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Titre: THS après cancer du sein : protocole d'études multicentrique
Année: 1999
Auteurs: - This
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

Hormonothérapie substitutive après cancer du sein. Proposition d’une étude multicentrique.

Pascale This, Anne de la Rochefordière, Bernard Asselain, Yann De Rycke, Patricia de Cremoux , Henri Magdelenat.

Pour le

Groupe d’étude des Tumeurs Mammaires de l’Institut Curie.

 

Depuis plusieurs années les cancérologues se heurtent au problème de la prescription d’un Traitement Hormonal Substitutif de la Ménopause (THS) après un cancer du sein (1).

Les arguments contre cette prescription reposent sur l’effet prolifératif des estrogènes sur les cellules mammaires humaines normales et cancéreuses et sur l’efficacité des anti-estrogènes dans le traitement adjuvant du cancer du sein non métastasé (2) et dans le traitement palliatif du cancer du sein métastatique (3).

A l’inverse, les partisans de la prescription d’estrogènes après cancer du sein avancent les arguments suivants:

- le risque de cancer du sein sous THS chez la femme saine est d’amplitude faible. La récente méta-analyse du Collaborative Group (4) retrouve chez les utilisatrices du THS une augmentation significative du risque de cancer du sein chiffrée à 1.14. L’amplitude du risque est faible, et sa signification discutée ( la plupart de ces études ne sont pas randomisées et peuvent comporter des biais, notamment de dépistage).

- la grossesse, état d’inflation estrogènique, ne modifie pas le pronostic d’un cancer du sein traité (5).

- les cancers du sein survenant sous THS sont de meilleur pronostic: bien qu’il existe certainement un effet ´†dépistage†ª ( les cancers sous THS sont découverts plus précocément, et donc de meilleur pronostic ), il est possible que le THS exerce aussi un effet biologique favorable sur ces cancers, qui sont mieux différenciés (6).

La Conférence de Consensus qui s’est tenue à Charlottesville en Septembre 1997 (7) et portait sur le traitement des symptômes de la carence estrogènique chez des femmes ayant été traitées pour un cancer du sein a abordé trois grands types de stratégies possibles à l’égard de ces troubles: outre la mise au point et l’étude des alternatives au THS ( concernant par exemple les traitements préventifs de l’ostéoporose, de la maladie coronarienne, les traitements non estrogèniques des bouffées de chaleur, etc...), et des Modulateurs Sélectifs du Récepteur des Estrogènes ou SERMS (au premier plan desquels vient le Raloxifène), il est nécessaire de mettre en place des essais thérapeutiques étudiant l’effet d’un THS après cancer du sein.

La proposition qui suit émane du Groupe d’étude des Tumeurs Mammaires de l’Institut Curie. Nous allons retracer les différentes étapes de son élaboration et leur justification.

1.THS après cancer du sein : quelle est la question?

La problématique de la prescription d’un THS après cancer du sein soulève 2 questions:

- Un THS contenant des estrogènes augmente-t-il le risque de récidive locale, métastatique, et controlatérale après cancer du sein, et/ou diminue-t-il le délai de leur apparition?

- Après traitement d’un cancer du sein, le bénéfice global d’un THS sera-t-il supérieur aux risques encourus?

Actuellement, il n’existe pas de données scientifiques permettant de répondre à la première question. Les quelques études rétrospectives publiées dans la littérature sont trop limitées pour apporter une réponse précise. Il s’agit d’études d’observation ( pour revue, voir la ref 8).Elles portent sur de petits nombres de patientes, après des cancers du sein de stades très variables. Le recul depuis la mise en route du THS est faible. La durée du THS est courte ( en général 2 à 3 ans). Même si ces études ne retrouvent pas d’effets délétères majeurs sur l’évolution du cancer du sein, il est difficile d’en tirer une conclusion rigoureuse, puisque la plupart sont sans groupe témoin.

On ne sait donc pas si le THS induit une augmentation du risque de rechute et quelle est son amplitude éventuelle. Il s’agit là d’un point crucial car si l’augmentation du risque mammaire est significative mais faible, il est possible toutefois que la somme des bénéfices (coronariens, osseux, qualité de la vie) reste supérieure à celle des risques, au moins pour certains sous-groupes de patientes.

2. Quels facteurs d’étude?

L’une des difficultés d’un essai sur le THS après cancer du sein réside dans le fait que les risques et bénéfices sont, pour certains perceptibles à court terme, quoique difficilement mesurables (l’amélioration de la qualité de la vie, principale demande des femmes), et pour d’autres, appréciables à moyen voire long terme : récidive mammaire, fractures ostéoporotiques, événements coronariens. De plus, l’obtention d’un bénéfice coronarien ou osseux nécessite une durée de THS prolongée. Rappelons que la MEDOS study (9) a montré qu’un THS pris pendant 5 ans à la ménopause n’est pas efficace sur la prévention du risque de fractures de hanche après 80 ans, pic de fréquence de ces fractures. En terme de prévention du risque fracturaire, le THS doit être prolongé (7 voire 10 ans), et sera probablement plus efficace s’il est donné tardivement ( vers 70 ans).

Ainsi, ´†l ‘idéal épidémiologique†ª serait la mise en place d’un grand essai prospectif randomisé, comparant chez des femmes après un cancer du sein, l’effet d’un THS et d’un Placebo sur le risque de récidive locale, métastatique, de cancer du sein controlatéral, sur la mortalité globale et liée au cancer du sein , et sur les bénéfices attendus, par exemple sur la qualité de vie, les événements coronariens, et les fractures ostéoporotiques. On pourrait ainsi définir des sous-groupes de patientes pour lesquelles le rapport des risques et des bénéfices permettrait de conclure soit à la possibilité de prescription du THS (les bénéfices sont supérieurs aux risques), soit à l’exclusion du THS (les risques sont supérieurs aux bénéfices).

Cet essai est irréalisable en pratique: Si des analyses intermédiaires montraient un effet péjoratif du THS sur certains facteurs, ( par exemple augmentation des récidives mammaires), une réflexion éthique imposerait d’arrêter aussitôt l’essai , sans que toutefois l’effet global du THS n’ait été réellement apprécié ( De même que la constatation d’une diminution de la fréquence des cancers du sein sous TAM chez les femmes à haut risque de cancer du sein a entraÓné l’arrêt du Breast Cancer Prevention Trial sans que l’on puisse conclure sur le rapport global des bénéfices et des risques du TAM). (10)

Nous pensons donc qu’il est préférable de limiter l’essai à l’étude de l’effet du THS sur le risque mammaire chez des patientes demandeuses d’une amélioration de leur qualité de vie.

3. Quelle durée de prescription du THS ?

Le risque de cancer du sein sous THS chez la femme saine augmente après chaque année d’utilisation. D’après la récente méta-analyse du Collaborative Group on Hormonal Factors, le risque devient de 1.35 lorsque la durée d’utilisation est supérieure à 5 ans. La durée du THS conditionne donc à la fois l’ampleur des risques et des bénéfices. Après un cancer du sein, il nous paraÓt prudent de limiter la durée du THS à 5 ans.

4. Quelles alternatives au THS?

Une étude randomisée THS versus Placebo est irréalisable en pratique: il paraÓt illusoire de proposer à la moitié des patientes demandeuses et motivées par leur qualité de vie un traitement placebo pendant une durée de 5 ans.

Une étude THS versus RIEN pose les mêmes problèmes ( peut-on ne RIEN prescrire à une patiente suffisamment gênée par sa ménopause pour rentrer dans l’ étude ?) et exposerait à des †prescriptions ´†sauvages†ª et hétérogènes dans le groupe sans THS.

Une étude THS versus TAM, si l’on se limite aux 2 facteurs risque mammaire et qualité de la vie, n’apporterait rien de plus que ce que l’on sait déjà: on peut parier qu’il y aura moins d’événements mammaires dans le groupe TAM et une meilleure qualité de vie dans le groupe THS!

L’association THS et TAM a été proposée par certains auteurs. Elle est d’autant plus séduisante que la récente méta-analyse de l’EBCTCG (2) a montré que le TAM en adjuvant est également efficace chez les femmes de moins de 50 ans et non ménopausées, c’est à dire en présence d’une imprégnation estrogènique notable, Toutefois si le TAM occupe les récepteurs des estrogènes dans le sein, qu’en est-il ailleurs ? Le mécanisme de l’association agoniste/antagoniste n’est pas clair, et rien ne prouve que ce sont les estrogènes qui occupent les récepteurs des autres tissus cibles.

Une étude THS versus un ´†nouvel anti -estrogène†ª serait intéressante: la mise au point des SERMS, antagonistes sur le sein, agonistes sur l’os et le foie, et sans effets délétères sur l’endomètre s’avère prometteuse. Toutefois, la prescription dans un essai d’un SERM ( comme le Raloxifène) paraÓt prématurée actuellement. De plus, le Raloxifène ne semble pas être actif sur les bouffées de chaleur.

5. Chez quelles femmes ?

Si l’on suppose que le THS induit une augmentation potentielle, mais non chiffrable actuellement du risque de rechutes, nous pensons qu’il est souhaitable de l’administrer à une population de patientes dont le risque connu d’échec est décroissant ou stable, de manière à s’exposer à un faible nombre absolu de rechutes locales, métastatiques et controlatérales. Il est donc prudent d’exiger un intervalle libre suffisant depuis le traitement du cancer.

D’autre part, les données récemment actualisées de l’EBCTCG sur l’efficacité du Tamoxifène en traitement adjuvant du cancer du sein doivent absolument rester à l’esprit: après un cancer du sein un traitement adjuvant par le TAM pendant 5 ans améliore nettement la survie globale et sans récidive, et l’effet favorable persiste après l’arrêt du TAM. Dès lors que la tumeur contient des récepteurs aux estrogènes, un traitement de 5 ans est protecteur même chez les patientes sans envahissement ganglionnaire, et même après une chimiothérapie.

Nous pensons donc que dans un premier temps, il est préférable de se limiter dans l’essai à une population homogène de patientes présentant un très faible risque de récidives; les autres patientes, si les récepteurs des estrogènes dans la tumeur sont dosables, ne devraient-elles pas éthiquement bénéficier du TAM?

6. Proposition d’un essai THS après cancer du sein.

L’objectif initial sera d’évaluer le risque du THS sur l’évolution de la maladie mammaire en terme de récidive locale, métastatique, controlatérale. Le principal bénéfice attendu ne concernera que la Qualité de la Vie, et sera évalué gr‚ce à un questionnaire spécifique. La durée du THS sera limitée à 5 ans.

Une étude rétrospective de l’Institut Curie portant sur 518 patientes traitées par chirurgie limitée et radiothérapie postopératoire de 1960 à 1980 (recul médian de 16,5 ans) montre que le risque annuel de rechute locale passe par un maximum à 4 ans d’évolution pour atteindre un rythme stable au delà de 7 ans.

D’autre part, une étude multi-factorielle de l’Institut Curie a étudié les facteurs pronostiques de 1387 patientes traitées pour un cancer du sein en rémission complète à un recul minimal de 7 ans: ‚ge au diagnostic, taille tumorale, statut ganglionnaire, statut des récepteurs hormonaux, grade SBR. L’analyse multi-factorielle retrouve que seuls, la taille de la tumeur (RR:1.23), et l’envahissement ganglionnaire axillaire (RR:1.47) conservent une valeur pronostique indépendante sur le risque métastatique au delà de 7 ans d’évolution.

Nous proposons de prescrire le THS à des patientes présentant un faible risque de récidives, en fonction de critères connus: histologiques ( carcinome canalaire in situ ou infiltrants), pronostiques ( taille < 3 cms, No N-), en rémission complète depuis au moins 7 ans.

Nous proposons de comparer la fréquence des événements observés dans la population sous THS avec la fréquence attendue de ces événements dans une population de référence non traitée. Bien s°r, hors du cadre d’un essai thérapeutique non randomisé, la méthodologie d’analyse doit être particulièrement rigoureuse: modélisation du risque de rechute dans la population de référence gr‚ce à un modèle de Weibull, règles d’arrêt strictes et mise en place d’un Comité de Surveillance Indépendant , composé de spécialistes en cancérologie, endocrinologie, gynécologie, et statistiques ne participant pas à l’étude et dont la mission sera d’examiner les résultats des analyses intermédiaires et de donner leur avis sur la poursuite ou l’arrêt de l’essai: si le risque d’événements sous THS se situe dans une zone considérée comme inacceptable, l’essai sera arrêté.

Nous proposons l’inclusion multi-centrique de 1200 patientes sur une durée de 3ans. L’évaluation définitive des résultats de l’essai sera effectuée à 8 ans.

Concernant la nature du THS, nous proposons d’homogénéiser la nature des traitements pour faciliter l’interprétation des résultats observés, et de choisir un nombre limité de molécule bien tolérées sur le plan vasculaire, et une seule voie d’administration: 17 b oestradiol naturel en gel ou patch et progestérone naturelle ou Nomégestrol Acétate en traitement combiné - continu 20 ou 28 jours/28.

Il est urgent et incontournable de mettre en place un essai sur THS après cancer du sein. Pour la patiente, la question fondamentale est celle du rapport total des risques et des bénéfices du THS. Dans un ´†idéal épidémiologique†ª, il serait certainement souhaitable d’effectuer une grande étude randomisée THS contre placebo portant sur de multiples marqueurs mais la prudence et le réalisme imposent de commencer par une étude préliminaire, pilote, et ciblée: nous proposons d’étudier l’effet d’un THS sur le risque mammaire d’une population homogène de patientes après un cancer du sein à faible risque de récidive et souhaitant le THS pour améliorer leur qualité de vie.

BIBLIOGRAPHIE.

1. Stoll BA, Parbhoo S. Treatment of menopausal symptoms in breast cancer patients. Lancet 1988; 1: 1278-1279.

2. Early Breast Cancer Trialist’ Collaborative Group. Tamoxifen for early breast cancer : an overview of the randomised trials. Lancet 1998; 351 : 1451-1467.

3. Santen RJ, Manni A, Harvey H, Redmond C. Endocrine treatment of breast cancer in women. Endocrine Rev 1990;11:221-265.

4 Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer: Breast cancer

and hormone replacement therapy : collaborative analysis of data from 51 epidemiological studies of 52 705 women with breast cancer and 108 411 women whithout breast cancer. Lancet 1997; 350: 1047-1059.

5 Mignot L, Morvan F, Berdah J et al. Grossesses après cancer du sein traité. Presse Med 1986; 15: 1961-1964.

6. Bonnier P, Romain S, Giacalone PL et al. Clinical and biological prognostic factors in breast cancer diagnosis during post-menopausal replacement theerapy in Calvo F, Crépin M, Magdelenat H, Breast Cancer Advances in Biology and Therapeutics, p 335-345. Paris, John Libbey Eurotext, 1996.

7. Consensus Statement. Treatment of estrogen deficiency symptoms in women surviving breast cancer. J Clin Endocrinol Metab 1998, 83: 1993-2000.

8. Vassilopoulo-Sellin R, Thériault RL, Klein MJ. Estrogen replacement therapy in women with a prior diagnosis and treatment for breast cancer. Gynecol Oncol 1997;65:89-93.

9. Kanis JA and the Medos Study group. Evidence for efficacy of drugs affecting bone metabolim in preventing hip fractures. Br Med J 1992; 305 :1124-1128.

10. Pritchard KI. Is tamoxifen effective in prevention of breast cancer ? Lancet 1998; 352:80-81.

Shéma de l’étude.

Objectifs:

Essai prospectif de phase II, non randomisé, avec bénéfice individuel direct.

Objectif initial:

Evaluer le risque d’un THS de la ménopause après traitement d’un cancer du sein sur l’évolution, en terme de récidive locale, métastatique, cancer du sein contro-latéral, et survie globale.

Objectif secondaire:

Evaluer parallèlement les bénéfices du THS sur la qualité de la vie.

Critères d’inclusion:

Ménopause prouvée.

Cancer du sein intra-canalaire strict

résection complète,

rémission > 7 ans.

Cancer du sein invasif, rémission complète > 7 ans.

Taille clinique et histologique < 3 cms.

Résection complète

N0, pN- (pas d’atteinte ganglionnaire histologique).

ER positifs ou négatifs.

Pas de contre-indication à la mise en route d’un traitement substitutif notamment cardio-vasculaires, thrombo-emboliques, et cancer de l’endomètre.

Augmentation progressive des doses.

Estrogène: 17 b E2 par voie per-cutanée

gel ( 0.75 --->1.5mg) ou patch ( 25 à 37.5 ug ---> 50ug).

Progestatif:

Progestérone naturelle ( Utrogestan_ 1/j)

ou Nomégestrol Acétate ( Lutényl_ _ /J soit 2.5 mg/j).

Traitement combiné-continu, avec ou sans fenêtre thérapeutique.

J1-------------------------------------------------------------------J28.

J1-------------------------------------------------J20

Durée du THS : 5 ans.

Durée d’inclusion : 3 ans.

Evaluation définitive à 8 ans.

 

 

Hormonothérapie substitutive après cancer du sein.

Proposition d’une étude multicentrique.

 

Pascale This, Anne de la Rochefordière, Bernard Asselain, Yann De Rycke, Patricia de Cremoux , Henri Magdelenat.

Pour le

Groupe d’étude des Tumeurs Mammaires de l’Institut Curie.

 

 

 

 

 

 

Institut Curie.

26 rue d’Ulm, 75 248 Paris Cedex 05.

 

 

 

 

Hormonothérapie substitutive après cancer du sein.

Proposition d’une étude multicentrique.

 

 

 

 

Introduction.

1.THS après cancer du sein: quelle est la question?

2. Quels facteurs d’étude?

3. Quelle durée de prescription du THS?

4. Quelles alternatives au THS?

5. Chez quelles femmes ?

6. Proposition d’un essai THS après cancer du sein.

Conclusion.