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Titre: Diagnostic préimplantatoire et maladies d'apparition tardive
Année: 2005
Auteurs: - Liebaers Inge
Spécialité: Infertilité
Theme: Diagnostic pré implantatoire

Diagnostic préimplantatoire
et maladies d'apparition tardive

INGE LIEBAERS*

Introduction

Le diagnostic génétique préimplantatoire (DPI) est une forme précoce de diagnostic anténatal dans laquelle des embryons obtenus in vitro sont analysés de manière à diagnostiquer des anomalies génétiques bien définies. Seuls les embryons sains sont replacés in utero. Cette technique est utilisée principalement dans deux grands groupes d'indications. Le premier groupe est constitué par les individus présentant un haut risque d'avoir un enfant atteint d'une maladie génétique, c'est-à-dire, les porteurs d'une affection monogénique ou
d'anomalie structurelle des chromosomes (comme les translocations) qui ont été obligés de manière répétitive d'interrompre leurs grossesses sur la base des résultats du diagnostic prénatal, qui souffrent d'un problème de stérilité associée (comme dans l'absence congénitale bilatérale des canaux déférents), qui présentent des fausses couches à répétition (comme c'est souvent le cas chez les porteurs de translocations), ou qui ont une objection religieuse ou morale à l'égard de l'interruption de grossesse. Le second groupe est constitué d'individus traités par fécondation in vitro (FIV) ou injection intracytoplasmique des spermatozoïdes (ICSI), qui peuvent avoir un risque génétique faible mais dont les embryons seront testés pour la présence d'aneuploïdie, ceci de manière à tenter d'accroître leurs chances de mener une grossesse à terme. Le DPI avec screening d'aneuploïdie est surtout appliqué lorsque l'on suspecte qu'un faible taux de succès pourrait être attribué à une aneuploïdie chromosomique des embryons comme c'est parfois le cas chez les patientes âgées de plus de 37 ans [1, 2].

Le DPI fut rapporté la première fois dans une utilisation clinique par une publication majeure en 1990, qui eut un retentissement majeur sur l'évolution de la législation concernant la recherche sur les embryons humains au Royaume-Uni [3].

Deux technologies différentes sont utilisées en DPI : la PCR pour le
diagnostic des affections monogéniques et l'hybridation fluorescente in situ (FISH) pour le sexage des embryons, pour le DPI avec screening d'aneuploïdie et pour la détection des translocations non balancées. Cette analyse peut être pratiquée sur le globule polaire d'un ovocyte ou sur un blastomère extrait d'un embryon au stade d'environ 8 cellules. Il est acceptable de dire que le DPI stricto sensu est généralement accepté pour le diagnostic d'affections génétiques à apparition précoce ou pour les anomalies chromosomiques. L'acceptation reste cependant plus problématique ou sujette à controverse pour les affections génétiques à manifestation tardive [4].

DPI et affections génétiques à manifestation tardive

Il existe un certain nombre d'affections génétiques à manifestation tardive pour lesquelles le DPI peut être pris en considération. Parmi ces affections, on peut mentionner la maladie de Huntington, la maladie d'Alzheimer « précoce », l'ataxie spino-cérébelleuse, la maladie rénale polykystique de l'adulte, le cancer du sein et la polypose adénomateuse colique familiale [5].

 

La maladie de Huntington est une affection neuro-dégénérative dans laquelle les symptômes commencent à apparaître vers l'âge de 30 ou 40 ans. Aucun traitement n'est disponible. Une fois la maladie déclarée, elle progresse inéluctablement vers une issue fatale, endéans les dix ans. Les patients atteints de maladie de Huntington nécessitent des soins continus. La maladie de Huntington est une affection autosomale dominante avec un risque de récurrence de 50 %. Elle est due à une expansion instable de triplés CAG dans le gène Huntington. Pour le patient à risque, un test présymptomatique est disponible qui, en cas de résultat positif, indique que le patient sera affecté par la maladie plus tard dans son existence. Trois stratégies différentes sont disponibles pour le DPI de la maladie de Huntington :

1)   tester le nombre de triplés CAG dans les embryons d'un porteur connu de la mutation [6],

2)   le test indirect d'exclusion pratiqué sur des embryons d'une personne à risque [7],

3)   le test direct du nombre de triplés CAG pratiqué sur des embryons d'une personne à risque, mais le résultat ne sera pas communiqué au patient (« non-disclosure CAG repeat testing ») [8].

Chacune de ces trois stratégies sera discutée.

Il est possible d'effectuer un test direct du nombre de triplés CAG sur les embryons d'un porteur connu de la mutation. La mutation causale de la maladie est une expansion de la répétition des triplés CAG à l'extrémité 5' codante du gène Huntington. Une technique de PCR sur cellules uniques, pour le gène de la maladie de Huntington a été développée de manière à pouvoir proposer le DPI aux couples à risques [6]. Chez des couples où l'un des partenaires est un porteur présymptomatique, les différentes options reproductives peuvent être : ils prennent le risque, ils choisissent de ne pas avoir d'enfants, ils optent pour le don d'ovocytes ou le don de sperme selon que la femme ou le partenaire sont porteurs. Ils peuvent choisir d'attendre une grossesse spontanée, de faire pratiquer un diagnostic anténatal et d'interrompre la grossesse si le fœtus est atteint. Une alternative est de choisir le DPI, par lequel seuls les embryons non atteints seront replacés in utero.

Figure 1

D'autres patients à risque pour la maladie de Huntington préfèrent ne pas connaître leur situation de porteur, mais ils veulent cependant éviter la naissance d'un enfant porteur. Pour ces patients, un test d'exclusion après diagnostic anténatal représentait une possibilité diagnostique pendant de nombreuses années. Un désavantage de ce test est que des grossesses non affectées pourraient être interrompues si les parents à risque (50 %) n'ont pas hérité le gène de Huntington du grand-parent. Ceci pose un problème moral et éthique. La stratégie du test d'exclusion indirecte utilisant le DPI a été développée dans notre Centre et a également été appliquée en clinique [7].

Une troisième stratégie, qui est plus complexe à appliquer consiste dans le « direct non-disclosing CAG repeat testing », c'est-à-dire l'analyse des embryons des personnes à risque, sans divulgation des résultats [8]. Le groupe du Fairfax Genetics Institute en Virginie a appliqué cette stratégie à certains patients. L'analyse CAG sans divulgation implique un consentement éclairé avant FIV, concernant le transfert d'embryons et le devenir des embryons surnuméraires. Aucune information ne sera donnée aux patients concernant le nombre de follicules, le nombre d'ovocytes recueillis, le nombre d'embryons avec diagnostic ou transférés. Il implique une administration complexe pour le staff, incluant des documents codés. Un transfert sera effectué dans tous les cas, même si tous les embryons sont atteints : dans ce cas, un simulacre de transfert sera effectué. Le statut génétique des embryons n'est connu que par un nombre limité des personnes. Si le patient n'est pas porteur, il n'y aura pas de biopsie d'embryons. Mais le statut génétique ne sera jamais révélé par le staff au couple. Il semble cependant difficile de demeurer complètement neutre pendant la consultation et de ne fournir aucune information au patient.

Dans les tableaux 1 et 2, nous résumons notre propre expérience avec l'analyse directe CAG ainsi qu'avec l'analyse d'exclusion. Les résultats du groupe de Maastricht (analyse directe CAG) [9] et ceux du Fairfax Genetics Institute (analyse CAG sans divulgation) sont résumés [8]. Les taux de grossesses des trois équipes sont également présentés.

Tableau 1. PGD/HD

 

˙Method

˙Couples

˙Cycles

˙ET

˙Pregnancies

 
˙Direct CAG

˙ 

˙31

˙69

˙58

˙13

˙Exclusion

˙ 

˙11

˙24

˙20

˙3

˙Total

˙ 

˙42

˙93

˙78

˙16

˙ 

˙ 

˙ 

˙ 

˙

 
˙Direct CAG [9]

˙ 

˙20

˙31

˙28

˙10

˙Non disclosing [8]

˙10

˙13

˙11

˙4

Tableau 2. Taux de grossesses PGD/HD

 

˙

˙Brussels

˙Maastricht

˙Virginia

 
˙Couples

˙ 

˙42

˙20

˙10

˙Per cycle

˙ 

˙17 %

˙31 %

˙31 %

˙Per transfer

˙ 

˙20 %

˙36 %

˙36 %

˙Per patient

˙ 

˙38 %

˙50 %

˙40 %

L'ataxie spino-cérébelleuse 3 (SCA3) est une maladie neuro-dégénérative autosomale dominante caractérisée par une expression variable et un âge variable de début. SCA3/MJD (Machado-Joseph disease) résulte de l'expansion d'une répétition CAG dans le gène MJD 1 sur le chromosome 14q32. Le groupe de Maastricht a développé un protocole PCR sur cellules uniques, pour le DPI de SCA3, afin de sélectionner les embryons non affectés sur la base du génotype CAG [9]. Ce groupe a obtenu à ce jour deux grossesses évolutives après DPI pour SCA3. Nous avons également appliqué le DPI pour SCA1 et SCA7. Jusqu'à présent, trois couples ont présenté une grossesse après DPI pour SCA7, nous n'avons pas obtenu de grossesse par DPI pour SCA1 [10].

Nous avons également appliqué le DPI pour la maladie rénale polykystique de l'adulte (2 grossesses chez 3 couples), le cancer du sein (BRCA1), la polypose colique adénomateuse familiale et le néoplasie endocrine multiple IIA. Le groupe de Chicago a également publié des données sur le DPI de maladie d'apparition tardive comme l'Alzheimer précoce [10], p53 [11] et d'autres prédispositions au cancer [12]. Comme dans tous les autres cas de DPI et pour tous les types d'AMP, les résultats doivent être soigneusement suivis en terme de bien-être des enfants nés. Cet aspect a été développé dans une communication précédente.

Conclusion

Nous pouvons dire concernant la maladie de Huntington qu'il s'agit d'une maladie d'apparition tardive extrêmement grave. Le taux de prise en charge de l'analyse présymptomatique reste encore très bas. De même la prise en charge pour diagnostic prénatal et la prise en charge pour l'analyse génétique préimplantatoire restent peu fréquentes. Ce phénomène a été démontré après une étude du taux d'analyses présymptomatiques et prénatales dans différents pays européens. Une possible explication de cette situation réside dans une information insuffisante fournie aux patients ; trop peu de conseil génétique est effectué, en dépit du fait que les patients ont le droit d'être informés. Le désagrément du statut de porteur connu est déjà très élevé et nous devons prendre en considération le fait que les patients ont aussi le droit de ne pas savoir. Il existe également des problèmes concernant l'interruption d'une grossesse, dans laquelle le fœtus est affecté par une maladie d'apparition tardive qui ne deviendra apparente que dans la troisième ou la quatrième décade de la vie. Le DPI est une solution possible de la maladie de Huntington pour les porteurs connus, par le transfert d'embryons non affectés, pour les porteurs possibles, par le transfert d'un embryon « non à risque » et pour les porteurs possibles par un « blinded embryo transfer » d'embryons non-affectés. Le DPI est cependant une procédure coûteuse et le taux de naissances vivantes reste relativement peu élevé. Dans le cadre du DPI pour des maladies d'apparition tardive en général, il paraît approprié que des professionnels informent les couples à risque tant dans les cas de maladie de Huntington que dans d'autres situations de risque des maladies d'apparition tardive. Le choix du couple devrait être accepté s'il existe une solution techniquement possible et si elle n'est pas trop coûteuse à appliquer.

Bibliographie

[1]   Braude P, Pickering S, Flinter F, Ogilvie CM (2002) : Preimplantation genetic diagnosis. Nat Rev Genet 12, 941-953.

[2]   Sermon K, Van Steirteghem A, Liebaers I (2004) : Preimplantation genetic diagnosis. Lancet, 363, 1633-1641.

[3]   Handyside AH, Kontogianni EH, Hardy K, Winston RML : Pregnancies from biopsied human preimplantation embryos sexed by Y-specific DNA amplification (1990). Nature 344, 768-770.

[4]   Sermon K, Liebaers I (2003) : Preimplantation genetic diagnosis and screening in Fauser BCJM, Bouchard P, Hsueh AJW, Rutherford AJ, Simpson JL, Strauss JF, Van Steirteghem AC (eds), Reproductive Medicine; Molecular, Cellular and Genetic Fundamentals", The Parthenon Publishing Group Inc., New York, USA, pp 515-523

[5]   OMIMTM - Online Mendelian Inheritance on LineTM

[6]   Sermon K, Goossens V, Seneca S, Lissens W, De Vos A, Vandervorst M, Van Steirteghem A, Liebaers I (1998) : Preimplantation diagnosis for Huntington's disease (HD): clinical application and analysis of the HD expansion in affected embryos. Prenat Diagn 18, 1427-1436.

[7]   Sermon K, De Rijcke M, Lissens W, De Vos A, Platteau P, Bonduelle M, Devroey P, Van Steirteghem A, Liebaers I (2002) : Preimplantation genetic diagnosis for Huntington's disease with exclusion testing. Eur J Hum Genet, 10, 591-598.

[8]   Harvey J. Stern, Gary L Harton, Michael E. Sisson, Shirley L Jones, Lee A Fallon, Lilli P. Thorsell, Michael E Getlinger, Susan H Black, Joseph D Schulman (2002) : Non-disclosing preimplantation genetic diagnosis for Huntington disease. Prenat Diag 22, 503-507.

[9]   Drüsedau P, Dreesen JCFM, de Die-Smulders C, Hardy K, Bras M, Dumoulin JCM, Evers JLH, Smeets HJM, Geraedts JPM, Herbergs J (2004) : Preimplantation genetic diagnosis of spinocerebellar ataxia 3 by (CAG)n repeat detection. Mol Hum Reprod 10, 71-75.

[10]   Verlinsky Y, Rechitsky S, Verlinsky O, Masciangelo C, Lederer K, Kuliev A (2002) : Preimplantation diagnosis for early-onset Alzheimer disease caused by V717L mutation. JAMA 287, 1018-1021.

[11]   Verlinsky, Y, Rechitsky S, Verlinsky O, Xy K, Schattman G, Masciangelo C, Ginberg N, Strom C, Rosenwaks Z, Kuliev A (2001) : Preimplantation diagnosis for p53 tumour suppressor gene mutations. Reprod Biomed Online 2, 102-105.

[12]   Rechitsky S (2002) : Preimplantation genetic diagnosis for cancer predisposition. Reprod Biomed Online 4, 148-155.

* Centre de Génétique Médicale - Centre de Recherche en Reproduction et Génétique - Université Libre de Bruxelles Néerlandophone (Vrije Universiteit Brussel - VUB).

122   INGE LIEBAERS

   DIAGNOSTIC PRÉIMPLANTATOIRE ET MALADIES D'APPARITION TARDIVE   123

Figure 2

124   INGE LIEBAERS

Figure 3

Figure 4

   DIAGNOSTIC PRÉIMPLANTATOIRE ET MALADIES D'APPARITION TARDIVE   125

Figure 5

Figure 6

126   INGE LIEBAERS

Figure 7

Figure 8

   DIAGNOSTIC PRÉIMPLANTATOIRE ET MALADIES D'APPARITION TARDIVE   127

128   INGE LIEBAERS

   DIAGNOSTIC PRÉIMPLANTATOIRE ET MALADIES D'APPARITION TARDIVE   129