Problèmes techniques liés à
l'extraction des ftus de petits poids
Robert MAILLET
Quel que soit le mode d'accouchement
choisi, le ftus de petit poids pose des problèmes techniques spécifiques
liés à sa fragilité.
Un ftus est dit :
• de petit poids
lorsqu'il fait moins de 1 500 g (very low birthweight) ;
• de très
petit lorsqu'il fait moins de 1 000 g (extremely very low birthweight).
La bibliographie concernant ce sujet
est relativement pauvre et en tous les cas ancienne. Les principales références
sont antérieures à 1990, elles concernent donc une période où
les termes acceptables d'extraction des ftus n'étaient pas ce qu'ils sont
devenus aujourd'hui (on peut estimer que la différence est de deux semaines).
Lorsqu'on consulte les manuels didactiques,
l'aspect technique est traité en moins de deux lignes ou carrément ignoré.
1. La fragilité des tout petits
Elle est double à la fois mécanique
et biologique.
Sur le plan mécanique, la fragilité est
• osseuse : la densité
osseuse augmente avec l'âge gestationnel ;
• vasculaire
: les vaisseaux des grands prématurés sont particulièrement fragiles
; il existe de nombreuses publications essentiellement retrouvées dans les
journaux de chirurgie vasculaire pédiatrique faisant état de complications
graves vasculaires 504 R.
MAILLET conduisant
à des amputations et qui sont d'origine iatrogène et post-natale ;
• cutanée : la peau
subit une maturation progressive : le début de la couche cornée se fait
à 24 semaines d'aménorrhée, donc plus le ftus est jeune, moins sa
peau est mature et plus il risque des complications infectieuses.
La fragilité biologique
Les points principaux qui concernent l'obstétricien
sont l'existence d'une anémie, d'une hémostase insuffisante et d'un système
immunitaire imparfait...
• l'anémie
: un ftus entre 22 et 25 semaines a un taux d'hémoglobine de l'ordre de 12,2
g-100 ml alors qu'au-delà de 30 semaines ce chiffre arrive à 13,6 ;
• en ce qui
concerne l'hémostase, tous les facteurs y participant sont diminués, ainsi
:
le fibrinogène
;
l'anti-thrombine
III, protéine C, protéine S ;
les facteurs de
la coagulation, particulièrement ceux qui sont vitamines K dépendants
(tableau 1).
Cas du crâne ftal
En cas de prématurité, le crâne
ftal cumule toutes les fragilités :
• cutanée
• osseuse
• vasculaire
et lorsqu'on sait la richesse vasculaire de cette extrémité ftale, on
comprend les dangers qui en découlent. (figure 1)
2. Les principales lésions rencontrées chez
les prématurés
Elles sont variées, mais l'on retrouve le
plus souvent : Tableau 1 :
facteurs de la coagulation en fonction de l'âge gestationnel.
|
˙Facteurs
coagulation (%) |
˙<28 SA |
˙28-31 |
˙Terme |
|
˙ |
˙2 |
˙12 |
˙30 |
˙45 |
˙ |
˙7 |
˙28 |
˙50 |
˙60 |
˙ |
˙9 |
˙10 |
˙35 |
˙40 |
˙ |
˙10 |
˙20 |
˙40 |
˙45 |
PROBLèMES
TECHNIQUES LIéS à L'EXTRACTION DES FTUS
DE PETITS POIDS 505
• des hématomes
plus ou moins étendus, quelle que soit la voie d'accouchement ;
• des
fractures : elles concernent tous les os, mais particulièrement les os longs,
encore plus fréquemment au cours des césariennes, les deux os les plus
menacés étant le tibia gauche et le radius droit ; d'autres os sont concernés
: la clavicule, les côtes et, bien entendu, le crâne ftal ;
• les
plaies cutanées sont également très fréquentes : un travail
italien estime que, quel que soit le terme, 1,8 % des ftus ont une blessure cutanée
lors d'une césarienne sur plus de 3 000 césariennes ; en cas de prématurité,
ce phénomène est, bien entendu, aggravé par l'existence fréquente
d'un oligoamnios ou d'une rupture prématurée des membranes ;
• plus rarement,
d'autres viscères peuvent être blessés : la rate lors de compression
abdominale, l'sophage ou le carrefour laryngé en particulier lors de manuvres
sur tête dernière.
3. Les particularités obstétricales
Elles expliquent les difficultés rencontrées
:
• le diagnostic
de présentation est souvent difficile d'autant qu'il survient dans un contexte
d'urgence. Les extrémités ftales sont difficiles à différencier
et l'échographie est, bien entendu, d'un grand secours ; Figure
1 : le scalp ftal 506 R.
MAILLET • les
présentations dystociques sont particulièrement fréquentes, ainsi
on trouve plus fréquemment des sièges (tableau 2) et des présentations
transverses. Lorsque la présentation est céphalique, on a fréquemment
une déflexion qui peut aboutir à des présentations de la face. D'une
manière générale, il n'existe pas les phénomènes d'accommodation
et le ftus va finir par stagner dans les voies génitales entraînant un
allongement de la dernière phase du travail ;
• en cas de siège,
des complications spécifiques peuvent survenir comme la rétention de tête
dernière sur un col incomplètement dilaté ou les procidences du cordon
particulièrement fréquentes dans ce contexte.
4. Les problèmes techniques
La lecture de la bibliographie tout particulièrement
dans l'optique de l'« evidence base medecine » nous est de peu de
secours.
Les trois problèmes principaux
qui nous intéressent sont négligés à savoir :
• l'épisiotomie
;
• la place de
l'extraction instrumentale ;
• les particularités
techniques de la césarienne.
En ce qui concerne l'épisiotomie
Il n'existe aucune preuve de son bien-fondé
(NP 5). Il existe quelques articles contre[4]. Le but de l'épisiotomie est
d'éviter la stagnation sur le périnée. On peut raisonnablement penser
qu'elle est d'une bonne indication lorsque le périnée est tonique et en
cas d'extrême prématurité, mais les preuves scientifiques ne sont
pas là.
Les extractions instrumentales
Leur but est de protéger le crâne ftal
en évitant la bosse séro-sanguine. Il existe quelques publications en
faveur de l'extraction (NP 3). Trois instruments sont envisageables :
Tableau 2 : fréquence du siège/age
gestationnel. Age
gestationnel Fréquence en %
21-24 SA 24
25-28 SA 19
29-32 SA 14
PROBLèMES
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DE PETITS POIDS 507
• la ventouse est contre-indiquée
par tous les auteurs pour des raisons de bon sens en dessous de 1 500 g ;
• il existe quelques articles
préconisant l'utilisation du forceps ;
• quant à
l'utilisation des spatules, il n'existe aucun argument scientifique en leur faveur,
mais ceux qui connaissent cet instrument en font une bonne indication puisqu'il
ne s'agit pas dans ce type d'extraction de saisir le crâne ftal, mais d'écarter
les parties génitales.
Problèmes spécifiques de la césarienne
D'une manière générale, la césarienne
dans cette indication est une césarienne potentiellement difficile puisqu'il
n'existe pas de segment inférieur et que très souvent s'associe une pathologie
maternelle ajoutant ses propres facteurs de risques (troubles de la coagulation,
obésité...).
Les recommandations que l'on peut tirer
de la bibliographie sont rares :
• en ce qui
concerne l'incison cutanée, il n'existe pas de recommandation sinon qu'elle
doit être large (NP 5) ;
• en ce qui
concerne l'incision utérine, il existe quelques articles qui préconisent
une incision verticale qui donne un avantage chez les ftus de moins de 1 000 g
;
• La césarienne
vaginale peut être intéressante pour les praticiens sachant la pratiquer.
5. Cas du siège
Comme toujours, en cas de présentation du
siège, les risques sont multipliés. Toutes sortes de lésions ont
été décrites que ce soient :
• des fractures
des membres ;
• des hématomes
liés à la préhension ;
• des compressions
abdominales responsables de rupture de rate ;
• des fractures
d'humérus au moment de l'extraction des épaules.
Il n'existe pas de manuel opératoire
dans cette situation, simplement quelques conseils :
• ne pas lever
le ftus au-delà de 30 par rapport à l'horizontale sous peine de lésions
cervicales sévères ;
• en cas de
rétention sur un col incomplètement dilaté, on peut utiliser le Lenitral
ou une incision cervicale ;
• cas particulier
du 2e jumeau : on peut s'aider en cas d'utérus tonique du Sevoflurane
plus efficace que le Fluotane et moins 508 R.
MAILLET dangereux
pour la mère. Certains auteurs préconisent de garder intacte la poche
des eaux, ce qui permet de mieux faire évoluer le ftus en cas de grande extraction.
6. Autres aspects techniques
La délivrance
Pose des problèmes spécifiques. Il n'existe
en effet pas de plan de clivage en cas de prématurité extrême et
les gestes se compliquent à travers une dilatation cervicale restreinte et
peu compliante.
L'analgésie
Tous les auteurs préconisent l'analgésie
loco-régionale qui diminue l'agitation maternelle, les efforts de poussée
intempestive pouvant traumatiser le ftus, et qui permet à la mère de
voir son enfant. On connaît l'importance de l'établissement d'une relation
materno ftale-précoce dans les cas de grande prématurité.
Conclusion
Lorsqu'on sait que le pronostic ftal est souvent
très largement fait en anténatal, il est difficile pour l'obstétricien
d'avoir une attitude raisonnable. Comme toujours en obstétrique, il est impossible
de randomiser de pareilles situations. Il apparaît évident que l'attitude
ne sera pas la même à 25 semaines chez une adolescente de 15 ans que chez
une primipare de 39 ans ayant eu une fécondation in vitro.
Il ne faut pas non plus omettre que
l'augmentation importante des utérus cicatriciels atypiques risque de générer
dans les années qui viennent des complications maternelles graves. Leur apparition
est retardée par le faible taux de natalité des pays riches et par le
peu d'enclin qu'a la communauté médicale à publier spontanément
ses complications iatrogènes.
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DE PETITS POIDS 509
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