15 ans de DPI : Quels
résultats ?
Introduction
Le diagnostic génétique
préimplantatoire (DPI) est une forme très précoce de diagnostic anténatal. Des
globules polaires ou des blastomères sont extraits d’ovocytes ou d’embryons, et
analysés génétiquement, un transfert sélectif d’embryons non-atteints d’une
affection donnée sont ensuite transférés. Deux types de DPI doivent être
distingués : le DPI pour des patients présentant un haut risque de produire
des embryons anormaux (porteurs d’une maladie monogénique ou d’une aberration
chromosomique) (1) et le DPI pour dépistage d’aneuploïdie dans lequel
l’intégrité d’un certain nombre de chromosomes-clés est vérifiée, en vue de
tenter d’améliorer les chances de grossesses chez des patients présentant un
faible taux de succès après PMA (2). Ce dernier type de DPI est appelé screening
génétique préimplantatoire (PGS) dans le présent manuscrit.
Le premier DPI a été
rapporté en 1990 par le groupe du Hammersmith Hospital à Londres (3). Depuis, le
DPI et le PGS ont été progressivement introduits dans la pratique de différents
centres dans le monde, mais le nombre de cycles réalisés reste encore limité. La
source d’information la plus complète concernant l’activité en DPI et PGS a été
fournie par le Consortium DPI de l’ESHRE (4-7). L’un des objectifs principaux du
Consortium DPI/ESHRE, constitué lors du congrès annuel de l’ESHRE en 1997 à
Edinburgh, fut de réunir des données détaillées sur la pratique du DPI. A cet
effet, les centres pratiquant le DPI ont été invités à devenir membres et à
fournir leurs données sur base volontaire, concernant les indications, les
cycles de DPI, les grossesses obtenues et les enfants nés.
Dans la
présente communication, nous résumerons les données principales les plus
récentes du Consortium DPI/ESHRE (7) concernant les indications du DPI,
certaines données concernant les cycles ainsi que celles sur les grossesses et
les enfants. Deux groupes de données seront présentés et comparés lorsque
nécessaire : 1) les données jusqu'en avril 2001 (période I, II et III) et
2) les données de mai 2001 à décembre 2001 (période IV). Les grossesses et les
enfants provenant de ces cycles seront également inclus. 51 Centres sont membres
du Consortium, mais seuls 36 ont envoyé leurs données.
Indications
de prise en charge pour DPI (résumées dans les tables I et II)
|
III |
IV |
Chromosomale
(numérique/structurelle) |
647 |
1056 |
Liées
au chromosome X |
294 |
103 |
Autosomale
récessive |
290 |
84 |
Autosomale
dominante |
254 |
62 |
Mitochondriale |
6 |
0 |
Deux
indications |
9 |
2 |
Délétion
au niveau du chromosome Y |
2 |
1 |
Sélection
du sexe (raison sociale) |
30 |
38 |
Inconnue |
29 |
45 |
Table
II: Indications pour anomalies chromosomiques (7)
|
III |
IV |
Aberrations
chromosomales structurelles |
|
|
Translocation
réciproque
|
252 |
120 |
Translocation
Robertsonienne |
61 |
80 |
Inversion |
12 |
8 |
Délétion |
6 |
0 |
Aberrations
chromosomales numériques |
|
|
Risque
d’aneuploïdie |
249 |
811 |
47,XXY;
47,XYY |
25 |
3 |
Mosaicisme
des chromosomes sexuels |
16 |
17 |
Anomalie
de la méiose chez l’homme. |
14 |
6 |
Autres |
4 |
2 |
Inconnue |
8 |
9 |
De l’examen de cette
table, il apparaît clairement que les indications pour anomalies chromosomales
ont changé drastiquement. En particulier, les indications pour anomalies
numériques des chromosomes et le PGS ont triplé. La table III indique que la
pratique du DPI pour un risque génétique augmenté, avec antécédents
d’interruption de grossesse (TOP) ou objection à l’interruption de grossesse ont
diminué en fréquence. Par ailleurs, il est clair que le PGS constitue
actuellement une activité majeure en DPI.
Table
III: Raisons de pratiquer le DPI (7)
|
III |
IV |
Risque
génétique et antécédent d’interruption de grossesse
(TOP) |
21.1 % |
8.3 % |
Risque
génétique et objection à l’interruption de grossesse
|
36.2 % |
20.6
% |
Risque
génétique et sub- ou infertilité |
25.6 % |
18.0
% |
Risque
génétique et stérilisation |
1.0 % |
0.2 % |
Aneuploïdie
liée à l’âge |
14.2 % |
53.7
% |
Autres |
6.4 % |
19.7
% |
Les cas les plus
souvent référés pour une maladie liée au sexe étaient le syndrome X fragile, la
dystrophie musculaire de Duchenne ou de Becker et l’hémophilie. Pour des
maladies autosomiques récessives, les cas les plus souvent référés étaient
similaires entre les séries : mucoviscidose/absence congénitale du canal
déférent, b-thalassémie
et atrophie musculaire spinale (SMA). Parmi les maladies autosomiques
dominantes, la dystrophie musculaire et la chorée de Huntington demeurent les
deux principaux motifs de DPI.
Données sur
les cycles
Les résultats globaux
des cycles de prélèvement I-III et IV sont disponibles sur le site web de
l’ESHRE (http://www.eshre.com/). Les données
concernant les anomalies chromosomiques, les maladies monogéniques, le PGS et la
sélection du sexe pour raisons sociales sont également disponibles sur le site
de l’ESHRE. La sélection du sexe pour raison sociale sera discutée dans un
manuscrit séparé.
Pour les anomalies chromosomales, il y avait
très peu de différence entre les deux séries. Les translocations réciproques
représentaient le groupe le plus fréquent d’anomalies chromosomiques ;
l’ICSI était le mode prédominant de fécondation, et la biopsie d’embryons au
stade 8 blastomères, après ouverture de la zona au Tyrode acide était le mode de
prélèvement privilégié. Un nombre moyen de 15 complexes cumulo-ovocytaires (COC)
par cycle de prélèvement d’ovocytes (OR) avaient été collectés dans les séries
I-III et IV ; le taux de fécondation (72 et 75%) ; la proportion
d’embryons biopsiés pour diagnostic (88 et 89%), la proportion d’embryons
biopsiés transférables (25 et 25%), les taux d’HCG positif (21 et 19%) et le
taux de grossesse avec activité cardiaque positive (16 et 14%) par transfert,
étaient similaires. Les taux de grossesse relativement peu élevés reflètent
probablement le fait qu’une faible proportion d’embryons transférables limite le
choix pour le transfert (environ un sur quatre embryons biopsiés dans chaque
classe d’anomalie chromosomale, et seulement un sur cinq des embryons biopsiés
pour les translocations réciproques).
La situation la plus
fréquente ou seule une détermination du sexe de l’embryon avait été effectuée
dans les deux séries de données sont l’hémophilie A, la dystrophie musculaire de
Duchenne, le retard mental lié à X et la dystrophie musculaire de Becker. La
technique de FISH était essentiellement utilisée. Un taux de grossesse clinique
de 17-19% par prélèvement d’ovocytes avait été obtenu. Pour ce qui concerne les
maladies monogéniques, les principales indications pour maladies autosomiques
récessives étaient la mucoviscidose, la b-thalassémie,
SMA, l’anémie à cellules falciformes et l’épidermolyse bulleuse. Pour les
maladies autosomiques dominantes, les indications habituelles en ordre de
fréquence décroissante étaient la dystrophie myotonique, la maladie de
Huntington, la maladie de Charcot-Marie-Tooth et le syndrome de Marfan. Le
diagnostic spécifique pour maladie liée à l’X avait été effectué le plus souvent
pour l’X fragile, la dystrophie musculaire du Duchenne et l’hémophilie A. Il est
important de noter que pour certaines des maladies récessives et liées à l’X,
seule la moitié des embryons était diagnostiquée comme transférable. Ceci réduit
le choix d’embryons de bonne qualité morphologique pouvant être transférés. Dans
les deux séries, une moyenne de 13 ovocytes avaient été collectés par
prélèvement, la biopsie avait été effectuée avec succès dans 92% des embryons,
le diagnostic était possible dans 86% des embryons biopsiés avec succès, environ
80% des cycles de prélèvements menaient à un transfert d’embryons et 20 à 21% de
ces patientes présentaient une grossesse clinique.
L’usage du PGS (DPI
avec screening d’aneuploïdie) a augmenté considérablement. Le nombre moyen
d’ovocytes collectés était de 13, le taux de fécondation de 71% à 73%, la
proportion d’embryons biopsiés avec succès de 97 à 98%. Un diagnostic était
obtenu dans 92% de tous les embryons biopsiés avec succès. Le PGS était effectué
dans différentes circonstances, mais la majorité des cas relevaient de l’âge
maternel avancé, des fausses-couches à répétition ou des échecs répétés de FIV.
Plus récemment, il a également été appliqué dans certains indications
masculines, comme des spermatozoïdes anormaux après analyse par FISH, des
anomalies de la méiose, les oligo-asthéno-tératozoospermies et l’azoospermie. Le
taux total de grossesse par cycle était de 20% dans les séries I-III mais
seulement 9% dans la série IV. Ceci pourrait s’expliquer par le nombre réduit
d’ovocytes recueillis. Dans le groupe des fausses-couches à répétition, le taux
de grossesse était de 30%, alors qu’il était de 10% dans le groupe des échecs
répétés de FIV.
Grossesses
et enfants
Dans les
séries I-III, un effort important à été réalisé pour établir une relation entre
les cycles avec HCG positif et le suivi de grossesses et des enfants. Des
données complètes n’étaient disponibles que pour 276 grossesses parmi les 537
enregistrées. 333 grossesses avaient résulté en la naissance de 315 bébés (175
enfants uniques, 128 jumeaux et 12 triplés). Des données concernant les
grossesses et les bébés, comprenant les complications prénatales, les paramètres
de naissance, les complications et les malformations sont très comparables avec
celles obtenues dans les grossesses après ICSI (8). Nous noterons qu‘on observe
30% de grossesses multiples et donc leurs conséquences sur la prématurité et les
poids de naissance.
Un aspect important du
DPI est le problème des erreurs diagnostiques, découvertes en pré- ou en
postnatale : 3 erreurs diagnostiques ont été rapportées après DPI et FISH
(une pour détermination du sexe, une trisomie 21 après PGS et une pour
translocation réciproque). Le taux d’erreurs de diagnostic est donc de 2% (3 sur
145). Après DPI et PCR, 7 erreurs de diagnostic ont étés rapportées : deux
pour sexing (pour rétinite pigmentaire et dystrophie musculaire de Duchenne),
une pour b-thalassémie
et pour dystrophie myotonique et trois pour mucoviscidose (une découverte en
prénatal, et deux jumeaux qui se sont révélés porteurs à leur naissance, au lieu
d’être homozygotes normaux). Le taux d’erreurs diagnostiques après PCR est donc
de 8% (7 sur 85). Le taux global d’erreurs diagnostiques est en conséquence 10
sur 230 ou 4%.
Dans la
série IV, le nombre de grossesses rapportées a augmenté en conséquence de
l’accroissement de nombre de cycles rapportés. Un nouveau programme informatique
a permis un meilleur contrôle des données des grossesses et de celles concernant
les enfants. Les caractéristiques des grossesses (évolution, complications), des
accouchements et concernant les enfants sont très comparables avec les données
enregistrées sur les grandes séries de grossesses et enfants obtenus après ICSI.
Malheureusement, trois erreurs de diagnostic ont à nouveaux été
rapportées : une après FISH (45,X détecté par diagnostic anténatal après
PGS et deux après DPI pour maladies monogéniques (polyneuropathie amyloïde, à la
naissance et mucoviscidose à la naissance). Ceci nous donne un taux total d’erreurs diagnostiques de 3
sur 136 (2,2% des fœtus testés); un sur 114 (0,9% des fœtus testés pour le FISH)
et 2 sur 223 (0.9% des fœtus testés pour la PCR).
Le Consortium DPI/ESHRE
continuera à rassembler les données sur le DPI et cette banque de données sera
étendue à l’étude de suivi des enfants nés après DPI. Les prochaines données (V)
comprendront celles du premier janvier 2002 au 31 décembre 2002 et sont
actuellement en préparation pour publication. Le Consortium a également édité
des directives concernant le DPI (9).
Références
1. Sermon K, Van Steirteghem A,
Liebaers I. (2004) Preimplantation genetic diagnosis. Lancet 363,
1633-1641.
2. Wilton L (2002) Preimplantation
genetic diagnosis for aneuploidy screening in early human embryos: a review.
Prenat Diagn 22, 312-318.
3. Handyside AH, Kontogianni EH, Hardy
K, Winston RML. Pregnancies from biopsied human preimplantation embryos sexed by
Y-specific DNA amplification (1990). Nature 344, 768-770.
4. ESHRE PGD Consortium Steering
Committee (1999) ESHRE Preimplantation Genetic Diagnosis (PGD) Consortium:
preliminary assessment of data from January 1997 to September 1998. Hum Reprod
14, 3138-3148.
5. ESHRE PGD Consortium Steering
Committee (2000) ESHRE Preimplantation Genetic Diagnosis (PGD) Consortium: data
collection II (May 2000). Hum Reprod 15, 2673-2683.
6. ESHRE PGD Consortium Steering
Committee (2001) ESHRE Preimplantation Genetic Diagnosis Consortium : data
collection III (May 2001). Hum Reprod 17, 233-246.
7. Sermon K, Moutou C, Harper J,
Geraedts J, Scriven P, Wilton L, Magli MC, Michiels A, Viville S, De Bie C.
ESHRE PGD Consortium data collection IV: May-December 2001. Hum Reprod, in
press.
8. Bonduelle M, Liebaers I,
Deketelaere V, Derde M-P, Camus M, Devroey P, Van Steirteghem A. (2002) Neonatal
data on a cohort of 2889 infants born after ICSI (1991-1999) and of 2995 infants
born after IVF (1983-1999). Hum Reprod, 17, 671-694.
- Thornhill
R, deDie-Smulders CE, Geraedts JP, Harper JC, Harton GL, Lavery SA,. Moutou C,
Robinson MD, Schmutzler AG, Scriven PN, Sermon KD, and Wilton L. ESHRE PGD Consortium ‘Best practice guidelines for
clinical preimplantation genetic diagnosis (PGD) and preimplantation genetic
screening (PGS)’ Hum Reprod, in press.
Inge
Liebaers
Centre de
Génétique Médicale
Centre de
Recherche en Reproduction et Génétique
Université
Libre de Bruxelles Néerlandophone (Vrije Universiteit Brussel –
VUB)
|