IRM et endométriose
J.-P. ROUANET, M. VIALA, M. DE GRAEF, P.
MARES, A. MAUBON
L'endométriose se définit
par la présence en situation ectopique d'un tissu de type endométrial,
ayant les caractéristiques morphologiques et fonctionnelles de la muqueuse
utérine.
Deux entités distinctes sont rattachées
à cette terminologie :
- l'endométriose
interne ou adénomyose caractérisée par la présence de muqueuse
endométriale hétérotopique au sein du myomètre, avec secondairement
une hypertrophie et une hyperplasie musculaire surajoutées ;
- l'endométriose
externe, qui correspond à l'ensemble des autres localisations génitales
et extra-génitales.
L'endométriose pelvienne est une
maladie fréquente. Elle est associée à une variété de symptômes,
principalement, les douleurs pelviennes et l'infertilité [1].
Elle se rencontre chez 10 à 24,5
% des femmes en période d'activité génitale [2]. Elle touche
dans 10 % des cas des adolescentes [3] et survient chez la femme ménopausée
dans un peu moins de 5 % des cas [4].
Le diagnostic suspecté cliniquement,
est habituellement confirmé par la cœlioscopie avec analyse histologique.
L'IRM apparaît comme une méthode
de choix pour le diagnostic positif, l'extension et la cartographie des lésions,
la surveillance post-opératoire ainsi que le diagnostic différentiel.
Éléments techniques
L'examen est réalisé au mieux en période
douloureuse, en raison du caractère hémorragique des lésions d'endométriose.
Nous utilisons une IRM 1,5 Tesla. Le
remplissage rectal par gel aqueux permet un balisage digestif et sensibilise l'étude
de la paroi rectale et la détection de lésions d'endométriose profonde.
Le balisage vaginal est également possible. Il est indispensable pour étudier
les cloisons recto-vaginale et vésico-vaginale. La vessie sera idéalement
en semi-réplétion. Cet examen est réalisé en décubitus
dorsal. Le respect des contre-indications classiques de l'IRM est indispensable.
Des séries de coupes dans les
3 plans de l'espace en utilisant les 2 types de séquences sont systématiquement
réalisées :
- les séquences
pondérées T1 permettent une bonne définition anatomique du pelvis.
Elles recherchent l'hypersignal en rapport avec la présence de dérivés
de l'hémoglobine.
Une séquence
T1 suppression de graisse est systématique. Cette suppression permet de différencier
les éléments hémorragiques des éléments graisseux et permet
une véritable cartographie de ces lésions ;
- les séquences
pondérées T2 sont indispensables pour l'étude de l'anatomie zonale
du corps et du col utérin. Elles permettent également de rechercher un
hyposignal correspondant aux anomalies en hypersignal visualisées en T1 permettant
d'affirmer la présence de dérivés de l'hémoglobine ;
- l'injection
de gadolinium est généralement couplée à des séquences
T1 avec suppression du signal de graisse. Elle est rarement utilisée en routine
dans cette indication.
Son principal intérêt se
limite à la recherche d'implants péritonéaux très vascularisés,
pour les localisations sous péritonéales complexes et quand des caillots
peuvent simuler une végétation dans un endométriome.
Les coupes frontales et axiales sont
performantes pour l'étude des ovaires. Le col utérin et les ligaments
utéro-sacrés s'étudient dans le plan axial transverse. L'utérus,
le cul-de-sac de Douglas et la cloison recto-vaginale s'étudient en coupes
sagittales. L'étude des ligaments utéro-sacrés nécessite souvent
des coupes obliques de bas en haut et d'avant en arrière. Les adhérences
se recherchent parfois en dynamique.
Adénomyose
L'IRM est l'examen de choix en cas de discordance
radio-clinique ou avant d'envisager une thérapeutique.
Elle devra s'attacher à faire
le diagnostic positif d'adénomyose, évaluer la pénétration endométriale
par rapport à la paroi utérine et détecter les autres localisations
éventuelles d'endométriose.
Anomalies morphologiques et de signal
Dès 1987, les premières publications
ont tenté de définir la sémiologie élémentaire de l'adénomyose
en IRM [5, 6]. Depuis, la séméiologie s'est affinée et les signes
diagnostiques à rechercher sont plus précis :
- épaississement
focal ou diffus de la zone jonctionnelle avec une valeur seuil revue à la hausse
par Reinhold [7] à 12 mm. Cette épaisseur seuil pourrait être sensibilisée
par rapport à la taille globale de l'utérus (zone jonctionnelle > 50
% de l'épaisseur du myomètre) (Fig. 1) ;
- utérus
augmenté de volume, globuleux et régulier avec parfois développement
asymétrique de l'une de ses deux faces ;
- en
pondération T2, plages d'hyposignal mal limitées en périphérie
plus ou moins reliées à la zone jonctionnelle ;
- spots
hyper-intenses intra-myométriaux dans la zone jonctionnelle en pondération
T2 et plus rarement en pondération T1. Ces spots correspondent aux dilatations
kystiques des foyers endométriaux hétérotopiques, et peuvent être
le siège de remaniements hémorragiques surajoutés. Cependant, ces
spots sont visibles dans moins de 50 % des adénomyoses diagnostiquées
à l'IRM [7].
L'adénomyome se présente
comme une masse plus ou moins arrondie, raccordée à la zone jonctionnelle,
présentant des spots significatifs et à limites périphériques
floues (Fig. 2).
L'utilisation de séquences pondérées
T1 sans et après injection de Gadolinium semble aujourd'hui moins utile, sauf
pour le diagnostic différentiel.
Le
diagnostic différentiel
Le seul diagnostic différentiel de l'adénomyose,
en pratique quotidienne, est de différencier l'adénomyome d'un léiomyome
ou d'affirmer l'existence d'une association lésionnelle.
Le fibrome présente des contours
réguliers et bien limités, facilement distinguable du myomètre adjacent
[8]. La zone jonctionnelle est le plus souvent normale en cas de fibrome interstitiel
et il n'y a pas de spots en hypersignal.
L'injection de Gadolinium, lorsqu'elle
est réalisée, rehausse plus franchement le fibrome que l'adénomyome.
Résultats
Sur ces bases d'interprétation, la sensibilité
et la spécificité de l'IRM pour le diagnostic d'adénomyose sont supérieures
à l'échographie (sensibilité = 90 %, spécificité = 95 %)
[9].
Endométriose pelvienne (péritonéale,
profonde...)
L'échographie par voie sus-pubienne et endo-vaginale
est performante pour le diagnostic d'endométriome ovarien. En revanche, elle
est plus limitée pour réaliser une recherche systématique d'autres
localisations avec cartographie précise.
L'IRM a pour avantages, outre la caractérisation
tissulaire, de pouvoir localiser d'autres implants endométriosiques au sein
de la cavité pelvienne et surtout les lésions d'endométriose profondes
sous-évaluées par la cœlioscopie. L'IRM est un bon moyen pour rechercher
une atteinte des ligaments utéro-sacrés, une infiltration sous péritonéale
au niveau du septum recto-vaginal, voire du septum vésico-utérin. Elle
s'attachera à rechercher une extension aux structures de voisinage digestives
ou urinaires qui ne doit pas être méconnue si un geste chirurgical est
envisagé.
L'IRM est donc indiquée dans l'évaluation
pré-chirurgicale, en particulier pour l'endométriose pelvienne profonde.
Elle a également un rôle dans l'évaluation des lésions sous
traitement.
Anomalies morphologiques et de signal
Chez environ 80 % des malades, les localisations
endométriosiques présentent des variations cycliques.
Ces modifications périodiques
menstruelles à l'intérieur des foyers d'endométriose conduisent à
des phénomènes hémorragiques anciens et récents et à une
réaction inflammatoire secondaire [10].
L'aspect des lésions endométriosiques
varie également selon la localisation de la maladie.
Endométriose ovarienne
Les lésions d'endométriose
ovarienne varient d'un simple foyer à la surface de l'ovaire à une formation
kystique. Il faudra différencier l'endométriome des micro-endométriomes
intra-ovariens et des implants de surface :
- Endométriome
:
Il s'agit d'un pseudokyste hématique
avec ou sans caillotage associé, dont l'augmentation progressive de volume
est due aux hémorragies successives en péritoine plus ou moins cloisonné.
La sémiologie IRM est expliquée
par l'évolution dans le temps du signal du sang en T1 et en T2, conséquence
de la dégradation de l'hémoglobine. Le signal du sang endométriosique
correspond le plus souvent à un hypersignal dans les séquences en T1 pondéré
et à un hyposignal relatif dans les séquences en T2 pondéré.
Dans les hémorragies les plus récentes, le sang est en hypersignal dans
les deux types de séquences [11]. L'association au sein d'un même endométriome
de lésions hémorragiques d'âges différents entraîne des
hypersignaux variables en T1 et T2 pondérés, que l'on nomme « images
en miroir » entre les 2 types de séquences Enfin, un dépôt
hématique dans l'endométriome peut être à l'origine d'un niveau
horizontal.
Sur le plan morphologique, il s'agit
de lésion à paroi épaisse fibreuse en hyposignal sur les séquences
pondérées T1 et T2 [12]. Une cloison de refend vers l'intérieur de
la masse réalise un aspect classique en « grain de café » (Fig. 3).
Les lésions sont volontiers multiples
et bilatérales.
- Micro-endométriomes
intra-ovariens :
Ils
sont souvent multiples et bilatéraux. Ce sont des lésions infra-centimétriques
en hypersignal T1 quel que soit le signal en T2 pondéré. Ils peuvent être
totalement méconnus en cœlioscopie.
- Implants
de surface ovariens :
De diagnostic difficile sauf si hémmoragiques,
ils mesurent moins de 5 mm et apparaissent en hypersignal T1 pondéré.
Leur détection est sensibilisée par la technique de suppression de graisse
[13].
Endométriose péritonéale
Les localisations les plus fréquentes
sont le cul-de-sac de Douglas et le ligament large [14]. La plupart des implants
mesurent 1 à 10 mm. Leur structure histologique explique leur signal en IRM.
Ainsi on distingue :
- les implants
hémorragiques en hypersignal T1 pondéré et de signal variable en
T2 pondéré ;
- les implants
mixtes fibro-hémorragiques de signal hétérogène sur les séquences
T1 et T2 pondérés ;
- les implants
fibreux en iso-signal T1 et hyposignal T2.
L'ensemble de ces lésions a une
tendance naturelle à la fibrose et aux adhérences caractérisées
par une disparition des interfaces graisseuses.
Endométriose sous-péritonéale
Alors que l'endométriose péritonéale
peut être asymptomatique, l'endométriose profonde est cause de douleurs
pelviennes, dysménorrhée, dyspareunie, symptômes urinaires et peut
être associée à une infertilité.
Elle est définie par la présence
d'implants fibreux, pénétrant à plus de 5 mm au-dessous de la surface
du péritoine [15].
Ces lésions profondes sont en
général de type nodulaires en hyposignal sur les séquences en T2
pondérés avec des spots en hypersignal intra-nodulaires.
L'espace sous-péritonéal
antérieur en particulier le cul-de-sac intervésico-utérin et la paroi
vésicale peuvent être atteints. Rare, l'atteinte des uretères peut
être la conséquence d'une progression par contiguïté, mais une
origine intrinsèque est possible [16].
L'atteinte de l'espace sous-péritonéal
postérieur prédomine au niveau du cul- de-sac de Douglas, des ligaments
utéro-sacrés et en particulier du torus [17], du dôme vaginal, de
la paroi antérieure du rectum, de la cloison recto-vaginale et des uretères,
lombaires.
Les lésions des ligaments utéro-sacrés
siègent de façon prédominante près de leur insertion et au niveau
du torus. À l'état normal, ces ligaments sont fins, réguliers et
symétriques. En cas d'atteinte, ils peuvent être épaissis [18] sous
la forme d'un nodule ou d'une masse linéaire à limites irrégulières
(Fig. 4 et 5).
L'endométriose digestive (Fig.
6) constitue la plus fréquente des localisations extra-génitales, avec
une atteinte préférentielle de la charnière recto-sigmoïdienne
et du carrefour iléo-cœco-appendiculaire. Elle peut apparaître sous forme
d'épaississements pariétaux plus ou moins accompagnés d'hypersignaux
et être source d'adhérences. L'endométriose vésicale représente
80 à 90 % des formes urinaires.
Les localisations musculaires et cutanées
sont à dépister notamment au niveau de l'ombilic, des cicatrices pariétales
(cicatrice de césarienne) ou périnéales. Enfin, il existe d'exceptionnelles
formes thoraciques et neurologiques.
Endométriose pelvienne : quelques diagnostics
différentiels
Les
principaux diagnostics différentiels à éliminer devant la découverte
d'un endométriome sont :
- le
kyste fonctionnel hémorragique lutéinique caractérisé par sa
variabilité dans le temps ;
- le kyste dermoïde
doit être évoqué, facilement différencié grâce à
la séquence avec suppression de la graisse ;
- le fibrome
ovarien remanié peut être difficilement distingué si le remaniement
est hémorragique ;
- le cystadénome
mucineux peut présenter un aspect voisin de l'endométriome, lorsqu'il
est multiloculaire.
Dans les cas difficiles, l'injection
de produit de contraste permet d'éliminer un cancer épithélial à
forme kystique.
IRM et endométriose pelvienne : résultats
Pour le diagnostic d'endométriome ovarien,
l'IRM présente une sensibilité allant de 91 % à 98 % et une spécificité
allant de 87 à 94 % [17, 19]. Pour le diagnostic d'implants de surface ovariens,
la sensibilité de l'IRM chute considérablement (5 %) [13, 17]. Le taux
de détection des implants péritonéaux a été rapporté
jusqu'à 61 % [20] avec une variabilité corrélée à la taille
de ceux-ci. La dernière évaluation prospective de l'IRM pré-opératoire
pour le diagnostic de l'endométriose pelvienne profonde et son extension fait
état d'une sensibilité de 90 % et d'une spécificité de 91 %
[17].
En conclusion, dans le cadre du bilan
de l'endométriose, l'IRM apparaît comme une technique non invasive, avec
une grande résolution en contraste et une capacité d'exploration multiplanaire
du pelvis. Elle constitue un examen de choix, en deuxième intention, après
l'échographie pelvienne. Elle devrait être réalisée avant la
première cœlioscopie et avant toute thérapeutique, notamment dans le cadre
du bilan d'extension pour la recherche d'endométriose pelvienne profonde.
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ROUANET, M. VIALA, M. DE GRAEF, P. MARES, A. MAUBON
IRM ET ENDOMéTRIOSE 531
Figure 1 A et B. Séquences sagittale
et coronale T2
Épaississement de la zone jonctionnelle occupant
plus des 2/3 du myomètre Figure
2. Séquences sagittale T1 (A), T2 (B), T1 gadolinium (C). Adénomyone.
Spots en hyper-signal dans une masse
utérine hypovasculaire effaçant la zone jonctionnelle
A A
B B
C
532 J.-P.
ROUANET, M. VIALA, M. DE GRAEF, P. MARES, A. MAUBON
IRM ET ENDOMéTRIOSE 533
Figure 3. Séquences sagittale T1 (A),
T2 (B), axiale T1 suppression de graisse.
Endométriome. Hypersignal T1 et hyposignal
T2 A
B C
534 J.-P.
ROUANET, M. VIALA, M. DE GRAEF, P. MARES, A. MAUBON
IRM ET ENDOMéTRIOSE 535
Figure 4. Séquences sagittale T1 (A),
T2 (B), axiale T2 (C)
Endométriose profonde du cul-de-sac de Douglas
Figure 5. Séquences axiale T2 (A), coronale
T2 (B).
Endométriose
profonde.
Atteinte des deux ligaments utéro-sacrés
et du cul-de-sac de Douglas A
A B
B C
536 J.-P.
ROUANET, M. VIALA, M. DE GRAEF, P. MARES, A. MAUBON Figure
6. Coupes sagittale et axiale pondérées T2 (A et B), coupes axiales
pondérées T1 injectées avec suppression de la graisse (C). Endométriose
profonde de la paroi antérieure du rectum. Nodule en hyposignal T2 avec
spots hémorragiques du cul-de-sac de Douglas. Prolongement postéro-latéral
G vers le rectum A
B C
IRM ET ENDOMéTRIOSE 537 |