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Titre: Prééclampsie et antioxydants
Année: 2001
Auteurs: - Brichant J.-F.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Prééclampsie

Prééclampsie et antioxydants

J.F. Brichant

Service Universitaire d'Anesthésie-Réanimation, CHR de la Citadelle, CHU de Liège, 4000 Liège, Belgique

La prééclampsie est une maladie gravidique relativement fréquente, dangereuse et imprévisible apparaissant au cours de la seconde moitié de la grossesse, durant le travail ou en postpartum immédiat. Elle associe hypertension, protéinurie et/ou œdème. L'étiologie n'en a pas été clairement établie à ce jour. Parmi les mécanismes physiopathologiques potentiellement responsables de cette affection, on cite fréquemment des troubles immunitaires, une activation de la coagulation, des modifications de la réactivité vasculaire et diverses autres atteintes organiques. Ces altérations semblent trouver leur origine dans une anomalie de la placentation et dans des modifications importantes et diffuses de l'endothélium des vaisseaux maternels. Cependant, les données actuelles de la littérature suggèrent qu'une prééclampsie n'apparaîtra qu'en présence d'une combinaison de facteurs maternels et rétroplacentaires [1-3]. Parmi ces facteurs, les espèces activées de l'oxygène semblent jouer un rôle déterminant.
La prééclampsie serait associé à une augmentation du taux des prooxydants et de la lipoperoxydation ainsi qu'à un déficit de la protection par les antioxydants [1, 4-7]. Ceci conduit, dans le compartiment maternel, à un stress oxydatif, c'est-à-dire à un déséquilibre entre les prooxydants et les antioxydants en faveur des premiers. Le stress oxydatif présent chez la mère interfère avec le placenta, réduit la protection offerte par les enzymes antioxydants placentaires et y initie une cascade d'événements délétères, comme la perte du contrôle de la peroxydation lipidique, un accroissement de la production de thromboxane et de TNF-. L'augmentation de la peroxydation lipidique et de la production de TNF- active les leucocytes lors de leur passage dans la chambre intervilleuse. Ces leucocytes activés libèrent des médiateurs, responsables d'une augmentation du stress oxydatif et d'une dysfonction endothéliale dans l'organisme maternel.
Lors de la croissance rapide du placenta au cours du 3ème trimestre, la capacité antioxydante de la mère ne peut plus compenser l'augmentation du stress oxydatif d'origine placentaire et les signes cliniques de la prééclampsie apparaissent. Les radicaux oxydants ou leurs métabolites interfèrent avec diverses fonctions protectrices de l'endothélium vasculaire : vasodiliatation, fonction de barrière, activité anti-aggrégante.
De nombreuses études cherchent à évaluer l'intérêt des thérapeutiques antioxydantes dans le traitement et/ou la prévention de la prééclampsie. Le rétablissement d'une balance adéquate entre la production d'agents prooxydants et la protection offerte par les antioxydants pourrait permettre de limiter les phénomènes physiopathologiques associés à la prééclampsie et améliorer le pronostic des patientes souffrant de cette affection.
Il importe toutefois de bien connaître le métabolisme de l'oxygène et des espèces oxygénées activées ainsi que les mécanismes physiopathologiques de la prééclampsie avant de traiter ces patientes à l'aide d'antioxydants. Les antioxydants ne sont pas le paradis universel ni les prooxydants l'enfer éternel. De plus, certaines substances peuvent avoir un effet protecteur (antioxydant) dans certains systèmes et un effet délétère (prooxydant) dans d'autres circonstances. Par exemple, la vitamine C et les dérivés hydrosolubles de la vitamine E ont été démontrés avoir, in vitro, une activité à la fois pro- et antioxydante [1, 8].
L'efficacité de l'administration d'antioxydants pour le traitement ou la prévention de la prééclampsie sont controversés. Dans une première étude, des suppléments de vitamine E ont été administrés à des femmes prééclamptiques sans que ne soit observé un effet bénéfique sur l'évolution de la grossesse [9]. Une autre étude a cherché à déterminer l'efficacité thérapeutique des antioxydants dans des cas de prééclamspie sévère et précoce. Dans cette étude randomisée et contrôlée, des femmes souffrant de prééclampsie sévère entre 24 et 32 semaines de gestation ont reçu un traitement combinant de la vitamine E (800 UI/j), de la vitamine C (1000 mg/j) et de l'allopurinol (200 mg/j). Si ce traitement était bien toléré, il n'a pas permis de modifier significativement la durée de la grossesse ni la peroxidation lipidique. A l'opposé, l'uricémie était diminuée et les taux sériques de vitamine E augmentés [10]. Enfin, dans une étude récente randomisée et contrôlée, on a administré à des femmes présentant un risque élevé de prééclampsie des suppléments de vitamine C (1000 mg/j et E (400 UI/j) ou un placebo et observé l'évolution de la grossesse ainsi que de divers marqueurs de la réactivité vasculaire endothéliale et de l'insuffisance placentaire. L'administration de suppléments de vitamine C et E a entraîné une baisse significative du rapport PAI 1/PAI 2 et une baisse du nombre de prééclampsies (8 % vs 17 %) [11].
En résumé, il peut paraître intellectuellement séduisant de prévenir l'apparition d'une prééclampsie ou de traiter les femmes atteintes de cette maladie par l'administration d'antioxydants. Il semble cependant prudent de différer l'utilisation de ces substances en clinique courante jusqu'à ce que 1) le stress oxydatif ait été clairement démontré au cours de la prééclampsie, 2) les antioxydants adéquats soient déterminés et 3) que des études cliniques suffisamment larges aient démontré l'efficacité thérapeutique et/ou préventive des antioxydants ainsi que l'absence d'effet délétère associé à ces substances, tant chez la mère que pour le produit de la conception.

Références

  1. Walsh SW. "Maternal-placental interactions of oxidative stress and antioxidants in preeclampsia". Semin Reprod Endocrinol 1998, 16 : 93-104
  2. Hubel CA. "Dyslipidemia, iron, and oxidative stress in preeclampsia : assessment of maternal and feto-placental interactions". Semin Reprod Endocrinol 1998, 16 : 75-92
  3. Walker JJ. Antioxidants and inflammatory cell response in preeclampsia. Semin Reprod Endocrinol 1998, 16 : 47-55
  4. Morris JM, Gopaul NK, Enderesen MJ, Knight M, Linton EA, Dhir S, Anggard EE, Redman CW. "Circulating markers of oxidative stress are raised in normal pregnancy and pre-eclampsia". Br J Obstet Gynecol 1998, 105 : 1195-1199
  5. Mutlu-Turkoglu U, Ademoglu E, Ibrahimoglu L, Aykac-Toker G, Uysal M. "Imbalance between lipid peroxidation and antioxidant status in preeclampsia". Gynecol Obstet Invest 1998, 46 : 37-40
  6. Shaarawy M, Aref A, Salem ME, Sheiba M. "Radical-scavenging antioxidants in pre-eclampsia and eclampsia". Int J Gynaecol Obstet 1998, 60 : 123-128
  7. Poranen AK, Eklad U, Uotila P, Ahotupa M. "Lipid peroxidation and antioxidants in normal and pre-eclampsia pregnancies". Placenta 1996, 17 : 401-405
  8. Song JH, Shin SH, Ross GM. "Prooxidant effects of ascorbate in rat brain slices". J Neurosci Res 1999, 58 : 328-336
  9. Stratta P, Canavese C, Procu N et al. "Vitamin E supplementation in preeclampsia". Gynecol Obstet Invest 1994, 37 : 246-249
  10. Akyol D, Mungan T, Gorkemli H, Nuhoglu G. "Maternal levels of vitamin E in normal preeclamptic pregnancy". Arch Gynecol Obstet 2000, 263 : 151-155
  11. Chappell LC, Seed PT, Briley AL, Kelly FJ, Lee R, Hunt BJ, Parnar K, Bewley SJ, Shennan AH, Steer PJ, Poston L. "Effect of antioxidants on the occurrence of pre-eclampsia in women at increased risk : a randomised trial". Lancet 1999, 4 : 810-806