Chapitre III - PMA, le début et la fin : quand commencer les
fécondations in vitro, quand les terminer ?
QUE FAIRE APRÈS LA FIV
F. Olivennes
La décision d'arrêter les tentatives de FIV chez un couple
intervient à des moments différents de la prise en charge et
fait l'objet d'un chapitre particulier de cet ouvrage.
Cette décision pourra être motivée, soit du fait de
l'impossibilité de réaliser la fécondation in vitro (absence
totale de réponse ovarienne par exemple), soit du fait de la
répétition d'échecs de FIV. Il est bien entendu que
l'après-FIV dépendra des motifs de l'arrêt des tentatives et
de la cause de l'infertilité.
Schématiquement on pourrait dire que la prise en charge du
couple peut être interrompue en se tournant soit vers l'adoption
soit vers le renoncement au projet d'enfant. Dans certains cas
une solution de substitution sera proposée avec le don
d'ovocyte, de sperme ou d'embryon.
La solution de " prêt d'utérus " ne sera pas
abordée puisqu'elle est illégale en France. Elle constitue
cependant une indication à l'étranger dans des cas très
précis où la stérilité repose essentiellement sur une
pathologie utérine incurable.
LE DON D'OVOCYTE
La première grossesse en don d'ovocyte fut obtenue en 1983
par Trounson et collaborateurs en Australie. Le don d'ovocyte
consiste à obtenir des ovocytes d'une femme en général fertile
(donneuse), d'inséminer ces ovocytes avec le sperme du mari de
la patiente infertile (receveuse), chez qui l'on transférera le
ou les embryons obtenus. L'enfant est ainsi porté par la
patiente infertile, mais provient d'un ovocyte donné.
Don direct ou anonyme
La donneuse peut connaître et/ou avoir un lien de parenté
avec la receveuse (c'est le don direct). Il est interdit en
France depuis la loi de bioéthique de 1994. Dans le don anonyme,
la donneuse ne connaît pas la personne à qui elle donne, et la
receveuse ne sait pas de qui elle reçoit. C'est ce dernier
système qui est aujourd'hui obligatoire en France. La
correspondance entre les donneuses et les receveuses constitue
l'appariement. Celui-ci est réalisé sur des critères de
caractères phénotypiques (peau, yeux, cheveux...), de groupe
sanguin et de Rhésus et en évitant le cumul de facteurs de
risques génétiques.
Les donneuses
Les donneuses peuvent être motivées par un altruisme
désintéressé, ce qui est exceptionnel en France.
Il peut s'agir de patientes consentant au prélèvement
d'ovocyte lors d'une intervention chirurgicale (ligature des
trompes par exemple). Cette situation est également rare, car le
traitement de stimulation nécessaire n'est pas souvent accepté.
Dans certains pays la donneuse peut être rémunérée, ce qui
est interdit par la loi française.
Dans certains cas les patientes infertiles en cours de FIV
peuvent consentir à donner un certain nombre de leurs ovocytes
pour une receveuse. Cette situation est également rare.
En fait, le cas le plus fréquent est la donneuse dite "
relationnelle ", qui appartient à l'entourage de la
patiente concernée. Il peut s'agir d'une personne de la famille,
d'une amie ou d'une connaissance. La loi française interdit de
subordonner l'acceptation d'une receveuse au fait qu'elle puisse
trouver une donneuse. Appliqué à la lettre, cet article de loi
aboutirait à l'arrêt du don compte tenu du faible nombre de
donneuses volontaires. Un programme de don ne peut fonctionner
que s'il existe un " pool " de donneuses pour pouvoir
effectuer un appariement.
Sélection des donneuses
Le fait de trouver une donneuse est bien souvent difficile,
cependant ceci ne suffit pas à la rendre éligible. En effet un
bilan complet est réalisé pour s'assurer de l'absence de
pathologie infectieuse ou génétique transmissibles. Un bilan
psychologique est également réalisé. L'accord du conjoint de
la donneuse est également demandé. L'âge de la donneuse est un
facteur capital dans les taux de succès du don. Si dans le cadre
du don direct une receveuse peut accepter une perte de chances
liée à l'âge de la donneuse qu'elle a trouvée, ceci est
impossible dans le cadre du don anonyme. La plupart des centres
pratiquant le don anonyme limitent donc l'âge de la donneuse à
35 à 38 ans pour ne pas diminuer les chances de grossesses de la
receveuse.
Réalisation pratique du don
a) le traitement de la donneuse
La donneuse subit en fait une stimulation hormonale comme pour
une FIV. La surveillance du traitement est identique à celui de
la FIV de même que la ponction. Le jour de la ponction, le mari
de la receveuse donne le sperme pour l'insémination des
ovocytes.
b) le traitement de la receveuse
La receveuse peut bénéficier d'un transfert d'embryon frais,
qui nécessitera une synchronisation avec la donneuse, ou bien
recevoir les embryons après congélation. Cette dernière
méthode sera probablement la seule autorisée, car elle seule
permet d'obtenir une sécurité absolue en matière de risque de
transmission virale du fait de la quarantaine des embryons
conservés congelés, qui permet le contrôle a posteriori des
sérologies de la donneuse.
Le traitement proposé sera un traitement substitutif avec une
association d'oestrogènes et de progestérone en cas d'absence
de fonctionnement ovarien. Chez les patientes non ovarioprives,
un blocage par agonistes du GnRH sera réalisé avant le cycle
substitutif.
Les résultats
Les indications prioritaires du don d'ovocyte sont les
ménopauses précoces idiopathiques et iatrogènes (patientes
traitées par chimio ou radiothérapie) et les dysgénésie ou
agénésie gonadiques. Dans ces indications les taux de succès
sont de l'ordre de 30 % de grossesse évolutive par transfert. Si
le don s'adresse à des patientes ayant échoué en FIV, il
semble que les résultats soient moins bons. Il s'agit souvent en
effet de patientes ayant un long parcours de stérilité avec de
multiples tentatives infructueuses de FIV.
Si l'indication du don est posée sur une très mauvaise
réponse à la stimulation, témoignant d'une insuffisance
ovarienne a minima, l'indication du don est plus acceptable que
si le don intervient chez les patientes ayant en fait des échecs
répétés d'implantation. Dans ce cas le don est plus discutable
avec de plus des résultats moins satisfaisants. Les contraintes
sanitaires et juridiques de la loi de bioéthique rendent de plus
la pratique du don très difficile. Il doit demeurer une
indication exceptionnelle de " l'après FIV ".
LE DON DE SPERME
Le don de sperme n'est aujourd'hui plus une indication de
substitution, compte tenu des résultats de l'injection
intra-cytoplasmique de spermatozoïde (ICSI). Il n'est cependant
pas impossible que l'on y revienne lorsque des couples auront
échoué après de nombreuses tentatives d'ICSI. La technique est
encore trop récente pour juger des alternatives à lui proposer.
LE DON D'EMBRYON
Le don d'embryon s'adresse théoriquement aux couples dont les
gamètes sont absents ou inutilisables. Il regroupe en fait les
indications du don d'ovocytes et du don de sperme. Il est souvent
demandé par les couples qui le voient comme une solution plus
équilibrée que le recours au don d'ovocyte ou de sperme. Dans
certaines indications relatives, le don d'embryon a été
proposé après échecs d'implantation répétés en fécondation
in vitro.
La loi de bioéthique de juillet 1994 a régulé de manière
très stricte les conditions du don d'embryon. Tout comme dans le
don d'ovocytes, un ensemble de vérifications génétiques
(caryotype) et infectieuses (HIV, hépatite B, EBV, CMV, HTLV1 et
2, syphilis, rubéole, toxoplasmose) sont imposées au couple
donneur. Le couple receveur doit faire une demande chez le juge
ou le notaire pour signifier son acceptation de la procédure.
La plupart des embryons donnés sont les embryons
surnuméraires congelés de patientes ayant eu un ou plusieurs
enfants en fécondation in vitro. La décision d'un couple de
donner ses embryons intervient souvent plusieurs années après
la tentative de FIV.
Concernant les embryons congelés avant 1994, aucun des
couples n'a eu le bilan complet exigé aujourd'hui par la loi et
il est peu probable que ces couples acceptent de revenir faire
les examens demandés. Concernant les couples réalisant une FIV
aujourd'hui, la réalisation systématique de la totalité du
bilan exigé pour l'éventuel don d'embryon ne semble pas
justifiée compte tenu du faible nombre de couples qui
décideront de donner leurs embryons.
Les embryons disponibles pour le don sont donc congelés. La
receveuse est traitée par différents protocoles en vue du
replacement de ces embryons congelés/décongelés. Les
résultats en termes de grossesse dépendent du taux
d'implantation des embryons congelés qui demeure bas dans la
plupart des centres de FIV (environ 10 à 15 % de grossesse
par transfert).
Les dispositions juridiques très strictes de la loi de
bioéthique rendent la mise en oeuvre du don d'embryon difficile.
Le passage par la congélation embryonnaire lié à l'origine des
embryons disponibles, mais aussi à la " quarantaine "
nécessaire au contrôle des sérologies virales, aboutit à des
taux de succès qui sont aujourd'hui relativement faibles. Il est
en fait une alternative peu réaliste de " l'après FIV
".
L'ADOPTION
L'adoption est bien sûr l'une des options s'offrant aux
couples confrontés aux échecs des tentatives de FIV. Ses
démarches sont cependant longues et difficiles. Le petit nombre
d'enfants en bas âge adoptables allonge les délais pour obtenir
l'enfant désiré. Beaucoup de couples hésitent à adopter un
enfant plus âgé et se tournent alors parfois vers l'adoption
d'un enfant étranger. Il convient cependant de mettre en garde
le couple vis-à-vis des risques de certains intermédiaires peu
scrupuleux et il faut leur recommander de s'adresser à des
associations et organismes reconnus. Dans certains cas les
démarches de l'adoption sont effectuées en parallèle avec les
tentatives de FIV lorsque les espoirs s'amenuisent.
LE RENONCEMENT AU PROJET D'ENFANT
La publicité apportée aux techniques d'AMP aboutit à une
situation où le couple réclame ce qui a été qualifié de
" droit à l'enfant ". Le renoncement au projet
parental est rarement exprimé au consultant de stérilité. Le
couple exprime souvent un découragement et une lassitude
vis-à-vis des répercussions physiques et psychologiques des
traitements de FIV. Le médecin doit savoir accompagner le couple
vers l'arrêt des tentatives pour éviter tout acharnement
thérapeutique. Les alternatives doivent être proposées.
L'encadrement psychologique est une nécessité. Bien souvent
cette décision se prendra au sein du couple. Parfois le vécu
des tentatives de FIV aboutit à un abandon rapide de toute prise
en charge. Dans une étude des équipes de FIV du Sud de la
France, il avait été constaté que 30 % des couples arrêtaient
toute prise en charge après le premier échec de FIV !
CONCLUSION
" L'après FIV " ne doit pas constituer un
acharnement thérapeutique déguisé par la proposition de
techniques de substitution (don d'ovocytes ou d'embryons) dont
les indications sont alors détournées. Ces techniques peuvent
être proposées aux patientes témoignant d'une insuffisance
ovarienne ne permettant pas de réponse ovarienne satisfaisante.
La répétition d'échecs d'implantation en FIV, qui constitue
aujourd'hui la majorité des échecs répétés de FIV, doit
exceptionnellement constituer une indication de don. Les lois de
bioéthique ont de plus considérablement compliqué la
réalisation pratique du don d'ovocytes et du don d'embryons.
Le recours à l'adoption est choisi par certains des couples
et l'abandon du projet d'enfant est accepté par une fraction
réduite des couples confrontés aux échecs répétés de FIV.
L'arrivée de techniques nouvelles (coculture, éclosion
assistée) apporte sans cesse des espoirs nouveaux pour réaliser
la fameuse " dernière tentative ". La décision
médicale de proposer l'arrêt des tentatives est rendue
difficile par les liens qui se tissent entre le médecin et les
couples dont la prise en charge se prolonge pendant des mois
voire des années. Il faut cependant savoir aider le couple à
arrêter la prise en charge en AMP. L'encadrement psychologique
de ces couples ne doit pas être négligé.
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F. Olivennes* Service de Gynécologie-Obstétrique,
Hôpital A. Béclère, 157, rue de la Porte de Trivaux, 92141
Clamart.
Chapitre III - PMA, le début et la fin : quand commencer les
fécondations in vitro, quand les terminer ?
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