ROLE
DU DEFICIT EN TESTOSTERONE DANS LE VIEILLISSEMENT MASCULIN.
COMMENT LE DETECTER, ET QUAND LE TRAITER ?
Jacques
Buvat, Antoine Lemaire
Association
pour l'Etude de la Pathologie de l'Appareil Reproducteur et de la Psychosomatique
(EPARP), 3 rue Carolus, 59000 Lille.
Le vieillissement
masculin est associé à toute une série de symptômes
également souvent observés chez l'homme hypogonadique (tableau
1). Or il est prouvé que les androgènes circulants diminuent avec
l'âge (1,2). Si la testostérone totale ne commence à baisser
qu'à partir de la 6ème, voire de la 7ème décades,
ses fractions biologiquement actives diminuent plus précocement, et de
façon plus marquée. Ainsi la diminution de la testostérone
libre est déjà nette au cours de la 5ème décade,
et à 80 ans, si la valeur moyenne de la testostérone plasmatique
totale a diminué de 25% par rapport à celle de l'adulte jeune,
celle de la testostérone libre a diminué de 50%. Cette diminution
élective de la testostérone libre s'explique par l'augmentation
avec l'âge de la Sex Binding Protein (SBP), protéine de liaison
des androgènes (et des oestrogènes). La décroissance de
la testostérone dite biodisponible (c'est-à-dire la testostérone
non liée à la SBP, qui englobe la testostérone libre et
la testostérone liée à l'albumine par une liaison lâche
et facilement dissociable, la rendant également facilement disponible
pour pénétrer la cellule cible et s'y lier aux récepteurs
spécifiques) est parallèle à celle de la testostérone
libre.
Il existe donc bien aussi chez l'homme aussi un hypogonadisme associé
au vieillissement. Les termes d'" Androgen Deficiency of the Aging Male
- ADAM " - ou de " déficit androgénique de l'homme vieillissant
" paraissent plus appropriés pour le nommer que le terme "Andropause
". Cet hypogonadisme diffère en effet de celui de la femme dans
la mesure où il est inconstant, progressif et partiel, ce qui explique
une autre terminologie en vogue chez les Anglo-Saxons (" Partial Androgen
Deficiency of the Aging Male ou PADAM ").
RESPONSABILITE
DU DEFICIT ANDROGENIQUE DANS LE VIEILLISSEMENT MASCULIN
Si l'intervention du déficit androgénique paraît plausible,
de nombreux arguments montrent que les hormones ne sauraient tout expliquer.
1- Vieillissement sexuel :
Si
la prévalence des problèmes de libido, d'érection et d'éjaculation
retardée sont très significativement corrélés à
l'âge, l'une des études les plus rigoureuses dont on dispose quant
à leurs corrélations potentielles avec le déclin hormonal
s'avère peu concluante (2) : Schiavi a ainsi étudié 77
hommes âgés de 45 à 74 ans et en bonne santé par
des questionnaires d'évaluation standardisée du comportement sexuel,
ainsi que par 4 nuits d'enregistrement de leurs érections nocturnes par
pléthysmographie couplée la dernière nuit à des
dosages hormonaux sur le sang prélevé toutes les 20 minutes.
Cette étude a retrouvé la corrélation significative avec
l'âge de la diminution du désir, de l'excitation sexuelle, de la
fréquence des rapports et des érections nocturnes. Elle a également
objectivé une diminution de la testostérone biodisponible, +corrélée
significativement à l'âge. Le taux de la testostérone biodisponible
s'avérait par ailleurs significativement corrélé au désir,
à l'excitation sexuelle et aux érections nocturnes, ce qui n'était
pas le cas pour la testostérone totale. Ceci pouvait donc suggérer
un rôle significatif du déclin de la testostérone biodisponible
dans le vieillissement sexuel. Cependant toute corrélation entre testostérone
biodisponible et comportement sexuel disparut après ajustement avec l'âge.
Aucune étude ayant pris en compte indépendamment le facteur âge
n'a trouvé de corrélation plus nette entre androgènes et
comportement sexuel du sujet âgé. Le vieillissement sexuel est
manifestement un phénomène pluri-factoriel, au sein duquel les
facteurs hormonaux ne semblent jouer qu'un rôle mineur.
2- Vieillissement osseux :
On
a également évoqué la responsabilité du déficit
androgénique dans l'ostéoporose de l'homme âgé. La
fréquence de l'ostéoporose masculine n'a été reconnue
que relativement récemment, du fait de l'allongement de la durée
de vie qui a conduit à observer chez l'homme aussi un nombre croissant
de fractures dites " spontanées " (3). Ces fractures surviennent
en effet chez l'homme 5 à 20 ans plus tard que chez la femme.
Les arguments en faveur de la responsabilité du déclin androgénique
dans l'ostéoporose masculine sont les suivants :
- outre
le rôle capital qu'elle joue à la puberté dans l'acquisition
du capital osseux, la testostérone semble continuer de jouer ultérieurement
un rôle important de ralentisseur de la perte osseuse.
-
les ostéoblastes, responsables de la formation osseuse, possèdent
des récepteurs aux androgènes mais aussi aux oestrogènes,
ainsi que la capacité d'aromatiser la testostérone en estradiol.
Il faut souligner que si l'effet osseux de la testostérone passe probablement
en partie par un impact direct sur le récepteur androgénique,
ses effets les plus importants semblent s'exercer via son aromatisation en
estradiol. De ce fait, les androgènes non aromatisables, comme la dihydrotestostérone
(DHT), ne peuvent probablement pas avoir un effet protecteur complet sur l'os.
- en cas d'hypogonadisme secondaire, on observe une perte osseuse plus marquée
dans le secteur trabéculaire, qui peut être ralentie ou stoppée
par l'administration de testostérone.
-
un hypogonadisme est d'ailleurs en cause dans environ 15% des ostéoporoses
masculines.
-
enfin chez le sujet âgé, la densité osseuse est corrélée
significativement à la testostérone circulante. Mais là
aussi, dans la plupart des études cette corrélation s'avère
liée à l'effet confondant de l'âge.
-
au total, s'il est plausible que le déclin androgénique joue
un rôle dans l'ostéoporose sénile de l'homme, il s'agit
là aussi d'une pathologie pluri-factorielle. La responsabilité
exacte des androgènes, comme l'intérêt préventif
d'une supplémentation androgénique systématique, restent
pour l'instant à démontrer.
3- Vieillissement métabolique et vasculaire :
L'hypothèse
d'une responsabilité du déclin androgénique à ce
niveau pourrait sembler au premier abord saugrenue, puisque ce sont classiquement
les androgènes qu'on considère responsables du profil lipidique
spécifique de l'homme, dit athérogène, caractérisé
par l'augmentation du rapport LDL/HDL cholestérol, ainsi que de l'augmentation
masculine de la morbidité cardio-vasculaire. L'hypogonadisme devrait
donc être protecteur.
On a en fait trouvé récemment toute une série de corrélations
significatives entre hypogonadisme masculin et facteurs de risque vasculaire
(1,4,5), comme si la courbe de corrélation entre androgènes et
facteurs de risque vasculaire affectait une forme en U : il serait aussi mauvais
de ne pas avoir assez d'androgènes que d'en avoir trop. Ces corrélations
significatives concernent particulièrement :
- hypogonadisme
et résistance à l'insuline, voire diabète non insulino-dépendant
- hypogonadisme et augmentation du LDL et/ou diminution du HDL cholestérol
(qu'on sait cependant hétérogènes, comportant aussi bien
des fractions pro que anti-athérogènes), augmentation des triglycérides,
augmentation des particules denses de LDL cholestérol de petite taille,
augmentation de la Lp(a), autre facteur de risque vasculaire indépendant
des précédents.
- hypogonadisme et augmentation de la graisse dite androïde, abdominale
et surtout viscérale, dont la présence est très corrélée
au risque de maladies cardio-vasculaires.
- Certains de ces facteurs de risque (résistance à l'insuline,
augmentation de la graisse abdominale et viscérale et profil lipidique)
sont d'ailleurs améliorés par l'administration de testostérone.
- hypogonadisme (ainsi que diminution du Sulfate de Déhydroépiandrostérone
-SDHA) et prévalence de la maladie coronarienne, ainsi que nombre et/ou
degré des lésions sténosantes à la coronarographie.
Par ailleurs l'injection endo luminale de testostérone dilate les coronaires,
évoquant un effet relaxant du muscle lisse vasculaire également
objectivé in vitro, et probablement lié à la mise en
jeu des canaux potassiques (un récepteur spécifique à
la testostérone est en effet lié au canal potassique). Enfin
3 études récentes ont confirmé objectivement in vivo
cet effet antiischémique de la testostérone (augmentation de
la tolérance à l'effort chez les sujets coronariens).
En dépit de cette augmentation des facteurs de risque vasculaire en cas
d'hypogonadisme, plusieurs études épidémiologiques prospectives
d'excellente qualité n'ont trouvé aucune corrélation dans
un sens ou dans un autre entre testostérone et mortalité cardio-vasculaire
chez l'homme (5). Ceci a fait évoquer la possibilité d'autres
effets, cette fois nocifs, de la testostérone sur la paroi vasculaire,
susceptibles de contrebalancer ses effets bénéfiques. Quoiqu'il
en soit le bénéfice vasculaire d'une androgénothérapie
substitutive reste incertain.
4- Vieillissement musculaire et psychique :
On
évoque également souvent le rôle du déficit androgénique
dans la diminution des tonus musculaire et psychique des sujets âgés,
avec particulièrement pour ce dernier diminution des capacités
cognitives et altération de l'humeur pouvant éventuellement atteindre
le stade de la dépression.
Aucun doute que l'hypogonadisme caractérisé soit associé
à une diminution de la masse et de la force musculaire (4), et que ces
paramètres soient améliorés par la supplémentation
en testostérone. Il semble cependant que la diminution de la masse musculaire
observée chez le sujet âgé ne résulte pas du seul
déclin androgénique.
En matière de capacités cognitives, on sait que l'homme excelle
dans les opérations spatiales et le raisonnement mathématique,
alors que la femme est supérieure dans les tests verbaux. Chez l'hypogonadique,
les capacités spatiales sont diminuées. Elles sont corrélées
au taux circulant de testostérone, même chez le sujet normal, chez
qui elles peuvent être stimulées par des injections de testostérone.
Les relations entre hypogonadisme et dépression sont moins flagrantes
mais ont été trouvées significatives dans plusieurs études
objectives. Particulièrement, l'administration de testostérone
améliore l'humeur des sujets hypogonadiques (6). La testostérone
est même capable d'améliorer certaines dépressions rebelles
aux anti-dépresseurs chez des sujets eugonadiques.
La combinaison de ces impacts positifs sur la force musculaire et les capacités
cognitives pourrait expliquer les sensations de pleine forme, d'énergie,
et de bien-être décrites par certains hypogonadiques sous traitement
androgénique, par opposition à la sensation de fatigue qu'ils
décrivent en l'absence de traitement (4). Cet effet bénéfique
n'a cependant pas pu être confirmé objectivement dans certaines
des études pratiquées chez le sujet âgé.
Au total, il ne faut pas vouloir tout expliquer par les androgènes. Bien
d'autres mécanismes sont certainement en cause dans le vieillissement
: particulièrement la " somatopause ", déficit en GH
et en facteurs de croissance du sujet âgé, peut-être l' "
adrénopause ", diminution de sécrétion de la DHA,
ainsi que des facteurs psychosomatiques liés aux difficultés à
vieillir.
EFFETS
DU TRAITEMENT ANDROGENIQUE CHEZ L'HOMME VIEILLISSANT
Un nombre croissant d'études de bonne facture, dont beaucoup avec groupe
témoin et certaines en double insu contre placebo, permettent aujourd'hui
de se faire une idée assez objective des effets du traitement androgénique
chez l'homme âgé avec testostérone basse ou limite (4).
Le fait que celui-ci exerce des effets favorables sur la plupart des paramètres
précédents tend à confirmer un rôle du déclin
androgénique dans leur altération, encore qu'on ne puisse exclure
que l'amélioration résulte d'un effet plus pharmacologique (effet
" dopant ", lié à une stimulation par des taux supraphysiologiques
de testostérone) que d'un effet physiologique (lié à la
restauration de taux strictement normaux de cette hormone)
1- Composition corporelle :
Son
remodelage (diminution de la masse maigre et augmentation de la graisse abdominale)
est l'élément le mieux corrélé au déficit
androgénique. La majorité des études qui s'y sont intéressées
rapportent sous traitement androgénique une augmentation de la masse
maigre (3 études sur 5 dans la compilation la plus récente de
Tenover - 4) et de la force musculaire (6 études sur 7), ainsi qu'une
diminution de la masse grasse ( 3 études sur 5), surtout au niveau de
la paroi abdominale et de la graisse viscérale.
2- Os :
L'administration
d'androgènes augmente la densité minérale osseuse lombaire
(4 études sur 5), et, dans la majorité des études (3 sur
5), diminue les stigmates biologiques de turn over excessif (4). L'amplitude
de cet effet est comparable à celui des oestrogènes chez la femme
ménopausée. Donc même si la responsabilité du déclin
androgénique dans l'ostéoporose masculine est débattue,
le traitement androgénique a un effet bénéfique sur l'os.
3- Psychisme et sensation de bien-être :
Les
quelques études qui s'y sont intéressées spécifiquement
chez le sujet âgé ont toutes rapporté des effets positifs
en ce qui concerne particulièrement les fonctions cognitives (2 études),
l'amélioration de l'énergie (3 études) et de la sensation
de bien-être (2 études) (4).
4- Fonction sexuelle :
Les
résultats sont plus mitigés à cet égard. En ce qui
concerne les problèmes d'érection, peu d'études ont différencié
les résultats du traitement androgénique chez les sujets hypogonadiques
consultant pour problèmes d'érection en fonction de l'âge.
Dans une étude personnelle, parmi 29 hommes âgés de 50 ans
et plus qui consultaient pour ce motif et chez qui la testostérone totale
avait été trouvée à deux reprises inférieure
à 3 ng/ml, 41% seulement furent améliorés de façon
significative par le traitement androgénique, dont seulement 31% normalisés
(7). Quoique modestes, ces résultats ne sont pas négligeables,
et justifient le dosage systématique de la testostérone en cas
de problème d'érection du sujet âgé. En effet les
sujets améliorés par la testostérone récupèrent
une fonction sexuelle spontanée, sans la nécessité de programmation
qui caractérise l'utilisation des autres traitements comme le Sildénafil
(Viagra®) et les injections intra-caverneuses. Quelques autres cas ont également
bénéficié du traitement hormonal en termes d'amélioration
du désir, bien que les érections n'aient pas été
améliorées. Le traitement hormonal dût être maintenu
pour obtenir le plein effet du traitement par Sildénafil ou injections
intra-caverneuses, faute de quoi il n'y avait ni désir ni excitation.
Cet effet positif sur la libido est en bon accord avec l'amélioration
rapportée sous testostérone dans 3 autres études consacrées
au sujet âgé. Il faut cependant souligner qu'une étude récente
de Snyder, qui avait comparé en double-insu patchs de testostérone
et patchs placebo administrés pendant 3 ans à ses sujets âgés
sains ayant une testostérone basse ou limite, n'a pu objectiver aucun
bénéfice sexuel significatif de la testostérone.
La modestie des taux de succès que nous avons obtenus en compensant le
déficit androgénique des sujets âgés consultant pour
problème d'érection est en bon accord avec les résultats
de la métanalyse de Jain (8). Consacrée aux essais de substitution
androgénique chez les hommes présentant des problèmes d'érection
et un hypogonadisme, celle-ci n'a pas différencié les résultats
en fonction de l'âge. La compilation des quelques études ayant
comporté un groupe témoin traité par placebo a confirmé
la supériorité du traitement par la testostérone (amélioration
dans 65% des cas contre seulement 17% avec le placebo, p<0.0001). Cependant,
en incluant l'ensemble des études méthodologiquement valables,
le taux des succès s'avérait significativement supérieur
en cas d'hypogonadisme primaire (64%) qu'en cas d'hypogonadisme secondaire (44%),
catégorie à laquelle appartiennent les hypogonadismes du sujet
âgé.
La modestie de ces résultats pourrait s'expliquer par le fait que le
dosage de testostérone totale est un critère d'androgénicité
trop grossier pour rendre compte d'un déficit en testostérone
au niveau du récepteur androgénique. Testostérone libre
et / ou biodisponible devraient mieux reflèter la situation intracellulaire.
Nous avons nous-mêmes dosé ces fractions chez plus de 400 hommes
consultant pour problème d'érection (9). La proportion des cas
diminution de la testostérone libre ou biodisponible, était nettement
plus importante que celle des cas avec diminution de la testostérone
totale (< 3 ng/ml dans 6,6%) (tableau 2) particulièrement après
50 ans (9% pour la testostérone totale). Nous n'avons cependant pas pu
confirmer la supériorité de ces dosages, particulièrement
lorsque nous avons traité par androgènes des hommes avec problème
d'érection et diminution élective de ces fractions (diminution
des testostérones libre et /ou biodisponible en dépit d'une testostérone
totale normale). Parmi 18 cas avec diminution élective de la testostérone
libre, un seul (6%) fut franchement amélioré par les androgènes.
La proportion n'était que de 13% (2/15) parmi les cas avec diminution
élective de la testostérone biodisponible. Ces hommes constituaient
pourtant par excellence les cas chez qui ces dosages auraient du faire la preuve
de leur avantage spécifique, en détectant des déficits
en testostérone au niveau des récepteurs non diagnostiquables
par le dosage de testostérone totale. De même, parmi les sujets
avec testostérone totale abaissée, nous n'avons pas trouvé
de différence nette dans le taux des succès du traitement androgénique
selon que testostérones libre et biodisponible étaient normales
ou abaissées.
Plusieurs raisons peuvent rendre compte de la fréquence des échecs
du traitement androgénique en cas de problèmes d'érection
avec testostérone basse :
- la
diminution de la testostérone circulante n'est probablement pas toujours
la cause du problème d'érection qu'elle accompagne. Dans certains
cas elle peut même en être une conséquence : Dans une étude
récente, Jannini et coll ont trouvé une diminution significative
des taux moyens des testostérone totale et libre dans une population
d'hommes consultant pour problème d'érection par comparaison
à des témoins normaux appariés en âge. Ils ont
constaté que ces taux de testostérone augmentaient au prorata
du succès des traitements des problèmes d'érection (type
Sildénafil, injections intracaverneuses ou vacuum, à l'exception
de tout traitement hormonal). Ainsi les taux se normalisaient en cas de recouvrement
d'une fonction sexuelle pleinement satisfaisante, alors qu'ils n'augmentaient
pas en cas d'échec du traitement. Plusieurs mécanismes peuvent
expliquer ce phénomène : L'activité sexuelle stimule
la sécrétion de testostérone et sa diminution pourrait
donc la réduire. De plus stress et dépression, qui constituent
une réaction fréquente aux problèmes d'érection,
inhibent également la sécrétion de testostérone
(9,10)
-
même lorsqu'elle joue un rôle dans le problème d'érection
d'un sujet âgé, la diminution de la testostérone n'est
souvent qu'un des éléments d'une pluri-factorialité étiologique,
particulièrement d'un vieillissement pluri-tissulaire. Les altérations
vasculaires associées, que nous avons objectivées chez 42% de
nos patients consultant pour problèmes d'érection et chez qui
nous avons trouvé une testostérone basse (7), peuvent contrarier
les effets positifs de la testostérone sur la fonction érectile.
RISQUES
DU TRAITEMENT ANDROGENIQUE
Ils
sont bien sûr potentiellement plus importants chez le sujet âgé.
1- Risques prostatiques :
On
les évoque bien sûr en première intention (1,4,10). Il pourrait
s'agir de la stimulation d'une hypertrophie bénigne, ou, surtout, de
celle d'un cancer méconnu, particulièrement des cancers focaux
qu'on découvre si fréquemment chez le sujet âgé à
l'examen anatomo-pathologique d'une prostate enlevée pour un diagnostic
initial d'adénome.
On dispose actuellement d'assez de recul pour estimer que ce risque est au plus
modeste. Très peu de cas de cancers révélés par
le traitement androgénique substitutif ont été rapportés.
Mais le recul dont on dispose chez les sujets âgés, si l'on ne
prend en compte que les études de bonne qualité méthodologique,
ne dépasse pas 3 ans, et ceci dans un nombre limité de cas (environ
900 années de traitement) (4).
D'assez nombreuses études ont monitorisé le volume prostatique
et les taux de PSA total et libre chez le sujet normal, ou chez l'hypogonadique,
traités par androgènes, sans qu'il ait été observé
de variation vraiment significative. Le volume prostatique est généralement
plus faible chez l'hypogonadique. Il augmente sous androgènes, mais sans
dépasser le volume du sujet normal. Il est en de même du PSA, plus
bas chez l'hypogonadique, augmentant sous androgénothérapie, mais
sans dépasser les valeurs de l'homme normal. Le PSA peut donc, et doit,
être utilisé pour la surveillance du traitement androgénique.
Toute augmentation au delà des valeurs normales doit être considérée
suspecte, et non pas liée au traitement.
Chez l'homme âgé 15 des 19 études d'administration de testostérone
colligées par Tenover (4) n'ont pas montré d'augmentation du PSA
total ou libre. Les 4 autres ont trouvé qu'une augmentation modérée
et non significative. Aucune étude n'a trouvé d'augmentation du
volume prostatique moyen (échographie), ni de diminution de la débimetrie
urinaire. La prudence doit toutefois bien sûr rester de mise avant de
débuter le traitement, comme pendant sa surveillance.
2- Risques métaboliques et vasculaires :
Ils
doivent également être pris en compte plus particulièrement
chez le sujet âgé. Cependant la substitution androgénique
s'avère ne pas détériorer, voire améliorer le profil
métabolique et la coagulation. Il n'a pas été observé
de surmortalité cardio-vasculaire au cours des essais contrôlés,
pour lesquels le recul maximum n'est cependant que de 3 ans (4). Il semble bien
qu'on n'observe de risque important qu'en cas de surcharge en androgènes,
qu'il convient bien sûr d'éviter. Il peut alors survenir :
- une
rétention hydrique, facteur de prise de poids, d'hypertension artérielle,
et de décompensation d'une insuffisance cardiaque pré-existante.
-
une stimulation de l'érythropoïése, génératrice
d'une polyglobulie et d'une augmentation de l'hématocrite, d'où
augmentation de la viscosité sanguine et risque de thrombose.
-
un renforcement d'un syndrôme des apnées du sommeil pré-existant,
qui n'a cependant jamais été créé de toutes pièces
par le traitement androgénique. Ce syndrôme des apnées
du sommeil serait susceptible de renforcer la polyglobulie et les risques
de thrombose.
3- Risques de stimulation d'une pathologie sensible aux oestrogènes :
- cancer
du sein
- adénome hypophysaire à prolactine, en cas d'hyperprolactinémie
mal contrôlée par un agoniste dopaminergique
- gynécomastie chez certains sujets avec insuffisance hépatique,
particulièrement d'origine alcoolique.
Ce risque tient à ce que la plupart des androgènes utilisés
à titre substitutif sont aromatisables. Ces effets indésirables
peuvent être en principe prévenus en choisissant un androgène
non aromatisable comme la DHT (Andractim®).
Dans l'ensemble,
on peut donc conclure qu'à condition d'une sélection prudente
des indications, et d'une adaptation de la posologie au minimum nécessaire
(véritable substitution, et non supplémentation), la tolérance
des traitements androgéniques est bonne, y compris chez le sujet âgé.
Dans les études contrôlées, les effets indésirables
se sont avérés prévisibles, et gérables sans difficulté
majeure. Les contre-indications et précautions d'utilisation du traitement
androgénique ont été récemment précisées
par une conférence de consensus qui s'est tenue à Paris en Juillet
1999 (tableau 3).
CHEZ
QUELS SUJETS AGES RECHERCHER UN DEFICIT EN TESTOSTERONE ?
Un dosage en testostérone doit bien sûr être fait systématiquement
en cas de troubles sexuels du sujet âgé, type diminution de la
libido, problème d'érection ou éjaculation retardée,
lorsque le sujet souhaite qu'on améliore ses problèmes.
Il peut également se justifier lorsqu' existent un, ou mieux plusieurs
des symptômes listés dans le tableau 1, les éléments
les plus révélateurs de l'hypogonadisme restant la modification
de la composition corporelle (diminution de la masse musculaire et augmentation
de la graisse abdominale) et les troubles vaso-moteurs type sudation et bouffées.
Des échelles d'évaluation comme l'échelle ADAM, utilisables
pour le screening clinique, sont en cours d'évaluation (1).
COMMENT
DIAGNOSTIQUER UN DEFICIT EN TESTOSTERONE CHEZ LE SUJET AGE ?
C'est bien sûr principalement aux dosages de la testostérone qu'il
faut recourir. Il n'existe pas actuellement de consensus quant au type de dosage
le plus " rentable " pour cette détection. En théorie,
les dosages des testostérones libre et biodisponible renseignent mieux
que celui de la testostérone totale sur un déficit androgénique
au niveau des cellules cibles. Aucune étude n'a cependant jusqu'à
présent confirmé leur supériorité sur le dosage
de la testostérone totale en ce qui concerne la détection des
hommes avec hypogonadisme susceptibles de tirer bénéfice d'un
traitement androgénique. Dans notre expérience, ces dosages n'ont
pas permis d'améliorer le pronostic du traitement androgénique,
en terme d'amélioration des érections, par rapport au dosage de
la testostérone totale. Ils n'ont pas non plus permis d'identifier une
population de sujets avec abaissement électif de ces fractions, qui se
soit avérée susceptible d'être améliorée par
le traitement androgénique (9).
Cette mauvaise rentabilité des dosages des testostérones libre
et biodisponible pourrait s'expliquer par leur fiabilité limitée,
au moins dans les laboratoires courants. De façon générale,
seule la méthode radio-immunologique (RIA) est fiable pour doser des
valeurs faibles de testostérone. Trois méthodes sont disponibles
pour mesurer la testostérone libre : Aucun doute que le dosage RIA après
dialyse en équilibre soit fiable. Mais cette méthode est complexe,
et d'utilisation limitée aux laboratoires de Recherche. L'évaluation
de la testostérone libre par le rapport testostérone totale /
SBP est obligatoirement beaucoup moins fiable, les variances de chacune des
deux méthodes s'additionnant. La troisième méthode, RIA
avec analogue, est accessible par l'intermédiaire de la plupart des laboratoires
de ville. Mais elle s'avère particulièrement peu fiable, de l'avis
de la plupart des experts.
La détermination de la testostérone biodisponible est relativement
plus simple, bien que peu de laboratoires la réalisent en routine. Elle
consiste à précipiter la SBP et la testostérone qui y est
attachée par l'ammonium puis à doser la testostérone qui
reste dans le surnageant.
Au total la préférence pourra éventuellement être
donnée à la testostérone biodisponible si l'on est sûr
de la qualité technique du laboratoire qui va en effectuer le dosage.
Sinon mieux vaut disposer des résultats d'un dosage de testostérone
totale fiable que de ceux d'un dosage de testostérone libre ou biodisponible
de fiabilité aléatoire.
Eu égard à la labilité des taux de testostérone
circulante, les prélèvements doivent toujours être faits
entre 8h00 et 10h00, et être recontrôlés en cas d'anomalie
(sauf s'il existe un hypogonadisme cliniquement évident). Dans notre
expérience, un second dosage de testostérone totale est normal
chez 40% des hommes avec problème d'érection chez qui un premier
dosage a montré un taux abaissé (7). Lors du second dosage, il
est justifié d'associer le dosage de LH, dont l'élévation
éventuelle renforcera l'impression d'hypogonadisme, et tranchera en faveur
d'une origine périphérique (un grand nombre d' hypogonadismes
de l'homme âgé ont cependant une origine centrale et fonctionnelle,
par abaissement de la sensibilité des centres hypothalamiques au rétro-contrôle
négatif) (9). Il est également de bonne règle d'ajouter
un dosage de Prolactine, l'hyperprolactinémie étant une cause
d'hypogonadisme significative par le risque de tumeur hypophysaire qu'elle implique.
La question des seuils à partir desquels parler d'hypogonadisme n'a pas
non plus fait l'objet d'un consensus chez le sujet âgé. Faut-il
prendre comme référence les valeurs des sujets normaux du même
âge ? Ou celles des sujets normaux de la 5ème décade (40
à 50 ans). La tendance majoritaire est de se référer aux
valeurs normales de la 5ème décade. En ce qui concerne la testostérone
totale, la plupart des auteurs retiennent le chiffre de 3 ng/ml comme limite
de la norme.
QUELS
SUJETS AGES TRAITER PAR LES ANDROGENES ?
Il existe actuellement un consensus pour juger acceptable le traitement substitutif
par la testostérone chez les hommes âgés présentant
simultanément les deux critères suivants :
- Présence de symptômes cliniques compatibles avec un hypogonadisme
tels que décrits dans le tableau 1.
- Hypogonadisme avéré, selon les résultats de deux dosages
successifs de la testostérone (ou bien d'un seul dosage si les signes
cliniques d'hypogonadisme sont flagrants, ou que la LH soit élévée).
On considère généralement qu'il est également justifié
de faire un traitement d'essai en cas de symptômes cliniques d'hypogonadisme
et de testostérone se situant seulement dans la zone basse de la norme
(< 4 ng/ml), dans la mesure où il pourrait exister chez certains sujets
âgés une diminution de la sensibilité périphérique
à la testostérone.
Par contre on considère qu'il n'y a pas aujourd'hui d'indication à
traiter de façon systématique un sujet âgé présentant
des valeurs basses de testostérone, mais non symptomatique.
CONCLUSION
:
Le
vieillissement est un processus multi-factoriel. Le déclin de la sécrétion
de la testostérone joue probablement un rôle dont l'importance
reste à déterminer. Mais il implique bien d'autres modifications
endocriniennes :
- Diminution des androgènes surrénaliens (DHA), qui se manifeste
dès la quarantaine.
- Diminution de l'hormone de croissance et de l'IGF 1
- Diminution de la mélatonine
- Résistance à l'insuline, et donc l'hyperinsulinisme
- Sans compter les multiples modifications non endocriniennes, spécialement
vasculaires.
Limiter et traiter le vieillissement masculin ne peut se résumer à
donner de la testostérone. Le premier élément thérapeutique,
et peut-être le plus important, est une hygiène de vie appropriée,
incluant une alimentation équilibrée, et la pratique d'un exercice
régulier.
Le traitement androgénique substitutif est cependant justifié
dans les conditions suivantes :
- Déficit en testostérone authentifié chez un sujet symptomatique
- Pas de contre indication majeure
- Dose individualisée
- Surveillance périodique (toucher rectal, PSA, hématocrite)
- Dans ces conditions ce traitement est souvent à l'origine d'un bénéfice
net en terme de qualité de vie
- Ses complications se sont avérées limitées, prévisibles,
et gérables dans les études publiées jusqu'à présent.
Mais le recul reste limité.
- L'avenir se situe probablement au niveau des SARM (Selective Androgen Receptor
Modulator), susceptibles d'exercer un effet androgénique sur certains
tissus (par exemple les centres nerveux) mais pas sur d'autres (par exemple
la prostate) (11).
Beaucoup de progrès restent à faire pour comprendre et atténuer
le vieillissement masculin. Il s'agit là de l'un des grands défis
de notre siècle. Avec l'allongement de l'espérance de vie, 16%
des hommes auront plus de 65 ans en 2050. Ces progrès sont indispensables
si l'on veut améliorer leur qualité de vie, et leur permettre
de " vieillir en bonne santé, et dans la dignité ".
Tableau
I : Symptômes cliniques du vieillissement masculin
- Symptômes
somatiques :
- manque
d'énergie
- diminution
de la masse et de la force musculaires
- augmentation
de la graisse abdominale et viscérale
- diminution
de la masse osseuse, ostéoporose
- diminution
de la pilosité corporelle
- sudations,
bouffées vasomotrices, palpitations
- Symptômes
psychologiques
- manque
d'énergie
- diminution
des fonctions cognitives, des capacités de concentration,
de la mémoire
- diminution
de la sensation de bien être
- irritabilité,
dépression, insomnie
- Symptômes
sexuels
- diminution
de la libido
-
problèmes d'érection
- retard
à l'éjaculation
|
Tableau
II : Résultats des dosages de testostérones libre (n = 432) et
biodisponible (n = 419) chez des hommes avec problèmes d'érection
(d'après Buvat et al, 1996) (9)
|
Tous
les cas
|
<
50 ans
|
>
50 ans
|
Testostérone |
31,5
%
|
23%
|
37%
|
libre
(<17 pg/ml) |
(132/432)
|
(42/166)
|
(91/246)
|
Testostérone
|
14.6%
|
4%
|
25%
|
biodisponible
(<0,85 ng/ml) |
(61/419)
|
(8/203)
|
(53/216)
|
Tableau
III : Limitations au traitement androgénique (International Consultation
on Erectile Dysfunction, Paris, Juillet 1999) (Kim et al, 1999) (10)
- Contrindiqué
en cas de
- cancer
du sein
- polyglobulie
- insuffisance
cardiaque sévère
- A
n'utiliser que sous surveillance étroite en cas de :
- symptomatologie
du bas appareil urinaire
- syndrome
des après du sommeil
- hyperlipidémie
- hyperprolactinémie
mal contrôlée
|
Mots
clés : testostérone, vieillissement, homme
REFERENCES
1-
MORLEY JE - Androgen and aging - Maturitas 2001, 38 : 61-73
2- SCHIAVI RC, SCHREINER-ENGEL P, WHITE D, MANDELI J - The Relationship between
Pituitary-Gonadal Function and Sexual Behavior in Healthy Aging Men - Psychosomatic
Medicine 1991, 53 : 363-374
3- LEGRAND E - Ostéoporose chez l'homme : vers la parité ? Rev
Rhum, 2001 - 68 : 365-368
4- TENOVER L - Experience With Testosterone Replacement in the Elderly - Mayo
Clin Proc. 2000, 75 (suppl) S77-S82
5- HAFFNER SM - Androgens in relation to cardiovascular disease and insulin
resistance in aging men - In Androgens and the Aging Male, B. Oddens and A.
Vermeulen editors, Parthenon Publishing Group, New York - 1996, 65-83
6- WANG C, SWERDLOFF RS, IRANMANESH A, DOBS A, SNYDER PJ, CUNNINGHAM G, MATSUMOTO
AM, WEBER T, BERMAN N - Transdermal Testosterone Gel Improves Sexual Function,
Mood, Muscle Strength, and Body Composition Parameters in Hypogonadal Men, J
Clin Endocr Metab, 2000, 85 : 2839-2853
7- BUVAT J et LEMAIRE A - Endocrine screening in 1022 males with erectile dysfunction
: clinical significance and cost-effective strategy - J Urol, 1997, 158 : 1764-1767
8- JAIN P, RADEMAKER AW, MCVARY KT - Testostérone supplementation for
erectile dysfunction : results of a meta-analysis - J Urol, 2000, 164 : 371-375
9- BUVAT J, LEMAIRE A, RATAJCZYK J - Rôle des hormones dans les dysfonctions
sexuelles, l'homosexualité, le transsexualisme et les comportements sexuels
déviants. Conséquences diagnostiques et thérapeutiques.
Contracept. Fertil. Sex 1996, 24 : 834-846
10- KIM YC, BUVAT J, CARSON CC, GOOREN LJ, JAROW J, RAJFER J., VERMEULEN A -
Endocrine and Metabolic Aspects of Erectile Dysfunction, Including Treatment
- In "Erectile Dysfunction". Proceedings of the 1st International
Consultation on Erectile Dysfunction - Paris - July 1999, 2000, 205-240
11- NEGRO-VILAR A - Selective Androgen Receptor Modulators (SARMs) : A Novel
Approach to Androgen Therapy for the New Millenium - J Clin Endocr Metab, 1999,
10 : 3459-3462
|