Reconstruction du plancher pelvien par
voie clioscopique
B. DEVAL, P. MADELENAT
Depuis l'introduction de la clioscopie dans
la chirurgie de la statique pelvienne de la femme en 1991, avantages et inconvénients,
résultats fonctionnels à court et moyen terme, ont permis de juger de
la validité de l'endoscopie dans la chirurgie de l'incontinence et du prolapsus
génital de la femme. La validation des techniques, l'exploitation des résultats,
conduisent à penser qu'il existe une réelle place de la clioscopie dans
la chirurgie de reconstruction du plancher pelvien.
La visualisation macroscopique des
espaces péritonéaux et sous péritonéaux, le respect pariétal,
la durée d'hospitalisation et d'indisponibilité réduites constituent
les avantages reconnus de la coeliochirurgie. Toutefois la durée opératoire,
la courbe d'apprentissage, le coût d'intervention, la morbidité per et
post-opératoire constituent les inconvénients de l'abord coelio-chirurgical.
Chirurgie de l'incontinence de la femme par voie clioscopique
Anatomie
La connaissance des vaisseaux pariétaux et
rétropéritonéaux est indispensable aux coeliochirurgiens, afin d'éviter
toute blessure vasculaire lors des la mise en place des trocarts. Sur la face profonde
des muscles grands droits cheminent l'artère épigastrique superficielle
(branche de l'artère fémorale) et l'artère épigastrique inférieure
(branche de l'artère iliaque externe) ; elles sont accompagnées de deux
veines épigastriques, l'ensemble vasculaire peut être transilluminé
afin d'éviter les accidents vasculaires lors de la mise en place des trocarts.
Vestige embryonnaire l'ouraque s'étend du dôme vésical à l'ombilic,
parfois l'ouraque est vascularisé, il peut être intéressé lors
de la mise en place des trocarts. Approximativement l'ombilic est au niveau de l'articulation
L3-L4, la bifurcation aortique quant à elle est au niveau L4-L5. Pour les femmes
obèses l'ombilic est en regard de la bifurcation aortique de ce fait l'angle
d'attaque du trocart ombilical doit être de 90°, pour ces femmes à
risque. La veine iliaque primitive gauche croise la face antérieure du ligament
vertébral commun antérieur (en regard du promontoire) et en deçà
de l'ombilic, les artères iliaques primitives courent sur 5 cm avant leur bifurcation
en iliaque externe et interne. L'uretère droit croise l'artère iliaque
externe droite, l'uretère gauche croisant l'artère iliaque primitive gauche.
Le dôme vésical se situe
à 3 cm au dessus de la symphyse pubienne lorsque la vessie est remplie à
300 ml. La vessie étant séparée de la face postérieure du pubis
par un espace virtuel, l'espace prévésical ou rétropubien de Retzius.
L'espace de Retzius est limité par les branches ischio-pubiennes, surmontées
des ligaments de Cooper ; les veines obturatrices accessoires, les nerfs obturateurs
accessoires étant situés à 3, 4 cm au dessus de l' arc tendineux
du fascia pelvien sur la face profonde des branches iscio-pubiennes.
Résultats et complications de la colposuspension de Burch par
clioscopie
Résultats du Burch clioscopique
Liu (1994) rapporte une série de 132
patientes suivies de 3 à 27 mois avec un taux de succès de 97 % et un
taux de complication de 10 % (plaie vessie, obstruction urétérale, dysurie,
impériosité). Lobel et col (1997) rapportent un taux de succès identique
à 1 an en comparaison au Burch ouvert mais dont le taux de succès décroît
considérablement avec le temps (au-delà de 36 mois : 69 % de succès).
Ross et col (1998) rapportent un taux de succès de 93 % à 1 an et de 89
% à 2 ans. L'ensemble des publications ne différencient pas les complications
majeures, des complications mineures. Le taux de complication variant de 0 à
25%. La plaie de vessie per-opératoire étant la complication la plus fréquente,
son taux déclinant avec l'expérience de l'opérateur. Au total la
fréquence de femmes continentes varie entre 69 et 100 %. La durée opératoire
variant de 35 à 330 mn. La plupart des auteurs rapportent une réduction
, de la douleur, des difficultés mictionelles, du temps opératoire, du
taux de saignement , de l'impériosité mictionelle et de la dysurie post-opératoire
en comparaison à la colposuspension de Burch par laparotomie.
Résultats du Burch modifiée
Plusieurs modifications ont été
crées de manière à améliorer la faisabilité du Burch clioscopique
; Ou et al (1993) rapportent une série de 40 patientes ayant bénéficié
de la mise en place d'une prothèse de polypropylène agrafée aux ailerons
vaginaux. Ils décrivent un taux de succès de 100 % à 6 mois. Von
Théobald (1995) à propos d'une série de 37 patientes décrit
un taux de succès de 70 % et d'amélioration de 16 %, plaies de vessie
(n =2 ) et douleurs pelviennes rebelles constituant les complications communes à
ces procédures. Hannah et col (1996) rapportent leur étude à propos
de 100 patientes ; le taux de succès est de 91 % pour des durées de suivi
de 12 à 24 mois. Lyons (1995) rapporte un taux de succès de 92% à
12 mois pour 38 patientes. Henley (1995) décrit son expérience à
propos de 60 patientes sans notion de résultats ni de suivi. Grossman et al
(1996 ) à propos d'une revue de littérature incluant 578 patientes avec
un suivi de 3 à 21 mois trouve un taux de succès de 12 mois avec un taux
de laparoconversion de 3.6 % et un taux de complication de 12.5 %.
Etudes comparatives Burch coelio vs Burch
Laparo
La littérature présente 11 études
comparatives Burton et col (1993-1997) rapportent à propos de 60 patientes
les résultats d'une étude prospective randomisée, les résultats
à 1 et 3 ans sont significativement en faveur de la colposuspension de Burch
par laparotomie (73 vs 97 % à 1 an) ; (63 vs 93 % à 3 ans). Su et col
(1997) rapportent à propos de 92 patientes suivi à 1 an un taux de succès
significativement inférieur dans les colposuspensions clioscopiques. Ross
et al (1995) rapportent un taux de succès de 94 % et de 93 % pour respectivement
le Burch clioscopique et laparotomique. Récemment la colposuspension de Burch
a été comparée au TVT. Utsun et col (2003) ont comparé 23 patientes
dans chaque groupe, le temps de sondage et d'hospitalisation étant supérieur
dans le Burch par clioscopie, les résultats anatomiques et fonctionnels étant
identiques dans les deux groupes. Chung et col (2002) rapportent dans une population
de femmes obèses incontinentes, 91 femmes traitées par TVT seul, comparées
à 51 femmes traitées par un Burch clioscopique, les résultats préliminaires,
en terme de durée d'hospitalisation, durée opératoire, résultats
fonctionnels étant en faveur du TVT.
Etudes de coût
Kung et col (1997) retrouvent un coût
de 2398 $ pour le Burch coelio et de 5692 $ pour le Burch par laparotomie,
une durée d'hospitalisation des 11.2 jours vs 3.6 jours pour respectivement
la laparotomie et la clioscopie. Par contre Loveridge et col (1997) retrouvent
à propos de 49 patientes que le coût d'hospitalisation est réduit
dans le Burch par laparotomie du fait d'une augmentation de la durée opératoire
dans le groupe clioscopique et d'une augmentation de la durée d'hospitalisation
dans le groupe du Burch laparotomique. Kholi et col (1997) retrouvent une durée
d'hospitalisation de 2.1 jours pour la laparotomie et de 1.3 jours pour la clioscopie,
le coût d'hospitalisation étant de 4960 $ pour la clioscopie et
de 4079 $ pour la laparotomie.
Chirurgie du prolapsus génital par voie clioscopique
Anatomie
Selon DeLancey (1992), le tiers supérieur
du vagin est suspendu par les ligaments cardinaux et les ligaments utéro-sacrés
(niveau 1), le tiers moyen est attaché latéralement à l'arc tendineux
du fascia pelvien et répond à la moitié des releveurs de l'anus (niveau
2), le tiers inférieur répond au corps périnéal (nivceau 3).
Il existe un continuum entre l'intégrité du fascia et le support ligamentaire
des niveaux de De Lancey.
Le but de la chirurgie de reconstruction
est de corriger les ruptures du fascia et de rétablir les supports des trois
niveaux en maintenant l'équilibre fonctionnel antérieur, moyen et postérieur.
Eléments anatomiques du promontoire
et de l'espace pré-sacré
En regard du promontoire se tiennent artères,
veines sacrées moyennes et ligament vertébral commun antérieur, la
bifurcation aortique se situe en regard des vertèbres L4-L5, l'espace pré-sacré
est limité par l'artère et la veine iliaque primitive droite et l'uretère
droit croisant l'artère iliaque externe droite; à gauche le colon sigmoïde
recouvre le sinus sacro-iliaque gauche. L'uretère gauche croise l'artère
iliaque primitive gauche La veine iliaque primitive gauche étant en regard
du ligament vertébral commun antérieur et pouvant être lésé
lors de l'exposition du promontoire.
Eléments anatomiques de la cloison
recto-vaginale
Le fascia de Denonvilliers constitue l'élément
conjonctif de la cloison recto-vaginale, le tiers supérieur du fascia est fixé
au plan des ligaments utéro-sacrés, le tiers moyen au plan des releveurs,
le tiers inférieur au plan périnéal. A ce niveau, le trajet de l'uretère
est au dessus du plan des utéro-sacrés et en deçà du plan de
l'artère utérine.
Technique opératoire
Plicature des ligaments utéro-sacrés
Après mise en évidence du trajet
urétéral, la plicature des ligaments utéro-sacrés est réalisée
dans leur portion proximale à l'insertion au col utérin, les fils alors
fixés puis noués par des nuds extra-corporels, Ross et al (1997) décrivent
une technique consistant en une fixation des ligaments utéro-sacrés à
la cloison rect-vaginale, observant une diminution du taux d'élytrocèle.
Technique de Moschowitz
La procédure de Moschovitz consiste à
effacer le cul de sac de Douglas par cloisonnement et douglassectomie. Toutefois,
la possibilité d'une lésion urétérale et rectale rendent la
technique peu reproductible.
Promontofixation ou sacro-colpopexie
La promontofixation par voie endoscopique
vit un renouveau par le biais de l'amélioration du matériel clioscopique.
Les indications restent classiques, prolapsus du dôme vaginal, cystocèle,
élytrocèle, hystérocèle peuvent être corrigées par
la mise en place d'une double pro thèse tendue du fond vaginal au ligament
vertébral commun antérieur. Un trocart de 10 mm est inséré au
quadrant inférieur droit, il permet la mise en place du matériel prothétique
et de la pince endohernia permettant l'agrafage de la mèche au mur antérieur,
postérieur et au fond vaginal, ainsi qu' au ligament vertébral commun
antérieur.
Rectocèle
La dissection recto-vaginale permet la mise
en évidence de la face antérieure du rectum, du fascia recto-vaginal et
du corps périnéal. Le fascia recto-vaginal peut être fixé au
fascia iliococcygien, les muscles releveurs peuvent également être plicaturés.
Lyons et col (1997) ont rapporté l'utilisation de mèche de poly-propylène
dans les rectocèles de degré 2.
Résultats cliniques et complications
Lyons et col rapportent 276 cures d'élytrocèle
par voie clioscopique ne notant pour seule complication qu'une infection du point
de trocart. Cadeddu et col (1996) ont décrit la technique de cure d'élytrocèle
selon Moschowitz. Koninckz et col (1995) ont associé vaporisation laser du
sac péritonéal et plastie des ligaments utéro-sacrés suspendus
à la paroi postérieure du vagin. Lyons et col ont évalué 20
patientes ayant bénéficié d'une cure de rectocèle par voie clioscopique
avec mise en place de prothèse par voie clioscopique. Le temps opératoire
moyen est de 35 mn (20-48 mn). 80 % des patientes étant améliorées
après 1 an. Nezhat et col (1994) rapportent une série de 15 patientes
ayant bénéficié d'une sacrocolpopexie clioscopique, le temps moyen
d'hospitalisation étant de 170 mn, les pertes de sang de 226ml, la durée
moyenne d'hospitalisation de 2.3 jours excluant 1 cas d'hémorragie présacrée.
Le taux de succès du prolapsus du fond étant de 100 % à 40 mois.
Ross et col (1997) ont évalué 19 patientes ayant bénéficié
d'une promonto-fixation par voie clioscopique. Les auteurs rapportent sept complications,
le taux de succès à 1 an étant de 100 %.
Discussion
L'abord coelio-chirurgical est un moyen d'accès
et non une technique opératoire, son implication dans la chirurgie réparatrice
du plancher pelvien nécessite une évaluation à long terme par le
biais d'études de faisabilité et une étude par le biais d'études
prospectives comparatives.
La plaie de vessie est probablement
la complication la plus fréquente diminuant avec l'expérience de l'opérateur,
il semble que le taux d'infection urinaire soit en clioscopie moins fréquente.
Les bénéfices de la clioscopie restent le respect pariétal, la diminution
de la durée d'hospitalisation et la diminution de la douleur post-opératoire,
la durée et le coût de l'intervention restant plus élevés par
endoscopie.
Les essais de Burton et col ainsi que
Su et col ne sont pas en faveur de la voie clioscopique, toutefois la méthodologie
appliquée permet d'expliquer les différences entre les deux voies d'abord.
Dans la première série les sutures utilisées étaient résorbables,
l'auteur ayant une expérience limitée de la clioscopie, dans le second
cas un fil était utilisé dans le groupe clioscopie, trois fils dans le
groupe laparotomie.
L'apport de la clioscopie dans le
prolapsus génital est en cours d'évaluation, la longueur de la procédure,
l'augmentation des coûts sont un désavantage en comparaison aux techniques
par voie vaginale, toutefois les récentes séries de Wattiez (2003) et
de Cosson (2003) plaident en faveur de l'endoscopie adaptée au prolapsus génital
de la femme. 372 B. DEVAL,
P. MADELENAT RECONSTRUCTION
DU PLANCHER PELVIEN PAR VOIE CLIOSCOPIQUE 373
374 B. DEVAL,
P. MADELENAT RECONSTRUCTION
DU PLANCHER PELVIEN PAR VOIE CLIOSCOPIQUE 375
376 B. DEVAL,
P. MADELENAT Tableau
: Etudes cliniques comparatives Burch clio vs Burch laparo.
Auteurs |
˙Suivi |
˙Nombre de |
˙Burch coelio |
˙Burch Laparo |
˙ |
˙(mois) |
˙patientes |
˙Succès |
˙Succès |
˙Burton (1993) |
˙12 |
˙30/30 |
˙73 |
˙97 |
˙Polascik (1995) |
˙21 / 35.6 |
˙12/10 |
˙83 |
˙70 |
˙Lyons (1995) |
˙>12 |
˙10/10 |
˙90 |
˙90 |
˙Ross (1995) |
˙12 |
˙30/32 |
˙94 |
˙93 |
˙Burton (1997) |
˙36 |
˙30/30 |
˙60 |
˙93 |
˙Su (1997) |
˙>12 |
˙46/46 |
˙80 |
˙96 |
˙Miannay (1998) |
˙24 |
˙36/36 |
˙68 |
˙64 |
˙Saidi (1998) |
˙12/16 |
˙70/87 |
˙91 |
˙92 |
RECONSTRUCTION
DU PLANCHER PELVIEN PAR VOIE CLIOSCOPIQUE 377 |