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Titre: Vieillissement de l'ovocyte : mythe ou réalité
Année: 1995
Auteurs: - Plachot M.
Spécialité: Infertilité
Theme: Vieillissement de l'ovocyte

Chapitre 3

vieillissement de l'ovocyte : mythe ou réalité

M. PLACHOT

introduction

S'il est possible de répondre à cette question aujourd'hui c'est grâce au développement de la fécondation in vitro (FIV) qui permet d'analyser les ovocytes recueillis environ 36 heures après l'injection d'hCG, c'est à dire au moment présumé de l'ovulation. Les informations disponibles concernent donc des ovocytes provenant d'ovaires stimulés et il serait dangereux d'extrapoler les résultats aux ovocytes ovulés lors d'un cycle naturel.

Le vieillissement de l'ovocyte peut être évalué de 2 manières : d'une manière directe (maturation, atrésie, structure de la zone pellucide, anomalies chromosomiques) et d'une manière indirecte (effet sur la fécondance, le timing et les anomalies de la fécondation, le développement et la viabilité embryonnaire). Pour ce dernier point, l'analyse des paramètres biologiques et cliniques du don d'ovocyte (à une femme plus jeune ou plus âgée) permet de faire la part de la qualité ovocytaire (et donc embryonnaire) et de la réceptivité utérine.

Les données présentées dans cet article proviennent des centres de FIV de l'Hôpital de Sèvres (J. Belaisch-Allart) et de l'Hôpital Tenon (J. Salat-Baroux).

i les méthodes directes d'analyse

1. Maturation et atrésie

Il est généralement impossible de connaître le stade de maturité des ovocytes au recueil car ils sont entourés de la masse nuageuse du cumulus oophorus qui empêche toute visualisation du 1er globule polaire.

Dans le cadre de la fécondation assistée (microinjection d'un spermatozoïde directement dans le cytoplasme ovocytaire) - technique qui s'adresse à des couples dont la femme est à priori fertile - il est indispensable de retirer par une action enzymatique (la hyaluronidase) les cellules de la corona radiata et du cumulus de manière à contr™ler l'injection du spermatozo de. Ainsi sur 366 ovocytes nous avons pu observer que le taux d'ovocytes immatures (au stade de vésicule germinative ou métaphase I) (14 à 17%) ne variait pas en fonction de l'âge de la patiente (tableau 1). Ces ovocytes sont capables de reprendre ou poursuivre leur méïose puisque seulement 2 à 4% d'entre eux resteront immatures en fin de culture.

L'atrésie de l'ovocyte représente le stade ultime de l'atrésie folliculaire. Elle commence par une pycnose des cellules de la granulosa, suivie par la disparition progressive du cumulus et la dégénérescence de l'ovocyte qui apparait rétracté, vacuolisé avec un élargissement de l'espace périvitellin. Ces ovocytes ne sont pas fécondables. Nous avons observé une augmentation du taux d'ovocytes atrésiques (8 à 10% vs 1%) en fonction de l'âge de la femme. Il en résulte donc une augmentation du taux d'ovocytes mûrs et fécondables chez la femme jeune (tableau 1). Des résultats identiques ont été observés chez la souris (Nogues et al, 1988). En effet, le taux d'ovocytes atrésiques, stable chez les femelles jeunes de 1 à 3 mois (11%), atteint 29% chez les femelles âgées de 6 mois.

2. La zone pellucide

Les mêmes auteurs (Nogues et al, 1988) ont étudié chez la souris l'effet de l'âge maternel sur la structure de la zone pellucide (ZP). Ils ont décrit 4 types de structure :

— type A : surface fibreuse et poreuse

— type B : surface fibreuse, aplatie comprenant des pores de petit diamètre

— type C : surface rugueuse dépourvue de pores

— type D : surface aplatie et amorphe

Ils observent que la structure de la zone pellucide est polymorphique et change en fonction de l'âge de la mère. Le type A s'observe chez les femelles jeunes de 1 à 3 mois et semble correspondre à des ovocytes immatures. Le type B, le plus fréquent diminue avec l'âge de la mère en même temps que le type C augmente et semble précéder la dégénérescence de l'ovocyte. Le type D, observé chez les femelles immatures (8 jours) est également présent dans les ovocytes atrésiques. L'aspect de la ZP est donc identique aux 2 extrémités de la période fertile des femelles.

Chez la femme, il n'existe aucune analyse de la structure de la zone pellucide en fonction de l'âge. En revanche, il est possible d'apprécier la fragilité de la zone qui quelquefois se trouve endommagée de manière irréversible lors de la ponction ovocytaire. Nous n'avons observé aucun effet de l'âge de la femme sur le pourcentage de zones pellucide endommagées (3%).

3. Les anomalies chromosomiques

La corrélation entre l'âge de la mère et la survenue d'un enfant anormal était connue avant même que ne soit connue la cause du syndrome de Down. Pourtant, les causes réelles en sont encore inconnues.

Plusieurs hypothèses tentent d'expliquer ce phénomène. La première hypothèse prend en compte la fréquence des chiasmas qui unissent les chromosomes et permettent les échanges (crossing-over) au cours de la méiose ovocytaire : le nombre de chiasmas diminue avec l'âge de la mère et il se forme alors des univalents qui peuvent migrer anormalement au cours des divisions mé otiques et conduire à des aneuploidies (Henderson et Edwards, 1968). Plus récemment, Zheng et Byers (1992) ont postulé qu'il existerait dans l'ovaire un faible pourcentage d'ovocytes aneuploïdes, provenant d'ovogonies aneuploïdes, et qu'un mécanisme de sélection favoriserait la maturation et l'ovulation des ovocytes euploïdes de préférence aux ovocytes aneuplo des. Avec l'âge, le nombre d'ovocytes normaux diminuant, la pression de sélection contre les ovocytes aneuplo des serait plus faible.

En microscopie électronique Stalh avait fait une observation intéressante. Les chromosomes acrocentriques (les plus souvent impliqués dans les non-disjonctions) sont en quelques sorte "soudés" à la membrane nucléaire au cours de la prophase mé otique puis se détachent et migrent au cours de la mé ose. Il a été observé que les chromosomes ont tendance à rester "soudés" ensemble et à la membrane nucléaire au fur et à mesure du vieillissement, conduisant ainsi à des migrations anormales et à des aneuploïdies.

D'autres hypothèses prennent en compte le vieillissement physiologique du système reproducteur. Ainsi, une ovulation retardée et des troubles hormonaux pourraient conduire à la formation de zygotes anormaux.

Aymé et Lippman-Hand (1982) interprètent différemment le rôle de l'âge maternel. Ils observent que l'âge de la mère des enfants trisomiques est élevé, et cela que le chromosome surnuméraire soit d'origine maternelle ou paternelle. Selon les auteurs, cette observation pourrait s'expliquer par la double contribution de l'augmentation du taux de foetus trisomiques et la diminution du risque d'élimination spontanée des foetus affectés chez les femmes de plus de 29 ans. Or, ceci devrait conduire à une diminution du taux de fausses couches spontanées d'origine chromosomique chez les femmes âgées, ce qui n'est pas le cas.

Finalement, seule l'analyse chromosomique des ovocytes pourrait permettre de vérifier l'une ou l'autre des ces hypothèses.

Ceci a été rendu possible là encore grâce au développement de la fécondation in vitro. Cependant, à de rares exceptions près, seuls les ovocytes non fécondés provenant de patientes ayant subi une superovulation ont été analysés, ce qui pourrait constituer un biais. Treize études (comprenant au total 2530 ovocytes) ont été rapportées dans la littératureÊ: quatre montrent une augmentation du taux d'aneuplo dies avec l'âge maternel, qui passe de 18 - 24% chez les patientes de moins de 35 ans à 34 - 38% chez les patientes plus âgées (Bongso et al, 1988 ; Plachot et al, 1988 ; Macas et al 1990). Michaeli et al (1990) montrent que 100% des ovocytes prélevés chez des femmes de 39 ans et plus sont aneuploïdes, comparé à 17% chez les femmes de 25 à 29 ans. Angell et al, (1993) observent une correlation entre le taux de cassures chromosomiques et l'âge de la mère (32.3 ans en moyenne lorsque le caryotype est normal et 35.0 ans lorqu'il existe des cassures chromosomiques). Ces cassures peuvent être limitées aux régions centromériques d'1 ou 2 chromosomes ou bien, dans les cas extrêmes, intéresser l'intégralité du génome. La fragmentation chromosomique pourrait donc être liée au vieillissement de l'ovocyte et serait une des conséquences de l'élévation de la FSH chez les femmes âgées. D'un point de vue clinique, les patientes dont la majorité des ovocytes non fécondés présentent une fragmentation chromosomique auront des chances de grossesses réduites dès lors que leurs propres ovocytes seront utilisés lors des cycles de FIV ultérieurs.

Dans toutes les autres études il n'a été relevé aucune différence statistiquement significative. Il est possible que la petite taille des séries quelquefois publiées empêche d'atteindre le seuil de signification pour une variation some toute limitée. Le problème reste entier et à ce jour n'est donc pas résolu.

ii les méthodes indirectes d'analyse

1. Fécondation et développement embryonnaire

L'étude des paramètres biologiques de la FIV en fonction de l'âge de la femme (chez des couples ayant une stérilité tubaire définitive et un sperme normal) montre que (tableau 2) :

— il n'existe aucune variation du taux de fécondation (76-80%) ni du taux de fécondation anormales (9-10%) (fécondations bloquées ou retardées)

— les ovocytes des femmes de plus de 38 ans sont moins souvent activés (1.3% vs 4.2%), c'est à dire moins sensibles aux stimuli (chimiques, thermiques, enzymatiques, mécaniques) induisant la parthénogénèse.

— il n'existe pas de différence statistique dans le taux d'embryons morphologiquement normaux (blastomères égaux et réguliers) (27-34%) ni dans le taux d'embryons fragmentés (11-14%) 42 heures après l'insémination. Cependant, on observe une légère tendance vers une diminution du taux d'embryons réguliers et une augmentation du taux d'embryons fragmentés lorsque l'âge de la femme augmente.

La culture prolongée des embryons sur un tapis de cellules de rein de singe (appelées cellules "Vero") permet d'atteindre 5 à 7 jours plus tard le stade blastocyste. Nous avons analysé la capacité des embryons à poursuivre leur développement in vitro en fonction de l'âge de la patiente. En raison du faible effectif, 2 classes d'âge ont été comparéesÊ: <Ê38 ans etÊ> 38 ans. Ainsi, 32% des embryons se développent jusqu'au stade blastocyste quel que soit l'âge maternel (jusqu'à 43 ans) (tableau 3). Bien que ce ne soit pas statistiquement significatif, on observe une tendance vers un ralentissement du développement embryonnaire chez les femmes plus âgées. En effet seulement 21% des embryons sont en blastocyste à J5 chez les femmes de plus de 38 ans vs 43% chez les plus jeunes.

2. Les dons d'ovocytes

Le seul moyen de dissocier la qualité des ovocytes et la réceptivité utérine consiste à analyser les résultats du don d'ovocyte. Vingt trois dons de femmes jeunes à des femmes plus âgées ont été réalisés à l'H™pital Tenon, ayant conduit à 25 transferts d'embryons frais ou congelésÊ: 7 grossesses ont été obtenues (28% /transfert).

Ainsi, lorsque la donneuse a moins de 30 ans, le taux de grossesses ne varie pas avec l'âge la receveuse : 25% si < 35 ans et 31% si > 35 ans (35-43 ans). On n'observe donc pas la classique diminution du taux de grossesses/transfert en fonction de l'âge de la mère qui passe de 24.4% à 18.9%, 16.0%, 10.3% lorsque l'âge de la mère passe de < 37 ans à 38-39, 40-41, > 42 ans (FIVNAT 1992). La qualité de l'ovocyte semble donc diminuer avec l'âge de la mère.

Des résultats similaires ont été obtenus par Flamigni et al (1993). Ainsi lorsque la donneuse a moins de 35 ans le taux de grossesse par transfert est de 45% si la receveuse a de 21 à 35 ans. Puis le taux reste stable de 23 à 29% quel que soit l'âge de la receveuse, de 36 à 61 ans. En revanche, Check et al (1993) montrent une diminution du taux de grossesse chez les receveuses de plus de 40 ans : 8.5% vs 25.4% chez les femmes plus jeunes, et mettent l'accent sur la nécessité de bien préparer l'endomètre chez les femmes âgées.

conclusion

Pour conclure, seuls 2 paramètres semblent varier en fonction de l'âge de la femme : une augmentation de l'atrésie ovocytaire et une diminution de sa capacité à répondre à des stimuli extérieurs lorsque l'âge avance. Un autre paramètre et non l'un des moindres ne fait pas aujourd'hui l'objet d'un consensus : l'augmentation du taux d'anomalies chromosomiques dans les ovocytes. La difficulté à obtenir des ovocytes humains et les considérations éthiques qui s'y rapportent font que les séries publiées sont courtes et souvent ne permettent pas de conclure. Cependant, une augmentation du taux d'ovocytes aneuplo des avec l'âge de la femme avec pour conséquence une augmentation du taux d'embryons aneuplo des pourrait expliquer la tendance vers une moindre qualité morphologique et un ralentissement du développement embryonnaire observé dans notre étude. Mythe ou réalitéÊ? Le doute demeure.

TABLEAUX

Tableau 1 : Effet de l'âge de la femme sur la maturation et l'atrésie ovocytaires.

  < 30 ans 31 - 37 ans > 38 ans
Immatures 14% 17% 15%
Murs 85%a 73%b 77%c
Atrésiques 1%d 10%e 8%f

a - b : p < 0.05 d - e p < 0.01

a - c : NS d - f p < 0.01

Tableau 2 : Effet de l'âge de la femme sur la fécondance des ovocytes, les anomalies de la fécondation et le développement embryonnaire.

  Age de la femme
  < 30 31 - 37 > 38
Ovocytes 378 1096 381
Fécondés totaux 303 (80%) 829 (76%) 296 (78%)
Fécondés anormaux 34 (9%) 107 (10%) 35 (9%)
Activés

Embryons totaux

16 (4.2%)

269

35 (3.2%)

716

5 (1.3%) p < 0.05

262

Embryons réguliers 90 (34%) 198 (28%) 71 (27%)
Embryons fragmentés 30 (11%) 86 (12%) 37 (14%)

Tableau 3 : Développement des embryons jusqu'au stade blastocyste en fonction de l'âge de la femme.

  Age maternel
  < 38 ans > 38 ans
Nb. d'embryons 114 60
Nb. blastocystes 37 (32%) 19 (32%)
J5 16/37 (43%) 4/19 (21%)
J6 20/37 (54%) 14/19 (74%)
J7 1/37 (3%) 1/19 (5%)

X2 = NS

BIBLIOGRAPHIE

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Michelle PLACHOT

Labo de FIV Hôpital Necker Enfants Malades Paris

 : JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995