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Titre: Cellules souches embryonnaires humaines : Quelles applications pour l'homme ?
Année: 2005
Auteurs: - Hamamah S.
Spécialité: Infertilité
Theme: Cellules souches embryonnaires

Cellules souches embryonnaires humaines :
Quelles applications pour l'homme ?

S. HAMAMAH*, T. ANAHORY*, V. LOUP,*
F. PELLESTOR*, L. REFTMANN,*
H. DECHAUD*, B. HEDON*

Introduction

Pourquoi tout ce bruit autour de l'embryon humain ? Parce que aujourd'hui, 27 ans après la naissance de Louise Brown par fécondation in vitro, l'assistance médicale à la procréation (AMP) reste un sujet sensible en raison des implications philosophiques, morales, médicales, sociologiques et religieuses. Mais, des progrès réalisés les 10 dernières années ont été soldées en 1998 à partir d'embryons humains cultivés pendant une semaine, l'obtention à « volonté » des cellules souches pouvant servir au traitement de certaines maladies (Thomson et al., 1998). Une cellule souche est une cellule indifférenciée, issue de l'embryon, du fœtus ou de l'adulte. Elle est caractérisée par ses capacités d'auto renouvellement (multiplication à l'identique pour produire des cellules souches), de différentiation dans certaines conditions (pour engendrer les
cellules spécialisées qui constituent les différents tissus et donc immortelles), et de prolifération cellulaire en culture. Des découvertes très récentes ont démontré la possibilité d'obtenir des cellules souches pluripotentes, plus communément appelées cellules souches embryonnaires ou cellules ES capables de régénérer n'importe quel organe déficient (Rosenthal., 2003).

Une nouvelle ère dans la biologie des cellules souches embryonnaires chez l'homme a débuté il y a 7 ans avec l'obtention de cellules issues de
blastocystes et de tissus fœtaux ayant la possibilité unique de se différencier
en cellules de n'importe quel autre tissu de l'organisme.

Les cellules souches représentent donc aujourd'hui un enjeu scientifique majeur et leur utilisation dans le cadre de nouvelles thérapies semble ouvrir des perspectives nouvelles.

En attendant la révision des lois dites de bioéthique (prévue pour décembre 2003 en deuxième lecture), on peut espérer que l'importation des cellules souches d'origine embryonnaire reste maintenue. Également, le comité consultatif national d'éthique, a longuement évoqué lors de son 20e anniversaire en février 2003, la question concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.

Le Royaume-Uni en 2001 et la Belgique en 2003, ont donné l'autorisation de mettre en œuvre des recherches sur le clonage thérapeutique, c'est-à-dire la création d'embryons humains clonés, source de cellules souches multipotentes. Il en est de même pour la Belgique depuis quelques mois. En Allemagne, depuis le 1er janvier 2003, 4 équipes ont été autorisées à importer des lignées de cellules souches embryonnaires humaines établies et enregistrées auprès des NIH américains.

Chronologie de la recherche

sur les cellules souches embryonnaires

Quelques dates importantes ayant marqué l'avancée spectaculaire de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines :

1981 : isolement et culture des cellules souches embryonnaires (ES) de
souris (Evans et al., 1981).

1994 : isolement de cellules de la masse cellulaire interne (ICM) de blastocystes humains et les maintenir en culture (Bongos et al., 1994).

1995 : isolement des lignées de cellules souches embryonnaires de primate. Ces cellules souches embryonnaires sont diploïdes et ont un caryotype normal. Elles sont pluripotentes et se différencient en types cellulaires dérivés de tous les trois feuillets primordiaux. On constate que les cellules souches embryonnaires de primates ressemblent aux cellules souches de carcinomes embryonnaires humaines et permettent de penser qu'il pourrait être possible de produire et de maintenir en vie des cellules souches embryonnaires humaines in vitro (Thomson et al., 1995).

1998 : production des cellules souches embryonnaires humaines à partir de la masse cellulaire interne d'un blastocyste humain cédé par un couple ayant eu une FIV. Les cellules ainsi obtenues sont cultivées et subissent plusieurs passages en conservant un caryotype normal, préservant un taux élevé
d'activité télomérasique et exprimant une variété de marqueur typique de cellules carcinomes embryonnaires humaines et de cellules souches embryonnaires de primates (Thomson et al., 1998).

2000 : production de cellules souches embryonnaires humaines à partir de la masse cellulaire interne de blastocystes cédés par des couples inscrits en FlV. Ils constatent que les cellules embryonnaires souches prolifèrent in vitro sur des périodes prolongées tout en conservant un caryotype normal. Elles se différencient spontanément en lignées cellulaires somatiques issues des trois feuillets primordiaux et forment des tératomes quand on les injecte dans des souris immuno-déficientes (Pera et al., 2000).

2000 : production de cellules souches embryonnaires humaines et leur
différenciation en neurones (Reubinoff et al., 2000).

2003 : production de cellules souches embryonnaires humaines à partir de dents de lait humaines tombées naturellement (Masako et al., 2003).

2004 : cellules souches embryonnaires humaines ont été obtenues par transfert du noyau d'une cellule somatique d'une femme dans son ovule anucléé (Wang et al. 2004 ; Séoul en Corée).

2004 : signature en septembre 2004, le décret autorisant l'importation des cellules souches embryonnaires humaines en France.

2004 : obtention d'un « Pacemaker biologique » via des cellules cardiaques avec une activité électrique à partir des cellules souches embryonnaires humaines (Kehat et al., 2004).

Définitions des cellules souches ?

Les cellules souches sont des cellules indifférenciées capables d'une part de se reproduire afin de maintenir un réservoir permanent de leur espèce, et d'autre part, de donner naissance à des cellules différenciées à l'exemple entre autres des cellules de l'hématopoïèse, des hépatocytes ou les cellules musculaires. Une propriété importante est le caractère clonogénique de ces cellules, une seule cellule est capable de renouveler une population entière (Weissman et al., 2001). On peut classer les cellules souches selon leur capacité à donner un ou plusieurs types cellulaires :

 

1. Les cellules totipotentes : les cellules dites totipotentes forment l'embryon dans les quatre premiers jours de son développement, elles peuvent engendrer tous les tissus de l'organisme et participent à la formation d'un être humain entier.

 

2. Les cellules souches pluripotentes : plus communément appelées cellules souches embryonnaires (ES), elles sont issues de la partie interne du blastocyste. Les cellules ES sont dérivées des cellules de la masse cellulaire interne (ICM) d'un blastocyste (photo 1).

Il existe une autre variété de cellules pluripotentes, les cellules primordiales germinales (cellules EG). Elles sont prélevées sur des fœtus avortés à la huitième semaine, elles appartiennent à la lignée cellulaire qui formera les ovules et les spermatozoïdes dont les capacités de différenciation sont inférieures à celles des cellules ES. Également, il y a les cellules EC (embryonal carcinoma cells). Dérivent de lignées immortelles de tératocarcinome.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo 1. Blastocyste humain obtenu par fécondation in vitro.

 

3. Les cellules souches multipotentes : elles sont à l'origine de plusieurs types de cellules différenciées. Les plus connues sont les cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse, à l'origine de toutes les cellules sanguines (érythrocytes, leucocytes, thrombocytes, lymphocytes). Les cellules souches mésenchymateuses, quant à elles, se révèlent capables de produire les chondroblastes (futures cellules cartilagineuses), les myoblastes (futures
cellules musculaires) et les adipoblastes (futures cellules adipeuses).

 

4. Les cellules souches unipotentes : elles ne peuvent former qu'un seul type de cellules différenciées. Ce sont par exemple les kératinocytes de la peau.

Quelles sont les sources d'obtention de cellules

souches embryonnaires chez l'homme ?

Cette question soulève aujourd'hui dans le monde des problèmes tant éthiques que scientifiques. Théoriquement, il existe 3 sources permettant d'obtenir des cellules souches embryonnaires :

 

1. à partir d'embryons dits surnuméraires obtenus lors d'une tentative de fécondation in vitro : ce sont des embryons dont les caractéristiques ne sont pas compatibles avec une congélation (mauvaise qualité morphologique), soit 2 embryons par tentative en moyenne.

 

2. à partir d'embryons congelés pour lesquels il n'y a plus de projet parental : la loi française prévoit qu'au bout de 5 ans, les embryons non utilisés sont détruits. Avec le consentement des parents, ces embryons peuvent, dans certains pays (Royaume-Uni, Suède, Finlande), être utilisés pour des recherches spécifiques sous le contrôle d'une haute autorité. Il est actuellement impossible de dresser un bilan exact sur le plan national, car l'ambiguïté de la loi de 1994, non révisée, n'a pas aidé à la collecte précise des intentions des couples ayant des embryons congelés.

 

3. à partir d'embryons créés par clonage thérapeutique d'une cellule somatique (Wang et al., 2004) : ce sont des embryons obtenus par fusion entre le noyau d'une de ces cellules somatiques et un ovocyte énucléé. Le gouvernement britannique a déjà autorisé cette pratique depuis 2004 ainsi que la Belgique en 2003 à condition que l'embryon obtenu par cette approche ne soit en aucun cas transféré dans un utérus d'une receveuse. Le clonage dit reproductif est aujourd'hui condamné dans pratiquement le monde entier.

Questions et problèmes d'ordre philosophique,

politique, éthique et juridique posés par l'utilisation

de cellules souches embryonnaires en France

durant les 4 dernières années

La question philosophique ou éthique est de savoir si le statut de l'embryon dans les premiers stades de son développement permet son utilisation sans autre objection. L'embryon n'est-il qu'un amas de cellules ou est-il à considérer comme une future personne à part entière ?

Si on considère que la vie commence dès la fécondation, la destruction alors de cet embryon lors de son utilisation pour obtenir des cellules souches est inacceptable, car elle revient à instrumenter un être humain. D'autres considèrent que la vie commence après la fécondation, dans ce cas-là on risque de parler de la « personnification différée de l'embryon ».

Des réponses à ces questions seront nécessaires avant l'intégration des cellules souches embryonnaires dans des protocoles thérapeutiques.

Puisque la recherche sur l'embryon humain est autorisée dans notre pays sous certaines conditions, peut-on espérer que la recherche sur les cellules souches d'origine embryonnaire le sera également ? Sinon, d'autres pays le feront comme c'est le cas actuellement avec la perspective de pouvoir utiliser les cellules souches importées d'ailleurs. De toutes les façons, l'utilisation éventuelle à des fins scientifiques ou thérapeutiques d'embryons surnuméraires obtenus lors d'une tentative de fécondation in vitro soulève la question de la propriété de ces embryons ou des cellules ES qui en dérivent, de leur commercialisation.

 

Quelques étapes importantes ayant marqué le dossier des cellules ES en France

Jusqu'en juillet 2004, la législation française en vigueur stipule que toute recherche sur l'embryon préimplantatoire qui n'est pas réalisée pour son bénéfice direct est strictement interdite. Dans ces conditions, toute obtention de cellules souches embryonnaires sera impossible.

Entre juillet 1994 et 2004, le statut des embryons surnuméraires obtenus après juillet de 1994, était complètement flou et ambigu.

En 2002 et juste avant le changement de gouvernement, l'administration Jospin a autorisé l'importation de lignées de cellules souches embryonnaires. L'administration de Raffarin semblait s'y opposer sous la pression de groupe « Alliance pour les droits de la vie ». Ce groupe ayant contesté la validité de l'autorisation de l'importation de cellules souches a saisi le Conseil d'État et a obtenu l'annulation. Cependant, le tribunal administratif de Paris a validé l'autorisation
d'importation des cellules souches embryonnaires au motif d'une distinction entre embryon et cellules souches embryonnaires

Les députés socialistes ont proposé de supprimer le moratoire relatif à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines lors de l'examen en deuxième
lecture du projet de loi sur la bioéthique en décembre 2003.
à titre exceptionnel et pour une période de 5 ans, les députés en décembre 2003 ont voté en seconde lecture, l'autorisation des recherches sur l'embryon humain. En août 2004, la loi relative à la bioéthique prévoit un dispositif provisoire, permettant aux
chercheurs français de travailler sur les cellules souches embryonnaires humaines.

 

En Allemagne, le comité central d'éthique pour la recherche sur les cellules (ZEK), lié à l'institut Robert Koch (RKI), a autorisé la firme ProteoSys AG à importer les cellules souches dont les lignées WA01, WA07 et WA09 bien que toute forme de clonage humain, y compris celui à des fins de recherche médicale, soit interdite.Utilisations potentielles des cellules souches

embryonnaires humaines

Applications en Recherche fondamentale

Étant capables de se reproduire indéfiniment et de donner naissance à tous les types de cellules existants, les cellules souches embryonnaires représentent un précieux outil de recherche fondamentale. Grâce aux cellules souches embryonnaires, les travaux de recherche sur l'embryogénèse et l'oncogénèse trouveront des opportunités nouvelles d'analyse et d'observation. De nouveaux médicaments seront testés sur différents types cellulaires. Des cellules souches embryonnaires humaines pourraient être utilisées dans l'étude de l'embryogénèse précoce et permettre de mieux comprendre des phénomènes qui ont pour conséquence des défauts congénitaux et des anomalies placentaires pouvant conduire à des avortements spontanés.

En étudiant des cellules souches embryonnaires humaines in vitro, il pourrait être possible d'identifier les événements génétiques, moléculaires et cellulaires qui aboutissent à ces anomalies et de développer des méthodes pour les prévenir. De telles cellules pourraient aussi être utilisées pour explorer les effets des anomalies chromosomiques au stade précoce du développement. Cela pourrait inclure la capacité d'observer le développement des tumeurs pédiatriques précoces dont plusieurs sont d'origine embryonnaire.

Thérapie cellulaire

Les cellules souches embryonnaires pourraient constituer le point de départ de la thérapie cellulaire. Chez la souris, diverses études ont montré que des cardiomyocytes développés à partir de cellules souches embryonnaires murines sont capables de coloniser le tissu cardiaque endommagé. Des rats paralysés traités par injection de cellules souches embryonnaires ont retrouvé leur mobilité.

De nombreux usages ont été proposés pour l'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines. L'usage le plus souvent évoqué est leur utilisation dans la thérapie de la transplantation, pour remplacer ou restaurer des tissus endommagés par la maladie ou d'autres lésions.

 

Transplantations

Les maladies qui pourraient être traitées par transplantation de cellules souches embryonnaires humaines sont par exemple la maladie de Parkinson, le diabète, les lésions traumatiques de la moelle épinière, les dégénérations des cellules de Purkinje, la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne, l'infarctus du myocarde et l'oestéogénésis imperfecta. Cependant les traitements de ces maladies exigent que la différenciation des cellules souches embryonnaires humaines soit induite vers des types cellulaires spécifiques. Dans la revue Nature biotechnology, une équipe israélienne (Kehat et al., 2004) est parvenue à transformer les cellules souches embryonnaires humaines en cellules cardiomyocytes capables de se contracter de façon spontanée et régulière. Ils ont par la suite incubé ces cellules avec des cardiomyocytes de rat et ont obtenu de tissu ayant une activité de régulation similaire à celui qui au sein du muscle cardiaque joue un rôle de « pacemaker biologique ». Dans cette équipe, ils ont transplanté ce tissu dans le cœur de porcs présentant une anomalie rythmique (bloc atrioventriculaire) et ont réussi à corriger en partie le trouble de la conduction via les cellules greffées. Il s'agit donc d'une première démontrant ainsi la possibilité d'obtenir des cellules ayant des caractéristiques fonctionnelles.

 

Tests des drogues à usage pharmaceutique

Les cellules souches embryonnaires humaines pourraient être utilisées pour tester des drogues à usage pharmaceutique.

Les tests cliniques comprennent le screening des drogues sur des modèles animaux, des tests in vitro, utilisant des cellules provenant de souris ou de rat par exemple ou des tests in vivo au cours desquels on fait ingérer une substance à un animal pour en tester la toxicité et la sécurité. Quoique les tests sur des modèles animaux représentent aujourd'hui encore l'outil principal dans la recherche scientifique, ils ne pourraient pas toujours prédire les effets qu'une molécule candidate pourrait avoir sur des cellules humaines.

 

Tests pré-cliniques

Pour toutes ces raisons, les cultures de cellules humaines sont souvent utilisées dans des tests pré-cliniques. Étant donné que les lignées cellulaires ainsi utilisées sont maintenues en vie in vitro sur une très longue période, elles développent aussi des caractéristiques différentes des cellules in vivo. Ces différences pourraient rendre difficile la prédiction de l'action ou de l'effet d'une molécule donnée sur une cellule in vivo à partir de l'étude d'une cellule in vitro. En revanche, si la différenciation des cellules souches embryonnaires humaines peut être induite vers des types cellulaires spécifiques essentiels dans l'étude des molécules pharmacologiques, les cellules provenant des cellules souches embryonnaires humaines pourraient être plus à même de mimer la réponse in vivo des cellules ou des tissus par rapport aux molécules testées. Ce serait une méthode plus sûre et moins coûteuse pour tester les drogues pharmacologiques.

Questions essentielles sur les cellules souches

embryonnaires

Il sera nécessaire d'identifier le stade de différenciation optimale avant toute transplantation. Il sera également déterminant de démontrer que les cellules transplantées dérivées de cellules souches embryonnaires peuvent survivre, s'intégrer et fonctionner dans le tissu récipiendaire. Les désavantages potentiels de l'usage des cellules souches embryonnaires dans la thérapie implantatoire comprennent la propension des cellules souches embryonnaires indifférenciées d'induire la formation de tumeurs (tératome), qui sont typiquement bénignes.

La formation de tumeur pourrait être évitée en concevant de nouvelles techniques permettant de retirer toutes les cellules souches embryonnaires non différenciées avant la transplantation. Il pourrait être possible de concevoir un mécanisme de sécurité, par exemple l'insertion de gènes de suicide (apoptose) parmi les cellules souches transplantées afin de déclencher la mort de ces cellules au cas où elles deviendraient tumorigènes.

Le statut immunologique des cellules souches embryonnaires humaines n'a pas été étudié en détail et on ignore comment les cellules dérivées de cellules souches embryonnaires pourraient devenir immunogènes. Il a été suggéré d'utiliser des techniques de transfert nucléaire de cellules somatiques (clonage thérapeutique). Dans cette technique, le noyau est retiré d'une des cellules du patient transplanté, tel que le noyau d'une cellule de la peau, puis injecté dans un ovocyte. L'ovocyte ainsi fécondé pourrait être cultivé in vitro jusqu'au stade de blastocyste. Des cellules souches embryonnaires pourraient par la suite être produites à partir de la masse cellulaire interne du blastocyste ainsi obtenu et leur différenciation vers le type de cellules désirées serait alors induite. Le résultat pourrait être la production de cellules embryonnaires souches différenciées ou partiellement différenciées qui correspondraient exactement au profil immunologique de la personne récipiendaire de la transplantation qui aura donné le noyau de la cellule somatique.

Applications cliniques

1 - Les maladies neurodégénératives

Maladie de Parkinson, maladie d'Alzheimer, sclérose en plaque, chorée de Huntington... à cette fin ont été utilisées des cellules souches neurales provenant de la souris adulte et des cellules embryonnaires humaines dont on a montré qu'elles pouvaient se différencier en cellules neurales. Des cellules souches hématopoïétiques peuvent régénérer chez l'enfant un cerveau atteint de certaines maladies neurodégénératives et arrêter la progression de la maladie, voire la guérir complètement.

 

2 - Les maladies caractérisées par un déficit cellulaire

Le diabète, les cellules embryonnaires de la souris peuvent donner naissance à des lignées de cellules capables, chez la souris, de sécréter de l'insuline en réponse au glucose et de s'assembler en îlots in vivo et in vitro, infarctus du myocarde en utilisant des cellules souches musculaires.

Hépatite, des cellules souches hématopoïétiques, marquées génétiquement, injectées à des souris irradiées présentant une insuffisance hépatique peuvent non seulement régénérer le système immunologique et sanguin, mais d'hépatocytes normaux capables de guérir les troubles hépatiques.

Perspectives

La recherche sur les cellules souches embryonnaires a déjà commencé à révolutionner le dogme de la biologie. « Changer du sang en cerveau », « changer du cerveau en sang » ! Ces formules qu'on croirait tirées d'un grimoire
d'alchimie sont en fait des titres d'articles scientifiques de haut niveau récemment publiés. Les biologistes découvrent chaque jour de nouvelles potentialités des cellules souches et notamment leur extraordinaire faculté de transformation. En avril 2003, Masako et al. (2003) ont montré que les dents de lait humaines tombées naturellement contenaient des cellules souches et possédaient une capacité importante de prolifération. Également, très récemment, des chercheurs américaines et français ont rapporté avoir réussi à obtenir des ovocytes chez la souris à partir de cellules souches embryonnaires totipotentes. Par ailleurs, la découverte chez la souris de
cellules nerveuses capables de se diviser brisait ce qui passait pour dogme bien établi en biologie : l'incapacité pour un cerveau adulte de reprendre de nouvelles cellules nerveuses. Au laboratoire, des cellules souches hématopoïétiques de souris ont pu donner naissance à des hépatocytes, cellules du foie capables de régénérer le tissu hépatique chez l'adulte. Une équipe américaine a montré il y a quelques mois, qu'une seule cellule hématopoïétique pouvait être à l'origine à la fois de la reconstruction de cellules sanguines, mais également d'autres types cellulaires comme des cellules du poumon, de l'intestin, du muscle ou du foie. Il s'agit d'expériences menées chez la souris, mais des études rétrospectives de patients greffés tendent à prouver que ce phénomène peut également se reproduire chez l'homme.

Les chercheurs israéliens (Kehat et al., 2004) ont démontré il y a quelques semaines avec élégance, la possibilité d'obtenir des cellules cardiomyocytes présentant des caractéristiques fonctionnelles, capables de constituer chez des porcs ayant une anomalie rythmique, une forme de «pacemaker» à partir des cellules souches embryonnaires humaines.

Questions de conscience, questions de choix de société, questions de courage de nos parlementaires pour trouver dans le respect de la dignité humaine,
les bonnes solutions permettant ainsi à la France malgré les quelques années de retard, de prendre part à ces enjeux scientifiques majeurs de la médecine régénératrice d'aujourd'hui.

Bibliographie

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Kehat I, Khimovich L, Caspi O, Gepstein A, Shofti R, Arbel G, Huber I, Satin J, Itskovits-Eldor J, Gepstein L : Electromechanical intergration of cardiomyocytes derived from human embryonic stem cells. Nature biotech, 2004; 22 : 1282-1289.

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* Service de Biologie et de Médecine de la Reproduction B, Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Arnaud de Villeneuve 34295 Montpellier, France - Mail : s-hamamah@chu-montpellier.fr

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