Maladies de l'empreinte parentale et
assistance médicale à la procréation
S . HAMAMAH, T. ANAHORY, H. DéCHAUD,
B. HéDON
Introduction
Malgré le succès de l'assistance médicale
à la procréation (AMP) dans la prise en charge du couple infertile, la
fécondation in vitro classique (FIVc) et la fécondation assistée
par ICSI posent de nombreuses interrogations concernant le problème de l'innocuité
et les risques potentiels sur les enfants nés. Le suivi des enfants nés
après FIV ne montre pas plus de malformations que la population générale
en FIVc. Cependant, en ICSI, une faible augmentation d'anomalies des gonosomes ont
été observées (Tarlatzis et Bill, 1998). Récemment, des études
suggèrent une augmentation de l'incidence des maladies liées à l'empreinte
parentale chez les enfants nés par une AMP. Mais, à l'heure actuelle,
il n'y a, aucune information pour savoir si les procédures utilisées en
FIVc ou en ICSI pourraient être à l'origine des anomalies observées.
En effet, les enfants nés d'une AMP et atteints de des maladies liées
à l'empreinte parentale sont issus de la FIV ou de l'ICSI.
Le concept de l'empreinte parentale ? 'IMPRINTING'
Selon les lois de l'hérédité génétique
classique Mendéllienne établie en 1865 par Grégor Mendel, révélait
une équivalence des génomes maternels et paternels dans la transmission
héréditaire des caractères génétiques simples. Il en découlait
une ségrégation prévisible des traits parentaux dans la descendance.
Mais, d'après des observations en embryologie et en génétique, il
existe des exceptions à cette règle, car les génomes paternels et
maternels, malgré leur constitution génique identique, ne fonctionnent
pas de façon équivalente mais complémentaire 'complémentarité
fonctionnelle des 2 génomes'.
Il s'agit de modification épigénique
(temporaire et réversible) apposée sur le génome durant la gamétogénèse,
se produisant dans la lignée germinale et qui réduit au silence certains
allèles dans les 2 sexes. Le descendant devient fonctionnellement hémizygote
puisque seul l'allèle maternel ou paternel est exprimé.
L'expression des gènes dépend
non seulement des la structure primaire de l'ADN, mais d'autres processus dont les
modifications épigénétiques .Il existe au moins deux périodes
pendant lesquelles le remodelage épigénétique ait lieu : (i) la gamétogenèse
et (ii) le développement embryonnaire préimplantatoire.
Mise en évidence de l'empreinte parentale
L'hypothèse de l'existence de l'empreinte
génomique chez les mammifères vient de l'observation du développement
aberrant des embryons après induction expérimentale de parthénogenèse
chez la souris. Les expériences de transfert nucléaire et l'étude
d'anomalies chromosomiques ont clairement montré que les génomes maternel
et paternel ne sont pas fonctionnellement identiques et sont tous les deux nécessaires
pour le développement normal.
Par des études embryonnaires (expériences de
transfert nucléaire chez la souris)
Les pronuclei mâle et femelle sont isolés
dans l'œuf et remplacés pour que l'œuf ne contienne que des chromosomes d'origine
maternelle (gynogénote) ou paternelle (androgénote). Les embryons de souris
ainsi manipulés sont incapables de se développer malgré un nombre
normal diploïde de chromosomes.
Les embryons gynogénotes sont
relativement normaux en taille et en aspect, alors que les annexes extra embryonnaires
évoluaient très peu. A l'inverse, chez les androgénotes qui s'implantent,
les tissus placentaires prédominants sont associés à des tissus embryonnaires
mal développés (Figure 1). Dans les deux cas, le zygote n'était pas
capable de se développer à terme.
De telles situations peuvent se reproduire
de façon spontanée, et permettent de faire les mêmes observations.
En effet, le développement d'un embryon contenant deux lots de chromosomes
d'origine paternel se caractérise par un conceptus (Kajii, 1977) constitué
essentiellement de trphoblaste (môle hydatiforme). Cependant, dans le cas possédant
deux lots de chromosomes maternels, il se développe une tumeur ovarienne (teratôme
ovarien) (Linder, 1975). Egalement, des cas de triploïdies ont été
observés. Ils proviennent d'une double contribution d'un parents et de la simple
contribution de l'autre. Dans le cas où la double contribution est d'origine
maternelle, le placenta est sous développé et on observe un retard de
croissance du fœtus associé à une macrocéphalie. En revanche, lorsque
la double contribution est d'origine paternelle, le placenta est sur-développé
avec une microcéphalie.
Par
des études génétiques (les produits d'avortement humain triploïdes)
Ils sont phénotypiquement différents
selon que le génome supplémentaire est paternel ou maternel. Les môles
qui sont composées principalement de tissu trophoblastique contiennent un complément
dupliqué de chromosomes paternels.
Les kystes dermoïdes qui sont
différenciés en un large spectre de tissus somatiques mais sans aucun
élément placentaire, contiennent un complément de chromosomes maternels.
Disomies uniparentales (DUP)
Des expériences de reproduction utilisant
des lignées de souris comportant diverses translocations chromosomiques permettent
d'obtenir des DUP pour des chromosomes ou des régions chromosomiques particulières.
Les DUP correspondent à la présence dans le génome de deux copies
d'un chromosome donné ou d'une région chromosomique provenant du même
parent. L'observation du développement de ces souris transgéniques met
en évidence des gènes essentiels pour le développement qui ne sont
actifs que s'ils sont localisés sur le chromosome d'origine paternelle ou maternelle.
Ces études ont ainsi permis de construire une cartographie des gènes soumis
à l'empreinte génomique chez la souris, déterminant les régions
chromosomiques nécessitant la contribution des deux parents pour la viabilité
fœtale.
Chez l'homme, les DUP peuvent se produire
de façon spontanée à la suite d'une mal disjonction suivie d'un second
événement de sauvtage d'une monosomie ou trisomie créées par
le premier événement.
Dans les maladies humaines
Une dizaine de maladies humaines sont actuellement
connues pour être associées à l'empreinte génomique. Dans ces
cas, l'existence de l'empreinte se traduit par le fait que la maladie est observée
avec une fréquence égale chez les hommes et les femmes mais est transmise
exclusivement ou préférentiellement par l'un des parents.
Une variation de ce modèle correspond
aux maladies où les deux parents peuvent transmettre le phénotype anormal,
mais les formes sévères de la maladie sont transmises préférentiellement
par l'un des parents.
Dans d'autres cas, l'empreinte peut
être évoquée devant le phénotype d'une maladie observé
de façon récurrente associé à des DUP pour le chromosome ou
une région chromosomique particulière.
Caractéristiques générales de gènes soumis
à l'empreinte
Grâce aux homologies existant entre génome
humain et génome murin d'une part et grâce à l'étude des DUP
d'autre part, les chromosomes humains susceptibles de contenir des régions
soumises à l'empreinte ont pu être odentifiés. Environ une cinquantaine
de gènes sont actuellement connus pour être soumis à l'empreinte.
Ils présentent comme principale caractéristique d'être organisés
en groupes au sein de régions soumises à empreinte et de posséder
dans leurs séquences codantes, ou à proximité, des régions ayant
une méthylation différentielle (DMR).
La plupart des gènes autosomiques
ont une expression biallélique. Toutefois, il existe un certain nombre de gènes
soumis à l'empreinte, c'est à dire exprimés de façon monoallélique
par un seul allèle (d'origine maternelle ou paternelle).
La base moléculaire de l'empreinte
est épigénétique : deux allèles identiques en séquence
nucléotidique mais d'origine parentale différente sont régulés
différemment dans le même noyau. Ce processus est réversible : l'allèle
silencieux (tagué) peut être réactivé quand il passe à
travers la lignée germinale du sexe opposé et l'allèle exprimé
peut être rendu muet. En général, les gènes soumis à empreinte
s'organisent en cluster de plus de 1 Mb.
Les régions soumises à empreinte
ont un certain nombre de caractéristiques communes :
- Méthylation différentielle
de l'ADN
- Transcription de l'ARN spécifique
d'allèle
- Transcription anti-sens
- Modification des histones
- Temps de réplication différent.
Des travaux récents ont souligné
le rôle régulateur des DMR. Ces régions de l'ADN comportent un niveau
de méthylation des CpG différent selon l'origine parentale. Les changements
de méthylation des DMR constituent des lésions épigénétiques.
Une majorité des ces gènes
ayant des fonctions importantes, en particulier dans la croissance fœtale, le métabolisme
et la régulation endocrine. L'identification de ces phénomènes d'empreinte
génomique a permis de mieux comprendre la physiopathogénie d'un certain
nombre de maladies génétiques et nous assistons actuellement à un
accroissement rapide du nombre de pathologie en relation avec le phénomène
d'empreinte, principalement en cancérologie et en développement.
Empreinte génomique et pathologie humaine
Avant d'exposer les résultats des études
sur les maladies de l'empreinte parentale et l'AMP, il convient de définir
le Syndrome d'Angelman et le Syndrome de Beckwith-Wiedemann que l'on va aborder,
tant sur le plan clinique que génétique,
Syndrome d'Angelman (AS)
Ce syndrome, du nom du pédiatre anglais
qui l'a décrit pour la première fois en 1965, touche 1/12 000 à 1/20
000 naissances (Moncla et al, 1994).
Clinique
Critères diagnostics constants :
- Déficience mentale sévère
- Retard du développement
moteur
- Absence de langage
- Ataxie avec démarche raide
et saccadée
- Sourires et rires très
faciles avec épisodes d'hyperexcitabilité se traduisant par un battement
des avant-bras
- Difficulté d'attention
Critères de diagnostic fréquents
(plus de 80 %)
- Infléchissement de la
croissance cérébrale
- Epilepsie débutant en
général avant l'âge de 3 ans
- Anomalies de l'électroencéphalogramme
- Troubles du sommeil
Signes associés (20-80 %)
- Dysmorphie cranio-faciale
- Strabisme
- Hypopigmentation oculocutanée
- Scoliose
Génétique
C'est l'absence de contribution maternelle du
gène UBE3A qui est responsable du syndrome. Seule la copie maternelle de ce
gène est active dans le cerveau, alors que l'expression est biallélique
partout ailleurs. Les différentes anomalies moléculaires décrites
sont :
- pour 70 % des malades, une
délétion de la région AS du chromosome 15 d'origine maternelle,
- une mutation du gène UBE3A
pour 20 % des malades,
- une disomie uniparentale est
responsable de 5 % des cas,
- une mutation du centre d'empreinte
dans environ 5% des cas.
Syndrome de Beckwith-Wiedemann (BWS)
Le BWS est un syndrome hétérogène
associant une macrosomie et une prédisposition aux tumeurs embryonnaires qui
touche 1/13700 naissances (Weksberg et al, 2003).
Le diagnostic est basé sur des
signes cliniques, mais il n'existe pas de critères cliniques consensus (Gicquel
et al, 2003).
Les critères cliniques majeurs
sont :
- Macroglossie (>95 % des
patients)
- Macrosomie (>90 %) définie
par une croissance pré et/ou post-natale > au 97ème percentile. Ce
trait s'accentue dans la petite enfance puis tend à diminuer quand l'enfant
grandit.
- Anomalies de la paroi abdominale
(80 %) : omphalocèle, hernie ombilicale
- Viscéromégalie (30
%) : reins, foie, rate, pancréas et glandes surrénales.
Signes cliniques mineurs :
- Hypoglycémie néonatale
(40 %)
- Anomalies rénales
- Anomalies des oreilles
- Noevus facial flammeus (30
%)
- Hémihyperplasie (25 %)
- Polyhydramnios
- Prématurité
- Hypertrophie placentaire
- Cardiomégalie
- Hémangiome
- Augmentation de l'âge
osseux
- Faciès caractéristique
: hypoplasie de la partie médiane de la face, « infra-orbital creases ».
Les tumeurs embryonnaires :
Elles se développent généralement
pendant les six premières années de la vie et touchent 7.5 % des BWS :
- Tumeur de Wilms
- Neuroblastome
- Carcinome adrénocortical
- Hépatoblastome
- Rhabdomysarcome
- Gonadoblastome
Génétique
Le SWB est en rapport avec des anomalies génétiques
et épigénétiques de la région 11p15 responsables d'un défaut
de contribution des gènes exprimés à partir de l'allèle maternel
(comme les gènes CDKN1C et H 19 ayant des fonctions antiprolifératives)
et/ou d'un excès de contribution des gènes exprimés à partir
de l'allèle paternel (comme le gène du facteur de croissance fœtale IGF2)
(Gaston et al, 2001).
Les anomalies de méthylation comptent
pour 70 % des malades BWS et parmi elles la déméthylation du gène
KCNQ10T (dont la fonction pourrait être celle d'un centre d'empreinte) (Cleary
et al, 2001 ; Fitzpatrick et al, 2002) compte pour 60 % des cas (Gaston et al, 2001).
Les autres anomalies sont génétiques
et correspondent soit à des mutations de CDKN1C (5 % des cas) soit à des
isodisomies paternelles de la région 11p15 (25 % des cas).
Syndrome de Prader-Willi (PWS)
Clinique
Ce syndrome touche 1/15000 naissance, il est caractérisé
par :
- une hypotonie sévère
de la période néonatale
- une hyperphagie entraînant
une obésité
- une petite taille post-natale
- un hypogonadisme hypogonadotrophique
- des mains et des pieds courts
- retard mental modéré.
Génétique
Cette affection est résulte de l'absence
ou de l'inactivation d'un ensemble de gènes de la région 15q12 du chromosome
paternel, les différents mécanismes en cause sont :
(i) délétion de la région
PWS du chromosome 15 paternel pour 70 % des malades,
(ii) disomie uniparentale maternelle
du chromosome 15 pour 28 % des malades,
(iii) mutation du centre d'empreinte
(2 %). Dans ce dernier cas les cellules germinales perdent la possibilité de
donner l'épigénotype approprié, ainsi dans le PWS, l'enfant à
hérité de son père un chromosome 15 avec un épigénotype
maternel.
Les maladies de l'empreinte parentale chez les enfants
nés après FIV ou ICSI
Plusieurs études contrôlées portant
sur le développement physique et psychologique des enfants n'ont montré
aucune anomalie imputable à la FIVc. Le taux de malformations à la naissance
est identique à celui de la population générale. Cependant, en ICSI
l'enfant le plus âgé a 11 ans et donc le recul est insuffisant pour conclure.
Les données actuelles sont pour l'essentiel rassurantes, mais quelque peu contradictoires.
Les divergences proviennent surtout des classifications, qui ne comptabilisent pas
les anomalies de la même façon. La plupart des séries montrent des
taux de malformations majeures identiques à la population générale,
entre 2.5 et 3 % , mais un taux d'anomalie des gonosomes plus élevé.
Les risques encourus en cas d'ICSI
sont théoriquement de deux ordres : d'une part liés à la technique
elle-même, et d'autre part en rapport avec l'étiologie, c'est-à-dire
avec une pathologie parentale, essentiellement masculine, qui pourra toucher l'enfant
si la barrière physiologique que constitue la stérilité est franchie.
Syndrome d'Angelman
Depuis 2002, des rapports scientifiques semblent
indiquer une augmentation de l'incidence des maladies de l'empreinte parentale après
FIVc ou ICSI. En effet, Manning et al (2000), avait pourtant publié des résultats
encourageants. L'analyse du profil de méthylation de la région 15q11-q13
chez 92 enfants nés de l'ICSI dont 83 avec sperme éjaculé n'a retrouvé
aucune anomalie. L'auteur en a conclue l'absence de risque supplémentaire de
présenter un défaut de méthylation de l'ADN après ICSI. En revanche,
Cox et al (2002) a rapporté deux cas de Syndrome d'Angelman chez des enfants
nés de l'ICSI. Les deux enfants rapportées présentent les critères
cliniques du Syndrome d'Angelman. La première est une enfant de 3 ans dont
le père était atteint d'une OAT. Au moment de la tentative, la mère
était âgée de 33 ans et son père de 31. La seconde est une fillette
de 32 mois dont le père était atteint d'oligospermie secondaire à
un hypogonadisme hypogonadotrophe. Dans les deux cas, les enfants et leurs parents
avaient un caryotype normal.
Les études FISH et microsatellite
ont révélé des chromosomes 15 normaux d'origine biparentale. Les
profils de méthylation des chromosomes 15 étaient normaux chez les parents
mais pas chez leurs enfants .
Aucune anomalie du centre d'empreinte
du syndrome d'Angelman, ni délétion ni mutation, n'a pu être mise
en évidence.
Est-ce une coïncidence ou lié
à la technique de l'ICSI ? Les auteurs écartent l'hypothèse de la
coïncidence pour quatre raisons :
1 - Dans la population générale,
la majorité des AS est due à une délétion 15q, alors que les
défauts de l'empreinte représentent moins de 5 % des cas. Ici, dans les
deux cas observés, il s'agit d'un défaut de l'empreinte.
2 - L'empreinte maternelle du
chromosome 15 est mise en place après la fécondation. L'absence de délétion
du centre d'empreinte et le profil mosaïque d'expression situent le défaut
épigénétique à un stade postzygotique.
3 - L'ICSI court-circuite certaines
des étapes normales de fécondation et d'activation des ovocytes. Il est
possible que l'ICSI contrecarre la production ou la fonction de facteurs transactivateurs
ou de structures locales nécessaires à l'empreinte maternelle du chromosome
15.
4 - Young et al (1998, 2001)
a observé que dans certaines conditions de culture in vitro, des préembryons
de moutons qui avaient été fécondés in vivo conduisaient à
une macrosomie fœtale, associée à une hypométhylation de IgF2r. Ceci
conduit à penser que l'empreinte maternelle du préembryon est vulnérable
face à des facteurs extérieurs.
Il est à noter que les auteurs
ne nous ont donné aucune information concernant la taille de la cohorte qu'ils
ont suivi. En outre, ils écartent un peu rapidement la responsabilité
des agents de l'environnement et de l'infertilité masculine dans la survenue
de ces syndromes.
Plus récemment, Orstavik et al
(2003) a publié un case report qui fait écho à l'article précédent.
Les auteurs présentent le cas d'une petite fille de 3 ans et demi, conçue
par ICSI. Son père, déjà géniteur, ne présentait pas d'anomalie
spermatique. L'ICSI a été envisagé après plusieurs grossesses
extra-utérines, fausses-couches et échec de la FIVc.
Les analyses génétiques montrent
une absence complète de bande maternelle méthylée en l'absence de
délétion du centre d'empreinte. Les auteurs insistent sur le caractère
normal des analyses spermiologiques du père afin d'écarter toute responsabilité
de la stérilité masculine dans la survenue des maladies liées à
l'empreinte dans le cadre de l'ICSI. Ils évoquent aussi la possibilité
d'une histoire familiale d'anomalie de l'ovogenèse puisque la grand-mère
maternelle avait elle aussi présenté des avortements spontanés à
répétition.Syndrome de Beckwith-Wiedemann (BWS)
Chez les moutons et les bovins, Young et al.
(1998 et 2001) ont montré que des anomalies épigénétiques étaient
impliquées dans la survenue du « Large offspring syndrome »
(LOS). Les animaux atteints présentent différents symptômes dont
une macrosomie fœtale. Dans les deux espèces, ce syndrome apparaît après
exposition a des facteurs environnementaux inhabituels de l'embryon entre le stade
de fécondation et le stade blastocyste. Le LOS est lié à la perte
de l'empreinte du gène codant pour le récepteur de IGF2 qui permet l'internalisation
et la dégradation de IGF2 et a ainsi une action anti-proliférative.
Chez l'homme, dans une étude prospective,
DeBaun et al (2003), a rapporté 7 enfants (2 après FIVc et 5 après
ICSI) dont un après don d'ovocytes présentant le BWS. Ce sont des cas
sporadiques qui n'ont pas de particularités cliniques. 6 des 7 enfants présentant
un BWS ont pu être testés :
- 5 présentent une hypométhylation
de LIT1
- 1 présente en plus une
hyperméthylation d'H19
- 1 ne présente aucune anomalie
du profil de méthylation.
D'après le Center for Disease
control, 0.76 % des naissances sont issues de l'AMP en 1999. Dans ce registre de
BWS, 4.6 % (3/65) des naissances après AMP. Il semble donc qu'il y ait 6 fois
plus de risque d'avoir un enfant atteint de BWS après AMP que dans la population
générale. Pour les auteurs, ce risque est sous-estimé puisque l'information
sur le mode de conception n'est systématique que depuis 2001.
Bien que le recul soit encore insuffisant,
les auteurs prédisent une augmentation de survenue des cancers avec la PMA,
puisque associés aux BWS et se manifestant plus tardivement dans l'enfance.
Comme pour le Syndrome d'Angelman,
c'est l'allèle maternel qui est en cause, ce qui permet vraisemblablement d'écarter
la responsabilité du défaut de différentiation spermatique.
On peut admirer l'esprit critique des
auteurs qui mentionnent l'éventuel biais de recrutement lié au registre,
tout en ne comprenant pas pourquoi ils recruteraient plus d'enfants issus de l'AMP.
Egalement, ils soulignent la limitation liée au faible échantillonnage
(65 enfants). Ils poursuivent leur étude pour essayer d'identifier le facteur
responsable : conditions de culture de l'ovocyte, temps d'exposition à certains
milieux de culture, stade de différentiation du sperme au moment de la microinjection,
et ICSI elle-même.
Maher et al (2003) dans une étude
rétrospective concernant149 patients atteints de BWS, a tenté de déterminer
s'il existe une association entre ICSI et BWS. 4 % (6 /149) des enfants atteints
de BWS étaient issus de l'AMP. Parmi les 6 cas : 3 ICSI, 3 FIVC dont un est
un jumeau homozygote.
Les analyses génétiques et
épigénétiques réalisées que chez certains ont montré
:
- absence de DUP chez les 4 enfants
testés
- perte de la méthylation
maternelle de KvDMR1 chez les deux enfants analysés. Comme le soulignent les
auteurs, contrairement aux syndrome d'Angelman après ICSI où le mécanisme
est épigénétique et différent de celui habituellement retrouvé
dans ceux de la population générale, ici, la perte de méthylation
de l'allèle maternel est le mécanisme le plus commun.
Il y a quelques mois, Gicquel et al
(2003) dans une étude rétrospective comprenant 149 patients présentant
les critères cliniques de BWS (102 formes complètes et 47 incomplètes)
ainsi que des anomalies génétiques ou épigénétiques du
locus 11p15. 6 enfants sur 149 sont nés de l'AMP (4 FIVc et 2 ICSI) dont un
après congélation-décongelation. Ils présentent tous de façon
sporadique une hypométhylation de degré variable (72 à 100 %) de
l'allèle maternel de KvDMR1 de la région KCNQ10T.
Dans cette série, 4 % des naissances
sont issues de l'AMP alors qu'elle intervient seulement dans 1.3 % des naissances
dans la population française en général. L'importance de L4amp est
donc ici surreprésentée et il existe un lien statistiquement significatif
entre l'AMP et le risque de présenter un BWS (odds ratio de 3.2). Ce risque
est le même que celui évalué par Maher et al (2003), mais plus faible
que celui de DeBaun et al (2003).
Il est dommage de constater que nous
n'avons aucun renseignement sur la durée de l'étude, les causes parentales
du recours à l'AMP ni l'âge des parents. Il aurait été intéressant
de connaître leurs hypothèses quant à la survenue de BWS chez un
jumeau dyzygote issu de l'AMP.
Conclusion
Il est très difficile d'évaluer l'impact
des techniques de fécondation in vitro avec ou sans microinjection par ICSi
sur la fréquence des maladies liées à l'empreinte parentale. Sans
sombrer dans la psychose, la gravite du sujet nécessite de souligner certains
points : (i) l'importance du suivi à long terme des enfants nés de la
FIVc ou de l'ICSI, voire de leur descendance ; (ii) dans les études publiées,
détail des différents protocoles utilisés de la stimulation ovarienne
jusqu'aux milieux de cultures utilisés.
Ces travaux nous amènent à
réfléchir à deux fois avant toute application à l'homme des
approches plus interventionnistes. Même si ces approches partent d'un bon sentiment,
elles ne peuvent ignorer la complexité et la fragilité de ces premières
étapes de la vie qui sont le zygote et l'embryon durant son développement
précoce.
Bibliographie
[1] Clayton-Smith J, Laan L.
Angelman syndrome : a review of the clinical and genetic aspects. J. Med. Genet.
2003 ; 40 : 87-85
[2] Cleary MA, Van
Raamsdonk CD , Levorse J, Zheng B, Bradley A, Tilghman SM. Disruption of an imprinted
gene cluster by a targeted chromosomal translocation in mice. Nat Gent 2001; 29,
78-82
[3] Cox G, Bürger
J, Lip V, Mau U, Sperling K, Wu BL, Horsthemke B. Intracytoplasmic sperm injection
may increase the risk of imprinting defects. Am. J. Hum. Genet. 2002 ; 71 : 162-164
[4] DeBaun MR, Niemitz
EL, Feinberg AP. Association of in vitro fertilization with Beckwith-Wiedemann syndrome
and epigenetic alterations of LIT1 and H19. Am. J. Hum. Genet. 2003 ; 72 : 000-000
[5] Fitzpatrick GV,
Soloway PD, Higgins MJ. 'Regional loss of impriting and growth defiency in mice
with a targated deletion of KvDMR1. Nat Genet 2002; 32, 426-431
[6] Kajii T. Androgentic
origin of hydatiform mole. Nature 1977; 268: 633-635.
[7] Gaston V, Le Bouc
Y, Soupre V, et al. Analysis of the methylation status of the KCNQIOT and H19 genes
in leukocyte DNA for the diagnosis and prognosis of Beckwith-Weidmann syndrome.
Eur.J.Hum.Gent 2002; 9, 409-418
[8] Gicquel C, Gaston
V, Mandelbaum J, Siffroi JP, Flahaut A, Le Bouc Y. In vitro fertilization may increase
the risk of Beckwith-Wiedemann syndrome related to the abnormal imprinting of the
KCNQ10T gene. Am. J. Hum. Genet. 2003 ; 72 : 1338-1341
[9] Linder D. Parthenogenetic
origin of benign ovarian teratomas. N England J 1975; 292: 63-66.
[10] Maher ER, Brueton
LA, Bowdin SC, Luharia A, Cooper W, Cole TR, Macdonald F, Sampson J R, Barratt CL,
Reik W, Hawkins MM. Beckwith-Wiedemann syndrome and assisted reproduction technology.
J. Med. Genet. 2003 ; 40 : 62-64
[11] Manning M, Lissens
W, Bonduelle M, Camus M, De Rijcke M, Liebaers I, Van Steirteghem A. Study od DNA-methylation
patterns at chromosome 15q11-q13 in children born after ICSI reveals no imprinting
defects. Mol. Hum. Reprod, 2000 ; 6 : 1049-1053
[12] Moncla A, Livet
M, Malzac P, Voeckel M, Mattei M, Mattei JF , Giraud F. Le Syndrome d'Angelman.
Arch. Pediatr. 1994 ; 1 : 1118-1126
[13] Orstavik K, Eiklid
K, Van Der Hagen C, Spetalen S, Kierulf K, Skjeldal O, Buiting K. Another case of
imprinting defect in a girl with Angelman Syndrom who was concerived by intracytoplasmic
sperm injection. Am. J. Hum. Genet. 2003 ; 72 : 218-219
[14] Tarlatzis BC,
Bill H. Survey on intracytoplasmic sperm injection: report from the ESHRE ICSI
force. 1998 Hum Rep, 13 : 166-177
[15] Weksberg R, Smith
A C, Squire J, Sadowski P. Beckwith-Wiedemann syndrome demonstrate a role for epigenetic
control of normal development. Hum. Mol. Genet. 2003 ;12 : R61-R68
[16] Young L, Fernandes
K, McEvoy T, Butterwith S, Gutierrez C, Carolan C, Broadbent P, Robinson J, Wilmut
L, SinclairK.. Epigenetic change inIGF2R is associated with fetal overgrowth syndrom
after sheep embryo culture. Nat Genet. 2001 ; 27 : 153-154
[17] Young L, Sinclair
K, Wilmut L. Large offspring syndrome in cattle and sheep. Rev Reprod 1998 ; 3 :155-163.
MALADIES
DE L'EMPREINTE PARENTALE ET ASSISTANCE MéDICALE
à LA PROCRéATION 267
268 S.
HAMAMAH, T. ANAHARY, H. DéCHAUD, B. HéDON
Figure 1. Le principe du développement
des embryons uniparentaux. MALADIES
DE L'EMPREINTE PARENTALE ET ASSISTANCE MéDICALE
à LA PROCRéATION 269
270 S.
HAMAMAH, T. ANAHARY, H. DéCHAUD, B. HéDON
MALADIES
DE L'EMPREINTE PARENTALE ET ASSISTANCE MéDICALE
à LA PROCRéATION 271
272 S.
HAMAMAH, T. ANAHARY, H. DéCHAUD, B. HéDON
MALADIES
DE L'EMPREINTE PARENTALE ET ASSISTANCE MéDICALE
à LA PROCRéATION 273
274 S.
HAMAMAH, T. ANAHARY, H. DéCHAUD, B. HéDON
MALADIES
DE L'EMPREINTE PARENTALE ET ASSISTANCE MéDICALE
à LA PROCRéATION 275
276 S.
HAMAMAH, T. ANAHARY, H. DéCHAUD, B. HéDON
MALADIES
DE L'EMPREINTE PARENTALE ET ASSISTANCE MéDICALE
à LA PROCRéATION 277
278 S.
HAMAMAH, T. ANAHARY, H. DéCHAUD, B. HéDON
MALADIES
DE L'EMPREINTE PARENTALE ET ASSISTANCE MéDICALE
à LA PROCRéATION 279
280 S.
HAMAMAH, T. ANAHARY, H. DéCHAUD, B. HéDON |