Myomectomie
par voie vaginale
A.
AGOSTINI, F. BRETELLE, B. MAIGA, L. CRAVELLO, V. ROGER, B. BLANC
Les
auteurs présentent une étude rétrospective sur une série
de 72 patientes ayant bénéficié d'une myomectomie par voie
vaginale après culdotomie à l'hôpital de la Conception de
Marseille entre 1992 et 2000. La myomectomie dont la technique est décrite,
a été réalisée par voie vaginale exclusive ou assistée
par une coelioscopie. La moyenne de la durée opératoire était
de 94 mn. Le poids moyen des pièces opératoires était de
207 g. Dix patientes ont dû bénéficier d'une laparo-conversion
dont 2 en raison de l'inaccessibilité par voie vaginale. Les suites opératoires
immédiates et à moyen terme ont été simples dans
la majorité des cas. La myomectomie par voie vaginale chez des patientes
sélectionnées apparait comme une alternative intéressante
à la chirurgie abdominale ou coelioscopique.
Vaginal
myomectomy
The
authors present a retrospective study of 72 patients who have benefited from
vaginal myomectomy after culdotomy in the Conception hospital in Marseille between
1992 and 2000. The myomectomy whom technic is described, was performed unically
through the vagina or laparoscopically assisted. The mean operating time was
94 mn. The myoma mean weight was 207 g. Ten patients experience an abdominal
surgery, twice because of a vaginal inaccessness. The immediate and mean-term
post-operative period was uncomplicated in most cases. For screened patients,
vaginal myomectomy appears as an interesting alternative to abdominal or laparoscopic
surgery.
INTRODUCTION
Les myomectomies par voie vaginale, initialement décrites par Amussat
en 1842 sont réservées à de rares indications chez des
patientes sélectionnées. Nous donnons ici les résultats
d'une série de 72 patientes opérées selon cette technique.
L'évaluation de la technique n'est plus à faire, elle s'inspire
de celle décrite par laparotomie avec les avantages de la chirurgie par
voie vaginale. C'est une technique fiable et reproductible pour des équipes
entraînées à la chirurgie par voie vaginale.
MATERIEL
ET METHODES
Matériel
Notre
étude rétrospective porte sur 72 patientes ayant bénéficié
d'une myomectomie utérine par voie vaginale après culdotomie entre
1992 et 2000. L'âge moyen des patientes était de 42,4 ans, les
extrêmes de 24 ans et 54 ans. Six patientes (8,3%) étaient ménopausées
lors de l'intervention. La parité moyenne était de 1,3. Dix patientes
étaient nullipares. L'indice de masse corporelle moyen était de
22,5 soit dans la "normalité". En outre, 42,2% des patientes
avaient antérieurement été laparotomisées, 30,8%
avaient un antécédent d'appendicite opérée et 11,5%
avaient bénéficié d'une coelioscopie d'indication gynécologique.
42% des patientes ont consulté pour des troubles hémorragiques,
46,1% des patientes pour des algies pelviennes, une dysménorrhée
ou une dyspareunie et 11,5% des patientes pour une symptomatologie urinaire.
Chez 4 patientes asymptomatiques l'indication d'une intervention conservatrice
a été retenue ; il s'agissait des deux patientes présentant
les plus volumineux fibromes de la série (120 et 121 mm de diamètre
en échographie) et, de deux patientes ménopausées sous
traitement hormonal substitutif qui présentaient un fibrome ayant augmenté
de volume. Sept patientes avaient bénéficié antérieurement
et sans succès sur leur symptomatologie, d'un traitement par progestatif
(6 cas) ou par analogues de la LHRH (1 cas).
Le diagnostic radiologique a été assuré dans la majorité
des cas (96,1%) par une échographie pelvienne notamment par voie vaginale,
complétée par un examen tomodensitométrique ( 1cas) ou
par un examen en résonance magnétique nucléaire ; cette
exploration est proposée de plus en plus souvent car elle permet un bilan
topographique exact. Il s'agissait le plus souvent (76%) d'un myome unique dont
le diamètre moyen était de 68,5mm avec des extrêmes de 16
mm et 121 mm. En échographie, 57,7% des myomes étaient isthmo-corporéaux
et 42,3% fundiques. La plupart des myomes avait une localisation postérieure
(69,2%) ou latérale pure (23,1%), plus rarement celle-ci était
antérieure (7,7%). Enfin dans 34,6% des cas il s'agissait d'un myome
sous séreux et dans 65,4% d'un myome interstitiel.
Description
de la procédure chirurgicale.
La
patiente est installée en position gynécologique avecun léger
Trendelenbourg. L'antisepsie est réalisée et les champs sont mis
en place afin de permettre un abord abdominal et périnéal.
Le temps coelioscopique. Dans cette série, la majorité
des patientes a bénéficié d'une coelioscopie diagnostique
préalable (73,1%) toujours par open-coelioscopie et, dans 20 % des cas,
selon une technique sans gaz avec suspenseur de paroi (laparolift) (1,2). L'utilisation
de ce dispositif permet une exploration de la cavité pelvienne et une
ouverture du cul-de-sac de Douglas sans fuite de gaz. La coelioscopie représente
le premier temps de l'intervention ; les trocards peuvent si besoin, être
laissés en place pendant le temps périnéal jusqu'en fin
d'intervention. Ce temps permet la réalisation d'un bilan lésionnel
pelvi-abdominal et d'un bilan de faisabilité. En outre, dans 8 cas la
coelioscopie nous a permis de contrôler la réalisation du geste
périnéal, de positionner le myome près de la culdotomie
afin d'en faciliter l'exérèse par voie vaginale ou de vérifier
la qualité de la suture et des hémostases en fin d'intervention.
Le temps périnéal. La patiente est installée en
position de la taille. L'exposition est assurée par des valves vaginales
de Schauta et Mangiagalli et par une pince de Museux en traction sur le col.
dans la majorité des cas il s'agit de myomes postérieures, latéraux
ou fundiques.
L'abord se fait donc en règle générale par une culdotomie
postérieure, réalisée au bistouri froid et aux ciseaux
en arrière de la lèvre cervicale postérieure. Le myome
repéré est alors exposé dans le cul-de-sac de Douglas au
travers de la culdotomie par une pince de Museux en traction voire "Coelio-positionné"
si besoin. Une injection par voie intra-veineuse d'un ocytocique quelques minutes
avant l'hystérectomie permet de diminuer de manière substantielle
les pertes sanguines per-opératoires (3). L'hystérotomie est réalisée
de façon chirurgicale dans la cavité vaginale en évitant
dans la mesure du possible une effraction de la cavité utérine.
Le traitement se déroule alors simplement par énucléation
ou par réduction progressive de la masse qui est amoindrie au bistouri
à lame froide ou aux ciseaux après incision du myome en quartier
d'orange. Les hémostases et l'hystérorraphie sont effectuées
en deux ou trois plans avec du fil résorbable serti. L'abord par une
culdotomie antérieure avec dissection de la cloison vésico-utérine
et abord du cul-de-sac vésico-utérin est plus délicat.
Il est réservé aux rares cas de myomes antérieurs accessibles
par cette technique. Dans tous les cas, après péritonisation par
un sujet au fil résorbable, la culdotomie est de la même façon
suturée. Un méchage vaginal et une sonde urinaire sont mis en
place en fin d'intervention.
Une nouvelle coelioscopie peut être réalisée afin de vérifier
la qualité du geste effectué et, un drain peut être mis
en place par un des orifices de trocarts sus-pubiens.
RESULTATS
La durée opératoire a été de 94mm avec des extrêmes
de 30 mn et 215 mn. La durée moyenne du temps coelioscopique a été
de 29,6 mn, celle du temps périnéal de 66,9 mn avec des extrêmes
de 15mn et 185 mn. Dans les cas de chirurgie "coelio-assistée"
la durée moyenne du temps coelioscopique a été de 33,5
mn. Dans 10 cas (11,5%) une laparo-conversion a été nécessaire.
La durée moyenne de la laparotomie a été de 46,7 mn.
Le poids moyen des myomes a été de 207 gr avec des extrêmes
de 36 g et 740 g. Il s'agissait dans 8 cas (9 %) d'une polymyomectomie et, dans
tous les cas de leïomyomes bénins.
Nous avons eu à déplorer deux complications per-opératoires
(2,8%). Une patiente a présenté lors du temps périnéal
une hémorragie importante ayant nécessité une transfusion
en période post-opératoire. Il s'agissait d'un myome extrait par
voie vaginale, pesant 740 g et associé à des foyers d'adénomyose.
La deuxième complication fut une plaie sigmoïdienne survenue et
décelée lors du temps périnéal qui a nécessité
une laparo-conversion. En outre, deux autres patientes ont du bénéficier
d'une laparo-conversion. Dans ces deux cas l'accès au myome fut impossible
par voie vaginale, malgré une clio-assistance. Il s'agissait de
myomes volumineux (450 g et 700 g) chez des patientes multipares sans antécédents
chirurgicaux particuliers.
Les suites opératoires immédiates ont été simples
dans la majorité des cas. La durée moyenne d'hospitalisation a
été de 6,6 jours avec des extrêmes de 5 jours et 12 jours.
Une patiente a présenté un syndrome fébrile lié
à une infection urinaire et, rapidement régressif sous antibiothérapie.
Deux patiente ont présenté au premier jour une hémorragie
extériorisée modérée qui a cédé grâce
à un tamponnement vaginal. Deux hystérectomies ont été
réalisées en post-opératoire. Une hémorragie sévère
à J1 et une autre pour un abcès utérin à J5.
Enfin, toutes les patientes ont été revues à moyen terme
avec un résultat fonctionnel satisfaisant.
DISCUSSION
Les fibromes utérins se développent chez plus d'une femme sur
deux et sont généralement asymptomatiques. Ils sont cependant
à l'origine d'une symptomatologie parfois invalidante. Un traitement
médical par des progestatifs ou des analogues de la LHRH suffit le plus
souvent pour amender les symptômes ou passer le cap de la péri-ménopause.
Dans les autres cas, l'hystérectomie par voie abdominale ou vaginale
reste une alternative sûre et validée.
La myomectomie peut être proposée après éhec d'un
traitement médical bien conduit, à des patientes symptomatiques
désirant conserver leur utérus ou préserver leur potentiel
reproductif sans augmenter le risque opératoire comparé à
l'hystérectomie (4). Elle laisse pour les femmes en période d'activité
génitale plus de 50 % de chances d'obtenir une conception ultérieure
(5). La myomectomie par laparotomie reste la technique de référence.
D'autres techniques par voie coelioscopique pure (6,7) ou par mini-laparotomie
coelio-assistée (8) sont en cours de validation. Les études montrent
un bénéfice de la coelioscopie par rapport à la laparotomie
pour la réduction de la durée d'hospitalisation, la qualité
de la convalescence et la taille des cicatrices (9, 10). Toutefois, l'intérêt
de l'exérèse de petits fibromes et les risques engendrés
par l'exérèse de tumeurs intra-murales plus volumineuses sur les
grossesses ultérieures demandent à être précisées
(11). Dans notre série, dont l'âge moyen était de 42,4 ans,
une patiente a présenté une grossesse après l'intervention
dont le déroulement a été normal et l'accouchement par
les voies naturelles. Le bénéfice de la chirrugie vaginale chez
de futures parturientes demande cependant à être évalué.
Nous avons ainsi développé en alternative à la laparotomie
et à la coelioscopie opératoire, une approche par voie vaginale
pure des myomectomies. Notre étude montre qu'il s'agit d'une alternative
réaliste à la chirurgie abdominale ou clioscopique. Les
myomectomies par voie basses après culdotomie font l'objet de très
peu de publications récentes (12,13). Elles sont réservées
à de rares indications et représentent dans notre service 16 %
des myomectomies réalisées durant la période d'étude.
Elles nécessitent un bilan préopératoire clinique, échographique
de qualité, et par résonnance magnétique afin de sélectionner
les patientes susceptibles de bénéficier d'une chirurgie par voie
basse. Celle-ci ne doit pas être proposée en présence d'un
utérus polyfibromateux, lorsque les localisations multiples nécessitent
plusieurs hystérotomies dont le contrôle et les sutures peuvent
s'avérer hasardeux par cette voie. L'I.R.M. semble de ce fait être
l'exploration paraclinique la plus pertinente pour poser la bonne indication.La
myomectomie vaginale après culdotomie est volontiers réalisée
en cas de fibrome postérieur interstitiel ou pédiculé.
Elle peut être faite par voie vaginale exclusive ou, de préférence
sous contrôle clioscopique. La clioscopie sans gaz apparaît
alors intéressante en permettant de plus une "clio-assistance".Chez
les patientes ménopausées les myomes utérins relevant de
la chirurgie sont classiquement traités par une hystérectomie.
Nous développons dans le service une attiude plus conservatrice dans
des indications ciblées. C'est le cas des fibromes sous-muqueux traités
par hystéroscopie opératoire (14). Ce fut le cas dans une série
préliminaire pour deux patientes traitées par voie vaginale. Il
ne s'agit pas selon nous d'une attitude à généraliser,
mais à discuter cas par cas avec la patiente (15).
Les complications que nous avons eu à déplorer apparaissent essentiellement
dues à un défaut d'appréciation préopératoire
ou per-clioscopique de la faisabilité. Cette technique permet l'exérèse
de myomes volumineux (diamètre moyen: 65 mm, poids moyen : 207 g) sans
augmenter significativement par rapport à d'autre technique la durée
opératoire, les pertes sanguines ou la durée d'hospitalisation.
Les suites chirurgicales sont simples et, le résultat fonctionnel satisfaisant
à moyen terme.
CONCLUSION
La myomectomie par voie vaginale chez des patientes sélectionnées,
apparaît comme une alternative séduisante à la myomectomie
par laparotomie. Sans alourdir les risques opératoires, elle offre les
avantages de la chirurgie par voie vaginale. C'est une technique fiable et reproductible
pour des équipes entraînées à la chirurgie vaginale.
Mots
clés
Fibrome utérin - Myomectomie - Coelioscopie - Chirurgie vaginale
Key
words
Uterus
myoma - Myomectomy - Laparoscopy - Vaginal surgery
REFERENCES
1.
D'Ercole C., Cravello L., RogE P., Guyon F., Boubli L., Blanc B.
La chirurgie clioscopique sans insufflation en gynécologie.
Contracept. Fertil. Sex., 1996, 24,10, 723-726.
2.
D'Ercole C., Cravello L., Guyon F., De Montgolfier R., Boubli L., Blanc B.
Gasless laparoscopic gynecologic surgery.
Europ. J. Obstet. & Gynecol. & Reprod. Biol., 1996, 66, 137-139.
3.
Robichez B., Paniel J.B., Botto J.N., Poitout P.
Myomectomies.
Encycl. Med Chir. (Paris France). Techniques Chirurgicales.
Urologie-Gynécologie, 41660, 7, 1987, 12p.
4.
Iverson R.E. Jr, Chelmow D., Strohbehn K., Waldman L., Evantash E.G.
Relative morbidity of abdominal hysterectomy and myomectomy for management of
uterine
leiomyomas.
Obstet. Gynecol., 1996, 88, 3, 415-419.
5.
Verkauf B.S.
Changing trends in treatment of leiomyomata uteri.
Curr. Opin. Obstet. Gynecol., 1993 Jun, 5, 3, 301-310.
6.
Barau G., Larue L., Rizk K., Bertault D.
Les myomectomies par clioscopie. A propos de 23 cas.
Contracept. Fertil. Sex., 1993, 21, 145-48.
7.
Darai E., Deval B., Darles C., Benifla J.L., Guglielmina J.N., Madelenat P.
Myomectomie: clioscopie ou laparotomie ?
Contracept. Fertil. Sex., 1996, 24, 10, 751-756.
8.
Nezhat C., Nezhat F., Bess O., Nezhat C.H., Masshiach R.
Laparoscopically assisted myomectomy: a report of a new technique in 57 cases.
Int. J. Menopausal Stud., 1994 Jan-Feb, 39, 1, 39-44.
9.
Nezhat C., Nezhat F., Silfen S.L., Schaffer N., Evans D.
Laparoscopie myomectomy.
F. Fertil. 1991, 36, 275-280.
10.
Mais V., Ajossa S., Guerriero S., Mascia M., Solla E., Melis G.B.
Laparoscopic versus abdominal myomectomy : a prospective randomized trial to
evaluate benefits in early outcome.
Am. J. Obstet. Gynecol., 1995, 174, 654-657.
11.
Chabanne F. Wallez J.C., Lansac J.
Décider d'une césarienne après myomectomie par voie coelioscopique
?
Contracept. Fertil. Sex. 1997, 25, 10, 753-756.
12.
Magos A.L., Bournas N., Sinha R., Richardson R.E., O'Connor H.
Vaginal myomectomy.
Br. J. Obstet. Gynaecol., 1994, 101, 12, 1092-1094.
13.
Wyrzykiewicz T.
Myomectomy through the vagina-- routine treatment or still a rarity ?
Ginekol. Pol., 1992, 63, 3, 142-146.
14.
Cravelo L;, De Montgolfier R., D'Ercole C., Boubli L., Blanc B.
Hysteroscopic surgery in postmenopausal women.
Acta. Obstet. Gynecol. Scand., 1996, 75, 563-566.
15.
Bessenay F., Cravello L., Roger V., Cohen D., Blanc B.
Myomectomie par voie vaginale.
Contracept. Fertil. Sex, 1998, 26-5, 448-451.
|