Chapitre 4
diagnostic anténatal des dilatations ventriculaires
Y. Ville
La démarche diagnostique accompagnant la découverte
d'une dilatation ventriculaire (DV) fait référence
à l'essentiel de la pathologie malformative cérébrale
mais aussi une grande variété de pathologies acquises
infectieuses ou vasculaires. Si l'échographie en fait le
diagnostic et doit alors effectuer un bilan biométrique
et morphologique foetal complet, il n'est plus envisageable aujourd'hui
que l'exploration d'une dilatation ventriculaire, à fortiori
si elle parait isolée, ne bénéficie pas d'une
exploration par une IRM cérébrale foetale anténatale.
Cet examen réalisable dès le début du troisième
trimestre sans curarisation foetale, complète l'examen
échographique par une meilleure évaluation de la
migration neuronale et de ses conséquences, quelque soit
le type de dilatation ventriculaire. L'examen Doppler permet une
étude vélocimétrique mais aussi topographique
vasculaire du cerveau foetal. Les autres examens complémentaires
systématiques comprennent la réalisation d'un caryotype,
et d'un bilan infectieux au moins maternel avec recherche d'une
infection de la série TORCH (toxoplasmose, rubéole,
CMV, herpès).
Le diagnostic de dilatation des ventricules latéraux
(VL) repose sur la mesure absolue de la largeur des cornes ventriculaires
( toute mesure permanente supérieure à 10 mm est
anormale quelque soit le terme) et sur le rapport de ces valeurs
à la largeur de l'hémisphère, sur une même
coupe à partir de la faux du cerveau en coupe axiale. Toute
valeur de ce rapport supérieure à 50% est anormale,
mais ce paramètre est peu utilisable avant 24 SA. Cependant
le diagnostic de dilatation ventriculaire peut être porté
indépendamment de ces mesures par l'examen des rapports
des plexus choroides aux parois ventriculaires: les plexus remplissent
normalement le carrefour ventriculaire des VL au second trimestre;
leur éloignement de la paroi interne traduit la dilatation
ventriculaire.
La démarche diagnostique que nous avons
adoptée différencie les dilatations ventriculaires
alors que la faux du cerveau est bien identifiable des holoprosencéphalies
où tout ou partie de la faux est absente et où les
thalami sont fusionnés.
La diverticulation anormale du prosencéphale
en hémisphères cérébraux et en ventricules
latéraux entre 6 et 10 SA survient entre 1/250 et 1/ 2000
grossesses, ce qui représente environ 16% des étiologies
des dilatations ventriculaires. En fonction du degré d'anomalie,
l'holoprosencéphalie sera alobaire, semilobaire ou lobaire.
La forme alobaire, la plus sévère, apparaît
avec une cavité monoventriculaire et des thalami fusionnés;
elle est aisément reconnue en échographie; elle
s'associe à une agénésie du corps calleux,
de la faux du cerveau, et des aires optiques et olfactives. La
forme semilobaire ne présente qu'un degré partiel
de développement de la ligne médiane et elle est
aussi monoventriculaire. La forme lobaire est celle dont le diagnostic
est le plus difficile, l'examen échographique s'attachera
à démontrer l'absence de septum pellucidum, la séparation
des ventricules et des thalami étant normale. C'est de
la description de ces anomalies qu'est né l'adage "la
face prédit le cerveau"; 80% des formes alobaires
et semilobaires présentent des anomalies de la face (arhinie,
proboscis, cyclopie, fentes...); un syndrome polymalformatif avec
ou sans anomalie du caryotype (trisomie 13) accompagne la moitié
de ces formes graves.
Lorsque la faux et les thalami ont un aspect normal
l'examen morphologique cérébral détaillé
doit faire le diagnostic de malformations cérébrales
spécifiques et les examens complémentaires déjà
cités permettront dans plus de 90% es cas d'établir
le diagnostic étiologique de la DV.
Environ 30% des foetus présentant une ventriculomégalie
bilatérale sont porteurs d'un spina bifida dans le cadre
de la malformation d'Arnold -Chiari ou d'une autre anomalie de
fermeture du tube neural. La position du cervelet, bas et concave
en banane (banana sign) comblant la grande citerne sur une coupe
axiale, l'enfoncement pariétal sur la même coupe
réalisant une forme de citron (lemon sign) laisse planer
peu de doute sur l'étiologie de la dilatation ventriculaire;
l'examen du rachis doit retrouver le spina. Seule une symptomatologie
très fruste laisse encore une place à l'électrophorèse
de l'acétylcholinestérase sur le liquide amniotique,
qui, anormale, affirmera le défaut de fermeture.
Les autres anomalies spécifiques du système
nerveux central s'associant avec une dilatation ventriculaire
incluent: la malformation de Dandy-Walker, la sténose de
l'aqueduc de sylvius, l'agénésie du corps calleux,
les lissencéphalies, les kystes de l'arachnoide, les malformations
vasculaires, et les tumeurs intracrâniennes.
La malformation de Dandy-Walker (DW) existe dans
5-10% des DV, à l'inverse cette malformation s'associe
à une DV dans 80% des cas. Il s'agit d'une agénésie
complète ou partielle du vermis cérébelleux,
écartant les hémisphères cérébelleux
et d'une dilatation kystique du 4ème ventricule, qui apparaît
sur une coupe sagittale comme une formation kystique médiane
de la fosse postérieure; l'élargissement de la grande
citerne par cette formation kystique témoigne d'une forme
évoluée. Les agénésies partielles
touchent la partie inférieure du vermis. Les formes partielles
se distinguent mal des hypoplasies cérébelleuses.
Le DW peut faire partie de nombreux syndromes polymalformatifs,
avec (trisomie 18) ou sans anomalie chromosomique associée
(Meckel-Gruber, Walker-Marburg, Aicardi....); mais aussi être
l'expression d'une foetopathie infectieuse (CMV, toxoplasmose,
rubéole) ou toxique (alcool, Anti-vitamine-K), l'association
avec un diabète maternel a aussi été décrite.
Le DW peut s'accompagner d'autres anomalies du SNC
tels un myéloméningocèle ou une agénésie
du corps calleux, mais aussi des malformations cardiaques, génito-urinaires
ou des extrémités.
La sténose de l'aqueduc de Sylvius explique
1/3 des dilatations ventriculaires postnatales mais une moindre
proportion en anténatal, où 17% des DV anténatales
pourraient lui être attribuées. Les causes peuvent
être acquises (infection virale ou bactérienne, hémorragie
ou compressives) ou congénitales (la sténose liée
à l'X représente 2% des DV anténatales).
La sténose de l'acqueduc est donc révélée
à l'échographie par une dilatation des VL et du
troisième ventricule progressive, dès le 2ème
trimestre si elle est congénitale. Elle est rarement associée
à d'autres malformations, mais dans la forme liée
à l'X il faut rechercher une flexion anormale des pouces
quasi-pathognomonique.
L'agénésie du corps calleux (CC) est
retrouvée au cours de 1/20 000 autopsies non sélectionnées
et chez 2% des enfants atteints d'un retard mental. Elle peut
être complète ou partielle, touchant alors la partie
postérieure du CC. Le corps calleux est visible sur une
coupe sagittale médiane, mais toutes les dilatations ventriculaires
peuvent donner un aspect fin et peu visible du CC; la visualisation
ou non de l'artère péricalleuse sur la même
coupe en Doppler couleur est alors un point important du diagnostic.
L'absence de ce pont inter-hémisphérique induit
un bouleversement architectural donnant des signes indirects caractéristiques:
écartement concave et dilatation des VL surtout au niveau
des cornes postérieures et dont les cornes antérieures
pointent en haut comme des cornes de taureau sur une coupe frontale,
et élévation du 3ème ventricule qui est aussi
souvent dilaté. Cette agénésie du CC peut
être associée à un kyste interhémisphérique,
un DW, une sténose de l'aqueduc mais aussi tous les types
d'holoprosencéphalie et de nombreux syndromes polymalformatifs
à caryotype normal ou anormal (trisomies 8,13,18).
Les kystes arachnoidiens (KA) représentent
1% de toutes les malformations cérébrales et sont
plus fréquent en sus-tentoriel; cependant ce sont essentiellement
les KA sous-tentoriel qui entraînent une dilatation ventriculaire
par compression. Sa forme régulière lisse à
paroi fine le distingue des autres lésions kystiques; sa
localisation peut être asymétrique ou sur la ligne
médiane. Il en existe deux catégories: les KA congénitaux
malformatifs ou acquis par cloisonnement à la suite d'un
phénomène hémorragique, traumatique ou infectieux.
Le terme de lissencéphalie renvoie à
la quasi-absence de gyration. Cette anomalie serait due à
l'interruption de la migration neuronale entre la matrice germinale
et la surface cérébrale. Le diagnostic anténatal
ne pourra donc en être fait qu'au troisième trimestre,
la ventriculomégalie est le plus souvent un élément
de la séquence lissencéphalique, elle peut aussi
être due à une anomalie associée. Elle survient
le plus souvent de façon sporadique mais peut aussi être
transmise sur le mode récessif autosomique ou associée
à une anomalie du caryotype ou à d'autres syndromes
malformatifs (Miller-Dicker, Walker-Marburg) ou d'origine toxique
(roaccutane).
Les malformations vasculaires sont essentiellement
représentées par les anévrismes de l'ampoule
de Galien (AAG). Cette malformation rare induit un hyperdébit
dans la veine de Galien; un dilatation ventriculaire peut survenir
par compression de l'aqueduc de sylvius. L'AAG apparaît
comme une dilatation kystique fusiforme de la ligne médiane
en haut et en arrière des thalami; Un tir Doppler mettra
en évidence les flux dans l'anévrisme. Il est essentiel
de vérifier l'absence de signes de décompensation
cardiaque (cardiomégalie, hydramnios, anasarque) qui fait
l'essentiel du pronostic de cette anomalie, mais aussi de rechercher
des zones d'ischémie intra-cérébrale.
Les tumeurs intracrâniennes à révélation
anténatale sont rares et apparaissent sous la formes de
larges zones solides d'aspect hétérogène
et partiellement kystiques qui entraînent une dilatation
ventriculaire par effet de compression
L'hydranencéphalie est la forme évolutive
ultime d'un processus clastique secondaire le plus souvent à
l'occlusion bilatérale des troncs carotidiens sans que
l'étiologie puisse le plus souvent en être déterminée;
rarement une cause infectieuse (TORCH) a pu être retrouvée.
L'aspect caractéristique est l'absence ou la quasi-absence
d'hémisphère avec le plus souvent conservation des
autres structures cérébrales.
La pathologie fonctionnelle cérébrale
pouvant induire une dilatation ventriculaire est essentiellement
représentée par les hémorragies intra-ventriculaires
(HIV) et les lésions anoxo-ischémiques de porencéphalies
ou de leucomalacies périventriculaires. C'est principalement
dans les pathologies acquises que la dilatation ventriculaire
pourra être unilatérale.
Le saignement de la matrice germinale dans les ventricules
latéraux n'est pas l'apanage des nouveau-nés prématurés
mais peut survenir chez le foetus au cours des alloimmunisations
plaquettaires dans le système PLA1 lors de thrombopénies
foetales sévères dès la première grossesse.
Les accidents hémodynamiques maternels sévères,
les hématomes rétroplacentaires, et la prise d'antivitamines
K dans les deux derniers trimestres de la grossesse sont d'autres
causes d'HIV foetale. L'aspect échographique varie en fonction
de la topographie et de l'ancienneté de l'hémorragie.
Une hémorragie récente apparaît comme une
image échogène à l'intérieur d'un
ventricule ou du parenchyme; plus tard cette image sera plus hétérogène
voir kystique; la paroi ventriculaire souvent ischémique
apparaît alors hyperéchogène. La dilatation
ventriculaire peut donc être une conséquence immédiate
ou ancienne de l'hémorragie.
Les lésions de leucomalacie périventriculaire
sont d'origine anoxo-ischémo-hémorragique et peuvent
être la conséquence de désordres hémodynamiques
importants. Les situations les plus à risques sont les
hématomes rétroplacentaires, mais le diagnostic
est alors le plus souvent postnatal, les hémorragies foetomaternelles
ou le décès d'un jumeau dans une grossesse monochoriale
par transfusion brutale et massive du survivant dans le jumeau
mort. Les situations infectieuses, en particulier au décours
des ruptures prématurées des membranes peuvent par
un phénomène inflammatoire non spécifique,
être aussi à l'origine de ces lésions. Les
bétamimétiques à fortes doses pendant plus
de 15 jours ont aussi été associés à
ce type de lésions cérébrales foetales. Le
diagnostic échographique anténatal est difficile:
des zones hyperéchogènes apparaissent d'abord en
périphérie des cornes postérieures des VL,
ce n'est qu'après au moins 2 semaines d'évolution
que la cavitation de ces lésions pourra avoir une traduction
de DV si elles communiquent avec les VL. Les dilatations ventriculaires
infectieuses virales ou parasitaires (TORCH) s'accompagnent volontiers
de calcifications périventriculaires ou intracrâniennes
et d'un certain degré de microcéphalie.
Yves VILLE
Unité de diagnostic anténatal Maternité de
l'hôpital A. Béclère, Clamart
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995
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