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Titre: Prématurités et anomalies de croissance foetale
Année: 1998
Auteurs: - Carbonne B.
Spécialité: Obstétrique
Theme: prématurité

Prématurité et anomalies de croissance foetale

Bruno Carbonne

Service de Gynécologie-Obstétrique. Hôpital Saint-Antoine, Paris

Parmi les causes de prématurité, certaines, bien établies, peuvent bénéficier de mesures préventives et/ou curatives efficaces. Ainsi, les causes infectieuses, la béance cervico-isthmique et les malformations utérines, certaines situations socio-économiques... peuvent être reconnues et traitées. Pourtant, malgré les lourdes conséquences de la prématurité et l'importance des travaux qui y sont consacrés, il semble utopique d'espérer atteindre le niveau zéro de prématurité. Toutes les mesures visant à prévenir ou à traiter la prématurité spontanée laissent en effet pesister une prématurité "résiduelle". Les caractéristiques de cette prématurité résiduelle sont importantes à définir.

De plus en plus d'éléments font suspecter l'association d'anomalies de croissance foetale et de pathologies vasculaires maternelles avec la survenue spontanée d'une naissance avant terme. Ces arguments, de nature épidémiologique, échographique ou fondamentale sont discutés dans cet exposé.

Arguments epidemiologiques

Un des arguments en faveur de l'association entre prématurité et anomalie de croissance foetale est l'évolution des poids de naissance des enfants prématurés. Cette constatation a pu être faite notamment dans l'enquête périnatale da Haguenau [2]. Dans cette enquête, la mise en oeuvre de moyens de prévention (reconnaissance des facteurs de risque, réduction de l'activité physique, aide à domicile, modification des consultations prénatales, hospitalisations préventives...) a permis d'obenir une réduction de la prématurité de 5,8 % en 1971 à 4,0% en 1982. Cette diminution a surtout porté sur la prématurité spontanée (de 5,0% à 3,0%) et principalement avant 32-34 SA.

On remarque dans cette étude que, dans la tranche de terme ou la prématurité a le plus diminué (avant 32 SA), le poids de naissance des nouveau-nés a également diminué significativement alos que pendant la même période, le poids moyen de naissance global n'a pas évolué (Tableau I).

Tableau I: Evolution du poids de naissance moyen selon la durée de gestation dans l'enquête périnatale de Haguenau (d'après référence 2)

Terme de gestation

1971-1974

1975-1978

1979-1982

P

prématurés <37SA

2290 g

2233 g

2326 g

NS

=< 32 SA

1812 g

1595 g

1544 g

p < 0,01

33-34 SA

2290 g

2155 g

2093 g

NS

35-36 SA

2564 g

2627 g

2648 g

NS

à terme >= 37 SA

3421 g

3430 g

3417 g

NS

Cette modification des caractéristiques des prématurés après application de mesures préventives fait penser aux auteurs du rapport que la prévention n'a été efficace que sur un certain type de prématurité. La prématurité "résiduelle" pourrait répondre à d'autres mécanismes que ceux habituellement reconnus et non pris en compte dans les mesures de prévention, désormais classiques, appliquées à Haguenau. La diminution du poids de naissance pourrait être dûe à des facteurs génétiques, environnementaux ou vasculaires maternels.

Les pathologies vasculo-rénales de la grossesse sont classiquement des complications du troisième trimestre de la grossesse. Pourtant, leur fréquence en tant que responsables d'accidents du deuxième trimestre est vraisemblablement beaucoup plus élevée que ce qui est classiquement admis. Dans une enquête prospective portant sur l'ensemble des grossesses suivies dans le département de Seine-Saint-Denis, les pathologies vasculaires représentaient 22% des causes de perte foetale entre 22 et 28 SA, au deuxième rang après les causes infectieuses [3].

Arguments echographiques.

Plusieurs équipes ont, ces dernières années, mis en évidence de manière prospective grâce à l'échographie une association entre retard de croissance foetale et pématurité. La première étape de leur travail a été de remettre en cause la validité des courbes de référence de poids de naissance pour les prématurés.

En effet, les courbes permettant d'apprécier la normalité ou non du poids de naissance en fonction du terme sont généralement établies à partir de l'ensemble des naissances vivantes dans une population dite normale pendant une certaine durée. Or, il est difficile de considérer les naissances prématurées comme appartenant à une population normale. Il y a fort à penser que la prématurité dite inexpliquée ou idiopathique, pourrait correspondre à des anomalies encore inaccessibles à nos moyens diagnostiques, parmi lesquelles des anomalies de la croissance foetale. Or, les courbes obtenues à partir des poids de naissance avant terme sous estiment vraisemblablement le poids réel des enfants normaux qui naitront finalement à terme.

Certains arguments dans ce sens pourraient être apportés par l'échographie. En effet, l'échographie peut permettre de connaître l'estimation pondérale à des termes précoces, d'enfants réellement normaux, c'est-à dire qui naitront à terme et de poids normal. Des courbes obtenues par échographie chez des enfant normaux seraient donc sans doute plus proches de la réalité pour les petits termes. Cette approche a été tentée par plusieurs équipes [8, 9, 11, 13].

Hediger et al. [8] ont mesuré systématiquement par échographie les périmètres abdominal et céphalique, le diamètre bipariétal et la longueur fémorale d'une cohorte de foetus à 32 SA. La comparaison des mesures échographiques à 32 SA entre foetus nés finalement avant et après 37 SA révèle que les enfants nés prématurément avaient, dès 32 SA, des mensurations échographiques inférieures à celles des enfants nés à terme (Tableau II).

 

Tableau II. Caractéristiques biométriques échographiques à 32 SA en fonction du terme de naissance (d'après référence 8)

 

prématuré

à terme

P

Périmètre Céphalique

289,6 ± 1,8

294,8 ± 0,8

0,008

Périmètre Abdominal

272,8 ± 2,5

279,3 ± 1,0

0,016

PC/PA

1,07 ± 0,008

1,06 ± 0,004

NS

BIP

80,0 ± 0,5

81,6 ± 0,2

0,006

LF

60,6 ± 0,4

61,7 ± 0,2

0,013

Estimation pondérale (g)

1833,7 ± 41,8

1954,7 ± 17,8

0,009

L'évolution des mensurations entre la première échographie et celle de 32 SA confirme une cinétique de croissance inférieure pour les futurs prématurés (Tableau III).

 

Tableau III. Cinétique de croissance selon le terme de naissance (d'après référence 8)

Taux de croissance (mm/semaine)

prématuré

à terme

P

Périmètre Abdominal

9,1 ± 0,4

10,2 ± 0,2

0,008

BIP

2,5 ± 0,07

2,8 ± 0,03

0,0004

LF

2,2 ± 0,06

2,3 ± 0,03

0,05

 

Si l'on prend en compte l'ensemble des causes de prématurité (spontanée et induite) tous les paramètres biométriques sont inférieurs chez les prématurés. Par contre, lorsque seule la prématurité spontanée est étudiée, on remarque que seul le périmètre abdominal est inférieur chez les prématurés, avec élévation du rapport PC/PA, témoin d'une croissance dite "asymétrique" ou dysharmonieuse. Ce type d'anomalie est habituellement caractéristique des causes vasculaires de retard de croissance intra-utérin.

D'autres études semblent conforter l'hypothèse d'une prématurité "incompressible" ayant pour origine une anomalie de croissance foetale: Westgren et al. [13] ont examiné le rappport LF/PA des foetus de 82 primigestes hospitalisées pour menace d'accouchement prématuré. Chez les 39 enfants nés prématurément après échec de tocolyse, le rapport LF/PA était significativement plus élevé par rapport à chez ceux nés à terme. De même, MacGregor et al. [9], parmi 78 cas de MAP, ont retrouvé significativement plus de foetus ayant une biométrie échographique inférieure au 10ème percentile chez les 48 prématurés avant 36 SA que chez ceux nés à terme.

L'implication pratique de ces différentes études est que les courbes de croissance basées sur les poids de naissance donnent des valeurs trop basses aux petits termes de naissance et sous-estiment sans doute la proportion d'enfants prématurés ayant un retard de croissance.

Donnees fondamentales

L'association entre croissance foetale et prématurité spontanée suggère l'implication de certains facteurs communs à ces deux phénomènes. Les causes possibles de prématurité et d'anomalies de croissance pourraient être notamment de nature nutritionnelle, toxique (tabac), ou vasculaire.

Parmi les causes vascualires, de nombreuses hormones jouent une rôle fondamental dans la régulation de la contractilité vasculaire et utérine et pourraient expliquer l'association pathologie vasculaire et prématurité, bien que cette hypothèse n'ait pas encore reçu à l'heure actuelle de démonstration.

Facteurs nutritionnels

Les carences alimentaires maternelles en calories et/ou vitamines semblent pouvoir altérer le développement et la vascularisation placentaires, favoriser une rupture prématurée des membranes et augmenter la susceptibilité à l'infection. Le risque d'accouchement prématuré est également accru en cas de faible prise de poids en deuxième moitié de grossesse, de même qu'un ralentissement de la croissance foetale [7].

Facteurs environnementaux et toxiques

Parmi les candidats dans ce vaste chapitre, le tabac est sans doute le plus étudié. Ses effets délétères sur la croissance foetale via un effet vasculaire son bien établis. De même, l'association statistique entre tabac et rupture prématurée des membranes et prématurité n'est plus discutée [1].

Facteurs hormonaux impliqués dans la prématurité et les pathologies vasculaires.

De nombreuses substances impliquées dans la contraction des fibres musculaires lisses agissent aussi bien au niveau vasculaire que sur le muscle utérin. Pratiquement otutes les substances impliquées dans la physiopathologie de la pré-éclampsie ont une action démontrée sur la contractilité utérine:

Les prostaglandines. La physiopathologie des pathologies vasculaires de la grossesse et de la pré-éclampsie en particulier fait intervenir un déséquilibre entre thromboxane A2 (TXA2; vasoconstrictrice et proagrégante plaquettaire) et prostacycline (PGI2; vasodilatatrice et antiagrégante plaquettaire) [12]. Cette dernière est également un agent tocolytique puissant. Le déséquilibre TXA2/PGI2 pourrait donc favoriser une activité utérine contractile prématurée.

Le monoxyde d'azote (NO). Egalement appelé endothelium-derived relaxing factor (EDRF), il s'agit d'un agent vasodilatateur endogène puissant. Plusieurs équipes ont d'ailleurs rapporté des anomalies de régulation de la production de NO au cours de la pré-éclampsie [10]. On a pu constater depuis l'efficacité et la rapidité d'action tocolytique des traitements donneurs de NO (notamment la trinitrine). Une anomalie de production de NO dans certaines pathologies vasculaires pourrait donc également favoriser la contractilité utérine.

Les endothélines. Moins connues, les endothélines ont été mises en évidence pour la première fois en 1988. L'endothéline-1 est à l'heure actuelle le plus puissant peptide vasoconstricteur connu. Sa production semble accrue dans certains cas de pré-éclampsie et au cours du travail [6]. Récemment, il a été mis en évidence une différence significative de production d'endothélines au niveau de l'unité foeto-placentaire à terme chez les patientes d'origine africaine par rapport à celles d'origine européenne [4]. Or, les patientes d'origine africaine sont - indépendemment d'autres facteurs confondants - à risque accru de pathologies vasculaires de la grossesse et d'accouchement prématuré [1, 5].

D'autres facteurs pourraient être mentionnés: ocytocine/vasopressine, facteurs a-sympathiques...

Conclusion

La prématurité a de muliples causes et facteurs de risque. L'existence d'une pathologie vasculaire sévère de la grossesse, telle qu'une pré-éclampsie par exemple, représente habituellement une cause de prématurité induite, par décision médicale, plutôt que de prématurité spontanée. Cependant, des anomalies vasculaires plus discrètes pourraient être impliquées dans la survenue d'une prématurité spontanée. La démonstration de telles anomalies et des mécanismes intimes responsables de l'association prématurité - anomalies de croissance foetale, pourraient peut-être permettre d'élaborer dans l'avenir des mesures thérapeutiques adaptées.

 

References.

1.Berkowitz GS, Papiernik E. Epidemiology of preterm birth. Epidemiol Review 1993;15:414-443.

2.Bouyer J, Papiernik E, Gueguen S, Lecomte M, Bonithon-Kopp C. Baisse de la prématurité à Haguenau. In: "La prématurité. Enquête périnatale de Haguenau" (J. Bouyer, J. Dreyfus, S. Gueguen, P. Lazar, E. Papiernik, eds). Editions INSERM, Paris, 1987. pp 95-102.

3.Carbonne B, Lipszyc D, Combier E, Bucourt M, Aboulker D, Senanedj P, Pullicino A, Papiernik E. Pertes de grossesse entre 22 et 27 semaines d'aménorrhée révolues. Jobgyn 1995;3:318-327.

4.Carbonne B, Mignot TM, Papiernik E, Ferré F. Higher endothelin levels in the feto-placental unit of pregnant women of African ancestry. Am J Obstet Gynecol (sous presse).

5.Eskenazi B, Fenster L, Sidney S. A multivariate analysis of risk factors for pre-eclampsia. JAMA 1991;266:237-241.

6.Ferré F. Endothelin : its possible role during pregnancy. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 1995;59:1-4.

7.Hediger ML, Scholl TO, Belsky DH, Ances IG, Salmon RW. Patterns of weight gain in adolescent pregnancy: Effects on birth weight and preterm delivery. Obstet Gynecol 1989;74:6-12.

8.Hediger ML, Scholl TO, Schaal JI, Miller LW, Fischer RL. Fetal growth and the etiology of preterm delivery. Obstet Gynecol 1995;85:175-182.

9.MacGregor SN, Sabbagha RE, Tamura RK, Pielet SN, Feigenbaum SL. Differing fetal growth patterns in pregnancies complicated by preterm labor. Obstet Gynecol 1988;72:834-837.

10.McCarthy AL, Woolfson RG, Raju SK, Poston L. Abnormal endothelial cell function of resistance arteries from women with preeclampsia. Am J Obstet Gynecol 1993;168:1323-1330

11.Ott WJ. Intrauterine growth retardation and preterm delivery. Am J Obstet Gynecol 1993;168:1710-1717.

12.Walsh SW. Preeclampsia: an imbalance in placental prostacyclin and thromboxane production. Am J Obstet Gynecol 1985;152:335-340.

13.Westgren M, Beall M, Divon M, Platt L. Fetal femur length/abdominal circumference ratio in preterm labor patients with and without succesful tocolytic therapy. J Ultrasound Med 1986;5:243-245.