Chapitre 1
Dilatation ante-natale des ventricules latéraux cérébraux
, diagnostic échographique
Ph. SAADA
I rappels techniques et anatomiques
L'obtention systématique de plans de coupe
rigoureux nécessite la pratique dans tous les cas, même sur
tète foetale très basse (la voie vaginale est possible), d'un
examen transfontanellaire. Au besoin, on n'hésitera pas à
mobiliser délicatement la tète foetale par pressions plus ou
moins directes sur le pôle céphalique, ou par mobilisation du
siège.
Ces manipulations seront réalisées en ayant
pris connaissance de la localisation placentaire, de la position
foetale dans l'espace, du Rhésus maternel (délicatesse maximum
chez les femmes Rhésus négatif), en surveillant en permanence
le rythme cardiaque foetal.
A partir du moment où on est capable de placer
la sonde en routine dans cette position, tout devient simple :
Les coupes coronales sont obtenues en faisant
pivoter la sonde de 90 degrés, et les obliques sagittales et
coronales par des mouvements d'inclinaison latérale droite ou
gauche, antérieure ou postérieure, SANS MODIFIER LE POINT DE
CONTACT DE LA SONDE.
La vision la plus précoce des cavités
ventriculaires est obtenue par voie vaginale pendant la 8ème
semaine d'aménorrhée. Les 5 vésicules cérébrales
apparaissent comme de petites lacunes anéchogènes dans le pôle
céphalique de l'embryon. Suivant le plan de coupe choisi, on
visualise soit les deux vésicules talencéphaliques et la
vésicule mésencéphalique, soit les vésicules
mésencéphalique, métencéphalique et myélencéphalique.
Le volume relatif des ventricules latéraux
diminue tout au long de la grossesse. Ils occupent la quasi
totalité des hémisphères à 12 semaines, pour devenir
pratiquement virtuels prés du terme. Le toit des ventricules
repose alors pratiquement sur leur plancher. Leur largeur
mesurée au niveau du carrefour des trois cornes, correspond
alors à peu près au quart de la largeur de l'hémisphère.
En pratique à 22 s.a., on admet que cette
mesure ne dépasse pas 10 mm.
Leur aspect échographique varie selon les
incidences. Les cornes occipitales seront visualisées au mieux
sur des coupes sagittales para-médianes. L'étude des cornes
antérieures sera facilitée par la pratique de coupes sagittales
et horizontales. Les cornes temporales seront surtout étudiées
en coupe longitudinale oblique.
Leur contenu est mixte. Le liquide
céphalo-rachidien est strictement anéchogène, et les plexus
choroïdes, aisément repérables dès la 11ème semaine, sont
hyperéchogènes et situés à la base des ventricules latéraux.
Ils ont en coupe sagittale la forme d'un boomerang à concavité
antéro-inférieure, plaquée sur les noyaux opto-striés.
Dans 1 à 2 % des cas - suivant les auteurs et
le terme auquel ils examinent les foetus - on est amené à
observer des kystes des plexus choroïdes. Ils peuvent être
observes de façon strictement isolée, ou exister en même temps
que d'autres variations anatomiques, voire des malformations
(T18, T13, T21...).
L'image la plus habituelle est celle d'une
lacune bien limitée, liquidienne, totalement anéchogène, de 5
à 6 mm de diamètre. Il s'agit beaucoup plus rarement d'une zone
très hypoéchogène à contours flous. Il existe parfois une
cloison intra-kystique.
Le plus souvent uniques, ces kystes peuvent
être multiples, uni ou bilatéraux. Ils siègent le plus souvent
au niveau du glomus, parfois à la partie antérieure du plexus.
On les découvre généralement entre 16 et 21 semaines. Ils
disparaissent le plus souvent en moins de trois semaines, soit en
involuant sur place, soit en migrant vers la lumière
ventriculaire, créant ainsi un aspect en "dos de
chameau".
II dilatations ventriculaires
La dilatation ventriculaire doit être
considérée non comme une entité, mais comme un signe d'appel.
Cela signifie qu'il faudra outre le bilan local (parois,
échogénicité du L.C.R., aspect des plexus choroïdes,
structures voisines...), tenter de la rattacher à d'autres
malformations. La plus grande difficulté reste d'affirmer son
caractère isolé (on aura recours à l'I.R.M. si l'échographie
bien réalisée, laisse persister des inconnues).
Plusieurs situations peuvent être rencontrées
:
- On ne trouve rien d'autre et la dilatation
apparaît isolée.
- Il n'y a pas de malformation, mais il existe
des modifications de structure du tissu cérébral.
- Il existe une malformation cérébrale
associée.
- L'hydrocéphalie est majeure et toute analyse
anatomique semble impossible.
1. Dilatation ventriculaire isolée -
Ventriculomégalie modérée à volume crânien normal
A la limite des variations anatomiques, se
trouvent des ventriculomégalies très modérées, de bon
pronostic. La dilatation peut-être uni ou bilatérale. Ce sont
des ventricules latéraux trop gros pour le terme, mais sans
compression des structures de voisinage, sans anomalie de
l'échostructure du tissu cérébral, sans anomalie dépistable
de la giration, sans augmentation du volume des espaces
péri-cérébraux... Le diamètre bipariétal est plutôt entre
le 50ème et le 90ème percentile. Une méga-grande-citerne est
possible. L'examen général du foetus est normal. On se méfiera
d'un diamètre bipariétal au 10ème percentile (atrophie
corticale ?), et on ne retiendra ce diagnostic qu'après avoir
éliminé tous les autres (caryotype foetal +/- crase sanguine /
bilan infectieux (Toxoplasmose, rubéole, CMV, Herpès). Le suivi
échographique sera mensuel, puis postnatal.
Quand on a acquis la conviction que la
dilatation est isolée, mineure, et de bon pronostic, après que
tout ait été mis en oeuvre pour arriver à ce résultat, il
reste à faire partager cette conviction aux parents, malgré le
stress induit par l'enchaînement des examens complémentaires.
C'est seulement dans ce climat de confiance, qu'il sera possible
de pratiquer un suivi échographique régulier, mensuel, pour à
chaque fois confirmer le caractère stable et isolé de la
dilatation.
2. Dilatation ventriculaire associée à des
anomalies de structure
Les hémorragies intra-ventriculaires
sont plus ou moins évidentes. L'image est parfois caricaturale :
le ventricule dilaté contient une volumineuse masse
hétérogène au sein de laquelle les limites du plexus choroïde
sont difficiles à cerner. La dilatation ventriculaire déborde
la ligne médiane et refoule en partie l'hémisphère opposé.
A l'opposé, il peut s'agir uniquement d'un LCR
échogène, ce qui est toujours pathologique. Vus à un stade
tardif, les stigmates d'un saignement intra-ventriculaire peuvent
n'apparaître que sous la forme d'un épaississement
hyperéchogène de la paroi ventriculaire.
En pratique, les différentes images sont
souvent associées, et il est fréquent de retrouver tous les
signes au cours du même examen, ce qui laisse à penser que le
saignement est chronique...
Une thrombopénie foetale sévère par
alloimmunisation plaquettaire dans le système PLA1 peut être
retrouvée à l'origine de l'hémorragie de la couche
germinative (cordocentèse).
On peut également incriminer tout accident
hémodynamique maternel responsable d'un grave déficit de la
perfusion utérine. L'anoxie foetale peut de même être
secondaire à un ou plusieurs hématomes rétro-placentaires
passés cliniquement inaperçus.
Plus rarement on évoquera la prise
d'anti-vitamines K après le premier trimestre, ou un traumatisme
direct.
Une anomalie de l'échogénicité des
structures adjacentes peut être mise en évidence. Ces
images sont déjà beaucoup moins évidentes, mais sont à la
portée d'un échographiste spécialisé. L'anomalie de structure
peut toucher les noyaux opto-striés ou le parenchyme en dehors
du ventricule. Elle est d'autant plus évidente qu'elle est
unilatérale et que l'on dispose d'un hémisphère
" témoin ".
Le Doppler couleur utilisé en mode Power
Doppler Imaging (PDI) semble confirmer dans ces cas les
différences d'échogénicité, en montrant une perfusion
différente des noyaux gris, ou des zones d'hyperéchogénicité.
Le mode Power Doppler Imaging (PDI) est une
méthode qui permet de réaliser des images vasculaires de type
anatomique.
Le signal obtenu dépends principalement de
l'hématocrite, la notion de " puissance "
Doppler étant directement fonction du nombre d'hématies qui
renvoient le signal. Ce nombre d'hématies augmente avec le
calibre du vaisseau et la vitesse du flux, mais n'est que peu
modifié par son caractère plus ou moins pulsatile (sauf flux
diastolique nul et rythme lent).
La notion de direction des flux est supprimée,
ce qui permet la mise en place d'une échelle de couleur unique,
et a pour conséquence directe d'améliorer la sensibilité de
quelques décibels.
Les foyers de leuco-malacie
péri-ventriculaires peuvent apparaître comme des zones
hypoéchogènes développées à l'emporte pièce le long des
parois externes des ventricules. Souvent, ces foyers de nécrose
communiquent avec la cavité ventriculaire.
Les lésions clastiques peuvent être
beaucoup plus étendues, réalisant alors des tableaux
anatomiques complexes dans lesquels la dilatation ventriculaire
n'est qu'un élément parmi d'autre, comme typiquement une
agénésie partielle antérieure du corps calleux. Dans ce cas,
il existe toujours des anomalies marquées du trajet des artères
cérébrales.
A l'origine de ces lésions, on incrimine un
épisode plus ou moins précoce d'anoxie-ischémie, le décès
d'un jumeau dans une grossesse mono-choriale, un HRP... Mais il
peut également s'agir des conséquences inflammatoires d'un
épisode infectieux.
A coté de ces images directes, plus ou moins
évidentes, il faut insister sur le caractère péjoratif d'un
élargissement des espaces péri-cérébraux, d'un amincissement
notable du corps calleux, Dun diamètre bipariétal au 10ème
percentile ou même en dessous, tous signes évocateurs d'une
atrophie cérébrale.
Les calcifications sont souvent petites
et difficiles à mettre en évidence. L'IRM est le plus souvent
muette. D'où la détermination et la rigueur avec laquelle on
effectuera la surveillance. Il faut savoir que des images de
calcifications peuvent être découvertes plusieurs mois après
la découverte d'une ventriculomégalie bilatérale modérée,
spontanément régressive et biologiquement muette.
III malformations cérébrales avec dilatation ventriculaire
1. Holoprosencéphalies
Ce qui définit une holoprosencéphalie, c'est
l'existence d'un pont de cortex entre les deux hémisphères.
Schématiquement, on peut dire que plus le pont est large, et
plus les conséquences neurologiques risquent d'être graves.
Holoprosencéphalie alobaire
- Une seule cavité ventriculaire siège 0 la
place des ventricules latéraux et du 3ème ventricule
: il n'y a qu'un hémisphère...
- Les noyaux opto-striés sont fusionnés sur
la ligne médiane.
- Il existe une agénésie complète du corps
calleux et de la faux du cerveau.
- La face est très souvent atteinte, et la
cyclopie est pathognomonique de l'affection.
Holoprosencéphalie semi-lobaire
- C'est une forme partielle de la forme
alobaire, soit par exemple : fusion des thalami, agénésie
calleuse, fusion des cornes antérieures des ventricules
latéraux mais cornes occipitales différenciées.
- Il y a passage de cortex cérébral en regard
de la zone de fusion des ventricules.
Holoprosencéphalie lobaire
- Les deux hémisphères sont séparés.
- Les ventricules communiquent entre par absence de septum
lucidum.
- Les cornes occipitales et temporales sont individualisées.
- Le corps calleux peut être présent ou non.
- Les thalami ne sont pas fusionnés.
- Il existe un passage en pont du cortex en regard de la
fusion ventriculaire.
- Le visage est souvent normal.
2. Agénésie du corps calleux
Le diagnostic est facile si on réalise une coupe sagittale
médiane du cerveau.
- Il n'y a pas de cavum.
- Il n'y a pas d'artère péri-calleuse.
- Il n'y a pas de gyrus cinguli, mais une anomalie de giration
majeure : Les plis ont un aspect radiaire autour du 3ème
ventricule.
- Le trajet des artères issues de la cérébrale antérieure
est également perturbé. En fait l'anomalie du trajet des
artères est visible bien avant l'anomalie de giration.
- En coupe coronale, les cornes antérieures des ventricules
latéraux sont écartées, et ascensionnées, un peu dilatées.
- La plus grande difficulté tient dans la gestion du
dossier...
3. Sténose de l'aqueduc de Sylvius
La sténose ne peut être que suspectée, sur la dilatation
associée du 3ème ventricule et des ventricules latéraux, avec
un 4ème ventricule normal. Si l'examen est réalisé
tardivement, on risque devant une hydrocéphalie majeure de ne
même plus pouvoir visualiser le 4ème ventricule. On pourra
être aidé dans la démarche diagnostique s'il s'agit d'un
garçon et que les pouces sont en adduction permanente.
4. Syndrome d'Arnold-Chiari
Une dépression de la fosse postérieure secondaire à la
présence sous-jacente d'un spina-bifida entraîne un mouvement
vers le bas du bulbe et du cervelet, ce qui se traduit
principalement par la disparition de la grande citerne. Le vermis
parait plus bas, l'inclinaison de la tente du cervelet est
modifiée, et le trajet du sinus longitudinal est modifié au
Doppler à codage couleur... La dilatation ventriculaire est
modérée, et le diamètre bipariétal le plus souvent normal.
5. Syndrome de Dandy-Walker
Ce syndrome associe à une agénésie plus ou moins complète
du vermis cérébelleux, une dilatation kystique du 4ème
ventricule. Les lobes latéraux du cervelet, indemnes, sont
écartés en dehors. Le diagnostic différentiel entre un 4ème
ventricule dilaté et un kyste arachnoïdien de la grande citerne
est plus facile quand il est précoce et que toutes les
structures peuvent être reconnues sur la coupe sagittale
médiane. A un stade avancé, il est souvent impossible de
préciser l'origine exacte de l'image kystique liquidienne qui
occupe la totalité de la fosse postérieure. Le pronostic
pourrait être lié à l'importance de la dilatation
ventriculaire sus-jacente.
6. Agénésie du cervelet
Cette malformation rare est souvent associée à des anomalies
du caryotype. La fosse postérieure contient alors une masse
échographiquement homogène, plutôt hypoéchogène, sans
différenciation entre vermis et lobes latéraux. D'autres
anomalies encéphaliques sont le plus souvent également
présentes, parmi lesquelles une dilatation ventriculaire
bilatérale.
7. Kystes arachnoïdiens
Ils se présentent comme des images lacunaires strictement
anéchogènes. Leur paroi est le plus souvent invisible. Ils
siègent le plus souvent à l'étage sus-tentoriel, sur la ligne
médiane, ou au niveau d'une vallée Sylvienne. Isolés, ils sont
de bon pronostic, mais ils peuvent être responsables de
dilatations ventriculaires par compression.
8. Lissencéphalies
Le diagnostic échographique de l'absence plus ou moins
complète de giration est difficile mais accessible à un
praticien entraîné. Le Doppler couleur apporte une aide
indéniable en montrant les anomalies des trajets artériels,
constants. C'est un diagnostic de 3ème trimestre, la pauvreté
de la giration étant physiologique auparavant. La
ventriculomégalie n'est encore là qu'un signe d'appel.
9. Anévrisme de la veine de Galien
Il est rare que l'anévrysme comprime l'aqueduc de Sylvius, et
induise la dilatation ventriculaire.
L'image est kystique, anéchogène, le plus souvent médiane,
entre les corps des ventricules latéraux sur les coupes
coronales. En coupe sagittale, le drainage dans un sinus droit
dilaté est mis en évidence.
Si le diagnostic peut être délicat dans de mauvaises
conditions d'imagerie bi-dimensionnelle, le Doppler à codage
couleur lève le doute instantanément en montrant au sein de
l'image kystique un énorme flux turbulent.
Les signes sont associés à une cardiomégalie plus ou moins
marquée, secondaire au shunt artério-veineux. La surveillance
sera donc centrée sur la fonction cardiaque, à la recherche de
signes de décompensation.
A noter que tous les cas décrits jusqu'à présent dans la
littérature sont des découvertes du 3ème trimestre de la
grossesse.
10. Tumeurs cérébrales
De diagnostic anté-natal rare, elles peuvent être à
l'origine d'une dilatation ventriculaire par compression. Leur
aspect échographique dépend de leur nature histologique. Les
masses sont plutôt hyperéchogènes, plus ou moins bien
limitées. Le diagnostic différentiel avec un hématome
intra-parenchymateux peut être difficile. Les tératomes sont
moins rares que les astrocytomes et gliomes.
Philippe SAADA Centre
d'échographie "La Marjolaine" , 5, avenue Jean Jaurès
92120 - Montrouge
:
JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET
PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995
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