Insuffisance
ovarienne débutante : interprétation et stratégie dans
le cadre d'une infertilité
J. BELAÏSCH-ALLART, J.-M. MAYENGA
Les techniques d'AMP (assistance médicale
à la procréation ont permis de découvrir une nouvelle forme d'infertilité
probablement classée au préalable dans les infertilités inexpliquées
: les insuffisances ovariennes occultes. L'insuffisance ovarienne occulte diffère
de la ménopause précoce qui s'accompagne d'un signe clinique, l'arrêt
des règles. Au contraire, l'insuffisance ovarienne reste cachée tant que
la femme ne souhaite pas d'enfant, d'où le terme d'insuffisance ovarienne occulte.
On peut actuellement distinguer les insuffisances ovariennes prévisibles, celles
où tous les stigmates biologiques connus (dosage de la FSH, de l'inhibine B,
voire de l'hormone antimullérienne) sont mauvais, et les insuffisances ovariennes
à marqueurs normaux qui ne se réveleront qu'au premier essai de stimulation
de l'ovulation.
Diagnostic des insuffisances ovariennes débutantes
Seule la pratique systématique des marqueurs
de la réserve ovarienne devant toutes infertilité (y compris masculine)
permet le diagnostic d'insuffisance ovarienne débutante. De nombreuses études
épidémiologiques ont démontré que 10 % des femmes deviennent
ménopausées vers 45 ans. 10 % des femmes de la population générale
sont donc probablement à risque de vieillissement ovarien précoce.
La notion d'âge ovarien ou plus
scientifiquement de réserve ovarienne est un concept récent qui a progressivement
pris une place prépondérante dans le bilan d'une infertilité (3).
La valeur pronostique de l'âge de l'état civil a désormais reculé
devant la valeur pronostique des tests de réserve ovarienne. Les résultats
de la FIV démontrent que les taux de grossesse d'une femme jeune dont les ovaires
répondent mal aux stimulations de l'ovulation (i.e. qui consomme plus de 70
ampoules d'hMG ou de FSH) n'est que de 12 % c'est à dire inférieur au
taux de grossesse d'une femme de 40 ans mais dont les ovaires répondent bien
(c'est à dire qui consomment moins de 40 ampoules d'hMG ou de FSH) (5). Ces
observations ont permis de définir le concept d'âge ovarien.
La technique la plus simple et la moins
coûteuse repose sur le dosage de la FSH de base en début de phase folliculaire
dans les 5 premiers jours du cycle (7). La valeur prédictive du taux de FSH
plasmatique sur les taux de grossesse en Assistance Médicale à la Procréation
(AMP) est désormais bien démontrée. Le problème est dans le
seuil limite qui est variable suivant la technique de dosage utilisé. En ce
sens l'étude de Toner et al. est particulièrement intéressante (12).
Dans leur population, le dosage de FSH moyen des femmes de moins de 36 ans avec
deux ovaires est de 11,26 + 5,77 UI/L. Lorsque le taux d'une patiente est inférieur
à cette moyenne le taux de grossesse évolutive est le meilleur (18 %),
lorsque le dosage de la femme est supérieur à la moyenne mais en dessous
de deux fois la moyenne le taux de grossesse est encore de 15 %. Par contre lorsque
le dosage dépasse deux fois la moyenne, le taux de grossesse devient nul. Ce
principe peut être appliqué par chaque équipe dès lors qu'elle
connaît la moyenne du taux de FSH des femmes de moins de 36 ans ayant leurs
2 ovaires du laboratoire avec lequel elle travaille.
Il existe cependant des variations
intercycliques de la FSH et il n'est pas toujours aisé de savoir que penser
des patientes dont la FSH est en dessous de 10 ou 12 mUI/ml un cycle et supérieure
un autre cycle. La valeur péjorative d'un taux unique de FSH élevée
a cependant été démontrée par Scott et al (9) qui ont démontré,
sur 88 patientes ayant eu trois FIV en deux ans, que la réponse ovarienne n'est
pas meilleure dans les cycles où la FSH est basse que dans les cycles où
la FSH est élevée. Cet état apparemment fluctuant traduit donc en
fait une résistance ovarienne stable. Bien qu'une méta-analyse récente
(1) ait remis en question la valeur prédictive du dosage de FSH de base, ce
test reste le plus utilisé et le plus facile pour détecter une insuffisance
ovarienne débutante, à la condition de ne pas oublier qu'un dosage normal
ne signifie pas obligatoirement une bonne réponse à la stimulation de
l'ovulation !
La valeur d'une FSH élevée
chez les femmes jeunes est diversement appréciée. El Toukhy et al (4)
ont étudié 762 patientes avec une réserve ovarienne diminuée
(FSH élevée ou cycle FIV avec moins de 3 ovocytes recueillis), ces patientes
ont été classées en 3 groupes (moins de 30 ans, 31-38 ans, plus de
38 ans). Les taux d'implantation, de grossesse clinique et de naissance, ne diffèrent
pas dans les trois groupes ce qui permet aux auteurs de conclure que les patientes
jeunes, à réserve ovarienne diminuée, ont un pronostic aussi pauvre
que les plus âgées en AMP. A l'inverse, Van Rooij et al (14) sur un effectif
beaucoup plus réduit (36 femmes de moins de 40 ans à FSH élevée,
et 50 femmes de 41 ans et plus à FSH inférieure à 15 UI/L) affirment
que si les femmes jeunes à FSH élevées ont beaucoup plus d'annulation
que les plus âgées à FSH normales (31 vs 8 %), celles qui ne sont
pas annulées, ont un meilleur taux de grossesse évolutive (25 vs 10 %).
C'est ce qui permet à Toner (13) de conclure : âge = qualité de l'ovocyte,
FSH = quantité d'ovocyte et d'affirmer que l'AMP peut être essayée
chez les femmes jeunes à FSH élevées (NDLR niveau non précisé
!) puisque celles qui ne seront pas annulées pour réponse insuffisante
peuvent devenir enceinte malgré une faible production d'ovocyte.
Les autres tests dit de réserve ovarienne
Différents tests dits de réserve ovarienne
ont été proposés pour tenter de cerner au mieux l'âge ovarien,
c'est à dire la capacité de répondre aux stimulations de l'ovulation
et d'obtenir une grossesse.
Le test le plus utilisé après
le dosage de la FSH est le dosage de l'inhibine B. Seifer et al (10) en 1996 étudiant
156 cycles FIV en protocole long ont établis un seuil de 45 pg/ml pour l'inhibine
B en dessous duquel le taux de succès est significativement diminué.
D'autres tests ont été proposés
mais sont peu utilisés en France, le test de Navot, l'Efort test, la mesure
du volume ovarien, y compris en 3D. La valeur prédictive du dosage de l'hormone
antimullérienne est en cours d'évaluation (15).
Tout récemment a aussi été
proposé le compte des follicule antraux (6). Frattarelli et al ont montré
une corrélation entre le nombre de follicules de base vus après 14 jours
de désensibilisation ovarienne et le nombre d'ovocytes et d'embryons obtenus,
et une corrélation négative avec l'âge, le taux de FSH à J3,
le nombre d'ampoules utilisées et le nombre de jours de stimulation. Le nombre
limite de follicules de base qui prédit une annulation est dans leur courbe
de 4 ou moins (41 % de risque d'annulation contre 6,4 % si plus de 4 follicules).
Les patientes avec 4 follicules ou moins ont moins de grossesse (23,5 vs 57,6 %
grossesses biochimiques incluses).
Dans d'autres cas, tous les marqueurs
sont normaux et néanmoins les femmes répondent mal ou ne répondent
pas à la stimulation de l'ovulation. Lawson et al (8) ont récemment démontré
que ces mauvaises répondeuses à FSH normales ont 23 fois plus de risque
de présenter une ménopause précoce dans les 10 ans qui suivent la
FIV, que les femmes qui répondent normalement aux traitements et 6 fois plus
que celles qui présentent une FSH de base élevée. Cette étude
a bien démontré qu'une mauvaise réponse aux inducteurs de l'ovulation
a une valeur péjorative supérieure à celle de la FSH élevée
et traduit donc une réduction nette de la réserve ovarienne.
Il faut toutefois rappeler avec Sharara
et al (11) que les tests de réserve ovarienne n'ont pas une sensibilité,
ni une spécificité absolue. Les patientes avec des dosages anormaux doivent
être informées de leur mauvais pronostic, mais ces tests ne devraient
pas être utilisés pour exclure systématiquement les patientes à
valeurs limites des programmes d'AMP.
Stratégie thérapeutique
L'idéal est de dépister rapidement voire
avant tout désir d'enfant, les futures insuffisances ovariennes prématurées
afin de leur conseille d'essayer le plus rapidement possible d'avoir un enfant.
Au minimum, le dépistage systématique chez toute femme infertile est justifié
(11).
Si la FSH est très élevée
(supérieure à 15 mUI/ml) il n'y a pas de données scientifiques justifiant
un essai de stimulation de l'ovulation. Il est légitime d'expliquer à
la patiente que les grossesses miracles existent notamment sous traitement oestroprogestatifs
mais que le corps médical est impuissant. L'adoption, le don d'ovocyte ou expliquer
que l'on peut encore vivre heureux à 2 sont les solutions les plus réelles
à proposer.
Si la FSH est modérément
élevée (inférieure à 12-13 mUI/ml) il est légitime de proposer
un essai de stimulation avec un protocole adapté aux mauvaises répondeuses.
C'est ainsi qu'à Sèvres (2) nous utilisons un protocole avec demi dose
d'agoniste quand la désensibilisation est atteinte, suivie d'une stimulation
avec 450 unités de gonadotrophines recombinantes et que nous obtenons un taux
de grossesse de 16 % par ponction, taux certes inférieur de près de 10
% à notre taux moyen mais non nul.
Le recul de l'âge de la maternité
est devenu un réel problème de société, pour de multiples raisons
(meilleure maîtrise de la contraception, carrière féminine, secondes
unions). Toutes les femmes ne sont pas égales devant la chute de la fertilité
liée à l'âge. Les programmes de FIV nous montrent que certaines patientes
malgré des dosages de FSH et d'inhibine normaux répondent mal ou pas aux
stimulations de l'ovulation. Dépister dès 30 ans toutes les femmes à
risque de vieillissement ovarien précoce et leur conseiller de faire leurs
enfants le plus vite possible (encore faut-il qu'elles aient rencontré l'homme
de leur vie !) serait idéal. Encore faudrait-il disposer de moyens sûrs
pour ce dépistage ! En attendant, on ne peut que conseiller aux femmes à
risque de vieillissement ovarien prématuré (famille de ménopause
précoce, antécédents de radiothérapie, de chimiothérapie,
d'infections pelviennes, d'endométriose sévère, tabagiques) d'essayer
plus vite d'être mère si les circonstances de leur vie le permettent.
L'idéal serait bien sûr de disposer d'un marqueur génétique
pour dépister ces femmes à risque de ménopause précoce qui connaîtront
une chute accélérer de leur fertilité.
Bibliographie
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[13] Toner J: Age
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[14] Van Rooij I,
Banci L, Broekmans F et al: women older than 40 years of age and those with elevated
follicle stimulating hormone levels differ in poor response rate and embryo quality
in in vitro fertilization. Fertil Steril, 2003, 79, 482-488.
[15] De Vet A, Laven
J, De Jong F, Themmen A, Fauser B: Anti mullerian hormone serum levels: a putative
marker for ovarian aging. Fertil Steril, 2002, 77, 357-362.
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INSUFFISANCE
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186 J.
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INSUFFISANCE
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188 J.
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