Apports des explorations uro dynamiques
dans les impériosités et l'incontinence urinaire d'effort
PROFESSEUR A. PIGNE*
Introduction
Peut-on faire confiance à l'examen clinique
? Si la réponse était oui, l'utilité des explorations uro-dynamiques
serait battue en brèche. Cependant, la fiabilité de l'examen clinique
ne dépasse pas 60 %, c'est dire qu'il reste de la place pour des examens permettant
d'affiner notre approche d'un symptôme. Le bilan uro-dynamique (BUD) a pour
intérêt de transformer notre impression clinique qualitative établie
après l'interrogatoire et l'examen clinique de la patiente en données
objectives chiffrées, quantitatives. Cependant, 2 questions vont se poser immédiatement
:
- nos explorations
uro-dynamiques sont-elles fiables ?
- quelle est
la part artéfactuelle pour une exploration qui par définition n'est pas
réalisée dans un contexte physiologique ?
Les impériosités
Qu'attendre de la débitmétrie ?
a - rien d'un examen normal
b - une orientation
étiologique dans le cas d'une courbe évoquant une obstruction
En effet, l'obstruction en particulier
sous-cervicale (bien connue chez l'homme dans le cadre de l'hypertrophie bénigne
de la prostate) existe chez la femme.
Cette obstruction peut être soit
fonctionnelle : coudure urétrale du grand prolapsus, soit organique : sténose
du méat urétral, obstruction mécanique d'une bandelette sous-urétrale
trop tendue.
La symptomatologie classique de l'obstruction
est certes la dysurie. Cependant elle est difficile d'appréciation chez la
femme. Le symptôme le plus fréquemment associé est l'impériosité.
Attitude pratique
Devant une patiente ayant des impériosités
dont l'exploration ne montre qu'une obstruction possible à la débitmétrie,
il faut la rechercher cliniquement voir radiologiquement afin de la lever.
Le traitement symptomatique de l'impériosité
par toute drogue visant à mettre la vessie au repos ne ferait qu'aggraver le
problème en transformant la patiente en une rétentionniste chronique.
Qu'attendre de la cystomanométrie ?
La cystomanométrie est l'étude de la
pression intravésicale au cours du remplissage. Elle explore les caractéristiques
du réservoir vésical. Lors du remplissage, 2 types d'informations vont
être colligées :
Les aspects sensitifs
- B1 premier
besoin mictionnel
- B2 besoin
normal
- B3 le besoin
impérieux.
L'information essentielle à ce
niveau est la chronologie d'apparition de ces besoins : précoce, normale, retardée.
Les aspects moteurs
Existe-t-il lors du remplissage des
contractions non inhibées du détrusor ?
Quelle en est l'amplitude, la date
d'apparition, les facteurs déclenchants ?
Quelle est la réponse urétrale
à cette contraction non inhibée du détrusor ?
a - La courbe
est d'allure normale mais il y a une anomalie des besoins :
Besoin trop précoce
: B1 inférieur à 150 ml témoigne d'une vessie hyperesthésique.
Cette hyperesthésie vésicale cliniquement se traduit par une pollakiurie
avec impériosités.
Impaction des
besoins entre B3 et CVF : lorsque le volume nécessaire entre le besoin
impérieux et la capacité vésicale fonctionnelle est faible, la traduction
clinique est une impériosité survenant lorsque la vessie est pleine.
b - Il existe des contractions
non inhibées du détrusor : d'une amplitude supérieure à 15 centimètres
d'eau, elles définissent l'instabilité vésicale. Cette instabilité
vésicale s'accompagne d'une pollakiurie, éventuellement d'une nycturie
mais surtout de mictions impérieuses qui s'accompagnent ou non de fuites par
urgence en fonction de la réaction urétrale.
Attitude pratique
1 - En cas d'hyperesthésie
vésicale les techniques de rééducation mictionnelle associée
à un antispasmodique vésical donneNT de bons résultats.
2 - L'impaction
des besoins amène à proposer des mictions à intervalles réguliers
afin d'éviter les impériosités à vessie pleine.
3 - En
cas d'instabilité vésicale il faut faire le bilan étiologique avant
de proposer un traitement symptomatique.
Qu'attendre de la profilométrie
La mesure du profil urétral a pour but d'évaluer
la fonction sphinctérienne. Deux techniques sont utilisées en pratique
courante :
- les capteurs
électroniques
- les capteurs
perfusés à eau
Les capteurs perfusés mesurent
en fait une résistance des parois de l'urètre à l'écoulement
de l'eau, cette résistance est la somme de toutes les contraintes appliquées
à l'urètre :
- muscle strié
- muscle lisse
- vascularisation
urétrale
- tissu urétral
- musculature
péri-urétrale
- ligament d'attache
Il faut ensuite définir la normalité
des mesures effectuées. Normalement la pression de clôture décroît
avec l'âge suivant une formule PCMU à un âge donné, N = 110
centimètres H2O moins N +/- 20 %. Cette formule définit donc
trois zones :
- l'hypotonie
urétrale
- l'hypertonie
urétrale
- la zone normale
L'hypotonie urétrale
Elle s'accompagne d'une incontinence
urinaire à l'effort mais aussi de difficultés de retenue et d'impériosités
qui surviennent volontiers à vessie pleine, le matin au lever, lors du changement
de position.
L'hypertonie urétrale
Elle s'accompagne d'une dysurie et
d'impériosités. Devant cette hypertonie urétrale il est important
de faire un bilan étiologique :
- hypertonie
liée à une obstruction mécanique
- hypertonie
liée à une infection urétrale en particulier à Chlamydiae ou
à mycoplasme
Attitude pratique :
1 - En cas d'hypotonie
urétrale les impériosités seront au mieux prises en charge par des
thérapeutiques médicamenteuses œstrogènes chez les femmes ménopausées,
alpha stimulant (DULOXETINE,) et la rééducation uro-gynécologique.
2 - En cas d'hypertonie
urétrale : il faut traiter la cause lorsque celle-ci est mécanique.
En cas de prolapsus avant de proposer
à la patiente une cure chirurgicale de celui-ci afin d'améliorer les impériosités,
un test au pessaire peut être effectué d'autant que la chirurgie serait
réclamée par la patiente non pas tant du fait de la gêne liée
à son prolapsus, que du fait des impériosités. Le pessaire est alors
inséré pendant six semaines et on demande à la patiente de faire
un calendrier la première et la dernière semaine de pose du pessaire.
Deux possibilités : les impériosités persistent. Il n'y a pas d'indication
à une chirurgie du prolapsus pour traiter les impériosités. Les signes
cliniques s'amendent : il devient légitime de proposer un traitement chirurgical
du prolapsus pour traiter les impériosités.
En cas hypertonie urétrale sans
cause retrouvée la thérapeutique s'appuie sur :
a - les alphabloquants
(mais il n'y a pas d'AMM dans cette indication chez la femme)
b - la dilatation
urétrale sous anesthésie générale
L'incontinence d'effort
Qu'attendre de la débitmétrie ?
Le seul intérêt est le dépistage
d'une obstruction. En effet l'existence d'une obstruction pré-existante à
la chirurgie doit faire réfléchir quant à l'opportunité de celle-ci.
En effet tout geste chirurgical portant soit sur le col vésical soit sur l'urètre
moyen risquerait d'aggraver l'obstruction et est source d'une morbidité supplémentaire.
Qu'attendre de la cystomanométrie ?
Connaître la qualité du moteur vésical
:
a - Une grande
vessie hypotonique, hypoesthésique est la source de troubles de la vidange
vésicale en post opératoire.
b - Rechercher
une instabilité vésicale. Classiquement, elle représente une contre-indication
à la chirurgie. De nombreux auteurs s'accordent pour la stratégie suivante
:
- bilan et
recherche étiologique de cette instabilité
- traitement
étiologie et symptomatique de l'instabilité
- réévaluation
des symptômes d'effort et de leur retentissement sur la qualité de vie
de la patiente ; la chirurgie est indiquée uniquement en cas de persistance
d'une gêne importante
Qu'attendre de la profilométrie ?
Déceler une insuffisante pression de clôture
: le pronostic de chirurgie de l'incontinence urinaire d'effort n'est plus autant
lié à la pression de clôture maintenant que l'on utilise les techniques
de bandelettes sous-urétrales. Cependant, le risque d'échec en particulier
lié à des difficultés de retenue est d'autant plus important que
la pression de clôture est inférieure à 30 cm d'H20.
Dans la chirurgie du prolapsus
La profilométrie donne des renseignements
très importants sur les risques post-opératoires de voir apparaître
une incontinence ou des impériosités. L'examen doit être effectué
prolapsus en place puis prolapsus refoulé dans l'axe du vagin. C'est cette
dernière mesure qui doit être prise en compte pour l'information à
la patiente, statistiquement, la pression de clôture mesurée lors du refoulement
est inférieure à celle mesurée lorsque le prolapsus est en place.
Cela s'explique du fait de la correction de la coudure urétrale et de l'effet
pelote du prolapsus sous l'urètre.
Le Vasalva leak point pressure et l'incontinence
urinaire d'effort :
Décrit par Mac Guire aux USA,
cette exploration reste peu prisée par les équipes françaises . Ce
test a pour but de mesurer l'augmentation de pression abdominale capable d'engendrer
une fuite urinaire. Une fuite qui apparaît pour une pression de moins de 60
cmd'H20 témoigne d'une faiblesse des mécanismes de clôture urétrale.
Conclusion
L'exploration urodynamique paraît donc essentielle
avant la prise en charge thérapeutique d'un trouble mictionnel à type
d'impériosités car en fonction de ce bilan on peut être amené
à proposer des attitudes thérapeutiques diamètralement opposées.
Dans l'incontinence d'effort, cette
exploration a une valeur pronostique, informative et doit mettre à l'abri d'un
certain nombre de complications prévisibles.
Devant une pathologie fonctionnnelle,
l'échec thérapeutique est d'autant plus mal vécu que nos critères
d'évaluation reposent sur la qualité de vie de nos patientes. Cet échec
sera source de problèmes relationnels ou médico-légaux si les patientes
ont l'impression que l'on ne s'est pas donné tous les moyens pour comprendre
leur pathologie avant de la traiter.
Bibliographie
Amarenco G, Marquis P, McCarthy C, Richard F :
Qualité de vie des femmes souffrant d'impériosités mictionnelles
avec ou sans fuites : étude prospective après traitement par oxybutinine
(1701 cas) Presse médicale 1998 , 27 :5-10.
Andersson KE : The overactive bladder
: pharmacologic basis of drug treatment . Urololgy 1997 ; suppl.50 : 74-84.
Hermieu JF : Les complications du TVT
. Correspondances en pelvi-périnéologie 2001 ; 1 : 43-46.
* CEEG Paris.
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