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Titre: Maladies vasculaires du foie et grossesse
Année: 2003
Auteurs:
Spécialité: Obstétrique
Theme: Hépatopathies et grossesse

Maladies vasculaires du foie
et grossesse

Dominique-Charles VALLA

Les maladies vasculaires du foie sont caractérisées par une atteinte primitive des veines hépatiques, du système porte, du système artériel hépatique, ou des capillaires hépatiques. Ces affections sont rares, potentiellement graves, et affectent souvent des sujets jeunes. Certaines d'entre elles sont favorisées par la contraception oestro-progestative et la grossesse.

Atteintes des veines hépatiques[1]

Généralités

L'obstruction des veines hépatiques caractérise le syndrome de Budd-Chiari. L'obstruction peut être causée par un envahissement néoplasique, par une compression extrinsèque (tumeur solide ou kystes), ou par une thrombose. La thrombose des veines hépatiques est le mécanisme le plus fréquent. Elle affecte principalement les femmes (3 à 4 fois plus souvent que les hommes) d'âge jeune (habituellement 16 - 35 ans). Elle est toujours associée à un facteur thrombogène. Le facteur thrombogène peut être une affection prothrombotique (syndrome myéloprolifératif primitif dans 50 % des cas, déficit en protéine C dans 25 % des cas, facteur V Leiden dans 25 % des cas, mais aussi syndrome des antiphospholipides, hémoglobinurie paroxystique nocturne, déficit en protéine S, mutation du gène de la prothrombine, etc.). Le facteur thrombogène peut aussi être une prise de contraceptifs oraux, une grossesse, un état inflammatoire marqué, ou un cancer. Dans 25 % des cas plusieurs facteurs thrombogènes sont associés (par exemple un syndrome myéloprolifératif, un facteur V Leiden, et la prise de contraceptifs oraux.

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L'obstruction des veines hépatiques peut se constituer rapidement ou lentement. Elle a deux types de conséquences : une augmentation de la pression sanguine intrahépatique qui est constante et permanente, et une diminution de la perfusion hépatique qui est inconstante et habituellement transitoire. L'augmentation de pression conduit à une congestion (augmentation de volume et douleur hépatiques) et explique l'hypertension portale habituellement compliquée d'ascite et plus rarement d'hémorragie digestive. La diminution de perfusion explique le syndrome de cytolyse et le syndrome d'insuffisance hépatique. Les manifestations peuvent être aiguës ou chronique. Les thromboses récentes d'une veine hépatique, sont responsable de douleurs de l'hypochondre droit et de fièvre. En l'absence de traitement, la plupart des cas symptomatiques évoluent vers le décès (mortalité spontanée de plus de 60 % à un an). Toutefois, on récemment observé des cas totalement asymptomatiques. L'absence de manifestation est le résultat de 2 phénomènes : la constitution très lente de l'obstruction et le développement d'une circulation collatérale contournant l'obstacle, décomprimant le foie, et rétablissement partiellement la perfusion dans les territoires hépatiques obstrués.

À condition de l'évoquer systématiquement, le diagnostic est facilement fait par l'échographie-Doppler ou l'IRM. Mais le diagnostic peut facilement être méconnu si l'on n'y pense pas. On conclut alors à tort à une cirrhose, une hépatite aiguë, une carcinose péritonéale, une tumeur du foie, une cholécystite, etc.

Les traitements modernes ont permis une très forte amélioration du pronostic (plus de 75 % de survie à 10 ans). Ces traitements incluent toujours le traitement de l'affection thrombogène sous-jacente et le traitement anticoagulant. On leur associe le traitement médical ou endoscopique de l'hypertension portale, et le traitement médical habituel de l'ascite. Les autres modalités sont fonction de la sévérité des manifestations, du type des lésions veineuses, et de la réponse thérapeutique. La première étape consiste chercher - et si elle est présente, à dilater par voie percutanée - une sténose localisée d'une veine hépatique. La deuxième étape consiste à effectuer une anastomose parto-cave latéro-latérale (qui permet de décongestionner le foie en transformant la veine porte d'un affluent en un effluent). Actuellement, les anastomoses chirurgicales sont remplacées par les anastomoses intra-hépatiques percutanées (TIPS). La dernière étape est la transplantation hépatique. La transplantation doit parfois être effectuée en urgence.

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Thrombose des veines hépatiques et grossesse

De nombreux cas de thrombose des veines hépatiques se manifestant au cours ou au décours immédiat de la grossesse ont été rapportés [1]. Toutefois, la grossesse ne peut être considérée que comme un facteur déclenchant. En effet, beaucoup des cas rapportés étaient associés à des affections prothrombotiques évidentes, souvent déjà connues. Dans les autres cas, ces affections n'avaient pas été cherchées. Dans notre expérience, tous les cas de syndrome de Budd-Chiari se manifestant au cours de la grossesse étaient associés à la combinaison de plusieurs affections prothrombotiques. Dans tous les cas qui ont pu faire l'objet d'une exploration complète, un facteur V Leiden était présent, en plus d'autres facteurs favorisant. Enfin, la plupart des cas se sont présentés sous une forme très aiguë, parfois très sévère. Dans un cas, une transplantation en urgence a été nécessaire. Dans les autres cas, le traitement anticoagulant a suffit pour obtenir un contrôle complet des manifestations y compris à long terme.

Malgré le fait bien établi que la grossesse soit un facteur déclenchant de la thrombose des veines hépatiques, plusieurs cas de grossesse on été rapportés chez des patientes ayant un syndrome de Budd-Chiari connu et traité [2]. Il n'a pas été observé de complication particulière pour la mère ou pour l'enfant, sous réserve de plusieurs précautions : remplacement des antagonistes de la vitamine K par des héparines avant la conception, maintien d'une anticoagulation pendant toute la grossesse.

Atteintes de la veine porte[3]

Généralités

L'obstruction des veines du système porte intra ou extra-hépatique peut être due à un envahissement néoplasique (cause la plus fréquente) ou à une thrombose primitive. La thrombose est associée dans 75 % des cas à un facteur favorisant. Il peut s'agir d'une affection prothrombotique (syndrome myéloprolifératif dans 30 % des cas, déficit en protéine S dans 25 % des cas, mais aussi facteur V Leiden, anticorps anti-phospholipides, mutation du gène de la prothrombine). Plus souvent, il s'agit d'un facteur favorisant comme un état inflammatoire ou cancéreux. L'association de la

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grossesse ou des contraceptifs oraux avec la thrombose des veines du système porte est moins forte qu'avec la thrombose des veines hépatiques. Dans 25 % des cas une cause locale peut être identifiée. Il peut s'agir d'une lésion des veines du système porte (traumatisme - même fermé - de l'abdomen, cathéterisme de la veine ombilicale, splénectomie, résection colique, anastomose portosystémique), une affection inflammatoire (diverticulite, appendicite, pancréatite), ou un cancer digestif (même sans invasion néoplasique). La cirrhose ne peut être considérée comme une cause de thrombose portale qu'au stade très avancé où il y a une stagnation du flux portal. Dans 15 % des cas plusieurs facteurs favorisant sont présents simultanément.

La thrombose des veines du système porte est de plus en plus souvent reconnue au stade précoce de pyléphlébite aiguë. Les manifestations associent douleurs abdominales, ou lombaires, fièvre et syndrome inflammatoire. Lorsque la thrombose s'étend aux arcades mésentériques - d'emblée ou parce que le stade initial a été méconnu - il y a ischémie intestinale et éventuellement infarctus mésentérique avec un risque de décès de plus de 50 % malgré une intervention chirurgicale précoce. Lorsque le facteur déclenchant est une appendicite ou une diverticulite, le tableau est celui d'une pyléphlébite septique avec septicémie à Bactéroïdes et abcès du foie. L'échographie-Doppler et la tomodensitométrie permettent de faire facilement le diagnostic. À ce stade, le traitement anticoagulant seul permet d'obtenir la reperméation complète ou partielle dans 80 % des cas. L'extension initiale de la thrombose est le principal facteur prédictif de la réponse thérapeutique.

Lorsque le diagnostic initial a été méconnu, l'évolution de la thrombose de la veine porte peut se faire vers l'involution fibreuse du segment thrombosé. Il se crée alors un réseau collatéral (constituant le cavernome) qui contourne le segment obstrué. Lorsque le segment obstrué est le tronc de la veine porte il se constitue une hypertension portale que les veines du cavernome ne suffisent pas à corriger, malgré un développement parfois très marqué. Ce stade peut rester totalement asymptomatique et reconnu fortuitement (splénomégalie, thrombopénie ou leucopénie d'hypersplénisme, échographie, ou endoscopie digetsives mettant en évidence des varices). Plus rarement, les manifestations sont des hémorragies digestives dues à l'hypertension portale, un accident d'ischémie intestinale, ou une cholestase par obstruction biliaire due aux veines du cavernome.

Globalement, le pronostic est excellent sous réserve d'administrer à la fois un traitement adapté pour l'hypertension portale (agent

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bêta-bloquant ou ligature endoscopique des varices) et un traitement anticoagulant (qui contrôle le risque de récidive ou d'extension de la thromboses sans augmenter le risque d'hémorragie). Les complications biliaires deviennent la principale source de morbidité et de mortalité due à la thrombose de la veine porte.

Thrombose des veines système porte et grossesse

La grossesse ne semble pas constituer un facteur de risque très important de thrombose du système porte [4-7]. Il n'y a quasiment pas de publication rapportant la survenue d'une thrombose récente de la veine porte au cours de la grossesse. Dans notre expérience, sur près de 200 cas de thrombose de la veine porte, aucun ne s'est manifesté de façon au aiguë au cours d'une grossesse.

On dispose de peu de documents sur le déroulement d'une grossesse chez les patiente atteinte d'un cavernome portal connu. Il n'a pas été signalé de risque particulier d'hémorragie ou de récidive de thrombose ni d'impact négatif sur le déroulement de la grossesse. Dans notre expérience limitée, ni le traitement anticoagulant, ni le traitement prophylactique de l'hypertension portale n'ont été source de difficultés.

Atteintes de l'artère hépatique

Les atteintes de l'artère hépatique sont des affections exceptionnelles. Elles incluent les obstructions, les fistules et les anévrysmes. Les obstructions sont habituellement iatrogènes (traumatisme ou ligature chirurgicale, radiologie interventionnelle). L'obstruction des gros troncs est sans conséquences en raison de la facilité avec laquelle se développe une circulation collatérale. En revanche l'obstruction des petites artères terminales par embolisation thérapeutique - par exemple pour l'hémostase d'un hématome ou d'une rupture du foie - expose à un risque sérieux de complication. C'est pourquoi les embolisations sont actuellement effectuées avec des particules de gros diamètre. Les artères hépatiques ayant une destinée principalement biliaire, il est logique que l'obstruction des petites artères se manifeste essentiellement par une nécrose des voies biliaires, d'évolution extrêmement grave.

Les fistules artério-portales sont habituellement la conséquence d'une plaie à l'arme blanche. La maladie de Rendu-Osler est parfois responsable de multiples fistules intra-hépatiques entre sys

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tème artériel et systèmes veineux (portal ou hépatique). Les manifestations sont soit une insuffisance cardiaque à haut débit (fistules artério-sus hépatiques), soit une hypertension portale (fistules artério-portales), soit une nécrose biliaire dû à un vol du sang artériel destiné aux voies biliaires par les fistules. Il n'a pas été rapporté d'influence particulière de la grossesse sur les manifestations hépatiques de la maladie.

Les anévrysmes de l'artère hépatiques sont essentiellement dus à la périartérite noueuse. Elles ont peu de manifestations propres en dehors des exceptionnelles atteintes biliaires. Il n'a pas été rapporté d'effet particulier de la grossesse.

Atteinte des capillaires hépatiques (sinusoïdes) [8]

Il existe deux types d'atteinte primitive des capillaires hépatiques : la fibrose périsinusoïdale et la dilatation sinusoïdale. La fibrose péri-sinusoïdale primitive est souvent associée à un état prothrombotique. De ce fait, on suppose qu'elle est due à une activation de la coagulation intrahépatique. Elle se manifeste par une hypertension portale sans insuffisance hépatique, de bon pronostic. Il n'a pas été rapporté d'interaction avec la grossesse.

La dilatation sinusoïdale peut affecter de façon systématisée le centre ou la périphérie du lobule hépatique en l'absence d'insuffisance cardiaque ou de syndrome de Budd-Chiari (qui en sont les principales causes). Ce type de lésion a été attribué aux contraceptifs oraux. Cependant, le niveau de preuve est très bas. Il n'a pas été rapporté d'association avec la grossesse.

Conclusion

Les maladies vasculaires du foie sont exceptionnelles. La thrombose de veines hépatiques doit être connue des gynécologues et des obstétriciens parce qu'elle touche préférentiellement les femmes jeunes ; parce qu'elle est favorisée par les contraceptifs oraux et la grossesse ; et parce que non traitée elle a une évolution très sévère, alors que reconnue et traitée précocement le pronostic est bon.

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Bibliographie

[1]   VALLA, D.C., Hepatic vein thrombosis (Budd-Chiari syndrome). Semin Liver Dis, 2002. 22(1): p. 5-14.

[2]   VONS, C., et al., Successful pregnancy after Budd-Chiari syndrome. Lancet, 1984. 2(8409): p. 975.

[3]   VALla, D.C. and B. CONDAT, Portal vein thrombosis in adults: pathophysiology, pathogenesis and management. J Hepatol, 2000. 32(5): p. 865-71.

[4]   SEIGE, M., et al., Extensive hepatic infarction caused by thrombosis of right portal vein branches and arterial vasospasm in HELLP syndrome associated with homozygous factor V Leiden. Am J Gastroenterol, 1998. 93(3): p. 473-4.

[5]   YAPAR, E.G., et al., Portal vein thrombosis concomitant with thrombophilia during pregnancy. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol, 1996. 68(1-2): p. 213-7.

[6]   GOODRICH, M.A., et al., Portal vein thrombosis associated with pregnancy. A case report. J Reprod Med, 1993. 38(12): p. 969-72.

[7]   DONALDSON, L.B. and R.K. PLANT, Pregnancy complicated by extrahepatic portal hypertension: review of literature and report of two cases. Am J Obstet Gynecol, 1971. 110(2): p. 255-64.

[8]   HILLAIRE, S., et al., Idiopathic non-cirrhotic intrahepatic portal hypertension in the West: a re-evaluation in 28 patients. Gut, 2002. 51(2): p. 275-80.