Echec
de la stimulation : Comment l'interpréter ? Comment y remédier ?
J.N. HUGUES
La stimulation en vue de Fécondation
In Vitro a, classiquement, pour objectif d'obtenir un nombre optimal d'ovocytes.
En effet, le pronostic de grossesse est directement dépendant du nombre et
de la qualité des embryons obtenus et transferés. Templeton et al. (2000)
ont montré que, dans la stratégie de transfert, le nombre total d'embryons
de bonne qualité était un indicateur crucial pour définir le nombre
d'embryons à transférer afin de réduire le risque de grossesse multiple.
Ainsi, à la fois la qualité et la taille de la cohorte ovocytaire/ embryonnaire
obtenue semblent être un facteur essentiel de succès pour le cycle considéré.
Dans cette optique, il est clair qu'un « échec de stimulation »
peut être défini par l'obtention d'un nombre considéré comme
insuffisant d'embryons transférables. Inversement, d'autres auteurs (Hohmann
et al., 2002) ont préconisé le recours à des « mild stimulation »
afin d'optimiser les chances de grossesse sans nécessairement recourir à
une « hyperstimulation ». Selon ces auteurs, l'obtention d'un
nombre limité d'ovocytes et d'embryons de bonne qualité permettrait d'obtenir
un taux excellent de grossesse tout en évitant des protocoles de stimulation
lourds en coût individuel et pour la société. Nous considérerons
successivement lles objectifs et les limites de la stimulation d'ovulation en vue
de FIV sous ces 2 optiques.
D'un point de vue purement quantitatif,
un échec de stimulation est défini comme l'obtention d'un nombre considéré
comme « suboptimal » de follicules préovulatoires (>
16mm) et de taille intermédiaire (13 à 15 mm), qui conduit inévitablement
à un nombre relativement faible d'ovocytes recueillis. Cependant, dans la définition
de ce qu'il est classique de qualifier de « mauvaises répondeuses »,
les données de la littérature internationale n'ont pas permis de dégager
un consensus absolu (Karande and Gleicher, 1999). En effet, là où certains
considèrent qu'un taux d'oestradiol plasmatique < 300 pg/ml au moment de
l'hCG est suffisant pour parler de réponse inadéquate (Garcia et al, 1983),
d'autres estiment qu'un nombre de follicules dominants inférieur à 3 (Land
et al., 1996) ou qu'un nombre d'ovocytes compris entre 3 et 6 (Rombauts et al.,
1987) reflêtent plus exactement l'échec d'une stimulation. Dans tous les
cas, les auteurs s'accordent à reconnaître que l'on ne peut parler d'echec
de stimulation que si la réponse ovarienne est insuffisante en regard du nombre
anormalement élevé d'ampoules de gonadotrophines exogènes utilisées.
Comment interpréter une telle
réponse insuffisante et comment y remédier?
Le cadre le plus classique est celui
de l'insuffisance ovarienne « incipiens » qu'elle se soit déjà
exprimée cliniquement par la présence de cycles de durée anormale
(cycle longs ou, au contraire, courts avec une durée de phase folliculaire
anormalement réduite) ou qu'elle ait été révélée par
des taux pathologiques de FSH, d'oestradiol ou d'inhibine B en début de phase
folliculaire. La littérature est claire sur le mauvais pronostic des tentatives
de FIV sur de tels terrains (Surrey and Schoolcraft, 2000). Le recours à des
doses importantes de gonadotrophines exogènes a montré son impuissance
à améliorer le faible potentiel folliculaire de ces patientes (Belaisch-Allart
et al, 1989, Land et al, 1996, Rombauts et al, 1998). Certaines tentatives de protocole
court avec une minidose d'analogues du GnRH (Scott et al., 1994), avec adjonction
éventuelle de GH (Schoolcraft et al., 1997) ont été couronnées
de succès très relatifs au même titre que la réduction des doses
ou l'arrêt de l'administration des agonistes du GnRH en 2ème partie de
protocole long (Olivennes et al., 1996; Faber et al., 1998). Le recours aux antagonistes
à la place des agonistes du GnRH ne permet pas d'améliorer significativement
le recrutement folliculaire (Craft et al.,1999; Akman et al., 2000). Il semble donc
que l'on soit dans une véritable impasse thérapeutique chez ces patientes
qui, selon leur âge, auront éventuellement la possiblité de recourir
à un don d'ovocytes.
La problématique des réponses
quantitativement insuffisantes est sensiblement différente chez les patientes
qui ne présentent pas de stigmates cliniques ou biologiques d'insuffisance
ovarienne. Dans cette situation, l'âge de la patiente pourrait être un
facteur essentiel du pronostic. En effet, il existe des arguments scientifiques
sérieux pour montrer que le taux d'aneuploïdie ovocytaire augmente avec
l'age (Wu et al., 2000). Ainsi, dans une situation de faible recrutement folliculaire,
l'age paraît être, en soi, un facteur essentiel de mauvais pronostic.
Dans une étude retrospective portant sur 163 cycles chez des patientes présentant
en fin de stimulation un nombre limité de follicules (< 5 follicules de
14 mm), nous avons observé (Galey et al., 2002), que :
- Les taux de grossesse sont
faibles chez toutes les patientes présentant une insuffisance ovarienne incipiens
ou révélée, quelque soit leur âge.
- A l'inverse, chez les femmes
n'ayant pas de stigmates d'insuffisance ovarienne, les taux de grossesse sont préservés
à condition qu'elles aient moins de 36 ans.
Cette observation appelle plusieurs
commentaires :
- En premier lieu, il n'y a pas
lieu d'annuler la tentative et la ponction ovarienne chez les femmes les plus jeunes,
sans insuffisance ovarienne potentielle, même si le nombre de follicules paraît
limité. Cette observation est en ligne avec un éditorial récent de
Fertility Sterility où l'auteur résume les données récentes
selon la formule suivante: FSH = quantité d'ovocytes, age = qualité des
ovocytes (Toner, 2003). Bien qu'un peu caricaturale, cette formulation reflète
assez bien la réalité.
- Pour autant, les raisons d'une
faible réponse ovarienne chez une femme jeune sans insuffisance ovarienne détectable
demeurent partiellement inexpliquées. Si certains considèrent qu'elle
témoigne déjà d'une insuffisance ovarienne « a minima »,
qui s'exprimera dans les mois ou années à venir, il est aussi des situations
cliniques où la faible réponse de l'ovaire traduit une insensibilité
relative aux gonadotrophines que l'on exprime par le fait que ces patientes ont
un « seuil de FSH » plus élevé que la moyenne. Dans
une telle situation, une dose initiale plus importante de gonadotrophines permet
habituellement de recruter un nombre plus conséquent de follicules. Dans les
déterminants du seuil de FSH, on sait que le poids de la patiente (IMC) joue
un rôle essentiel (Imani et al, 2002). D'autres éléments tels que
l'insulinosensibilté (Imani et al., 2000), les facteurs paracrines intra-ovariens,
au premier titre les androgènes (Weil et al., 2000) et les facteurs de croissance,
participent probablement au potentiel de réponse de l'ovaire. Une investigation
plus systématique de ces paramètres paraît nécessaire pour mieux
prévoir le seuil de réponse de l'ovaire aux gonadotrophines.
- Enfin, cette observation pourrait
accréditer l'hypothèse selon laquelle il n'est pas indispensable, chez
les femmes jeunes et à fonction ovarienne normale, de vouloir obtenir le recrutement
d'une large cohorte de follicules et qu'une « Friendly IVF » ou des protocoles
de « mild stimulation » sont parfaitement adaptés chez les femmes
jeunes pour accéder à une grossesse dans une logique de prescription moins
agressive. C'est la stratégie que suggèrent certains (Hohmann et al.,
2002). On peut en rapprocher la proposition de cycles spontanés dans le cadre
de la FIV, préconisée par d'autres (Olivennes and Frydman, 1998; Bassil
et al. 1999). Cependant, il est bien difficile aujourd'hui de définir à
quels sujets il serait raisonnable de proposer de telles stimulations modérées.
On pourrait naturellement les envisager chez les patientes avec SOPK, particulièrement
exposées aux risques d'hyperstimulations. Dans cette situation, en effet, on
sait que seule une faible proportion d'ovocytes parmi la large cohorte habituellement
recrutée est réellement mature. Il reste néanmoins à définir
la stimulation la plus adaptée, utilisant les agonistes ou les antagonistes
du GnRH. Inversement, les patientes présentant des cycles courts témoin
d'une insuffisance ovarienne pourrait également bénéficier de cette
approche thérapeutique moins agressive qui privilégie la qualité
sur la quantité des oocytes.
Un autre aspect de ce qui est souvent
considéré comme un échec de la stimuation concerne la dissociation
entre le taux d'oestradiol plasmatique et la croissance des follicules. Il est,
en effet, des situations où les taux hormonaux sont anormalement bas par rapport
à l'évolution folliculaire à l'échographie. Selon la classique
théorie bicellulaire, cette dissociation est classiquement attribuée à
une carence relative en LH.
Une telle observation a été
rapportée avec les protocoles utilisant conjointement les agonistes du GnRH
et la FSH durant la période de stimulation. Son incidence est probablement
plus grande avec l'usage des agonistes du GnRH à libération prolongée
car la déplétion en LH est plus profonde. Certains (Westergard et al.
; Fleming et al.) ont considéré qu' une telle carence relative en LH était
délétère au succès du cycle, voire favoriserait les fausses
couches précoces. Cependant, aucune valeur seuil minimale de LH n'a pu être
déterminée (Balasch et al., 2002). De ce fait, il est bien difficile de
dire quelle proportion de patientes se trouve dans une telle situation. Le recours
plus récent aux antagonistes du GnRH a accentué le nombre de cas où
la décroissance brutale en LH endogène induit une chute simultanée
de l'oestradiol alors que la croissance folliculaire ne semble pas affectée.
Il est cependant improbable qu'une telle décroissance de la LH et de l'oestradiol
ait un effet néfaste sur le complexe cumulo-ovocytaire car l'addition de LH
exogène qui permet de restaurer des taux adéquats d'oestradiol ne modifie
pas le pronostic du cycle (Cedrin-Durnerin et al, 2003).
Pour conclure, les échecs de stimulation
les plus évidents concernent le recrutement d'un nombre insuffisant de follicules
là où l'objectif était d'en obtenir un grand nombre. S'ils relèvent
d'une insuffisance ovarienne notoire, les solutions thérapeutiques sont minces.
En l'absence d'insuffisance ovarienne dépistable, le pronostic est partiellement
lié ä l'age: les patientes les plus jeunes dont la faible réponse
ovarienne est probablement le fait d'un seuil de sensibilité à la FSH
plus élevé, gardent un bon pronostic de grossesse et le cycle ne doit
pas être annulé. A l'inverse, chez les moins jeunes, le pronostic paraît
être affecté par la plus faible qualité ovocytaire. La problématique
des dissociations entre les taux plasmatiques d'oestradiol et la croissance folliculaire
est plus complexe. Si le rôle de la carence relative en LH est naturellement
mis en exergue, il faut parallèlement évoquer l'impact d'autres facteurs
intra-ovariens qui potentialisent l'effet de la LH tels que les facteurs de croissance
et l'insuline. Ainsi, la dissociation hormono-folliculaire pose principalement la
question de l'intèrêt de l'addition de LH aux gonadotrophines de type
FSH utilisées pour stimuler la folliculogénèse. Cette question n'est
pas à ce jour clairement tranchée.
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