MORTALITE-MORBIDITE
NEONATALE COMPAREE A POIDS DE NAISSANCE ET AGE GESTATIONNEL EGAL
Pierre-Henri
JARREAU
Service
de Médecine néonatale de Port-Royal
Centre Hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul-La Roche-Guyon
123, Bd de Port-Royal
75014 PARIS
e-mail : pierre-henri.jarreau@cch.ap-hop-paris.fr
Introduction
Il a été
longtemps admis que les nouveau-nés prématurés hypotrophes
étaient, du fait d'une maturation accélérée, mieux
préparés à la vie extra-utérine. Ainsi, le retard
de croissance intra-utérine semblait être un facteur favorisant,
notamment sur le plan pulmonaire, ces enfants semblaient présenter moins
fréquemment de maladie des membranes hyalines et semblaient avoir une
maturation neurologique accélérée.
A la lueur des données les plus récentes, il semble que ce concept,
soit remis sérieusement en cause, tout au moins partiellement, et dû
à des impressions cliniques ou à des comparaisons inappropriées.
A l'évidence, le retard de croissance intra-utérine, loin d'être
un avantage, est un facteur de risque supplémentaire tant en terme de
mortalité qu'en terme de morbidité, à l'exception notable
des complications neurologiques immédiates qui sont moins nombreuses
chez les hypotrophes.
Nous insisterons ici sur le type de comparaison et sur la morbidité respiratoire
et indiquerons rapidement les différences de morbidité neurologique
immédiate et de mortalité.
Comparaison
n'est pas raison ou quel type de comparaison
Dès
1988, Pena et coll montraient que tout dépendait du type de comparaison
effectué : à âge gestationnel égal ou à poids
égal. A cet effet, 35 prématurés hypotrophes avaient été
appariés ave 35 prématurés soit de même gestationnel,
soit de même poids de naissance. Les résultats sont résumés
dans les tableaux 1 et 2 qui se passent de commentaires
Tableau
1 : comparaison par poids de naissance
D'après Pena et coll (1)
|
Hypotrophes
|
Eutrophes
|
AG
(sem) |
32
± 2,6
|
27
± 2*
|
Poids
(g) |
1132
± 238
|
1179
± 209
|
Taille
(cm) |
38
± 3,6
|
38
± 3,7
|
PC
(cm) |
27
± 2,2
|
27
± 1,6
|
|
|
|
Durée
de VM (jours) |
13
± 18,8
|
17
± 19,1
|
Hospitalisation
USI (jours) |
21
± 25,2
|
24
± 23,5
|
Hospitalisation
(jours) |
48
± 28,2
|
52
± 25,2
|
|
|
|
MMH |
13
(42%)
|
16
(48%)
|
Assistance
respiratoire |
18
(58%)
|
27
(81%)*
|
Apnées |
11
(33%)
|
18
(55%)
|
Hémorragie
intracrânienne |
2
(6%)
|
10(30%)*
|
|
|
|
* p<0,05 |
|
|
Tableau
2 : comparaison par âge gestationnel
D'après Pena et coll (1)
|
Hypotrophes
|
Eutrophes
|
AG
(sem) |
30,8
± 2,2
|
30,6
± 1,7
|
Poids
(g) |
1006
± 217
|
1294
± 167*
|
Taille
(cm) |
36 ± 2,8
|
40
± 2,3*
|
PC
(cm) |
26
± 2,5
|
28
± 1,4*
|
|
|
|
Durée
de VM (jours) |
21
± 20,0
|
6 ± 8,1*
|
Hospitalisation
USI (jours) |
29
± 25,8
|
12
± 15,3*
|
Hospitalisation
(jours) |
67 ± 27,0
|
37
± 16,9*
|
|
|
|
MMH
|
13
(65%)
|
8
(40%)
|
Assistance
respiratoire |
15
(75%)
|
11
(55%)
|
Apnées |
11 (55%)
|
10
(50%)
|
Hémorragie
intracrânienne |
1
(5%)
|
7
(35%)*
|
|
|
|
* p<0,05 |
|
|
Si
à l'évidence, la comparaison à poids égal donne
l'avantage, ou au moins pas de désavantage, aux plus matures, donc aux
hypotrophes, la comparaison, juste, à terme égal, met nettement
en évidence une morbidité augmentée telle que l'on peut
l'évaluer par la durée de ventilation mécanique ou d'hospitalisation.
Morbidité
respiratoire
Longtemps
considéré comme une évidence, la notion que le retard de
croissance intra?utérine entraînait une maturation pulmonaire accélérée,
et donc moins de maladie des membranes hyalines est apparue clairement comme
fausse, au moins partiellement.
Cette notion était appuyée sur :
- des impressions cliniques, tirées de l'observation qu'à poids
égal, les enfant d'âge gestationnel plus élevé présentaient
moins de maladie des membranes hyalines ;
- de certaines publications faisant état d'une maturation pulmonaire
accélérée caractérisée biologiquement par
le rapport L/S (2, 3);
- des données expérimentales tendant à prouver que l'insuffisance
placentaire à l'origine du retard de croissance intra-utérine
augmentait le taux d'hormone corticotrope d'origine placentaire, aboutissant
donc logiquement à une maturation pulmonaire accélérée
(4).
La notion de maturation accélérée attestée par des
tests biologiques était remise en cause en 1993. Piper (5) démontrait
sur divers tests de maturation ftale réalisés sur des prélévements
de liquide amniotique que les hypotrophes ne maturaient pas plus vite que les
hypotrophes.
La réalité épidémiologique confirme l'absence de
maturation accélérée, voire l'augmentation d'une immaturité
pulmonaire chez les hypotrophes. Pena et coll (1) mettaient déjà
en évidence dans leur comparaison que les hypotrophes ne présentaient
non seulement pas moins de maladie des membranes hyalines, et peut-être
même plus (65% vs 40%), bien que la comparaison ne fut pas statistiquement
significative. C'est à Tyson (6) que revient le mérite d'avoir
évalué rigoureusement et précisément ce point :
dans une étude portant sur tous les enfants nés entre 1977 et
1980 dans le même hôpital, soit 10905 nouveau-nés et classifiés
comme hypotrophes en fonction de diverses courbes. Il met en évidence
une augmentation de la fréquence des maladie des membranes hyalines à
tous les âges gestationnels de 27 à 38 semaines d'aménorrhée.
Cette augmentation de fréquence de la maladie des membranes hyalines
était confirmée par une étude de 1997 portant sur les plus
immatures (moins de 27 semaines) (7).
Cette observation était retrouvée par deux autres auteurs (8,
9) mettant en outre en évidence un effet préventif des corticoïdes
moins important pour les hypotrophes que pour les eutrophes (8, 9).
La réalité est peut-être plus complexe. Pour Ley et coll.
(8), la fréquence des maladie des membranes hyalines est plus importante
chez les hypotrophes de faible âge gestationnel (25-28 SA) mais semble
équivalent chez les hypotrophes comparés aux eutrophes entre 29
et 32 SA. L'accélération de la maturation ftale (ou plus
exactement l'absence de retard de maturation) pourrait donc être une réalité
chez les moins immatures. Notons à cet égard que dans la lecture
attentive de l'étude de Piper sur la maturation pulmonaire ftale
évaluée biologiquement sur le liquide amniotique, peut déjà
suggérer un tel phénomène, non évalué statistiquement,
chez les plus de 34 SA.
Morbidité
neurologique
Le retard
de croissance intra-utérine semble assez clairement protéger contre
la survenue d'hémorragies intra-ventriculaires et de leucomalacies périventriculaires.
Ce phénomène déjà observé par Pena (1) a
été retrouvé dans plusieurs études et était
d'ailleurs déjà démontré dans les comparaisons inappropiées
par le poids (voir tableaux 1 et 2). Ceci est retrouvé dans les études
ultérieures utilisant une comparaison par âge gestationnel (7,
9). Sur la série de Clamart, il n'y avait aucun cas de leucomalacie périventriculaire
chez les hypotrophes nés de mère hypertendue (9).
Mortalité
Les comparaisons
appropriées donnent là-aussi la mesure du problème posé
par les hypotrophes. Il existe une mortalité plus élevée
dans cette population comparée aux eutrophes (6, 7, 10, 11). De manière
intéressante, cette surmortalité est retrouvée chez les
jumeaux de poids de naissance discordant (12).
Conclusion
Il apparaît
à l'évidence que la seule comparaison possible pour évaluer
les hypotrophes est la comparaison par âge gestationnel. Celle-ci met
en évidence chez les hypotrophes : une morbidité respiratoire
plus importante, peut-être limitée aux enfants les plus immatures,
une mortalité constamment plus importante, mais une morbidité
neurologique immédiate (hémorragies intra-ventriculaires et leucomalacies
périventriculaires) moindre.
mots-clefs : prématurité,
hypotrophie, retard de croissance intra-utérine
Références
1. Pena
IC, Teberg AJ etFinello KM, The premature small-for-gestational-age infant during
the first year of life: comparison by birth weight and gestational age. J Pediatr,
1988, 113, 1066-73.
2. Bent AE, Gray JH, Luther ER, Oulton M etPeddle LJ, Assessment of fetal lung
maturity: relationship of gestational age and pregnancy complications to phosphatidylglycerol
levels. Am J Obstet Gynecol, 1982, 142, 664-9.
3. Leveno KJ, Quirk JG, Whalley PJ, Herbert WN etTrubey R, Fetal lung maturation
in twin gestation. Am J Obstet Gynecol, 1984, 148, 405-11.
4. Laatikainen TJ, Raisanen IJ etSalminen KR, Corticotropin-releasing hormone
in amniotic fluid during gestation and labor and in relation to fetal lung maturation.
Am J Obstet Gynecol, 1988, 159, 891-5.
5. Piper JM etLanger O, Is lung maturation related to fetal growth in diabetic
or hypertensive pregnancies? Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol, 1993, 51, 15-9.
6. Tyson JE, Kennedy K, Broyles S etRosenfeld CR, The small for gestational
age infant: accelerated or delayed pulmonary maturation? Increased or decreased
survival? Pediatrics, 1995, 95, 534-8.
7. Bardin C, Zelkowitz P etPapageorgiou A, Outcome of small-for-gestational
age and appropriate-for-gestational age infants born before 27 weeks of gestation.
Pediatrics, 1997, 100, E4.
8. Ley D, Wide-Swensson D, Lindroth M, Svenningsen N etMarsal K, Respiratory
distress syndrome in infants with impaired intrauterine growth. Acta Paediatr,
1997, 86, 1090-6.
9. Baud O, Zupan V, Lacaze-Masmonteil T, Audibert F, Shojaei T, Thebaud B, Ville
Y, Frydman R etDehan M, The relationships between antenatal management, the
cause of delivery and neonatal outcome in a large cohort of very preterm singleton
infants. Bjog, 2000, 107, 877-84.
10. Bernstein IM, Horbar JD, Badger GJ, Ohlsson A etGolan A, Morbidity and mortality
among very-low-birth-weight neonates with intrauterine growth restriction. The
Vermont Oxford Network. Am J Obstet Gynecol, 2000, 182, 198-206.
11. Simchen MJ, Beiner ME, Strauss-Liviathan N, Dulitzky M, Kuint J, Mashiach
S etSchiff E, Neonatal outcome in growth-restricted versus appropriately grown
preterm infants. Am J Perinatol, 2000, 17, 187-92.
12. Chen SJ, Vohr BR etOh W, Effects of birth order, gender, and intrauterine
growth retardation on the outcome of very low birth weight in twins. J Pediatr,
1993, 123, 132-6.
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