un prurit féroce, qui explique les lésions de grattage, les plaies des petites lèvres, les enfants à peau noire ont volontiers un prolapsus de l'urètre.

Si l'hémorragie est plus abondante et sort de la cavité vaginale, on pensera avant tout aux corps étrangers entraînant une forte réaction inflammatoire sans infection : il s'agit de sang pur soit s'il y a une surinfection associée, mêlant pus et sang dans un écoulement d'odeur nauséabonde. Le corps étranger (CE) ne peut être retrouvé autrement que par l'examen gynécologique car souvent il n'est pas radio-opaque ni échogène. Il s'agit le plus souvent de petits jouets en plastique, de capuchon de stylo ou de fragments de papier ou de couches etc... Néanmoins une vulvo-vaginite sans CE peut entraîner le même type d'écoulement sanieux (9).

Les tumeurs loco-régionales sont les autres grandes causes toujours à redouter surtout dans le jeune âge (5). De façon simple, on peut dire que les tumeurs malignes vont saigner souvent et les tumeurs bénignes très rarement. Ainsi comme cela apparaît dans la littérature, les tumeurs malignes : (rhabdomyosarcome botryoïde et embryonnaire) et tumeurs du sinus endodermique (ou du sac vitellin) surviennent bien avant l'âge de la puberté. Les sarcomes botryoïdes peuvent se manifester par un spotting rouge vif sur les couches chez l'enfant très jeune (<3ans). Le diagnostic est délicat : car ces tumeurs sont peu détectables par le TR, la cytologie vaginale ou même l'échographie, l'examen gynécologique révèle une tumeur développée, au départ, sous la paroi vaginale antérieure qui peut avoir plusieurs aspects : petit polype, masse hémorragique sombre ou tumeur charnue en grappe de raisin qui peut, parfois, s'extérioriser à la vulve. Le diagnostic doit être fait le plus précoce possible, car le pronostic est redoutable dans les formes avancées. Les tumeurs issues du sac vitellin surviennent encore plus tôt (<1 an), elles sont dures et perçues au TR, elles sécrètent de l'alphafœtoprotéine. Très exceptionnellement, une tumeur peut naître de reliquats méso-néphrotiques chez l'enfant très jeune (5), de même les adénocarcinomes à cellules claires peuvent arriver avant la puberté, elles se voient en majorité après la puberté ou à l'adolescence (5, 9).

L'examen gynécologique est négatif, il n'y a pas de cause locale, mais l'hémorragie génitale n'est pas isolée, elle s'accompagne de signes de précocité sexuelle. Cependant des hémorragies génitales peuvent demeurer isolées un certain temps, habituellement moins d'un an. Il est évident que l'hyperestrogénie retentit aussi sur la croissance et la maturation osseuse par une avance de maturation, à côté des signes sexuels : développement mammaire et stimulation vulvaire.

Il convient d'en préciser la cause de cette précocité :

1 - point de départ ovarien : tumeurs, ou syndromes d'activation gonadiques : kystes fonctionnels ou autonomie ovarienne par syndrome de Mc Cune-Albright, il existe des liens entre ces 2 entités (6) ;

2 - c'est exceptionnellement qu'une puberté précoce vraie débute par une hémorragie. Les pubertés précoces centrales (PPC) vraies reproduisent le schéma habituel d'une puberté normale. Donc la séquence : hémorragie puis développement mammaire correspond pour 90 % des cas à une tumeur endocrine. À côté de l'examen gynécologique, l'échographie précisera les caractéristiques de l'ovaire : tumeur kystique (kyste fonctionnel ou syndrome de Mc Cune-Albright), tumeur solide volumineuse maligne, tumeur en nid d'abeille de la granulosa et ovaire d'aspect pubère normal, avant l'heure, d'une puberté précoce centrale. La biologie montrera l'hyperstrogénie liée à une activité ovarienne primitive, la présence de marqueurs tumoraux dans les tumeurs ovariennes enfin la réaction hypothalamo-pituitaire dans les PPC. Le traitement variera en fonction de l'étiologie.

Dans quelques cas, les signes associés peuvent évoquer une hypothyroïdie sévère avec premature thelarche, l'hémorragie génitale peut être importante avec retentissement grave sur l'état général (4). La biologie montre une TSH hyper secrétée, une T4L effondrée avec une PRL et une FSH modérément augmentées et une LH impubère. La présence de kystes ovariens pose le problème d'une mutation des récepteurs ovariens aux gonadotrophines qui deviennent sensibles à la TSH. Ceci survient surtout dans des hypothyroïdies auto-immunes depuis la mise en place du dépistage néonatal (4).

L'examen gynécologique est négatif, il n'y a pas de cause locale, ni de signes cliniques associés ; l'hémorragie génitale est isolée.

Le diagnostic reste en suspend, la période d'observation doit durer au moins un an car le saignement peut se reproduire à intervalles variables. Lors de chaque épisode, on recherchera des signes d'activité ovarienne : intumescence mammaire et modifications échographiques. Ces pubertés précoces régressives peuvent s'interrompre habituellement après un temps variable. Dans d'autre cas, l'épisode reste unique. Les causes ne sont pas univoques : infection, fragilité muqueuse, intoxication médicamenteuse ou autres etc..., Mais, toutes ces étiologies sont aussi difficiles à démontrer (9).

Les métrorragies pubertaires

Clinique

Ce sont des saignements anormaux soit par leur abondance, leur fréquence ou leur durée et elles peuvent s'intégrer à minima dans les cycles courts (<21 jours). Habituellement, ce sont des événements survenant lors de la première année suivant les premières règles. On peut distinguer plusieurs tableaux de gravité (2) :

- L'adolescente est pâle et fatiguée, car l'évolution dure sur plusieurs mois par des règles abondantes et prolongées.

- L'adolescente est livide et l'état général particulièrement altéré par une hémorragie cataclysmique sans tendance à l'arrêt survenant dès les 3 premiers cycles. Elle entraîne une anémie aiguë, hémoglobine< 8 g/dl nécessitant une prise en charge rapide.

Des prélèvements sont faits d'emblée pour rechercher à la fois une cause et mesurer le retentissement de l'hémorragie. Ils doivent comporter en débrouillage : Numération formule sanguine: (hémoglobine, plaquettes), ferritine et fer sérique, TCA (temps de céphaline activé), TQ (temps de Quick) et cofacteurs (V,VII+X, II), Temps de thrombine, Fibrinogène.

Étiologie des métrorragies

L'étiologie doit éliminer une cause anatomique exceptionnelle : tumeur maligne du tractus génital, tumeurs de l'ovaire sécrétant, infection génitale, complication hémorragique d'une grossesse de l'adolescente (b___ hCG au moindre doute).

Habituellement, dans 80 % on ne retrouve aucune cause. Les métrorragies sont fonctionnelles du fait de l'absence d'ovulation donc elles sont liées à l'absence de progestérone avec hyperestrogénie relative. L'absence d'une séquence endocrine normale ne permet pas une hémostase de la muqueuse. La durée de cette immaturité peut persister près de 5 ans (2, 7, 8).

Il existe une cause hématologique dans 13 % ou une maladie générale à un stade avancé hépatique ou rénale qui recouvre <10 % des cas (2). Certaines séries (1) ont une proportion plus importante de troubles hématologiques 20 % des cas dont 50 % des formes débutant à la ménarche, 33 % des formes nécessitant une transfusion et 25 % de ceux qui ont une hémoglobine inférieure à 10 g/dL auraient une anomalie de ce type (1).

Les anomalies de l'hémostase sont de 2 types.

Les maladies constitutionnelles : déficit en facteur de la coagulation dont les principales sont la maladie de Willebrand, le déficit en facteur XI et la thrombasthénie de Glanzmann plus rarement, X, V, VII. (Le déficit de ces facteurs pouvant aussi être liés à une insuffisance hépatique ou rénale, Cf. infra).

Les affections acquises dominées par les thrombopénies : elles-mêmes idiopathiques, médicamenteuses (patientes suivies en Oncologie), ou hémopathiques (leucémies).

Diagnostic

Pour la maladie de Willebrand l'occasion de la reconnaître peut avoir eu lieu antérieurement lors de saignements ou d'interventions ou du fait d'une histoire familiale informative, bien souvent cette hémorragie est l'occasion d'en faire le diagnostic. Il faut savoir qu'en l'absence de forme sévère, ce diagnostic peut être difficile à porter car les examens de débrouillage de la coagulation sont normaux (3) (tableau 1).

Mais en raison de la très grande fréquence de l'affection, c'est avant tout le premier déficit à envisager (10), sans contexte ethnique particulier. Certains recommandent le dosage systématique de l'activité du facteur vW en présence d'une hémorragie eu égard à une fréquence touchant 1 % de la population (10).

Il faut donc demander une évaluation des facteurs de v. Willebrand, de l'activité antigénique et de coagulation du F VIII. Une activité du cofacteur de la Ristocétine, voire une étude en biologie moléculaire, qui permet de caractériser les sous-groupes de la maladie. Celle-ci n'est pas habituellement réalisable en urgence et n'est capitale que pour l'utilisation thérapeutique ultérieure du DDAVP. (Tableau n°2). Le dosage fonctionnel des autres facteurs précisera les différents déficits. L'ethnicité de l'anomalie du déficit en facteur XI est assez spécifique des populations juives Ashkénazes, expliquée par une fréquence élevée du gène de l'ordre de 5 % chez eux (3).

Le traitement

Dans tous les cas il faudra réconforter et rassurer la jeune fille (7). À la sortie de la phase aiguë, il faudra reconstituer son capital martial par prescription de sels de fer (2, 7).

Le traitement est exceptionnellement chirurgical : dilatation et curetage (7, 8), l'hystérectomie est réservée à des cas extrêmes où la fonction de reproduction n'est plus envisageable (8).

L'abord du traitement médical peut être schématisé en fonction du taux d'hémoglobine (2).

• Taux d'hémoglobine >11 g/dl un seul progestatif suffit : Luteran®, 2 comprimés du 16 e au 25 e jour du cycle pendant 6 mois à 1 an.

• Taux d'hémoglobine <11 g/dl, mais >8 g/dl : prescription d'une pilule estroprogestative normo dosée Stédiril®, qui sera maintenue au moins 6 mois à un an.

• Dans les formes graves, taux d'hémoglobine <8 g/dl. Une action sur la cause est souhaitable en collaboration avec les hématologistes, si elle est possible.

• Nous présentons ici le schéma thérapeutique en usage à Paris (2), sachant qu'il existe des variantes prenant en compte d'autres limites pour le taux d'hémoglobine décisionnel (<10Gg/dL) (7, 8).

• Les méthodes générales sont semblables pour toutes les étiologies, mais ces traitements ne peuvent se faire qu'en l'absence de contre-indications aux estrogènes. Assurer une hémostase grâce aux estrogènes puis aux progestatifs à forte dose.

Depuis peu, il n'est plus possible d'utiliser le traitement utilisant une ampoule de Prémarin® 20 mg IV et non IM, à renouveler 4 heures plus tard au besoin. Le traitement ne peut plus être donné que par comprimé œstroprogestatif contenant 50 μg d'EE2 (Stédiril®) donné 4 fois par jour puis 3 fois par jour jusqu'à arrêt de l'hémorragie. L'adjonction d'antiémétique est nécessaire pour améliorer la tolérance digestive.

• Le relais étant pris par le même produit à la dose d'un comprimé en continu 3 semaines/4 soit par un norstéroïde (Primolut Nor®), 10 à 15 mg/jour selon le même schéma.

• Les formes hyper sévères n'auront pas d'interruption mensuelles et donc le traitement sera donné en continu.

• En un autre schéma est proposé aux Etats-Unis sous forme d'une pilule, dosée pour l'EE2 à 30-35 μg, 4 fois /jour 4 jours, puis 3 fois /jour 4 jours, puis 2 fois par jour enfin 1 fois par jour jusqu'à la fin de 2 plaquettes (7). Ici aussi, un apport de médication antiémétique est nécessaire en cas d'intolérance au traitement.

• L'enfant sera contrôlée quasi quotidiennement jusqu'à arrêt du saignement (8).

• Les prises en charge spécifiques.

• Le type 1 de la maladie de von Willebrand (vW) répond à la Desmopressine (Minirin®), Les autres formes ne peuvent être améliorées que par des fractions enrichies en facteur vW, tableau N°2. Cette thérapeutique spécifique n'est pas toujours nécessaire. Le déficit en facteur XI se traite aussi par perfusion de facteur spécifique, la maladie de Glanzmann par des transfusions de plaquettes fraîches. Toutes ces préparations de fractions exposent à des risques viraux connus qui peuvent êtres prévenus, mais ils ne sont pas tous recensés à l'heure actuelle.

• Les petits moyens sont aussi à connaître : acide tranéxamique (Spotof Gé ou Exacyl®), l'acide epsilon-amino-caproïque est recommandé pour les purpuras thrombopéniques et le déficit en facteur XI (3). Mais l'hémocaprol n'est plus disponible en France. Les inhibiteurs des prostaglandines modifient l'équilibre entre le thromboxane et la prostacycline et peuvent ainsi diminuer de 20 à 50 % le flux hémorragique. Ils sont volontiers prescrits aux Etats Unis (7).

Conclusion

Les hémorragies génitales prépubères sont toujours pathologiques, le plus souvent une cause locale de gravité très variable est présente, mais c'est aussi un mode de révélation de puberté précoce.

La majorité des hémorragies génitales pubères sont liées à une immaturité de l'axe hypothalamo-hypophyso-ovarien, elles sont limitées dans le temps. Les formes secondaires à une diathèse hémorragique sont volontiers en rapport avec une maladie de von Willebrand, s'exprimant dans les formes modérées par des métrorragies isolées, les autres formes de la maladie étant exceptionnelles. Les déficits en autres facteurs de coagulation l'étant aussi. La compliance au traitement à long terme est souvent problématique de même la prise en charge hématologique de la période de la grossesse et l'accouchement.

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Tableau 1 : Principaux marqueurs hématologiques dans les diathèses hémorragiques
(TS = temps de saignement, TCA = temps de céphaline activée, TQ = temps de Quick,
TT = temps de thrombine)
.

Déficits constitutionnels   Num. plaquettes   TS   TCA   TQ   TT

Maladies de von Willebrand

˙N

    
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˙(sauf 2B)

˙N/± ¤

˙N/± ¤

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˙F X ou F V ou F II

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˙F VIII

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˙F XI

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˙Anomalies du fibrinogène

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