UNE
PREVENTION DE L'OSTEOPOROSE EST-ELLE POSSIBLE ET COMMENT ?
Florence
TREMOLLIERES, Jean-Michel POUILLES et Claude RIBOT
Unité
Ménopause et Maladies Osseuses Métaboliques
Service d'Endocrinologie
CHU Rangueil
1, avenue Jean Poulhès
31403 Toulouse Cedex 4
L'ostéoporose
est une des principales pathologies associées à la postménopause (1,2). Elle
se définie par un état de fragilité diffuse du squelette, lié à une diminution
de sa masse minérale et des altérations de la micro-architecture osseuse pouvant
se compliquer de fractures à l'occasion de traumatismes minimes. Ces fractures
intéressent essentiellement l'extrémité inférieure du radius (fracture de Pouteau-Colles),
les vertèbres dorso-lombaires et l'extrémité supérieure du fémur. On estime
qu'environ 40% des femmes américaines ménopausées feront une fracture liée à
l'ostéoporose d'ici la fin de leur vie. Cette incidence est 4 fois plus élevée
que celle des cancers gynécologiques et comparable à l'incidence de la pathologie
cardio-vasculaire dans ce pays (3). En France en 1990, on estimait que l'incidence
annuelle des fractures vertébrales était de l'ordre 45-60 000 et de 50 000 pour
celle des fractures de l'extrémité supérieure du fémur pour un coût d'environ
7-8 milliards de francs. L'accroissement prévisible de la fréquence de l'ostéoporose
dans les 25 prochaines années, en partie en raison du vieillissement de la population,
tout comme ses conséquences en termes de morbidité et de mortalité en font donc
un problème de santé publique au même titre que d'autres pathologies liées au
vieillissement (1-5).
La prise
en charge de cette affection a fait des progrès majeurs au cours de ces 10 dernières
années tant grâce à l'amélioration du dépistage des femmes les plus à risque
que du développement de thérapeutiques efficaces. En terme de dépistage, la
possibilité de mesurer de manière non invasive la densité minérale osseuse a
représenté incontestablement un progrès majeur et décisif. L'ostéodensitométrie
guidée par l'examen clinique et l'anamnèse constitue la pierre angulaire de
ce dépistage. Son utilisation est sous-tendue par la démonstration indiscutable
par de nombreuses études prospectives de la relation étroite existant entre
diminution de la densité minérale osseuse et augmentation du risque fracturaire.
Cette relation a ainsi conduit tout naturellement à une nouvelle définition,
"densitométrique", de l'ostéoporose qui permet désormais d'envisager
une prise en charge plus précoce de cette affection, avant la survenue de la
fracture. Au plan thérapeutique, les modalités d'utilisation du THS pour la
prévention du risque osseux sont actuellement mieux précisées. Nous disposons
également, pour l'os, de véritables alternatives au THS (bisphosphonates, raloxifène),
qui ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement et la prévention
des fractures ostéoporotiques, ce qui devrait nous permettre à terme d'envisager
une réduction significative de l'incidence de cette pathologie.
I
- DEPISTAGE DE L'OSTEOPOROSE :
L'évaluation
du risque d'ostéoporose chez une femme ménopausée fait appel à trois types de
données cliniques, densitométriques et biologiques.
1 - Facteurs de risque clinique
:
Tableau 1 :
Principaux facteurs de risque d'ostéoporose :
Ostéoporoses
"secondaires"
|
- Endocrinopathies
(hypercortisolisme, hyperparathyroïdie, hyperthyroïdie, hypogonadismes...)
- Pathologies nutritionnelles (malabsorption, hépatopathies, entérocolopathies
infl., chirurgie gastrique...)
- Rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrites),
connectivites (lupus..), mastocytose...
- Leucoses et néoplasies
- Insuffisance rénale chronique
- Transplantations d'organe
- Pathologies neurologiques
- Traitements: corticoides, hormones thyroïdiennes, héparine, agonistes
du GnRH, chimiothérapie ...
|
Facteurs
morphologiques
|
- Petite stature
- Maigreur, faible index de masse corporelle
- Faible masse musculaire
- Chute des dents saines
|
Facteurs
génétiques
|
- Sexe féminin
- Race (caucasienne/asiatique)
- Antécédents familiaux d'ostéoporose
- Maladies génotypiques: Lobstein, maladies du collagène et du tissu
élastique, hémochromatose...
|
Facteurs
hormonaux
|
- Puberté
tardive
- Hypoestrogénie
- Cycles anovulatoires
- Multiparité
- Ménopause précoce et/ou chirurgicale
|
Modes de
vie et environnement
|
- Apports
calciques faibles, intolérance au lactose
- Régime riche en protéines, fibres, sodium
- Intoxication tabagique/alcoolique
- Sédentarité/immobilisation
- Défaut d'exposition solaire
|
Les épidémiologistes ont identifié
plus d'une cinquantaine de facteurs de risque d'ostéoporose dont les plus classiques
sont rappelés dans le tableau 1. Néanmoins, ces facteurs de risque sont loin
d'avoir tous le même intérêt. En pratique, les données véritablement utiles
au clinicien pour le dépistage individuel des femmes à risque sont en fait beaucoup
moins nombreuses (2,5,6). Facilement accessibles à l'interrogatoire et l'examen,
elles seront recherchées systématiquement de par leur association avec le risque
fracturaire, une densité osseuse basse ou le plus souvent les deux. On peut
les classer en 3 catégories par ordre d'importance décroissante :
- Les antécédents fracturaires
:
Un antécédent personnel de fracture par fragilité est incontestablement le
facteur de risque le plus important. Après une première fracture, la probabilité
de survenue d'autres fractures de nature ostéoporotique est extrêmement élevée.
La fracture de l'extrémité inférieure de l'avant bras (fracture de Pouteau-Colles)
qui survient à partir de 60 ans est le plus souvent la première manifestation
clinique de l'ostéoporose avant les tassements vertébraux (64 ans) et la fracture
de l'extrémité supérieure du fémur (ESF) (82 ans). Après une fracture de Pouteau,
le risque relatif de tassement vertébral est multiplié par 5 et de fracture
de l'ESF par 1,5 et cela quelque soit le niveau de la densité osseuse (7).
Après une premier tassement vertébral, le risque de survenue de nouvelles
fractures vertébrales est doublé, ce risque augmentant avec le nombre de vertèbres
initialement tassées (multiplié par 16 au delà de 5 tassements). Une première
fracture ostéoporotique ne doit jamais être banalisée même si son retentissement
à court terme est apparemment minime (fracture du poignet par exemple). Elle
traduit, bien au contraire un état de fragilité osseuse patent, exposant à
d'autres fractures souvent beaucoup plus graves et nécessite une prise en
charge active.
Egalement, la notion d'une ostéoporose dans les antécédents familiaux au premier
degré représente un facteur de risque en raison du déterminisme génétique
de la masse osseuse qui conditionne pour une grande partie le niveau individuel
de chaque individu. Les filles dont les parents (père ou mère) ont été victimes
d'une fracture du poignet ou de l'ESF ont ainsi elles mêmes un risque fracturaire
plus élevé (multiplié par 1,5) et cela quel que soit leur niveau de densité
osseuse (8).
- Les ostéoporoses secondaires
:
Plus que de facteurs de risque, il s'agit de véritables maladies dont la relation
à l'ostéoporose est incontestable. Les principales causes d'ostéoporoses dites
secondaires sont rappelées dans le tableau 1. La corticothérapie par voie
générale est une grande pourvoyeuse d'ostéoporose, retrouvée chez 30 à 50%
des patients traités. Ce risque est encore plus élevé chez la femme après
la ménopause. Toute femme ménopausée recevant ou ayant reçu une corticothérapie
orale de plus de 7,5 mg/j d'équivalent prédnisone pendant plus de 3 mois doit
être considérée de principe comme à risque d'ostéoporose. Egalement, un certain
nombre de pathologies endocriniennes (notament tout hypogonadisme prolongé)
et de maladies rhumatismales ou digestives de nature inflammatoire sont des
causes non exceptionnelles de déperdition minérale osseuse.
- Les données morphologiques,
gynécologiques et de mode de vie :
L'installation de la ménopause représente la principale cause de l'ostéoporose
chez la femme de par l'accélération de la perte osseuse induite par la carence
en estrogènes. Cette perte osseuse serait plus rapide et/ou plus prolongée
en cas de ménopause précoce et/ou chirurgicale (9), un tel antécédent devant
être considéré comme un facteur de risque important d'ostéoporose. De même,
l'âge constitue en lui même un facteur de risque d'ostéoporose : à densité
osseuse comparable, un sujet âgé a un risque de facture plus élevé qu'un adulte
jeune (1).
Parmi les caractéristiques morphologiques, le poids (ou l'index de masse corporelle)
est certainement l'élément le plus important de par son influence sur la densité
osseuse et le risque fracturaire. Cette influence s'explique à la fois par
des facteurs d'ordre mécanique (effet anabolique osseux de la pesanteur) et
hormonaux (conversion périphériques des androgènes en estrogènes, diminution
de la SHBG) ainsi que par un effet d'amortissement du choc assuré par le panicule
adipeux. Dans notre expérience, la prévalence d'une densité minérale osseuse
vertébrale anormale, c'est à dire définie selon l'OMS par un t-score =<
-2,5, est de l'ordre de 30% pour les femmes en début de ménopause pesant moins
de 55 kg, alors qu'elle reste inférieure à 10% au dessus de 60 kg. Un amaigrissement
de plus de 10% après la ménopause constitue également un facteur de risque
de perte osseuse et s'accompagne d'un doublement à un triplement du risque
de fracture non vertébrale tout particulièrement pour les femmes les plus
maigres (10). A l'inverse, la prise de poids s'accompagne d'une diminution
du risque de fracture vertébrale et du fémur mais augmente celui de fracture
du poignet (majoration de l'impact sur un poignet en hyperextension).
Les facteurs de mode de vie, nutritionnels et d'environnement contrairement
à l'opinion commune, ont pour la plupart d'entre eux peu d'influence sur le
risque fracturaire (11). Le tabagisme est responsable après la ménopause d'une
augmentation de la perte osseuse ainsi que du risque relatif de fracture de
l'ESF (+20 à +40%). La diminution de ce risque à l'arrêt de l'intoxication
s'explique pour une large part par la prise de poids fréquemment associée.
En
pratique, l'évaluation clinique du risque d'ostéoporose conduira à faire préciser
l'ensemble de ces éléments tout en sachant que ces facteurs sont cependant peu
spécifiques et tout à fait compatibles avec une densité minérale osseuse normale.
Pour la même raison, liée à la prédominance du déterminisme génétique de la
masse osseuse, ils ne permettent pas de dépister avec certitude toutes les femmes
à densité osseuse basse (12). Chez le sujet âgé, on recherchera également les
facteurs de risque de chute puisque on estime que 90% des fractures de l'ESF
surviennent après une chute. IL s'agit principalement des troubles sensoriels
et de l'équilibre, des déficits de l'appareil locomoteur et musculaires, de
la prise de sédatifs et de psychotropes (11,13). Néanmoins, moins de 5% des
chutes se compliquent d'une fracture (1% pour ce qui est de la fracture de l'ESF),
ce qui souligne l'importance des autres facteurs de risque au premier rang desquels
figure la diminution de la densité minérale osseuse fémorale (1).
2 - La mesure de la densité minérale
osseuse :
La densité minérale osseuse (DMO) conditionne pour 70% à 90% les propriétés
mécaniques du tissu osseux et constitue le meilleur indicateur du risque de
fracture in vivo (1). A cet égard, les études de cohortes sont parfaitement
cohérentes : au delà des différences de population et de méthodologie, elles
rapportent toutes une augmentation exponentielle du risque de fracture associée
à la baisse progressive de la DMO. Pour chaque réduction d'un écart type (10
à 15%) de la DMO correspond un doublement du risque de fracture aussi bien chez
la femme que l'homme (1,2,5). Cette relation est comparable à celle établie
entre risque d'accident vasculaire cérébral et HTA et même supérieure à la relation
hypercholestérolémie et infarctus du myocarde. Elle est valable pour toute les
localisations de l'ostéoporose et indépendante de l'âge (1).
La densité
minérale osseuse peut actuellement être mesurée par différentes méthodes de
mesure non invasives au premier rang desquelles figure l'absorptiométrie biphotonique
à rayons X ou DXA. Il s'agit de la technique de référence par excellence de
par sa fiabilité (exactitude >= 90%), sa précision (reproductibilité :
1-3%) et le fait qu'il s'agit de la seule méthode qui permette de mesurer les
2 principaux sites de l'ostéoporose: rachis et fémur, tout comme de n'importe
quelle autre pièce osseuse ou du squelette entier. Sa durée est de 1 à 2 minutes
avec les appareils de dernière génération équipés de multidétecteurs. L'irradiation
délivrée est tout à fait minime, 10 à 30 fois inférieure à celle d'une radiographie
pulmonaire (0,5 à 0,8 µSv) (14).
Le résultat est le plus souvent exprimé en g d'équivalents hydroxy-apatite par
cm2 d'os balayé (DMO ou BMD pour Bone Mineral Density). L'interprétation se
fait par référence à des courbes de normalité, spécifiques à chaque marque d'appareil,
en fonction de l'âge et de l'origine géographique. Les principaux appareils
de DXA sont équipés de courbes de normalité (rachis et fémur) validées pour
la population française. Les résultats sont exprimés en pourcentage de déviation
par rapport à la valeur normale du sujet de même âge, ou de préférence, sous
la forme de 2 scores qui expriment le nombre d'écart types qui sépare la valeur
du patient de la valeur moyenne de l'adulte jeune (t-score) ou du sujet de même
âge (z-score).
Tableau 2
: Classification densitométrique proposée par l'OMS (1994)
NORMAL
|
Valeur de
t-score supérieure ou égale à –1
|
OSTEOPENIE
|
Valeur de
t-score comprise entre -1 et -2,5
|
OSTEOPOROSE
|
Valeur de
t-score inférieure ou égale à -2,5
|
OSTEOPOROSE
AVEREE
|
Valeur de
t-score inférieure ou égale à -2,5 en présence d'une ou plusieurs fractures
par fragilité osseuse.
|
Le développement
de la DXA a été à l'origine d'une nouvelle définition de l'ostéoporose qui a
été proposée par un groupe d'expert de l'OMS dès 1994 (1), basée non plus sur
la survenue d'une fracture, mais sur une diminution de la densité minérale osseuse
(tableau 2). Tout sujet sera ainsi considéré comme "ostéoporotique"
lorsque sa masse osseuse est inférieure à 2,5 écarts types de la masse osseuse
maximale de l'adulte jeune (t-score =< -2,5). L'avantage de cette classification
OMS est de permettre une stratification du risque fracturaire et en ce sens
de permettre une prise en charge plus précoce de l'ostéoporose sans attendre
la survenue de l'évènement fracturaire, dont on sait qu'il représente déjà un
élément de gravité de cette maladie. Cette approche a été rendue possible par
la démonstration par de nombreuses études de cohorte de la relation étroite
entre diminution de la densité minérale osseuse et augmentation du risque fracturaire.
Il faut cependant garder en mémoire que cette classification ne s'applique qu'à
l'interprétation de la mesure par DXA au rachis et au fémur et que son application
à d'autre sites et surtout à d'autres techniques (ultrasons) est beaucoup plus
discutable. De plus, en aucun cas, elle ne doit pas être assimilée à un seuil
d'intervention thérapeutique.
En
pratique, la mesure de DMO constitue le moyen le plus fiable d'apprécier le
risque d'ostéoporose. Cet examen apparaît particulièrement intéressant après
la ménopause, chaque fois que la connaissance de ce risque va conditionner la
prise en charge (5). A la ménopause, la réalisation d'une mesure de DMO sera
proposée lorsque la décision de prescrire un THS sera sous-tendue par la prise
en charge du risque osseux. En effet, la prévention de l'ostéoporose constitue
en France une des, si ce n'est, la principale motivation à la poursuite d'un
THS pendant plusieurs années avec des bénéfices incontestables, mais aussi des
inconvénients et une augmentation de la fréquence de survenue de certaines pathologies.
La connaissance de la DMO reste donc un élément essentiel à la prise de décision
individualisée en fonction du risque osseux, mais également sénologique et cardio-vasculaire
propre à chaque femme. Il est également important de définir précisément le
risque d'ostéoporose des femmes ne voulant ou ne pouvant recevoir de THS puisque
nous disposons aujourd'hui de différentes alternatives pour les femmes à risque
osseux "élevé" ou "accru". Enfin, la présence de facteur
de risque clinique (cf. supra) doit également conduire à réaliser une densitométrie
osseuse. Dans toutes ces indications, on effectuera au mieux une mesure couplée
de la DMO du rachis et du fémur (15). Après 65 ans et chez le sujet âgé, la
situation est quelque peu différente pour plusieurs raisons. La mesure de la
DMO fémorale par DXA constitue l'examen de référence du fait de sa relation
étroite avec le risque de fracture de l'ESF qui reste la préoccupation essentielle
à cet âge. L'étude du rachis a beaucoup moins d'intérêt de par la fréquence
de l'arthrose qui ne permet plus une analyse fiable. Les mesures périphériques
sont plus concordantes avec les mesures axiales et pourraient constituer une
alternative lorsque les secondes ne sont pas disponibles. La recherche d'antécédents
fracturaires survenus après la ménopause ainsi que des facteurs de risque de
chute, vient compléter utilement la mesure densitométrique dans l'évaluation
du risque fracturaire individuel (13).
3
- Les marqueurs biochimiques du remodelage osseux :
D'importants progrès ont été réalisés ces dernières années dans l'évaluation
biochimique du remodelage osseux. Aux dosages usuels mais peu performants dans
l'ostéoporose (phosphatase alcaline totale, calciurie, hydroxyprolinurie...)
sont venus s'ajouter de nouveaux marqueurs beaucoup plus spécifique du tissu
osseux (16). Il s'agit notamment du dosage sérique de l'ostéocalcine pour ce
qui est de l'activité de formation osseuse et des dosages urinaires (et bientôt
sanguins) des molécules de pontage du collagène (pyridinoline et déoxy-pyridinoline
libres et totales) et de leurs formes associées à des peptides (N (NTX) et C-télopeptides
(CTX) du collagène de type I) reflétant fidèlement le niveau de résorption.
Néanmoins, l'apport de ces marqueurs biologiques dans l'évaluation du risque
individuel d'ostéoporose fait encore l'objet d'un débat. Il semble qu'un hyper-remodelage
osseux, tel qu'on peut le voir chez environ 30% des femmes en début de ménopause
mais aussi à distance chez des femmes beaucoup plus âgées, puisse en lui même
induire une fragilisation de l'os par le biais d'altérations de sa micro-architecture
(perforations et destructions irréversibles de certaines travées osseuses).
Cet effet qualitatif étant au moins en partie indépendant de la densité osseuse,
l'évaluation biochimique du niveau de remodelage pourrait théoriquement venir
compléter la mesure densitométrique dans l'évaluation du risque. Des travaux
récents apportent des arguments en ce sens (17). Un doublement du risque fracturaire
a été ainsi rapporté pour les femmes dont les taux des marqueurs étaient les
plus élevés en début de ménopause et cela indépendamment de leur niveau initial
de DMO (18).
L'étude prospective multicentrique EPIDOS conduite en France chez la femme âgée
a également établi une association en partie indépendante de la DMO, entre l'augmentation
de certains marqueurs de la résorption (CTX, déoxy-pyridinoline libre) et la
survenue dans les 2 années suivantes d'une fracture du fémur (19). Cette étude
montre cependant qu'il y a plus d'avantage, pour identifier les femmes à risque
fracturaire, à compléter la mesure de DMO par la recherche d'antécédents personnels
de fracture que par le dosage de ces marqueurs. Lorsque l'ostéodensitométrie
n'est pas disponible, l'étude du niveau de résorption osseuse combinée à la
recherche d'antécédents fracturaires après la ménopause pourrait constituer
une alternative intéressante pour l'évaluation du risque fracturaire chez le
sujet âgé (20). Cependant, les données récentes issues de la cohorte américaine
SOF n'ont pu démontrer une quelconque association entre les taux initiaux des
marqueurs et l'incidence des tassements vertébraux et fractures du fémur chez
des femmes de plus de 65 ans suivies en moyenne pendant 4 ans (21).
En pratique,
et en dehors de centres très spécialisés il apparait encore difficile de recommander
l'utilisation des marqueurs du remodelage osseux pour évaluer le risque d'ostéoporose
au plan individuel. En effet, même si nous disposons de quelques études prospectives
qui montrent l'existence d'une association entre majoration du taux des marqueurs
et augmentation du risque fracturaire, nous manquons encore de données permettant
en pratique de stratifier le risque fracturaire en fonction de seuils d'augmentation
de ces marqueurs, comme nous pouvons le faire pour l'examen densitométrique.
II
- PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DE L'OSTEOPOROSE:
Le traitement
hormonal substitutif (THS) reste l'option prioritaire dans la prévention de
l'ostéoporose post-ménopausique. Les estrogènes sont des agents antiostéoclastiques
qui inhibent l'hyperrésorption osseuse secondaire à la carence estrogénique
de la ménopause. Leur effet protecteur est ainsi pour une large part lié à la
préservation de la masse osseuse et des qualités architecturales du tissu osseux.
Toutes les femmes ne peuvent pas cependant bénéficier d'un tel traitement et
il est bien établi que nombre d'entre elles l'interrompent prématurément, souvent
après quelques mois d'utilisation. Ces limites, d'autant plus importantes que
la prévention de l'ostéoporose nécessite un traitement prolongé de plusieurs
années ont ainsi conduit au développement d'alternatives thérapeutiques. Les
bisphosphonates et les SERMs (Selective Estrogen Receptor Modulators) avec le
raloxifène ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement et la prévention
de l'ostéoporose, ce qui nous permet de disposer de moyens supplémentaires particulièrement
intérressants en cas de contre-indication ou de refus du THS.
1 - Le traitement hormonal substitutif
:
Le but du traitement hormonal est d'être le plus substitutif possible, c'est-à-dire
de se rapprocher le plus possible des conditions de la physiologie ovarienne.
Ce traitement est donc fondamentalement différent de la contraception oestro-progestative
qui impose l'utilisation de stéroïdes de synthèse dont l'activité estrogénique
et progestative doit être suffisament puissante pour bloquer l'axe gonadotrope.
La nature de ces molécules explique les effects délétères potentiels sur le
plan métabolique et vasculaire encore trop souvent extrapolés à tort à ceux
du traitement hormonal substitutif. Les stéroïdes de synthèse (éthynyl-estradiol,
diéthylstilboestrol, mestranol...) ont été initialement utilisés, à une époque
où leur prescription était de courte durée et avant tout sous-tendue par le
contrôle des manifestations climatériques de la ménopause. Rapidement, la nécessité
d'une prescription de plus longue durée, notamment pour prévenir l'ostéoporose,
a rendu nécessaire l'utilisation de molécules sans effets secondaires métaboliques.
Se sont donc substitués progressivement les estrogènes "semi-naturels",
comme les estrogènes conjugués équins et plus récemment, l'estrogène naturel,
le 17ß-estradiol. Leur utilisation a ainsi permis de lever la plupart des contre-indications
vasculaires et métaboliques et d'envisager des traitements de longue durée.
Le développement des voies d'administration non orales, transdermique ou percutanée
a également contribué à améliorer la tolérance métabolique des estrogènes en
permettant d'éviter le catabolisme digestif et l'effet de premier passage hépatique
des estrogènes administrés par voie orale.
Au plan osseux,
toutes les molécules douées d'une activité estrogénique (à l'exception de l'estriol)
sont similairement actives pour bloquer la résorption osseuse et ceci quelle
que soit leur voie d'administration.
-
L'effet bénéfique s'étend à tout le squelette et persiste aussi longtemps
que le traitement est prescrit. La mise en route d'un traitement estrogénique
s'accompagne, en général et durant la 1ère année, d'une augmentation significative
de la densité minérale osseuse, de 3 à 6% en moyenne, du fait d'une réduction
de l'espace de resorption et du maintien de l'activité de formation osseuse.
Par la suite, au delà du 12ème-18ème mois de traitement, la densité minérale
osseuse ne varie plus en raison d'une diminution globale de l'activité de
remodelage osseux.
-
L'addition de progestérone naturelle ou d'un progestatif de synthèse ne modifie
pas la réponse osseuse aux estrogènes. En effet, et même si les ostéoblastes
possèdent des récepteurs à la progestérone avec une action in vitro (tout
comme pour certains progestatifs) de type anabolique, celle-ci reste limitée
et aucun travail clinique n'a démontré le bénéfice osseux de l'addition estrogènes
+ progestatif par rapport à celui des estrogènes seuls. Seul, l'acétate de
noréthistérone pourrait avoir un effet additif de celui des estrogènes (22).
Il s'agirait cependant là d'un effet propre à ce progestatif, dont les mécanismes
restent mal précisés et qui ne seraient pas uniquement liés à ses capacités
de métabolisation en estrogènes.
- De
même, nous ne disposons d'aucune étude documentant la supériorité d'un schéma
thérapeutique combiné continu par rapport au schéma séquentiel sur la réponse
osseuse.
- Un
"plein effet" osseux nécessite cependant l'administration de doses
suffisantes pour bloquer la résorption osseuse. Les doses minimales nécessaires
pour freiner la perte osseuse dans plus de 90% des cas ont ainsi été définies
sur la base d'études prospectives, randomisées, en double aveugle contre placebo.
Elles sont de 0,625 mg/j pour les estrogènes conjugués équins, de 2 mg/j pour
le 17ß-estradiol par voie orale, de 50 µg/j pour le 17ß-estradiol par voie
transdermique et de 1,5 mg/j pour la voie percutanée. Il n'en demeure pas
moins qu'il existe, au plan individuel, des besoins qui peuvent varier en
fonction de différents facteurs, propres à la patiente (développement du tissu
adipeux...), à la pharmacocinétique de l'estrogène (absorption cutanée ou
digestive) et à son métabolisme. Ainsi, en cas de surcharge pondérale, ces
doses "classiques" sont souvent mal tolérées du fait d'une hyperestrogénie
et de plus faibles doses apparaissent suffisantes pour prévenir la perte osseuse
post-ménopausique (qui est de toute façon, naturellement peu importante dans
cette population (23)). De même, à distance de la ménopause, chez la femme
âgée, des données préliminaires semblent démontrer que de plus faibles doses
d'estrogènes pourraient suffire à diminuer le remodelage osseux et la résorption
ostéoclastique (24). En dehors de ces quelques situations cliniques et surtout
lorsque l'indication du traitement hormonal est la prévention du risque d'ostéoporose,
il reste cependant nécessaire d'utiliser des posologies d'estrogènes suffisantes
pour bloquer la résorption osseuse. Si la tolérance clinique ne permet que
l'utilisation de ces faibles doses, il est alors nécessaire d'être extrêmement
vigilant au plan osseux et de ne pas hésiter à y associer un traitement anti-ostéoclastique
(tel un bisphosphonate) s'il persiste un haut niveau de remodelage osseux.
Cela apparaît particulièrement important pour la prévention de la perte osseuse
fémorale, du fait d'un pourcentage de "non-réponse" qui apparait
plus élevé qu'au plan vertébral (25,26).
Les
modalités de l'utilisation des estrogènes dans la prévention de l'ostéoporose
sont donc actuellement mieux définies. Leur efficacité dans la prévention de
l'ostéoporose a été largement rapportés par de nombreuses études épidémiologiques
avec une diminution de l'ordre de 70% du risque de fracture vertébrale et de
50% de celui de fracture du col du fémur. Nous ne disposons pas cependant d'études
nous permettant de par leur méthodologie de quantitifer avec précision (par
le "nombre de femmes à traiter pour éviter une fracture" ou NNT pour
"Number Needed to Treat") le bénéfice osseux du THS, tel que nous
pouvons le faire désormais avec les bisphosphonates ou le raloxifène. De plus,
le problème essentiel demeure toujours celui de l'observance à long terme, problème
d'autant plus important que toutes les études concordent pour souligner la nécessité
d'un traitement prolongé pour une pleine efficacité anti-fracturaire.
2 - Les bisphosphonates :
Les bisphosphonates sont des analogues synthétiques du pyrophosphate qui possèdent
une forte action anti-ostéoclastique. Leur mécanisme d'action précis reste encore
mal élucidé, fonction du type de bisphosphonate et pour une large part lié à
leur capacité de liaison au cristal d'hydroxyapatite. Ils inhibent ainsi directement
l'activation et le recrutement des ostéoclastes (par la voie du mévalonate notamment)
et favoriseraient leur apoptose. La "puissance" de leur action anti-résorption
in vitro a augmenté avec le développement des molécules de dernière génération,
l'alendronate et le risédronate ayant une activité respectivement 1 000 et 2
000 fois plus marquée que celle de l'étidronate, l'ibandronate ou le zoledronate
encore en voie d'investigation dans l'ostéoporose ayant des activités 10 000
fois supérieures à celle de l'étidronate. Il est cependant important de noter
que l'absorption intestinale des bisphosphonates est extrêmement limitée, à
quelques pourcents de la dose orale pour certains d'entre eux et que la prise
concommittente d'aliments diminue encore cette absorption à un niveau négligeable.
L'étidronate est le 1er bisphosphonate à avoir été utilisé dans le traitement
de l'ostéoporose vertébrale fracturaire. Il permet une diminution de l'incidence
des nouveaux tassements vertébraux, même si cette diminution n'a été retrouvée
de manière significative que chez les femmes présentant déjà une ostéoporose
sévère avec la présence d'au moins 2 tassements avant le début de l'étude (27).
De plus, nous disposons pas de données témoignant de son efficacité vis à vis
des fractures périphériques. Bien que bénéficiant d'une excellente tolérance
clinique, son utilisation tend actuellement à être supplantée par celle des
bisphosphonates de 2ème, voire très prochainement de 3ème génération. Ainsi,
l'alendronate est un amino-bisphosphonate de 2ème génération qui a fait l'objet
d'un développement pré-clinique majeur et pour lequel nous disposons de données
cliniques importantes issues d'études ayant impliqué plusieurs milliers de femmes.
L'efficacité de l'alendronate pour inhiber la perte osseuse à tous les sites
(vertèbres et fémur) en début de ménopause est dose-dépendante (28) et apparait
similaire à celle des estrogènes dès la posologie de 5 mg/jour. Le meilleur
rapport efficacité/risque est retrouvé pour la posologie de 10 mg/jour. Utilisé
pendant 3 ans chez des femmes âgées en moyenne de 65 ans et présentant une diminution
de leur masse osseuse (t-score =< - 1,6) avec ou sans fracture associée,
l'alendronate à la posologie de 10 mg/j entrainait un gain densitométrique osseux
par rapport au placebo, de 6,2% à la colonne vertébrale et de 2,4% au col fémoral
(29). Cet effet est lié à une diminution importante de l'espace de remodelage
osseux avec une diminution dès le 3ème de traitement de l'ordre de 70% des marqueurs
de la résorption et de 50% des marqueurs de la formation osseuse. Surtout, l'incidence
des nouveaux tassements vertébraux était diminuée de manière significative de
50% (p = 0,03). Il existait également une diminution de l'incidence des fractures
de l'extrémité supérieure du fémur dans le sous groupe des femmes les plus à
risque, c'est-à-dire celles qui présentaient initialement un t-score au col
du fémur < -2,5. Ainsi le "nombre de femmes à traiter" (ou NNT
pour "number needed to treat") pour éviter une nouvelle fracture passe
de 15 à 36 chez les femmes à haut risque osseux (t-score < -2,5 et/ou présence
de fractures préalables) à plus de 300 chez les femmes présentant un t-score
> - 2. Le principal effet secondaire de l'alendronate qui peut limiter son
utilisation chez les femmes âgées ou à risque d'ulcère est une tolérance digestive
haute médiocre avec un risque d'érosion de l'oesophage et d'oesophagite aigüe.
Ce risque peut être diminué par un prise strictement à jeûn le matin avec 200-250
ml d'eau, l'impératif de ne pas se recoucher et d'attendre environ 30 minutes
avant la 1ère prise alimentaire. Ces éléments susceptibles de gêner la compliance
à long terme doivent être gardés en mémoire dans l'utilisation de ce bisphosphonate.
Le risédronate est un bisphosphonate cyclique de 3ème génération qui a également
bénéficié d'un développement pré-clinique et clinique important et qui devrait
être disponible en France très prochainement. Les résultats de 2 grandes études
randomisées en double aveugle contre placebo ayant concerné 15 000 femmes ostéoporotiques
ont montré que le risédronate diminuait significativement, dès la 1ère année
de traitement, le risque de nouveau tassement vertébral de 62% par rapport au
placebo, ainsi que celui des fractures non vertébrales (diminution de 36% à
3 ans, p = 0,005). La tolérance digestive du risédronate serait meilleure que
celle de l'alendronate, mais il sera nécessaire d'attendre son utilisation pratique
pour juger réellement de l'absence d'effets secondaires digestifs.
Les
bisphosphonates de dernière génération constituent donc de puissants agents
antiostéoclastiques dont l'efficacité anti-fracturaire est surtout marquée chez
les femmes à haut risque osseux (c'est-à-dire présentant une diminution de la
densité osseuse de plus de 2,5 écart-type de celle de l'adulte jeune et/ou des
fractures osseuse préalables). De ce fait, ils apparaissent plus comme des agents
préventifs de 2ème intention, d'autant que leur AMM actuelle en limite leur
utilisation dans la prévention de la perte osseuse des femmes en début de ménopause.
Chez les femmes très déminéralisées, la possibilité de les associer au THS (30)
apparait particulièrement intéressante en terme de gain osseux et constitue
d'ores et déjà une option thérapeutique à ne pas méconnaître.
3 - Le raloxifène :
Le raloxifène fait partie de la famille des SERMs (Selective Estrogen Receptor
Modulators) qui est une nouvelle classe de molécule à action tissulaire spécifique
possédant à la fois une action agoniste et antagoniste des estrogènes selon
les tissus. Jusqu'à très récemment, ces molécules étaient désignées sous le
terme d'anti-estrogènes du fait de leur capacité à inhiber la croissance tumorale
mammaire. Leur chef de file, le tamoxifène, constitue toujours le composé de
référence dans le traitement adjuvant du cancer du sein, bien que son utilisation
au long cours soit limitée par un effet de type estrogénique sur la muqueuse
utérine avec un risque d'anomalies intra-utérines, de lésions endométriales
et d'adénocarcinome de l'endomètre. Cet effet délétère a ainsi conduit à la
recherche et au développement de nouvelles molécules (raloxifène, droloxifène,
idoxifène, levormeloxifène...) qui conserveraient l'action anti-tumorale mammaire,
l'effet agoniste de celui des estrogènes sur le tissu osseux et le métabolisme
des lipoprotéines, mais sans effet sur l'utérus. Parmi ces composés, le raloxifène
est celui dont le développement est le plus avancé et pour lequel nous disposons
des résultats de nombreux travaux réalisés chez la femme ménopausée, notamment
dans la prévention de l'ostéoporose vertébrale.
En début de ménopause, il permet une prévention efficace de la perte osseuse
tant trabéculaire que corticale (31). Les femmes recevant 60 mg/j de raloxifène
avaient ainsi, en moyenne après 2 ans de traitement, des valeurs de densité
osseuse vertébrale et fémorale significativement plus élevées de 2,5% par rapport
à celles des femmes ayant reçu le placebo. Cet effet osseux, confirmé également
chez des femmes plus âgées et ostéoporotiques (32), apparait lié comme pour
les estrogènes à une diminution de la résorption ostéoclastique, comme en témoigne
le retour à des valeurs pré-ménopausiques des marqueurs biochimiques du remodelage
osseux. Il est cependant important de remarquer que les variations densitométriques
apparaissent habituellement inférieures à celles observées avec les estrogènes.
De manière plus intéressante, le raloxifène entraine une diminution de l'incidence
des nouveaux tassements vertébraux chez la femme ostéoporotique. L'étude MORE
(Multiple Outcomes of Raloxifene Evaluation) a ainsi intéressé 7 705 femmes
présentant une ostéoporose densitométrique (t-score < - 2,5), dont près d'un
tiers avait déjà eu au moins un tassement vertébral et qui ont été randomisées
pour recevoir en double insu le raloxifène ou un placebo (33). A l'issue des
4 années de l'étude, les femmes traitées par 60 mg/j de raloxifène présentaient
par rapport aux femmes ayant reçu le placebo, une diminution de 30% du risque
de nouveau tassement vertébral (risque relatif (RR) = 0,68 [IC 95% 0,55-0,81])
avec une efficacité comparable chez les femmes déjà fracturées par rapport à
celles qui ne l'étaient pas (0,51 [0,35-0,73]). Par contre et sur la base de
données actuellement disponibles, il n'y avait pas d'effet significatif vis-à-vis
des fractures périphériques (RR = 0,9 [0,8-1,1]), notamment des fractures du
col du fémur.
Nous
disposons donc avec le raloxifène d'une molécule dont l'efficacité préventive
vis-à-vis des fractures vertébrales est actuellement bien démontré et comparable
à celle des bisphosphonates. Leur intérêt plus général est lié à la multiplicité
des cibles tissulaires potentielles et à leur action estrogénique sélective.
L'absence d'effet délétère sur le tissu mammaire, voire leur possibilité de
prévenir le cancer du sein comme que le montrent les résultats à 4 ans de l'étude
MORE (34) et leur très bonne tolérance endométriale constitueront très certainement
des éléments particulièrement important dans la stratégie de prise en charge
de l'ostéoporose. Leur champ d'action pourrait ainsi particulièrement concerner,
outre les femmes refusant de principe une hormonothérapie, les femmes plus âgées,
à distance de la ménopause ou en relais d'un THS, notamment en cas d'augmentation
du risque mammaire. Il n'en demeure pas moins que de nombreuses questions restent
encore non résolues concernant leur efficacité sur le plan cardio-vasculaire,
dans la prévention de la fracture du col du fémur mais également sur le plan
cérébral et vis-à-vis du risque de maladie d'Alzheimer. Ce n'est que lorsque
nous disposerons des réponses à toutes ces questions que les SERMs représenteront
la vraie alternative au traitement estrogénique.
Au total,
nous disposons désormais des moyens diagnostiques et thérapeutiques permettant
d'envisager une meilleure prévention de l'ostéoporose post-ménopausique. Cette
prévention sera d'autant plus efficace qu'elle sera ciblée sur les femmes les
plus à risque de fracture, d'autant que c'est surtout dans cette situation que
les traitements permettront une réduction significative de l'incidence des fractures.
L'évaluation du risque doit s'appuyer sur un certain nombre de critères cliniques
(tableau 3) complétée par une mesure de la densité minérale osseuse qui reste
le déterminant essentiel du risque fracturaire.
Tous les problèmes ne sont cependant pas résolus pour autant : le non remboursement
de l'examen de densité osseuse dont la validité n'est plus contestée par les
différentes agences de santé française ou européenne limite de toute évidence
l'efficacité du dépistage. De plus, les conditions de prescription et surtout
de remboursement des médicaments anti-ostéoporotiques ne favorisent certainement
pas une intervention précoce, même chez les sujets à haut risque mais encore
sans fracture. Il nous reste à espérer que les ambiguïtés de la situation actuelle
soient rapidement levées pour que la prévention de l'ostéoporose puisse être
la plus large et la plus efficace possible.
Tableau 3
: Recommandation de la Task Force for Osteoporosis (1999) :
Facteur de risque majeurs :
- Hypogonadisme primaire, aménorrhée prolongée, anorexie mentale.
- Ménopause précoce
- Endocrinopathies et pathologies déminéralisantes
- Corticothérapie prolongée
|
Antécédent
personnel de fracture par fragilité
|
Antécédent
maternel de fracture de hanche
|
Ostéopénie
et/ou déformation vertébrale radiographique
|
Diminution
de la taille
|
Index
de masse corporelle =< 19 kg/m2
|
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