Ovocytes
et embryons des femmes ayant un syndrome des ovaires polykystiques
Michelle
Plachot, Joelle Belaisch-Allart, Jean Marc Mayenga, Albert Chouraqui, Laurent
Tesquier, Alain-Michel Serkine, Ary Boujenah, Fadhi Abirached ;
CHI
Jean Rostand, 141 Grande Rue, 92311 Sèvres
Tel : 01 41 14 74 17 Fax : 01 46 26 94 34 e-mail : mplachot@maildoc.com
Les
femmes ayant un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) présentent
le plus souvent une hyperandrogénie fonctionnelle, une oligospanioménorrhée,
un désordre métabolique et au plan ovarien un tableau échographique
typique avec hypertrophie du stroma et répartition périphérique
de multiples follicules. Elles sont hypofertiles et lorsque nécessaire,
la prise en charge de ces patientes en AMP est compliquée par le fait
qu'elles ont un risque élevé de développer un syndrome
d'hyperstimulation ovarienne en réponse à un traitement classique
d'induction de l'ovulation.
Pour évaluer la qualité des ovocytes et embryons des patientes
ayant un SOPK nous avons analysé les résultats des FIV et ICSI
réalisées dans cette indication entre janvier 1997 et juillet
2001 au CHI Jean Rostand de l'hôpital de Sèvres.
SOPK
et AMP à l'hôpital de Sèvres
Au
cours de cette période (janvier 1997 - juillet 2001), 40 couples dont
la femme avait un SOPK ont été pris en charge au cours de 67 cycles
de FIV ou d'ICSI. Deux séries ont été analysées,
correspondant à des stratégies de stimulation de l'ovulation différentes,
et donc à un nombre moyen d'ovocytes différent. En effet, la tendance
dans notre centre a été de stimuler de manière plus douce
au cours de ces 2 dernières années.
Les témoins, dans la même classe d'âge, comprennent des couples
ayant eu une ponction en vue de FIV (stérilité tubaire isolée)
ou d'ICSI (stérilité masculine pure) immédiatement après
la tentative d'AMP des patientes ayant un SOPK.
Le traitement inducteur de l'ovulation comportait dans près de 90% des
cas une désensibilisation par le Décapeptyl en protocole long
suivi d'une stimulation de l'ovulation par la FSH recombinante.
Age
et nombre moyen d'ovocytes chez les SOPK et les témoins
|
SOPK
|
Témoins
|
P
|
Age
moyen des femmes |
29.0
|
30.0
|
NS
|
Nombre
moyen d'ovocytes
- 1/1997 - 12/1999
- 1/2000 - 7/2001 |
13.9
10.3
|
10.5
8.7
|
<0.05
<0.05
|
Comme
cela a été largement rapporté dans la littérature,
le nombre moyen d'ovocytes recueillis est plus élevé chez les
SOPK que chez les témoins.
La qualité et le degré de maturation ovocytaire ont été
évalués au cours des cycles d'ICSI puisque le retrait obligé
des cellules du cumulus permet de visualiser le cytoplasme et la présence
ou non du 1er globule polaire.
Qualité
ovocytaire chez les SOPK et les témoins ayant eu une ICSI
|
SOPK
|
Témoins
|
P
|
Nombre
d'ovocytes |
458
|
363
|
|
Ovocytes
immatures
-
prophase I
- métaphase I |
37 (8.1%)
26 (5.7%)
|
12 (3.3%)
9 (2.5%)
|
|
Ovocytes
atrésiques |
37
(8.1%)
|
23
(6.3%)
|
|
Nombre
total d'ovocytes inutilisables |
100
(21.9%)
|
44
(12.1%)
|
<0.05
|
Les
patientes ayant un SOPK ont un taux plus élevé d'ovocytes immatures
ou atrésiques (donc inutilisables pour l'AMP) que les témoins.
Des résultats identiques ont été rapportés par
Aboulghar et al (1997).
Taux
de fécondation chez les SOPK et les témoins ayant eu une FIV ou
une ICSI
|
SOPK
|
Témoins
|
P
|
Nombre
total d'ovocytes
-
1 pronucleus
- 2 pronuclei
- 3 pronuclei |
771
4 (0.5%)
401 (52%)
24 (3.1%)
|
498
10 (2%)
303 (61%)
14 (2.8%)
|
<0.02
|
Le
taux de fécondation normale (attestée par la présence de
2 pronuclei) est diminué chez les SOPK comparé aux témoins.
Cela est probablement la conséquence du nombre plus élevé
d'ovocytes atrésiques et immatures qui, alors qu'ils sont éliminés
lors de l'ICSI ne sont pas détectés lors des FIV.
Des résultats similaires ont été rapportés par Aboulghar
et al (1997) et MacDougall et al (1993). Stanger et Yovich (1985) ont rapporté
une diminution du taux de fécondation (comparé aux témoins)
chez les patientes ayant un SOPK et dont le taux de LH sérique était
supérieur de 1 SD par rapport à la moyenne ; cela pourrait être
la conséquence d'une maturation prématurée des ovocytes.
Dans une étude rétrospective, Cano et al (1997) ont montré
que le taux de fécondation était diminué chez les SOPK
n'ayant pas obtenu de grossesse après plusieurs cycles de FIV alors qu'il
était identique aux témoins chez celles ayant obtenu une grossesse
; ces patientes étaient obèses, non-hyperandrogéniques
et présentaient des anomalies de la sécrétion d'insuline.
Un taux d'échecs complets de fécondation plus élevé
chez les SOPK (18%) que chez les témoins (5%) a été noté
par Kodama et al (1995) ; il serait le reflet d'une moindre qualité ovocytaire
chez les SOPK.
A l'inverse, des taux de fécondation identiques chez les SOPK et les
témoins ont été notés par Hardy et al (1995) et
Engmann et al (1999).
Le taux d'ovocytes présentant 1 pronucleus (activation ovocytaire) ou
3 pronuclei est identique dans les 2 groupes.
Morphologie
embryonnaire à J2
Les
embryons ont été classés en 3 catégories appelées
pour plus de simplicité :
- bons : blastomères réguliers, moins de 10% de fragments
- moyens : blastomères réguliers ou non, 10 à 30% de fragments
- fragmentés : > 30% de fragments
|
SOPK
|
Témoins
|
P
|
Nombre
d'embryons
- bons
- moyens
- fragmentés |
392
294 (75%)
51 (13%)
47 (12%)
|
300
203 (67%)
47 (16%)
50 (17%)
|
<0.05
|
Dans cette
série, on observe davantage d'embryons de morphologie normale chez les
SOPK que chez les témoins.
Vitesse
de division à J2
|
SOPK
|
Témoins
|
P
|
Nombre
d'embryons
|
406
|
295
|
|
Embryons
> ou = 4 cellules |
193
(48%)
|
140
(47%)
|
NS
|
La vitesse
de division des embryons jusqu'à J2 est identique dans les 2 groupes.
Hardy et al (1995) ont évalué la qualité et l'activité
métabolique des embryons obtenus chez les patientes ayant un SOPK. Le
taux d'embryons surnuméraires capables de se développer jusqu'au
stade blastocyste est identique chez les SOPK (38%) et les témoins (43%).
Les embryons des patientes ayant un SOPK ont moins de fragmentation, se divisent
plus rapidement jusqu'au stade blastocyste et ont un nombre de cellules à
J5 supérieur à celui des patientes témoins présentant
une stérilité tubaire.
Nombre
d'embryons disponibles pour le transfert
|
SOPK
|
Témoins
|
Ovocytes
recueillis |
13.9
|
10.5
|
Ovocytes
mûrs et sains |
10.9
|
9.2
|
Ovocytes
fécondés |
5.7
|
5.6
|
Embryons
disponibles pour le transfert ou la congélation |
4.3
|
3.8
|
Au
total, les patientes ayant un SOPK ont un nombre moyen d'embryons morphologiquement
normaux disponibles pour le transfert ou la congélation au moins identique
(voire supérieur) à celui des témoins. Cela est en accord
avec les résultats rapportés par Dor et al (1990).
Taux
de grossesse
|
SOPK
|
Témoins
|
Nombre
d'embryons transférés |
2.2
|
2.5
|
Taux
de grossesses cliniques par ponction |
33%
|
25%
|
Cycles
avec embryons congelés |
53.3%
|
56.3%
|
Nombre
d'embryons congelés par cycle |
5.3
|
3.7
|
Il
n'existe aucune différence statistiquement significative entre les 2
groupes dans cette petite série qui montre que les patientes ayant un
SOPK ne sont pas désavantagées par rapport aux témoins.
Cela est en accord avec les travaux de Dor et al (1990), MacDougall et al (1993),
Kodama et al (1995), Hardy et al (1995). Un taux cumulatif de grossesse plus
élevé chez les SOPK que chez les témoins a même été
noté après 3 cycles de FIV par Engmann et al (1999). Cela serait
du au fait que le nombre d'embryons disponibles étant plus élevé
chez les SOPK que chez les témoins, le choix des embryons à transférer
est plus large. Le fait que la qualité ovocytaire et le taux de fécondation
soient moins bons chez les SOPK est contrebalancé par le fait que le
nombre d'ovocytes disponibles est supérieur.
Il faut souligner qu'aucun syndrome d'hyperstimulation n'est survenu ni chez
les SOPK ni chez les témoins dans notre série ; une stimulation
douce et prolongée est indiquée chez ces patientes.
Vu le petit nombre de cas il n'a pas été possible d'évaluer
le taux de fausses couches spontanées (FCS) dans cette étude.
Or, une augmentation du taux de FCS a été noté dans cette
indication, aussi bien après stimulation de l'ovulation pour FIV qu'au
cours de cycles spontanés (Homburg et al,1993).
Conclusions
La
fécondation in vitro est le traitement de choix des SOPK après
échec du Citrate de Clomiphène, de la FSH et des IIU ou d'emblée
lorsqu'il existe une pathologie associée (tubaire, endométriose
ou masculine) et si la stimulation simple de l'ovulation s'avère trop
laborieuse. Elle permet de mieux contrôler le risque de grossesses multiples
que la simple stimulation. Le risque résiduel est celui de l' hyperstimulation.
C'est pourquoi certains centres ont mis en place un protocole de recueil d'ovocytes
immatures au cours d'un cycle spontané, suivi d'une maturation in vitro
(MIV), fécondation in vitro et transfert embryonnaire. Aujourd'hui, les
taux de succès après MIV sont faibles dans la littérature
excepté dans 2 ou 3 centres dans le monde, et cela sur de petites séries.
Dans l'état actuel de nos connaissances, il semble prématuré
de proposer ce type de traitement aux patientes ayant un SOPK. De la patience,
une stimulation douce et prolongée et une surveillance accrue de la croissance
folliculaire permettent d'offrir à ces patientes un bon taux de grossesse
après FIV et un risque d'hyperstimulation quasiment nul.
Mots
clés : Syndrome des ovaires polykystiques ; Fécondation in vitro
; Ovocytes humains
Références
bibliographiques
Aboulghar
MA, Mansour RT, Serour GI et al. Oocyte quality in patients with severe ovarian
hyperstimulation syndrome. Fertil Steril, 68, 1017-1021, 1997.
Cano F, Garcia-Velasco JA, Millet A et al. Oocyte quality in polycystic ovaries
revisited : identification of a particular subgroup of women. J Assist Reprod
Genet, 14, 254-261, 1997.
Dor J, Schulman A, Levran D. et al. The treatment of patients with polycystic
ovarian syndrome by in-vitro fertilization and embryo transfer : a comparison
of results with those of patients with tubal infertility. Hum Reprod., 5, 816-818,
1990.
Engmann L, Manoconochie N, Sladkevicius P et al. The outcome of in-vitro fertilization
treatment in women with sonographic evidence of polycystic ovarian morphology.
Hum Reprod. , 14, 167-171, 1999.
Hardy K, Robinson FM, Paraschos T et al. Normal development and metabolic activity
of preimplantation embryos in vitro from patients with polycystic ovaries. Hum
Reprod., 10, 2125-2135, 1995.
Homburg R, Levy T, Berkovitz D et al. Gonadotropin-releasing hormone agonist
reduces the miscarriage rate for pregnancies achieved in women with polycystic
ovarian syndrome. Fertil Steril, 59, 527-531, 1993.
Kodama H, Fukuda J, Karube H. et al. High incidence of embryo transfer cancellations
in patients with polycystic ovarian syndrome. Hum Reprod, 10, 1962-1967, 1995.
MacDougall MJ, Tan SL, Balen A. et al. A controlled study comparing patients
with and without polycystic ovaries undergoing in-vitro fertilization. Hum Reprod.,
8, 233-237, 1993.
Stanger JD, Yovich JL. Reduced in-vitro fertilization of human oocytes from
patients with raised basal luteinizing hormone levels during the follicular
phase. Br J Obstet Gynaecol , 92, 385-393, 1985.
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